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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 21 octobre 2025, n° 25/01055

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 25/01055

21 octobre 2025

21/10/2025

ARRÊT N° 25/ 369

N° RG 25/01055 - N° Portalis DBVI-V-B7J-Q5ZD

SM/IA

Décision déférée du 04 Mars 2025

Président du TJ de [Localité 8] 24/01266

R.[Localité 7]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 21/10/2025

à

Me Gilles SOREL

Me Jacques SAMUEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

SARL ACWT 2

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Nicolas BEZOMBES de l'AARPI BLEUROI, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.C.I. JADN

[Adresse 6]

[Localité 5]/FRANCE

Représentée par Me Jacques SAMUEL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 juillet 2025 en audience publique, devant la cour composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère chargée du rapport

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente et par A. CAVAN, greffière

Faits et procédure

La Sci Jadn, venant aux droits de la Sci 3Jca, est propriétaire d'un ensemble immobilier à destination commerciale situé au [Adresse 1] ; ce bâtiment est divisé en plusieurs locaux qu'elle loue à différents locataires.

La Sarl Acwt2 exploite une activité de lavage de voiture et de réparation de pare-brise.

Suivant acte sous seing privé en date du 19 novembre 2004, la Sci 3Jca, aux droits de laquelle vient désormais la Sci Jadn, a consenti à la Sarl Scwd, aux droits de laquelle vient désormais la Sarl Acwt2, un bail commercial portant sur le local n°2, de l'ensemble immobilier.

Suivant acte sous seing privé en date du 21 juin 2006, la Sci 3Jca, aux droits de laquelle vient désormais la Sci Jadn, a consenti à la Sarl Scwd, aux droits de laquelle vient désormais la Sarl Acwt2, un bail commercial portant sur le local n°7.

A partir du début de l'année 2022, la Sarl Acwt2 a rencontré des difficultés de paiement du loyer du local n°2.

Le 16 mai 2023, la Sci Jadn a délivré à la Sarl Acwt2 un commandement de payer la somme de 12 051,89 euros au titre des loyers du deuxième trimestre 2023 ; le preneur s'est acquitté des causes de ce commandement en procédant à deux règlements en dates des 5 et 10 juillet 2023.

Le 4 mars 2024, la Sci Jadn a délivré à la Sarl Acwt2 un second commandement de payer portant sur la somme de 4 126,52 euros, concernant un arriéré de loyer et le paiement d'une facture de pénalités de retard.

Aucun paiement n'est intervenu dans le délai du commandement.

Par acte de commissaire de justice en date du 30 mai 2024, la Sci Jadn a assigné la Sarl Acwt2 devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail commercial, ordonner l'expulsion du preneur et obtenir le règlement des loyers et charges impayés.

Le 31 juillet 2024, le bailleur a fait signifier un troisième commandement de payer au preneur, s'agissant du paiement des loyers du 3ème trimestre 2024 majorés des pénalités.

Par ordonnance de référé du 4 mars 2025, le Président du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais d'ores et déjà et vu l'urgence :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 04 avril 2024, du bail daté du 19 novembre 2004, consenti par la Sci Jadn à la Sarl Acwt2, portant un local n°2 à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de la Sarl Acwt2 et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L.433-1, et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn une somme provisionnelle de 13 987,70 euros au titre des créances de loyers, de charges, de taxes et aux indemnités d'occupation impayées, afférent au bail résilié, du 1er trimestre 2025 inclus ;

- condamné la Sarl Acwt2 au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles, au prorata temporis de son occupation, à compter du 04 avril 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de la Sci Sofinimmo 2 ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres ou surplus de demandes, y compris la demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de grâce ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit ;

- condamné la Sarl Acwt2 aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer et de l'assignation ayant introduit la présente instance.

Par déclaration en date du 28 mars 2025, la Sarl Acwt 2 a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation, la réformation voire l'annulation des chefs de l'ordonnance qui ont :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 4 avril 2024 du bail daté du 19 novembre 2004 consenti par la Sci Jadn à la Sarl Acwt2, portant un local numéro 2 à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion du locataire et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn une somme provisionnelle de 13 987,70 euros au titre des créances de loyers, de charges, de taxes et aux indemnités d'occupation impayées, afférent au bail résilié, du 1er trimestre 2025 inclus ;

- condamné la Sarl Acwt2 au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles, au prorata temporis de son occupation, à compter du 04 avril 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de la Sci Sofinimmo 2 ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres ou surplus de demandes, y compris la demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de grâce ;

- condamné la Sarl Acwt2 aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer et de l'assignation ayant introduit la présente instance.

Le 11 avril 2025, l'affaire a été fixée à bref délai en application des articles 904, 905 et 906-2 alinéa 5 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 16 juin 2025, et l'affaire a été fixée à l'audience du 1er juillet 2025.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions n°3 récapitulatives devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 30 juin 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Acwt 2 demandant, au visa des articles 834 et 835 du code civil, L145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil de :

- infirmant les chefs de jugement de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse le 4 mars 2025, en ce qu'ils ont :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais d'ores et déjà et vu l'urgence :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 4 avril 2024 du bail daté du 19 novembre 2004 consenti par la Sci Jadn à la Sarl Acwt2, portant un local numéro 2 à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion du locataire et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L.433-1, et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn une somme provisionnelle de 13 987,70 euros au titre des créances de loyers, de charges, de taxes et aux indemnités d'occupation impayées, afférent au bail résilié, du 1er trimestre 2025 inclus ;

- condamné la Sarl Acwt2 au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles, au prorata temporis de son occupation, à compter du 04 avril 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de la Sci Sofinimmo 2 ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres ou surplus de demandes, y compris la demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de grâce ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit ;

- condamné la Sarl Acwt2 aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer et de l'assignation ayant introduit la présente instance.

Et statuant à nouveau,

- révoquant l'ordonnance de clôture du 16 juin 2025 aux fins d'admettre les présentes conclusions qui rectifient une erreur matérielle contenue au dispositif des conclusions n°2 récapitulatives de l'appelante communiquées le 13/06/2025, et communiquent une pièce additionnelle n°52 actualisant les règlements opérés par la Sarl Acwt 2 en faveur de la Sci Jadn, le 27/06/2025,

- à titre principal, vu les dispositions des articles 834 et 835 du code civil, la demande dirigée contre le seul bail commercial du local 2 signé entre les parties, les commandements de payer visant la clause résolutoire du bail successivement délivrés pour ce local à la Sarl Acwt 2 les 4 mars et 31 juillet 2024, et l'absence d'urgence démontrée,

- jugeant que les prétentions de la Sci Jadn se heurtent à de multiples contestations sérieuses,

- débouter la Sci Jadn de son appel incident et plus généralement de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la Sci Jadn à verser à la Sarl Acwt 2 une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci Jadn aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maîtres [F] et [G] sur leurs seules affirmations de droits,

- à titre subsidiaire, vu les dispositions des articles L145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, la demande dirigée contre le seul bail commercial du local 2 signé entre les parties, et la situation économique du débiteur et considération prise des besoins du créancier ;

- fixant, sauf à parfaire ou diminuer, la créance de la Sci Jadn à la somme de 12 084,90 euros en principal, intérêts, charges et accessoires dus au titre du solde de facturation du bail du « local 2 » au titre du 3e trimestre 2024 (3T2024) à l'exclusion de tout autre ;

- juger que tout en continuant de régler les loyers en cours du local 2 loué à la Sci Jadn ainsi qu'elle le fait depuis le 4e trimestre de l'année 2024, la Sarl Acwt 2 pourra se libérer en deniers ou quittances, du règlement de cette créance en 7 mensualités de 1 500 euros chacune plus une 8e de 1 584,90 euros, la première des échéances débutant en juillet 2025 et la dernière en février 2026,

- juger que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, les paiements effectués s'imputant par priorité sur le capital,

- juger que la Sarl Acwt 2 devra continuer de régler les loyers en cours du local 2 à compter du 3e trimestre de l'année 2025 et assortir cette obligation de la faculté pour le locataire de s'acquitter mensuellement plutôt que trimestriellement de ces loyers en cours, durant la période accordée au locataire pour s'acquitter du remboursement de ses arriérés de la dette locative,

En conséquence :

- suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire du bail commercial du local 2 visée dans le commandement délivré à la Sarl Acwt 2 le 4 mars 2024, ainsi que dans celui délivré le 31 juillet 2024 ;

- rappeler que la clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère de cette dette locative dans les conditions fixées par la décision à intervenir,

- en tout état de cause :

- débouter la Sci Jadn du surplus de ses demandes et notamment de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit concernant les dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait état en premier lieu de l'absence d'urgence et de l'existence de contestations sérieuses se heurtant à toute décision dans le cadre de la procédure de référé.

Sur le fond et à titre de contestations qu'elle estime sérieuses, elle affirme que les baux portant sur les locaux n°2 et 7 sont indivisibles et qu'ils ne peuvent pas être exploités séparément.

Elle ajoute que la procédure a été menée de manière irrégulière par le bailleur, en ce que les causes du commandement et de l'assignation étaient éteintes lorsque le premier juge a statué.

Elle argue par ailleurs du paiement régulier de ses loyers, à l'exception d'une fraction du troisième trimestre 2024, et de règlements en sus afin d'apurer les arriérés, et estime ainsi qu'aucune urgence n'est caractérisée.

A titre subsidiaire, elle conteste le montant de sa dette et sollicite des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire.

Vu les conclusions d'intimée n°2 devant la Cour d'appel de Toulouse statuant à bref délai notifiées le 5 juin 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sci Jadn demandant, au visa des articles 835 du code de procédure civile, L145-41 du code de commerce, 1193 et 1343-5 du code civil, de :

- à titre principal : confirmer l'ordonnance du juge des référés du 4 mars 2025 en ce qu'il a :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 04 avril 2024, du bail daté du 19 novembre 2004, consenti par la Sci Jadn à la Sarl Acwt2, portant un local n°2 à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de la Sarl Acwt2 et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- condamné la Sarl Acwt2 au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles, au prorata temporis de son occupation, à compter du 04 avril 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de la Sci Sofinimmo 2 ;

- condamné la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme de 1 000 euros (mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sarl Acwt2 aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer et de l'assignation ayant introduit la présente instance,

- à titre subsidiaire,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail du 19 novembre 2004, à effet du 31 août 2024 par suite du commandement de payer demeuré infructueux délivré le 31 juillet 2024 ;

- ordonner l'expulsion des lieux loués de la Sarl Acwt2 et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la signification de l'ordonnance et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- ordonner le transport et la séquestration des meubles garnissant les lieux dans un garde-meubles désigné par le bailleur en garantie des sommes dues, aux frais, risques et périls de la Sarl Acwt2 ;

- condamner la Sarl Acwt2 au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges et à régler à leur échéance normale jusqu'à la libération effective des lieux ;

- à titre infiniment subsidiaire,

- fixer le point de départ des délais de paiement à la date d'expiration du second commandement de payer, soit le 31 août 2024 ;

- dire qu'en cas de nouvelle défaillance de la locataire dans le respect de ses obligations locatives ou des délais de paiement ainsi accordés, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire suspendue reprendra son plein et entier effet, entraînant la résiliation immédiate du contrat de bail, et permettant à la société Jadn de poursuivre l'expulsion de la société Acwt2, ainsi que celle de tous les occupants de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique,

- en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 4 mars 2025 en ce qu'elle a : condamné la société Actw2 au paiement d'une somme provisionnelle de 13 987,70 euros au titre des créance de loyers, de charges, de taxes,

Statuant à nouveau :

- condamner la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme provisionnelle de 13 131,54 euros,

- débouter la société Acwt2 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la Sarl Acwt2 à payer à la Sci Jadn la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, en ce compris le coût des commandements.

Elle conteste l'existence de contestations sérieuses, et rappelle que les deux baux commerciaux sont distincts, qu'ils ne comportent aucune clause de nature à les rendre interdépendants.

Elle ajoute que la délivrance de commandements de payer successifs n'a rien d'irrégulier, et qu'en l'espèce ils portent sur des causes différentes.

Elle affirme par ailleurs que le juge des référés peut accorder une provision sans caractériser une urgence, la seule absence de contestation sérieuse étant suffisante.

Sur le fond, elle affirme que les commandements de payer des 4 mars 2024 et 31 juillet 2024 n'ont pas été régularisés dans le délai d'un mois, de sorte que la clause résolutoire est acquise et qu'elle est fondée à réclamer l'expulsion de sa locataire.

Enfin, elle conclut au rejet des demandes en délais de paiement et suspension de la clause résolutoire, au motif d'un accroissement de la dette du preneur après la délivrance du commandement de payer du 4 mars 2024, des délais dont il a déjà bénéficier du fait de la procédure, et de l'absence de justification des conditions pour obtenir de tels délais.

MOTIFS

A titre liminaire, afin de recevoir les dernières pièces et conclusions signifiées par la société appelante, et avec l'accord des parties, la Cour a, par mention au dossier, ordonné la révocation de la clôture à la date de l'audience, et prononcé la nouvelle clôture à cette même date.

Sur la clause résolutoire

Il ressort des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Dès lors que les éléments soumis à l'appréciation de la Cour ne relèvent pas de l'évidence, il lui appartient donc de constater l'existence de contestations sérieuses, renvoyant ainsi les parties devant le juge du fond.

Le bailleur invoque des retards réguliers dans le paiement des loyers, et un reliquat restant dû à ce jour, en dépit de la délivrance de trois commandements de payer visant la clause résolutoire, pour solliciter la résiliation du bail.

Le preneur lui oppose l'indivisibilité des deux baux consentis, qu'il estime constituer une contestation sérieuse s'opposant à la demande formée par le bailleur en référé.

Il ajoute avoir régularisé le paiement des retards de loyers suite à la délivrance des commandements, et estime ainsi que le premier juge ne pouvait pas valablement constater l'acquisition de la clause résolutoire.

En tout état de cause, il demande à la Cour de suspendre les effets de la clause résolutoire et de fixer un échéancier pour s'acquitter des retards de loyer.

Sur l'indivisibilité des baux

Il convient de rappeler que deux locaux distincts ont été donnés à bail au preneur, par acte du 19 novembre 2004 (local n°2) puis par acte du 21 juin 2006 (local n°7).

Le preneur soutient que ces deux baux sont indivisibles, et estime qu'il s'agit en conséquence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à toute décision prise dans le cadre du référé ; il n'explique toutefois pas en quoi cette indivisibilité constitue une contestation sérieuse empêchant de statuer sur la mise en 'uvre de la clause résolutoire.

La société Acwt 2 rappelle elle-même les dispositions de l'article 1186 du code civil, selon lesquelles lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

Ainsi la seule conséquence d'une indivisibilité entre les deux baux, en cas de prononcé de la résiliation de l'un d'entre eux, est la caducité du second bail commercial.

Cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué sur la mise en 'uvre de la clause résolutoire s'agissant du bail du local n°2, ayant fait l'objet des incidents de paiement soulevés par le bailleur.

Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la question de l'indivisibilité des baux, la Cour constate donc qu'aucune contestation sérieuse ne fait obstacle de ce chef, à ce qu'il soit statué sur la demande en résiliation du bail commercial concernant le local n°2.

Sur les causes des commandements de payer

La société Jadn demande à la Cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 19 novembre 2004 portant sur le local n°2, sur le fondement du commandement de payer du 4 mars 2024, et à titre subsidiaire de celui signifié le 31 juillet 2024.

La clause résolutoire figurant à l'article 6 du bail du 19 novembre 2004, est ainsi rédigée :

« Il est expressément stipulé qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, de la TVA ou des charges, et à défaut d'exécution de l'une quelconque des autres stipulations du bail, celui-ci sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de faire prononcer cette résiliation en justice, un mois après un commandement de payer ou une simple mise en demeure restés infructueux.

Egalement en cas de liquidation judiciaire du preneur, le présent bail sera résilié de plein droit.

Le bailleur reprendra la libre disposition des lieux par le seul fait de l'expulsion du preneur prononcée par ordonnance de référé sans que des offres ultérieures puissent arrêter l'effet de cette clause, et sans préjudice de son droit au paiement des loyers courus et à courir jusqu'à la fin de la période triennale en cours et du prix des réparations à la charge du preneur et sous la réserve de toutes autres dus, droits ou actions.

Toute offre de paiement ou d'exécution après l'expiration du délai fixé ci-dessus, sera réputée nulle et non avenue et ne pourra faire obstacle à la résiliation acquise au bailleur ».

Le preneur ne conteste pas les incidents de paiement, mais conteste la résiliation prononcée par le juge des référés, alors que la situation avait été régularisée, et que les causes du commandement du 4 mars 2024 avaient disparu.

Le commandement de payer signifié le 4 mars 2024 portait sur la somme en principal de 3 973,46 euros, solde restant du au titre la facture n°F2300402 portant sur le 1er trimestre de l'année 2024, et de la facture F2400001 correspondant à une majoration de 10% pour retard de paiement.

L'extrait de compte figurant dans le commandement permet de constater que sur la somme totale de 24 058,30 euros due au titre de ce trimestre, le preneur s'est acquitté de deux paiements partiels de 10 000 euros et 4 058,30 euros au cours du mois de janvier, puis d'un paiement de 8 000 euros le 1er février après avoir reçu la facture de majoration de 10% d'un montant de 1 973,46 euros.

La Sarl Acwt 2 affirme s'être acquittée du solde du loyer du 1er trimestre, ainsi que du montant du loyer du 2ème trimestre et des pénalités de retard par 4 règlements des 14, 20, 28 juin 2024 et 3 juillet 2024.

Elle en déduit qu'à la date où le juge des référés a statué, les causes du commandement de payer avaient disparu.

Toutefois, il ne peut qu'être constaté que les sommes dues au titre du commandement de payer du 4 mars 2024 n'ont pas été acquittées dans le délai d'un mois, les paiements invoqués étant postérieurs.

Il résulte pourtant clairement de la clause résolutoire reprise dans le commandement de payer, que le paiement ne peut être libératoire que s'il intervient dans le délai d'un mois.

A défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur était donc en droit d'agir sur le fondement du commandement de payer ; la régularisation postérieure ne constitue pas une contestation sérieuse ainsi que le soutient la société preneuse, et le fait que le bailleur ait délivré un nouveau commandement de payer le 31 juillet 2024 suite à de nouveaux incidents de paiement, ne le prive pas du droit d'agir sur le commandement précédent.

C'est donc à bon droit que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 4 avril 2024, soit un mois après le commandement de payer demeuré infructueux.

En application de l'article L145-41 du code de commerce, des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire peuvent être accordés, même de manière rétroactive, au locataire tant qu'aucune décision définitive constatant ou prononçant la résiliation du bail n'est intervenue, dans les conditions de l'article 1343-5 du code civil, y compris à la suite d'une première demande en appel.

La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1244-1 du code civil applicable en l'espèce, devenu l'article 1343-5, dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.

La Cour constate que les causes du commandement de payer du 4 mars 2024 ont finalement été régularisées par 4 versements intervenus aux mois de juin et juillet 2024.

Toutefois dans le même temps, un nouvel impayé est survenu.

En effet, le preneur ne s'est pas acquitté du paiement du 3ème trimestre 2024, donnant lieu à la délivrance par le bailleur d'un nouveau commandement de payer le 31 juillet 2024.

Aucun paiement n'est intervenu pour ce trimestre, avant la facturation du 4ème trimestre.

La société Acwt 2 justifie avoir payé le montant du 4ème trimestre 2024 et des trois premiers trimestres 2025 sans retard, et avoir effectué des versements supplémentaires de 1 000 euros par mois entre septembre 2024 et février 2024 inclus, puis un versement de 2 000 euros en mars 2025, ainsi que des versements mensuels de 1 500 euros entre avril et juin 2025 inclus, afin de solder progressivement sa dette relative au 3ème trimestre 2024.

Ainsi à la date de l'audience devant la Cour, la société Acwt 2 s'est non seulement acquittée sans retard des loyers en cours, mais effectue par ailleurs des versements mensuels réguliers depuis le mois de septembre 2024 afin de régulariser les impayés du troisième trimestre 2024.

Les versements sur le trimestre de retard de paiement s'élèvent désormais à la somme de 12 500 euros, sur une somme due de 21 934,62 euros correspondant à la facture F2400022, assorti des pénalités de retard (1 973,46 €) et des frais d'huissier (223,46 €), soit une dette totale de 24 284,60 euros.

Il reste donc à devoir la somme de 11 784,60 euros.

Il convient toutefois de constater que dans ses conclusions du 5 juin 2025, la Sci Jadn estime sa créance à la somme de 13 131,54 euros ; le 13 juin 2025, la société preneuse a procédé à un versement de 1 500 euros, de sorte qu'afin de ne pas statuer ultra petita, le montant de la provision accordée ne pourra pas dépasser la demande formée, soit la somme de 11 631,54 euros (13 131,54 ' 1 500 euros).

Les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile permettent au juge des référés d'allouer une provision indépendamment de toute notion d'urgence, de sorte que le moyen invoqué par le preneur sur l'absence d'urgence ne pourra qu'être écarté.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée sur la provision mais uniquement s'agissant du quantum de la provision, qui sera fixé à la somme de 11 631,54 euros.

En régularisant rapidement les causes du commandement de payer du 4 mars 2024, en procédant à des versements mensuels réguliers pour solder le retard visé dans le commandement du 31 juillet 2024, et en s'acquittant des loyers en cours sans retard, la société preneuse a démontré sa bonne foi, et justifie de sa capacité à solder l'intégralité de sa dette dans des délais raisonnables, en poursuivant les versements mensuels.

En l'état des éléments qui précèdent, il convient donc de suspendre les effets de la clause résolutoire, permettant ainsi à la société Acwt 2 de se libérer de sa dette en 8 mois, en procédant au paiement de 7 versements mensuels de 1 500 euros, et un 8ème versement constitué du solde restant dû.

A défaut de respecter cet échéancier, les effets de la clause résolutoire seront acquis.

En revanche, la société preneuse ne pourra qu'être déboutée de sa demande d'être autorisée à payer les loyers à venir mensuellement plutôt que trimestriellement, les parties ayant contractualisé un paiement trimestriel accepté par chacune, et rien ne justifiant que la force obligatoire du contrat soit remise en cause.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la Sarl Acwt 2 au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.

La Sarl Acwt 2, qui succombe, sera par ailleurs condamnée aux entiers dépens d'appel.

En revanche, l'équité ne commande pas d'allouer d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; les parties seront déboutées de leurs demandes sur ce fondement au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt rendu de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande en suspension des effets de la clause résolutoire, et s'agissant du quantum de la dette locative ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Actualise la dette locative de la Sarl Acwt 2 à la somme provisionnelle de 11 631,54 euros, arrêtée au 30 juin 2025 ;

Autorise la Sarl Acwt 2 à se libérer de cette dette par 8 mensualités, dont 7 de 1 500 euros et une 8ème constituée du solde jusqu'à apurement complet, en sus du loyer et des charges courantes, la première mensualité devant être payée au plus tard le 30 octobre 2025 et les suivantes avant le 20 de chaque mois, sauf à ce que des paiements soient intervenus en cours de délibéré ;

Suspend les effets de la clause résolutoire pendant ces délais de paiement ;

Dit que si la Sarl Acwt 2 s'acquitte du paiement des loyers et des charges courants et respecte les délais de paiement consentis, la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué ;

Dit que faute pour la Sarl Acwt 2 de payer les loyers et charges courants à bonne date ou, faute pour elle de payer une seule échéance de l'arriéré locatif, huit jours après l'envoi par la Sci Jadn d'une simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée vaine :

- le tout deviendra immédiatement exigible,

- la clause résolutoire sera à nouveau acquise à la date du 4 avril 2024 et reprendra son plein effet,

- la Sarl Acwt 2 sera tenue au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail commercial s'était poursuivi, jusqu'à parfaite libération des lieux, et condamnée à payer cette indemnité provisionnelle à la Sci Jadn ;

- il pourra être procédé à l'expulsion de la Sarl Acwt 2 et de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux ;

- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Déboute la Sarl Acwt 2 de sa demande en paiement des loyers à venir selon un rythme mensuel plutôt que trimestriel ;

Déboute la Sci Jadn et la Sarl Acwt 2 de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la Sarl Acwt 2 aux entiers dépens d'appel ;

La Greffière La Présidente

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