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Décisions

CA Colmar, ch. 6 (etrangers), 20 octobre 2025, n° 25/03972

COLMAR

Ordonnance

Autre

CA Colmar n° 25/03972

20 octobre 2025

COUR D'APPEL DE COLMAR

SERVICE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES

N° RG 25/03972 - N° Portalis DBVW-V-B7J-IUPF

N° de minute : 445/25

ORDONNANCE

Nous, Marie-Dominique ROMOND, présidente de chambre à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Marine HOUEDE BELLON, greffier ;

Dans l'affaire concernant :

M. [E] [T] [M]

né le 05 Février 1998 à [Localité 4] (GABON)

de nationalité malienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU l'arrêté pris le 08 octobre 2025 par LE PREFET DE L'[Localité 1] faisant obligation à M. [E] [T] [M] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 13 octobre 2025 par LE PREFET DE L'[Localité 1] à l'encontre de M. [E] [T] [M], notifiée à l'intéressé le même jour à 09h33 ;

VU le recours de M. [E] [T] [M] daté du 15 octobre 2025, reçu le même jour à 23h18 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d'annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

VU la requête de LE PREFET DE L'AUBE datée du 16 octobre 2025, reçue le même jour à 13h35 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours de M. [E] [T] [M] ;

VU l'ordonnance rendue le 17 Octobre 2025 à 13h50 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en qualité de magistrat du siège, rejetant les conclusions de nullité in limine litis de M. [E] [T] [M], déclarant le recours de M. [E] [T] [M] recevable, le rejetant, déclarant la requête de LE PREFET DE L'AUBE recevable, et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [E] [T] [M] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 26 jours à compter du 16 octobre 2025 ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [E] [T] [M] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 18 Octobre 2025 à 12h32 ;

VU les avis d'audience délivrés le 18 octobre 2025 à l'intéressé, à Me ADIB Boutheina, avocat choisi, à la SELARL CENTAURE AVOCATS, à LE PREFET DE L'[Localité 1] et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. LE PREFET DE L'[Localité 1], intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 20 octobre 2025, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.

Après avoir entendu M. [E] [T] [M] en ses déclarations par visioconférence, Me ADIB Boutheina, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat choisi, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

Au terme de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président de la Cour d'appel ou son délégué dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, par le préfet du département et, à Paris, par le préfet de police.

L'appel de M. [E] [T] [M] formé par écrit motivé le 18 octobre 2025 à 12 h 37 à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] rendue le 17 octobre 2025 à 13 h 50 doit donc être déclaré recevable.

Au fond :

M.[M] conteste la régularité de la décision de placement en rétention et l'ordonnance de prolongation de la mesure de rétention.

Sur la décision de placement en rétention :

M. [M] considère que le Préfet a commis une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public dès lors que ses antécédents judiciaires démontrent une période d'instabilité désormais surmontée dans la mesure où il s'inscrit pleinement dans une démarche d'insertion. Il estime donc ne pas représenter une menace actuelle à l'ordre public. Il ajoute, par ailleurs, que le critère de menace pour l'ordre public constitue un motif surabondant par rapport au critère des garanties de représentation quand il s'agit de la première ou deuxième demande de prolongation.

Il convient, en premier lieu, de rappeler qu'en vertu de l'article L 741-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut place en rétention l'étranger lorsqu'il ne présente pas de garanties suffisantes de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure d'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effectuve de cette décision. Cette disposition légale précise également que le risque mentionné précédemment est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L 612-3 du CESEDA ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Cette disposition signifie donc que le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement s'apprécie soit en procédant à un examen des critères prévus à l'article L 612-3, soit en se fondant sur le critère de la menace à l'ordre public. Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge, après avoir estimé que les critères de l'article L 612-3 n'étaient pas réunies, a procédé à l'examen de la menace à l'ordre public. En effet, si ce critère n'a pas de caractère autonome s'agissant des conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut placer un étranger en rétention administrative, il n'en reste pas moins que le juge est tenu d'examiner principalement le critère des garanties de représentation et qu'après l'avoir écarté, il doit s'assurer que le critère de la menace à l'ordre public n'est pas non plus établi pour pouvoir ordonner la remise en liberté de l'étranger.

En second lieu et sur le critère de la menace pour l'ordre public, l'examen du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. [M] montre qu'il a été condamné à 9 reprises entre le 2 avril 2019 et le 16 novembre 2023 notamment pour des faits de violences contre les personnes ainsi que pour des faits de transport, détention et offre/cession de stupéfiants, soit du trafic de stupéfiants. Les condamnations les plus notables sont, en matière de violencs sur les personnes, celles prononcées le 29 septembre 2020 pour violences conjugales à la peine de 6 mois d'emprisonnement assorti d'un sursis probatoire d'une durée de 2 ans, sursis entièrement révoqué le 15 avril 2022, ainsi que le 15 mars 2023 à la peine de 3 ans d'emprisonnement pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d'une libération avant le septième jour en récidive et extorsion par violence en récidive. En matière de trafic de strupéfiants, il a été condamné le 30 septembre 2019 à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis, sursis révoqué par la condamnation du 8 février 2021 à la peine de 8 mois d'emrprisonnement pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive.

Par ailleurs, il a été incarcéré du 15 mars 2023 au 13 octobre 2025, cette incarcération ayant été suivie immédiatement d'un placement en rétention.

De tels antécédents judiciaires démontrent que M. [M] était profondément ancré dans la délinquance jusqu'à son incarcération le 15 mars 2023, commettant des actes dont la nature même (atteinte contre les personnes et trafic de stupéfiants portant atteinte à la santé et à la sécurité publiques) démontrent que l'intéressé représente une menace grave à l'ordre public, sachant qu'il a été condamné pour de tels faits en récidive.

Si M. [M] soutient que cette menace n'est plus d'actualité du fait de ses efforts de réinsertion, il convient cependant de noter que s'il justifie avoir exercé une activité professionnelle depuis 2018, elle ne l'a pas empêché de s'inscrire dans le même temps dans la délinquance, cette activité s'étant interrompue depuis le courant de l'année 2022. Par ailleurs, s'il estime que l'exercice d'une activité professionnelle en détention de manière régulière suffit à démontrer ses efforts de réinsertion, il n'en reste pas moins qu'aucun élément du dossier n'établit que ces efforts se poursuivront à la sortie de détention dès lors que la fiche pénale produite aux débats démontre qu'il n'a pu bénéficier d'un aménagement de peine peu de temps avant sa sortie et qu'il ne justifie pas d'une quelconque promesse d'embauche, le tout faisant craindre un risque de récidive.

Dans ces conditions, la menace actuelle à l'ordre public que représente M. [M] est suffisamment démontrée.

Le moyen soulevé sera donc rejeté.

Sur l'ordonnance de prolongation de la mesure de rétention :

sur l'absence de perspectives d'éloignement :

M. [M] affirme qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement dès lors que toute sa famille depeure en France et qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine.

En l'espèce, il convient en premier lieu de rappeler que l'administration a saisi les autorités consulaires maliennes dès le jour même du placement de l'intéressé en rétention, soit le 13 octobre 2025, cette saisine étant accompagnée de toutes les pièces nécessaires à sa reconnaissance par les autorités maliennes. Dans ces conditions, il n'est pas démontré qu'en l'état de la procédure, il n'y aurait aucune perspective d'éloignement.

En second lieu, lors de son audition par les services de gendarmerie de [Localité 5] le 29 avril 2025, M. [M] a indiqué qu'il est célibataire, sans enfant à charge, qu'il a encore de la famille au Mali du côté de son père avec lesquels il n'entretient pas de liens et qu'il est retourné au Mali pour une période de vacances en 2018. Il ressort de ces déclarations, que bien que son cercle familial proche réside en France, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, même s'il n'entretient pas de relations avec ces personnes.

Dès lors, le moyen soulevé sera écarté.

sur l'assignation à résidence :

M. [M] considère remplir les conditions pour bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence.

Cependant, s'il dispose d'un passeport malien en cours de validité, il ne l'a pas remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie préalablement à son placement en rétention. Dans ces conditions et contrairement à ce qu'il soutient, il ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence.

En conséquence, il convient de rejeter l'appel de M. [M] et de confirmer l'ordonnance du premier juge.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel de M. [E] [T] [M] recevable en la forme ;

au fond, le REJETONS;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] en date du 17 octobre 2025 ;

RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont renconnus pendant la rétention :

- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin

- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix

DISONS avoir informé M. [E] [T] [M] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à [Localité 2], en audience publique, le 20 Octobre 2025 à 11h24, en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Me ADIB Boutheina, conseil de M. [E] [T] [M]

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 20 Octobre 2025 à 11h24

l'avocat de l'intéressé

Me ADIB Boutheina

l'intéressé

M. [E] [T] [M]

par visioconférence

l'avocat de la préfecture

non comparant

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 3] pour notification à M. [E] [T] [M]

- à Me ADIB Boutheina

- à LE PREFET DE L'[Localité 1]

- à la SARL CENTAURE AVOCATS

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [E] [T] [M] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé

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