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CA Papeete, B, 9 octobre 2025, n° 24/00142

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 24/00142

9 octobre 2025

N°323

MFB

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Copie exécutoire délivrée à :

- [T]

le 9.10.2025

Copie authentique délivrée à :

- Me Varrod

le 9.10.2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 09 octobre 2025

N° RG 24/00142 ;

Décision déférée à la cour : ordonnance n° 55, rg n°23/00252 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 22 mars 2024 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 18 avril 2024 ;

Appelante :

La Société civile [9] Immobilier, demeurant [Adresse 6] ;

Représentée par Me Edouard Varrod, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [J] [O], né le 19 octobre 1959 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 7] ;

M. [B] [V], né le 09 ai 1942 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant [Adresse 11] ;

M. [X] [C], né le 23 janvier 1958 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant [Adresse 12] ;

M. [S] [F] , né le 26 octobre 1953 à [Localité 2], de nationalité fançaise, demeurant [Adresse 1] - France ;

M. [H] [K], né le 30 décembre 1986 à [Localité 3], de nationalité française, [Adresse 5] ;

M. [I] [K], né le 18 mars 1958 à [Localité 3], de nationalité française, [Adresse 5] ;

Mme [D] [K], née le 18 août 1992 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 5] ;

Représentés par Me Mikaël Canevet, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 20 juin 2025 ;

Composition de la cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 septembre 2025, devant Mme Brengard, Présidente de chambre, Mme Martinez et Mme Prieur, conseillères qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffière lors des débats : Mme Souché ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme Brengard, présidente et par Mme Oputu-Teraimateata, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

M.[B] [V], [J] [O], [X] [C], [S] [F], [I] [K], [E] [K] et Mme [D] [K], ( les consorts [V] et autres) étaient associés au sein de la société civile [9] Immobilier (RCS Papeete 86 73 C), qui est propriétaire des murs du centre de rééducation [9] . Ils étaient également actionnaires de la société anonyme 'Centre de rééducation [9]' exploitant la clinique du même nom.

Suivant deux protocoles du 28 février 2022, les consorts [V] et autres ont convenu de céder l'intégralité de leurs participations dans le capital des sociétés [9] Immobilier et Centre de rééducation fonctionnelle [9], à une société nommée Isis Polynésie. Ce projet n'a pu se réaliser car M.[Z] [R] qui n'était pas signataire de la promesse de cession d'actions de la SA centre de rééducation [9], a fait usage de son droit de préemption pour acquérir en totalité les actions de ladite SA et a proposé d'acquérir également les parts sociales de la SC [9] Immobilier .

Au terme d'actes sous seing privés passés le 28 juin 2022, les consorts [B] [V] et autres ont cédé à un groupe de sociétés, l'intégralité des parts sociales de la SC [9] Immobilier, ces actes mentionnant que par acte séparé, le cédant consentait une garantie du passif au profit du cessionnaire. L'engagement de garantie a été contracté par acte du même jour entre les cédants et les sociétés cessionnaires.

Les consorts [B] [V] et autres ont demandé à la SC [9] Immobilier, le remboursement de leurs comptes courants associés d'abord par lettre recommandée du 2 juin 2023 puis en faisant signifier ledit courrier et en signifiant une nouvelle demande de remboursement le 15 septembre 2023.

Faute d'avoir obtenu le paiement des sommes demandées à l'amiable, par acte d'huissier du 13 octobre 2023 et requête déposée au greffe le 19 octobre suivant, les consorts [B] [V] et autres ont saisi le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete d'une demande en paiement à l'égard de la SC [9] Immobilier au titre de créances en compte courant d'associé dont ils estiment être titulaires.

Ils se référaient notamment à l'extrait de grand livre général de la société civile [9] Immobilier à la date du 30 juin 2022 établi par le cabinet comptable Cogere chiffrant leur créance en compte courant d'associé à un montant global de 26.022.853 Fcfp ventilé comme suit :

[B] [V] : 3.301.730 Fcfp ; [X] [C] : 3.247.548 Fcfp ; [J] [O] : 3.248.464 Fcfp ; [S] [F] : 3.248.467 Fcfp ; [H] [E] [K] : 3.310.983 Fcfp ; [D] [K] : 3.310.982 Fcfp ; [I] [A] [K] : 6.354.679 Fcfp.

En défense, la SC [9] Immobilier a opposé la disparition de la créance de compte courant d'associé par abandon de celle-ci à la date de la cession.

***

Suivant ordonnance n° 55 rendue contradictoirement le 22 mars 2024 (RG n°23/000252) , le juge des référés a condamné la SC [9] Immobilier à verser à titre provisionnel les sommes suivantes au titre de leurs créances en compte courant d'associé :

- [B] [V] 3.301.730 Fcfp

- [X] [C] : 3.247.548 Fcfp

- [J] [O] : 3.248.464 Fcfp

- [S] [F] : 3.248.467 Fcfp

- [H] [E] [K] : 3.310.983 Fcfp

- [D] [K] : 3.310.982 Fcfp

- [I] [A] [K] : 6.354.679 Fcfp,

outre une indemnité de procédure de 200'000 Fcfp au demandeur, laissant les entiers dépens à la charge de la SC [9] Immobilier, et disant n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de provision présentée par celle-ci.

La SC [9] Immobilier a relevé appel le 18 avril 2024.

Par une ordonnance rendue le 10 juillet 2024, le premier président de la cour d'appel de Papeete saisi par la requête de la SC [9] Immobilier a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance précitée qui lui était présentée, puis a condamné la requérante à verser aux défendeurs une indemnité de procédure de 150'000 Fcfp et à supporter les dépens.

***

En ses conclusions récapitulatives et responsives n° 3 du 20 juin 2025, la SC [9] Immobilier représentée par ses gérants [Z] [R] et [B] [P], entend voir la cour, infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 22 mars 2024, puis statuant à nouveau,

' débouter les requérants de l'intégralité de leurs prétentions lesquelles sont manifestement injustifiées et même abusives, et s'opposent en tout état de cause à une contestation extrêmement sérieuse ;

A titre reconventionnel,

' condamner individuellement chaque cédant intimé à reverser dans les comptes de la société, les sommes complémentaires qu'ils ont indument perçues en sus de leurs comptes courants d'associés inscrits au bilan de référence du 31 décembre 2021, selon la répartition suivante pour chaque cédant (compte tenu de leur trop-perçu individuel) :

[B] [V] = 2 927 917 Fcfp

[X] [C] = 2 963 336 Fcfp

[J] [O] = 2 962 420 Fcfp

[S] [F] = 3 362 329 Fcfp

[E] [K] = 2 904 592 Fcfp

Mme [D] [K] = 2 904 593 Fcfp

[I] M. [K] = 6 076 471 Fcfp

soit = 24 101 658 Fcfp

- condamner solidairement les intimés à payer à la société SC [9] Immobilier les sommes suivantes, à titre provisionnel :

1 190 460 Fcfp au titre du solde d'impôt sur les transactions pour l'exercice 2021 ;

1 845 670 Fcfp au titre de la CST pour l'exercice 2021 ;

285 000 Fcfp au titre des honoraires du cabinet comptable Cogere au titre de l'etablissement des comptes annuels et de la déclaration fiscale pour l'exercice clos le 31 décembre 2021 ,

84 350 fcfp au titre des honoraires du même cabinet comptable au titre de l'« Assistance juridique à la préparation de l'assemblée générale ordinaire du 07/06/2022 , soit la somme totale de 3 405 480 Fcfp à laquelle les cédants seront solidairement condamnés ;

' l'autoriser à procéder au prélèvement de la somme globale de 27 507 138 Fcfp sur le compte séquestre constitué à cet effet par les cédants (24 101 658 + 3 405 480 = 27 507 138 Fcfp) ;

En toutes hypothèses,

' condamner solidairement les intimés à lui payer une somme de 700 000 Fcfp, au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, outre les entiers dépens de l'instance, de première instance et d'appel ;

Par conclusions du 23 avril 2025, Mme [D] [K], MM.[B] [V], [J] [O], [X] [C], [S] [F], [I] [K] et [E] [K] ( les consorts [V] et autres) intimés entendent voir la cour statuant au vu de l'article 433 du code de procédure civile de Polynésie française :

- Confirmer l'ordonnance de référé querellée en toutes ses dispositions,

- Débouter la société civile [9] Immobilier de ses demandes reconventionnelles en ce qu'elles se heurtent à des contestations sérieuses et excèdent la compétence du juge des référés ;

- La condamner à payer à chacun des intimés la somme de 100.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. Se conformant aux dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.

MOTIFS DE LA DECISION

A l'appui de son appel, la SC [9] soutient en substance que,

- les cédants intimés ont été intégralement remboursés de leur créance en compte courant d'associé, et de surcroît, ils restent débiteurs de sommes à l'égard de la société,

- le bilan comptable de la société au 31 décembre 2021 établit les sommes qui leur étaient dues à cette date, soit au total 21 767 767 Fcfp dont ils ont été intégralement désintéressés avant même la cession intervenue le 28 juin 2022,

- sa demande reconventionnelle est justifiée car les cédants ont une dette à son égard d'un montant global de 24 101 658 Fcfp qu'ils doivent apurer conformément aux termes du contrat de cession qui les oblige à rétablir la situation financière présentée au bilan du 31 décembre 2021.

Ceci étant, la cour retient qu'ainsi que le concluent les consorts [V] et autres,

- la cession de parts sociales n'entraine pas la cession ou l'abandon de compte courant d'associé à moins que les parties n'aient prévu des dispositions contractuelles contraires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'acte de cession concernant la SC [9] Immobilier comprend uniquement une clause de garantie du passif qui n'inclut pas la créance interne de la société à l'égard de ses associés et qui, du reste, concerne les rapports entre les cédants et les cessionnaires ( le groupe des sociétés Moana Nui, B de B, Tavatua etc...) lesquels n'ont pas été appelés en cause dans la présente instance,

- la société est débitrice des comptes courants d'associé et la demande de remboursement de ces comptes peut se faire à tout moment, les cédants n'ayant pas à tenir compte d'éventuelles difficultés financières de l'entité cédée .

- les éléments comptables produits ne montrent pas que les comptes courant d'associés des consorts [V] et autres ont été soldés au jour de la cession intervenue le 28 juin 2022, ces comptes étant distincts de toutes autres créances que les associés pourraient avoir à l'égard de la société tels les dividendes à partager. Au contraire, il ressort de l'extrait du grand livre général au 30 juin 2022 ( établi par un cabinet comptable indépendant) qu'en dépit de remboursements partiels qu'ils ont reçus, les cédants restent bien titulaires de créances au titre de leur compte courant d'associé respectif.

Les consorts [V] et autres justifient avoir régulièrement présenté leur demande de remboursement par acte d'huissier puis par assignation en référé, de sorte que leur créance qui est incontestable en son principe est en outre exigible.

Le juge des référés peut ordonner le paiement d'une provision lorsque la créance ne se heurte à aucune contestation sérieuse : tel est le cas en l'espèce puisqu'il est constant que les intimés ne sont plus associés de la SC [9] qui reste redevable à leur égard du solde de leur compte courant d'associé respectif au jour de la cession, qui est intervenue le 28 juin 2022.

En revanche, comme l'indique l'ordonnance querellée en ses motifs tout à fait pertinents, les demandes reconventionnelles en paiement de sommes qui seraient dues au titre de la garantie de passif excèdent d'autant plus la compétence du juge des référés ( et de la cour d'appel saisie en référé) que les cessionnaires des parts sociales de la société civile [9] Immobilier et bénéficiaires de ladite garantie contractuelle ne sont pas parties au présent procès. Et il n'est pas produit d'éléments comptables montrant qu'à l'évidence, les consorts [V] et autres restent débiteurs de sommes quelconques à l'égard de la société civile [9] Immobilier.

Par conséquent, l'appel étant totalement mal fondé, la décision entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions et les appelants qui doivent, du fait de leur succombance, supporter les entiers dépens, doivent être condamnés au paiement d'une somme totale de 400 000 Fcfp aux intimés pris ensemble, au titre des frais irrépétibles d'appel .

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;

Vu l'appel de la société civile [9] Immobilier,

Déclare l'appel mal fondé,

Confirme en conséquence l'ordonnance de référé querellée en toutes ses dispositions,

Condamne en outre la société civile [9] Immobilier à supporter les entiers dépens d'appel et à payer aux consorts [V] et autres pris ensemble, une indemnité de procédure d'appel de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile.

Prononcé à Papeete, le 9 octobre 2025.

La greffière, La présidente,

signé : M. Oputu-Teraimateata signé : MF. Brengard

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