CA Versailles, ch. com. 3-2, 21 octobre 2025, n° 25/01930
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DC
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 21 OCTOBRE 2025
N° RG 25/01930 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XDDM
AFFAIRE :
S.A.S. 221 B. [Localité 8]
C/
S.E.L.A.R.L. [L]- PECOU
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 21 Novembre 2024 par le Juge commissaire de [Localité 7]
N° RG : 2023J00965
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Katell FERCHAUX-
LALLEMENT
Me Corinna KERFANT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. 221 B. [Adresse 9]
N° SIRET : 843 380 874 RCS [Localité 7]
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 N° du dossier 20250144
Plaidant : Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0311 -
****************
INTIMES :
S.A.S. SPRING [Localité 8]
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19 - N° du dossier 20254529
Plaidant : Me Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0260 -
S.E.L.A.R.L. [L]- PECOU prise en la personne de Me [D] [L] ès qualités de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la société 221 B
[Localité 8]
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Défaillant - déclaration d'appel signifiée à personne habilitée
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,,
Monsieur Cyril ROTH, Président,
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 9 novembre 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la SAS 221 B. [Localité 8] en redressement judiciaire et a désigné la SELARL AJRS en qualité d'administrateur judiciaire ainsi que la SELARL [L]-Pécou en qualité de mandataire judiciaire.
Le 27 juin 2024, le redressement a été converti en liquidation judiciaire ; la société [L]-Pécou a été désignée liquidateur.
Le 4 janvier 2024, la société Spring [Localité 8], bailleur de la société 221 B [Localité 8], a déclaré une créance d'un montant de 1 269 391, 81 euros à titre privilégié.
Le 21 novembre 2024, le juge-commissaire a admis la créance à titre privilégié pour ce montant.
Le 25 mars 2025, la société 221 B. [Localité 8] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par dernières conclusions du 2 mai 2025, elle demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 21 novembre 2024;
Statuant à nouveau,
- rejeter la créance de la société Spring [Localité 8];
- condamner la société Spring [Localité 8] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Spring [Localité 8] aux entiers dépens de la présente instance.
Par dernières conclusions du 30 juin 2025, la société Spring [Localité 8] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 21 novembre 2024 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- condamner la société 221 B. [Localité 8], agissant par son représentant légal, à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil et, très subsidiairement, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société 221 B. [Localité 8], agissant par son représentant légal, aux entiers dépens.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société [L]-Pécou le 14 avril 2025 par remise à personne habilitée. Les conclusions lui ont été signifiées le 7 mai 2025 selon les mêmes modalités. Celle-ci n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er septembre 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
- Sur la créance principale
a- Sur les charges contestées
L'appelante expose que le décompte ne distingue pas les charges des loyers ; que les factures et relevés, insuffisamment précis, ne lui permettent pas de vérifier le bien-fondé des charges, en particulier d'eau, d'électricité et de taxe foncière. Elle ajoute que le mode de calcul des charges n'est pas conforme au bail ; que les acomptes de charges ont augmenté en 2022 sans justification et que les tantièmes varient dans le temps sans explication.
Le bailleur soutient que les charges sont parfaitement justifiées par des relevés de comptes et factures suffisamment clairs et précis. Il fait observer que les tantièmes des charges communes sont différents des tantièmes privatifs, cela expliquant les variations relevées par l'appelante, que les acomptes de charges se sont accrus car la liquidation de charges a augmenté en 2022 et que cette augmentation a été expliquée à l'ensemble des locataires.
Réponse de la cour
Selon le bail commercial conclu le 28 septembre 2018, la société 221 B. [Localité 8] doit s'acquitter pour la location de son local commercial de 468 m² situé au sein du centre commercial [Localité 10], d'un loyer de base annuel de 210 600 euros indexé de plein droit et d'un loyer additionnel correspondant à 8 % ou 12 % de la différence positive entre le chiffre d'affaires annuel du locataire et le loyer de base annuel, le loyer étant payable par trimestre.
Par lettre du 4 janvier 2024, le bailleur a déclaré à la procédure collective de cette dernière une créance de 1 269 391,81 euros à titre privilégié à laquelle est annexé un décompte actualisé au 20 novembre 2023.
Ce décompte ne mentionne que des montants globaux dus au titre des loyers ou indemnités d'occupation, charges et accessoires pour les 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2020, pour les quatre trimestres des années 2021, 2022 et 2023.
A hauteur de cour, outre ce décompte peu précis, le bailleur verse désormais aux débats différents relevés de compte au nom du preneur.
Il s'agit des documents suivants :
- un décompte des sommes dues avant le redressement judiciaire arrêté au 5 janvier 2024, couvrant la période allant du 1er janvier 2020 au 5 janvier 2024.
Ce document indique les montants dus par trimestre au titre des loyers et charges récupérables.
Il précise le montant du « fonds marketing », des provisions sur charges courantes ou de travaux, des rappels de charges, de leur liquidation en crédit ou débit, des charges d'honoraires, d'analyse et d'assistance, des loyers et le cas échéant, des rappels ou abattements sur loyer, de la TVA, des appels de taxe foncière.
Il comporte en outre l'indication des montants dus pour la reconstitution du dépôt de garantie.
A ce relevé, sont jointes les factures trimestrielles dont les éléments coïncident avec les indications du relevé précité (pièce 5) ;
- un relevé individuel des charges « par destination » pour la période allant du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2022, mentionnant les grandes catégories de charges (par exemple, nettoyage, liaisons mécaniques ; taxes, privatifs etc.) ; le montant annuel de chacune de ces catégories, la base, les tantièmes et le montant dû après répartition par l'appelante (pièce 8) ;
- un relevé individuel des charges locatives relatif à la même période décomposant le contenu des grandes catégories de charges en sous-catégories (par exemple : nettoyage extérieur, vitrerie façades, intérieur, régie clientèle) et distinguant pour chacune des sous-catégories la part des charges particulières des charges communes. A l'instar du précédent, il précise le montant total à répartir, la base, les tantièmes et la participation due par l'appelante après répartition.
La cour relève qu'il fait état des charges d'eau et d'électricité communes et privatives dont le montant est contesté par le preneur (pièce9) ;
- deux relevés individuels par répartition arrêtés au 31 décembre 2020 et 2021 relatifs à l'impôt foncier de ces années. Comme les précédents, ils précisent le montant global à répartir, la base, les tantièmes appliqués et la participation de l'appelante.
En outre, pour l'année 2022 est versée aux débats une « fiche descriptive d'imposition par lot à la taxe foncière 2022 » indiquant un montant total dû par l'appelante. S'il mentionne le total dû par l'appelante, il ne donne aucune précision sur les tantièmes ou la somme globale à répartir. Il comporte seulement des indications sur les parts revenant aux différentes collectivités territoriales concernées par la taxe foncière (pièce 10).
Sont en outre produits, pour l'année 2022, période pointée par l'appelante comme ayant subi une forte augmentation des charges, trois relevés de comptes pour l'année 2022 (pièces 12, 13 et 14).
Si le bailleur produit des relevés de comptes détaillés tirés de sa propre comptabilité, il lui appartient toutefois, en l'état des contestations du preneur sur les charges d'eau, d'électricité ou d'imposition, de justifier par des factures de ses fournisseurs le montant global des charges litigieuses et de justifier le montant de la taxe foncière par les avis d'impôt 2022 et 2023 que lui a adressés l'administration fiscale. En l'absence de tels justificatifs, le montant des charges contestées ne peut qu'être rejeté.
Au regard de ces éléments, seront rejetées faute de justificatifs suffisants :
- les factures de taxes foncières 2022 et 2023 soit 28 150 euros + 28 759 euros = 56 509 euros à déduire (voir pièce 10) ;
- les charges d'électricité qui selon les pièces versées aux débats s'élèvent à 4 864,95 euros pour la période 2020 ' 2023 ;
- les charges d'eau, lesquelles sont réclamées à hauteur de la somme globale de 25 506,36 euros.
b- Sur le calcul des charges et la double facturation d'un loyer
Le preneur soutient que le bailleur ne justifie du calcul des charges, faute de donner des éléments sur ce points. Il en déduit qu'il ne respecte pas depuis le début du bail la clef de répartition des charges prévue à l'article 10.1 du contrat. Il fait en outre valoir que le décompte comporte une double facturation du loyer du 2ème trimestre 2021 (92 322,63 euros) ; que les acomptes de charges de l'exercice 2022 ont augmenté sans justification ; que les tantièmes diffèrent en fonction des charges et varient dans le temps.
Le contrat de bail précise à l'article 10.1 du titre I les modalités de répartition et de calcul des charges en renvoyant notamment au règlement de copropriété « dont le preneur déclare connaître les dispositions actuelles ».
Ainsi, il y est précisé que les charges du centre commercial sont réparties « entre les différents exploitants au prorata des millièmes des parties communes attachés à chaque lot de copropriété, étant précisé que dans les cas où les lieux loués ne correspondraient pas à l'intégralité d'un lot de copropriété, la répartition serait effectuée proportionnellement à leur surface par rapport à celle du lot de copropriété en question. »
Le bailleur souligne de manière pertinente que les tantièmes de charges communes diffèrent des tantièmes privatifs, étant observé que chaque catégorie de charge a sa propre clef de répartition, de sorte que l'argument la différence des tantièmes selon la nature des charges est sans portée.
La cour relève en tout état de cause que les relevés de charges précités font état des tantièmes et que le bail et le règlement de copropriété, dont le preneur assure avoir pris connaissance, expliquent les règles de répartition des charges (article 10.1).
Il ressort en outre des relevés que le paiement des charges communes ou de travaux ont donné lieu à des appels de provisions (« acomptes ») et que ces charges ont été liquidées. En effet, les relevés font état soit de remboursements soit d'appels complémentaires, comme le démontrent les rubriques « liquidation charges courantes » ou « liquidation travaux » des relevés, étant observé que le bail prévoit la possibilité de la réalisation travaux , « y compris lourds » dans le but de maintenir le caractère attractif du centre (article 6 du titre II du bail).
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré que la répartition des charges soit erronée.
S'agissant de l'augmentation des charges en 2022 dénoncée par le preneur comme n'étant pas justifiée, le bailleur produit un courrier d'explications daté du 20 juillet 2023 faisant état d'écarts entre le budget voté pour 2022 et le budget réalisé, en raison notamment de l'augmentation du coût de l'énergie. L'intimé ne discute pas ce courrier qui expose en détail les raisons de l'augmentation des postes de charges communes.
En ce qui concerne l'allégation de double facturation du loyer du 2ème trimestre 2021 pour 92 322,66 euros TTC, la cour relève que ce loyer n'est mentionné qu'à une seule reprise dans le décompte sous la référence « échéance 04/2021 » et que ce loyer a fait l'objet de deux facturations dont l'une a été annulée. C'est donc à tort que le preneur soutient l'existence d'une double facturation pour ce loyer.
c- Sur le fonds marketing
Relevant que la charge du fonds marketing pèse tout au long de l'année sur le preneur, ce dernier plaide son absence de contrepartie en termes d'animations et souligne qu'il a été acquitté même durant le Covid alors que le centre commercial était fermé. L'appelant soutient en outre que son montant exact n'est pas établi.
L'intimée reproduit dans ses écritures des photos montrant des animations à Noël.
Réponse de la cour
L'article 9, alinéa 1er, du bail définit le fonds marketing et met à la charge du preneur une somme annuelle de 23 088 euros HT à ce titre. Selon le bail, le fonds est destiné à assurer l'animation, la promotion commerciale et la publicité du centre commercial. Son objet est précisément défini par l'article 7 du titre II du bail qui stipule notamment que les opérations de promotion, d'animation et de publicité sont définies annuellement et librement par le bailleur. Cet article détermine en outre les modalités de sa fixation, de son actualisation, de son indexation et de paiement. Il précise qu'il est payable par quart le premier jour de chaque trimestre. Un remboursement n'est prévu qu'en cas de départ du preneur en cours d'année.
Contrairement à ce que l'appelante affirme, le bail définit son mode de calcul et l'intimée justifie par les relevés de compte et factures du montant trimestriel de ce poste de charges. De surcroît, un seul cas de remboursement est prévu par le bail.
d- Sur les intérêts contractuels
Au visa de l'article L. 622-28, alinéa 1, du code de commerce, l'appelante conteste la déclaration « pour mémoire » des intérêts de retard, estimant que le contrat de bail n'est pas un contrat de prêt assorti d'un différé de paiement de plus d'un an.
L'intimée répond que les intérêts de retard sont en tout état de cause arrêtés au jour du jugement d'ouverture.
Réponse de la cour
Si la déclaration de créance mentionne les intérêts de retard contractuels pour mémoire, c'est à juste titre que l'intimée fait observer qu'ils ne sont pas mentionnés dans l'ordonnance attaquée et qu'en tout cas, ils doivent être arrêtés au jour du jugement d'ouverture.
Au reste, l'intimée ne formule aucune prétention sur les intérêts de retard puisqu'elle se borne à solliciter la confirmation de l'ordonnance du 21 novembre 2024, notamment, en ce qu'elle a admis sa créance à titre privilégié pour la somme de 1 269 391,81 euros. La cour n'est donc pas saisie d'une demande portant sur les intérêts de retard.
e- Sur l'indemnité forfaitaire de 10 %
L'appelante relève que l'indemnité forfaitaire contractuelle s'élève à 115 217,43 euros et qu'elle est calculée sur le montant de la créance en principal en ce compris la TVA. A cet égard, elle conteste le fait que la TVA constitue un préjudice réparable et en conclut qu'elle doit être exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité forfaitaire. Elle ajoute que cette créance comprend elle-même des pénalités d'un montant total de 57 925,26 euros de sorte que la pénalité de 10 % s'est appliquée sur d'autres pénalités. Elle en déduit qu'elle doit être réduite.
L'intimée fait observer qu'il n'appartient pas au juge-commissaire et à sa suite à la cour d'appel de modifier la loi des parties ; qu'il n'entre pas dans l'office juridictionnel de la cour de statuer sur le caractère manifestement excessif de l'indemnité forfaitaire de 10%, ce pouvoir appartenant au seul juge du fond. Elle fait valoir qu'en tout cas, il ne lui appartient pas de démontrer qu'elle a subi un quelconque préjudice ; que cette indemnité permet d'organiser à l'avance l'indemnisation d'un manquement causé par un contractant. Elle soutient que cette indemnité ne s'analyse pas en une clause pénale.
Réponse de la cour
L'article 1231-5 du code civil dispose :
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
Selon une jurisprudence établie la clause pénale a tout à la fois une fonction indemnitaire et une fonction comminatoire.
L'article 26.2.1. du contrat de bail stipule qu'à défaut de paiement de toutes sommes dues en vertu du bail, et notamment des loyers et accessoires à leur échéance, et du seul fait de l'envoi par le bailleur d'une lettre consécutive à cette défaillance, restée infructueuse quarante-huit heures après sa première présentation, comme en toute hypothèse en cas de notification d'un commandement de payer ou d'une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 % à titre d'indemnité forfaitaire.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, cette clause constitue à l'évidence une clause pénale en ce qu'elle prévoit qu'en cas d'impayé, le locataire devra payer au bailleur une majoration sur les loyers et charges impayés, dès lors que les parties ont entendu, par cette stipulation, évaluer forfaitairement et par avance l'indemnité due en cas d'inexécution. En tout état de cause, il entre dans les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et à sa suite de la cour d'appel d'apprécier le caractère manifestement excessif d'une telle clause.
Il n'est pas discuté que l'indemnité forfaitaire réclamée a pour assiette un montant qui inclut la TVA alors qu'elle doit s'appliquer à la créance nette de TVA comme le souligne pertinemment l'appelante.
Par ailleurs, le décompte comporte d'ores et déjà des pénalités de retard sur impayés (9 069,41 euros, 10 15,85 euros le 7 octobre 2021, 19 novembre 202, 9 448,88 euros le 4 févier 2022) et indemnités forfaitaires (9 169,31 euros, le 4 mai 2022 ; 9 169,31 euros, le 28 juillet 2022 et 10 397,96 le 11 mai 2023), représentant la somme globale de 57 400,72 euros.
L'indemnité de 10 % a donc été appliquée sur une créance incluant à plusieurs reprises une indemnité forfaitaire de 10 % sur des impayés ainsi que des pénalités de retard.
Le bailleur a donc d'ores et déjà perçu une indemnisation de son préjudice de sorte de la pénalité supplémentaire demandée est manifestement excessive.
Par voie d'infirmation, il convient de la réduire à la somme d'un euro.
f- Sur l'inclusion dans la créance de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
L'appelante conteste la prise en compte dans la créance d'une somme de 2 000 euros résultant d'une ordonnance de référé du 31 octobre 2023 dès lors que cette décision a été infirmée par un arrêt de cette cour du 6 juin 2024.
A l'inverse, l'intimée estime que cette somme peut être incluse dans sa déclaration de créance dès lors que l'arrêt n'a statué que sur les frais irrépétibles d'appel et dès lors que l'article 26.2.2. du bail le lui permet.
Réponse de la cour
L'article 26.2 .2. du bail prévoit notamment que les frais de poursuites engagés par le bailleur, en ce inclus les honoraires d'avocats sont à la charge du preneur, sauf décision contraire.
Par une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles du 31 octobre 2023, la société 221 B. Vélizy a été condamnée à payer à la société Spring Vélizy la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Cette ordonnance a été infirmée par un arrêt de cette cour du 6 juin 2024 dont le dispositif se présente ainsi qu'il suit :
« La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre intéressant La société 221 B Vélizy,
Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale ; ' »
C'est donc à juste titre que la créance de 2 000 euros, résultant d'un chef non infirmé, a été déclarée par l'intimée.
g- Sur le caractère privilégié de la créance
Invoquant l'article L. 622-16, alinéa 1er, du code de commerce, l'appelante prétend que le privilège du bailleur ne peut s'appliquer pour les loyers et charges dus avant le 9 novembre 2021. Elle déduit de la période couverte par la créance déclarée que celle-ci ne peut être intégralement déclarée à titre privilégié. Elle estime que les toutes les sommes dues avant le 9 novembre 2021 sont de nature chirographaire.
Contestant cette analyse, l'intimée se prévaut de la clause d'imputation prévue par le bail.
Réponse de la cour
L'article L. 622-16, alinéa 1er, du code de commerce énonce qu'en cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n'a de privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure. Ce texte est rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-12 du code de commerce.
Il résulte de ce texte que ne sont concernés que les loyers de sorte que toutes les créances qui ne sont pas des loyers, tels que ces accessoires, ne sont pas couvertes par ce privilège. Ne sont couvertes que les deux années précédant le jugement d'ouverture. En cas de paiement partiel de loyers arriérés dépassant deux ans, à défaut d'indication de règles d'imputation, les règles d'imputation de droit commun conduisent à conférer le privilège aux dettes les plus récentes enfermées dans le délai de deux ans.
Le jugement d'ouverture étant du 9 novembre 2023, le privilège du bailleur concerne la période du 8 novembre 2021 au 8 novembre 2023.
Le décompte produit à l'appui de la déclaration de créance couvre la période allant du 21 février 2020 au 15 janvier 2023.
En l'état des relevés de comptes et décomptes versés aux débats, la créance de loyer (loyer de base et palier de loyer) s'élève pour la période contestée (2000 à 2023) à 861 243,04 euros.
Au regard des dispositions de l'article L. 622-12 précité, la créance de loyer privilégiée sera limitée à la somme de 544 325,96 euros.
Il résulte de l'ensemble de ses éléments que la créance sera admise par voie d'infirmation à la somme de :1 152 174,38 euros ' [56 509 euros (taxes foncières non justifiées) + 4 864,95 euros (électricité) + 25 506,36 euros (eau)]+ 1 euro (indemnité forfaitaire réduite) + 2 000 euros (indemnité de procédure) = 1 067 295,07 euros.
- Sur les demandes accessoires
La solution du litige et l'équité commandent de condamner la société 221 B [Localité 8] à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Admet la créance de la SASU Spring [Localité 8] à la procédure collective de la SAS 221 B. [Localité 8] pour 1 067 295,07 euros dont 544 325,96 euros à titre privilégié ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
Condamne la SAS 221 B. [Localité 8] à payer à la SASU Spring [Localité 8] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DC
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 21 OCTOBRE 2025
N° RG 25/01930 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XDDM
AFFAIRE :
S.A.S. 221 B. [Localité 8]
C/
S.E.L.A.R.L. [L]- PECOU
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 21 Novembre 2024 par le Juge commissaire de [Localité 7]
N° RG : 2023J00965
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Katell FERCHAUX-
LALLEMENT
Me Corinna KERFANT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. 221 B. [Adresse 9]
N° SIRET : 843 380 874 RCS [Localité 7]
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 N° du dossier 20250144
Plaidant : Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0311 -
****************
INTIMES :
S.A.S. SPRING [Localité 8]
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19 - N° du dossier 20254529
Plaidant : Me Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0260 -
S.E.L.A.R.L. [L]- PECOU prise en la personne de Me [D] [L] ès qualités de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la société 221 B
[Localité 8]
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Défaillant - déclaration d'appel signifiée à personne habilitée
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,,
Monsieur Cyril ROTH, Président,
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 9 novembre 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la SAS 221 B. [Localité 8] en redressement judiciaire et a désigné la SELARL AJRS en qualité d'administrateur judiciaire ainsi que la SELARL [L]-Pécou en qualité de mandataire judiciaire.
Le 27 juin 2024, le redressement a été converti en liquidation judiciaire ; la société [L]-Pécou a été désignée liquidateur.
Le 4 janvier 2024, la société Spring [Localité 8], bailleur de la société 221 B [Localité 8], a déclaré une créance d'un montant de 1 269 391, 81 euros à titre privilégié.
Le 21 novembre 2024, le juge-commissaire a admis la créance à titre privilégié pour ce montant.
Le 25 mars 2025, la société 221 B. [Localité 8] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par dernières conclusions du 2 mai 2025, elle demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 21 novembre 2024;
Statuant à nouveau,
- rejeter la créance de la société Spring [Localité 8];
- condamner la société Spring [Localité 8] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Spring [Localité 8] aux entiers dépens de la présente instance.
Par dernières conclusions du 30 juin 2025, la société Spring [Localité 8] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 21 novembre 2024 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- condamner la société 221 B. [Localité 8], agissant par son représentant légal, à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil et, très subsidiairement, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société 221 B. [Localité 8], agissant par son représentant légal, aux entiers dépens.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société [L]-Pécou le 14 avril 2025 par remise à personne habilitée. Les conclusions lui ont été signifiées le 7 mai 2025 selon les mêmes modalités. Celle-ci n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er septembre 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
- Sur la créance principale
a- Sur les charges contestées
L'appelante expose que le décompte ne distingue pas les charges des loyers ; que les factures et relevés, insuffisamment précis, ne lui permettent pas de vérifier le bien-fondé des charges, en particulier d'eau, d'électricité et de taxe foncière. Elle ajoute que le mode de calcul des charges n'est pas conforme au bail ; que les acomptes de charges ont augmenté en 2022 sans justification et que les tantièmes varient dans le temps sans explication.
Le bailleur soutient que les charges sont parfaitement justifiées par des relevés de comptes et factures suffisamment clairs et précis. Il fait observer que les tantièmes des charges communes sont différents des tantièmes privatifs, cela expliquant les variations relevées par l'appelante, que les acomptes de charges se sont accrus car la liquidation de charges a augmenté en 2022 et que cette augmentation a été expliquée à l'ensemble des locataires.
Réponse de la cour
Selon le bail commercial conclu le 28 septembre 2018, la société 221 B. [Localité 8] doit s'acquitter pour la location de son local commercial de 468 m² situé au sein du centre commercial [Localité 10], d'un loyer de base annuel de 210 600 euros indexé de plein droit et d'un loyer additionnel correspondant à 8 % ou 12 % de la différence positive entre le chiffre d'affaires annuel du locataire et le loyer de base annuel, le loyer étant payable par trimestre.
Par lettre du 4 janvier 2024, le bailleur a déclaré à la procédure collective de cette dernière une créance de 1 269 391,81 euros à titre privilégié à laquelle est annexé un décompte actualisé au 20 novembre 2023.
Ce décompte ne mentionne que des montants globaux dus au titre des loyers ou indemnités d'occupation, charges et accessoires pour les 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2020, pour les quatre trimestres des années 2021, 2022 et 2023.
A hauteur de cour, outre ce décompte peu précis, le bailleur verse désormais aux débats différents relevés de compte au nom du preneur.
Il s'agit des documents suivants :
- un décompte des sommes dues avant le redressement judiciaire arrêté au 5 janvier 2024, couvrant la période allant du 1er janvier 2020 au 5 janvier 2024.
Ce document indique les montants dus par trimestre au titre des loyers et charges récupérables.
Il précise le montant du « fonds marketing », des provisions sur charges courantes ou de travaux, des rappels de charges, de leur liquidation en crédit ou débit, des charges d'honoraires, d'analyse et d'assistance, des loyers et le cas échéant, des rappels ou abattements sur loyer, de la TVA, des appels de taxe foncière.
Il comporte en outre l'indication des montants dus pour la reconstitution du dépôt de garantie.
A ce relevé, sont jointes les factures trimestrielles dont les éléments coïncident avec les indications du relevé précité (pièce 5) ;
- un relevé individuel des charges « par destination » pour la période allant du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2022, mentionnant les grandes catégories de charges (par exemple, nettoyage, liaisons mécaniques ; taxes, privatifs etc.) ; le montant annuel de chacune de ces catégories, la base, les tantièmes et le montant dû après répartition par l'appelante (pièce 8) ;
- un relevé individuel des charges locatives relatif à la même période décomposant le contenu des grandes catégories de charges en sous-catégories (par exemple : nettoyage extérieur, vitrerie façades, intérieur, régie clientèle) et distinguant pour chacune des sous-catégories la part des charges particulières des charges communes. A l'instar du précédent, il précise le montant total à répartir, la base, les tantièmes et la participation due par l'appelante après répartition.
La cour relève qu'il fait état des charges d'eau et d'électricité communes et privatives dont le montant est contesté par le preneur (pièce9) ;
- deux relevés individuels par répartition arrêtés au 31 décembre 2020 et 2021 relatifs à l'impôt foncier de ces années. Comme les précédents, ils précisent le montant global à répartir, la base, les tantièmes appliqués et la participation de l'appelante.
En outre, pour l'année 2022 est versée aux débats une « fiche descriptive d'imposition par lot à la taxe foncière 2022 » indiquant un montant total dû par l'appelante. S'il mentionne le total dû par l'appelante, il ne donne aucune précision sur les tantièmes ou la somme globale à répartir. Il comporte seulement des indications sur les parts revenant aux différentes collectivités territoriales concernées par la taxe foncière (pièce 10).
Sont en outre produits, pour l'année 2022, période pointée par l'appelante comme ayant subi une forte augmentation des charges, trois relevés de comptes pour l'année 2022 (pièces 12, 13 et 14).
Si le bailleur produit des relevés de comptes détaillés tirés de sa propre comptabilité, il lui appartient toutefois, en l'état des contestations du preneur sur les charges d'eau, d'électricité ou d'imposition, de justifier par des factures de ses fournisseurs le montant global des charges litigieuses et de justifier le montant de la taxe foncière par les avis d'impôt 2022 et 2023 que lui a adressés l'administration fiscale. En l'absence de tels justificatifs, le montant des charges contestées ne peut qu'être rejeté.
Au regard de ces éléments, seront rejetées faute de justificatifs suffisants :
- les factures de taxes foncières 2022 et 2023 soit 28 150 euros + 28 759 euros = 56 509 euros à déduire (voir pièce 10) ;
- les charges d'électricité qui selon les pièces versées aux débats s'élèvent à 4 864,95 euros pour la période 2020 ' 2023 ;
- les charges d'eau, lesquelles sont réclamées à hauteur de la somme globale de 25 506,36 euros.
b- Sur le calcul des charges et la double facturation d'un loyer
Le preneur soutient que le bailleur ne justifie du calcul des charges, faute de donner des éléments sur ce points. Il en déduit qu'il ne respecte pas depuis le début du bail la clef de répartition des charges prévue à l'article 10.1 du contrat. Il fait en outre valoir que le décompte comporte une double facturation du loyer du 2ème trimestre 2021 (92 322,63 euros) ; que les acomptes de charges de l'exercice 2022 ont augmenté sans justification ; que les tantièmes diffèrent en fonction des charges et varient dans le temps.
Le contrat de bail précise à l'article 10.1 du titre I les modalités de répartition et de calcul des charges en renvoyant notamment au règlement de copropriété « dont le preneur déclare connaître les dispositions actuelles ».
Ainsi, il y est précisé que les charges du centre commercial sont réparties « entre les différents exploitants au prorata des millièmes des parties communes attachés à chaque lot de copropriété, étant précisé que dans les cas où les lieux loués ne correspondraient pas à l'intégralité d'un lot de copropriété, la répartition serait effectuée proportionnellement à leur surface par rapport à celle du lot de copropriété en question. »
Le bailleur souligne de manière pertinente que les tantièmes de charges communes diffèrent des tantièmes privatifs, étant observé que chaque catégorie de charge a sa propre clef de répartition, de sorte que l'argument la différence des tantièmes selon la nature des charges est sans portée.
La cour relève en tout état de cause que les relevés de charges précités font état des tantièmes et que le bail et le règlement de copropriété, dont le preneur assure avoir pris connaissance, expliquent les règles de répartition des charges (article 10.1).
Il ressort en outre des relevés que le paiement des charges communes ou de travaux ont donné lieu à des appels de provisions (« acomptes ») et que ces charges ont été liquidées. En effet, les relevés font état soit de remboursements soit d'appels complémentaires, comme le démontrent les rubriques « liquidation charges courantes » ou « liquidation travaux » des relevés, étant observé que le bail prévoit la possibilité de la réalisation travaux , « y compris lourds » dans le but de maintenir le caractère attractif du centre (article 6 du titre II du bail).
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré que la répartition des charges soit erronée.
S'agissant de l'augmentation des charges en 2022 dénoncée par le preneur comme n'étant pas justifiée, le bailleur produit un courrier d'explications daté du 20 juillet 2023 faisant état d'écarts entre le budget voté pour 2022 et le budget réalisé, en raison notamment de l'augmentation du coût de l'énergie. L'intimé ne discute pas ce courrier qui expose en détail les raisons de l'augmentation des postes de charges communes.
En ce qui concerne l'allégation de double facturation du loyer du 2ème trimestre 2021 pour 92 322,66 euros TTC, la cour relève que ce loyer n'est mentionné qu'à une seule reprise dans le décompte sous la référence « échéance 04/2021 » et que ce loyer a fait l'objet de deux facturations dont l'une a été annulée. C'est donc à tort que le preneur soutient l'existence d'une double facturation pour ce loyer.
c- Sur le fonds marketing
Relevant que la charge du fonds marketing pèse tout au long de l'année sur le preneur, ce dernier plaide son absence de contrepartie en termes d'animations et souligne qu'il a été acquitté même durant le Covid alors que le centre commercial était fermé. L'appelant soutient en outre que son montant exact n'est pas établi.
L'intimée reproduit dans ses écritures des photos montrant des animations à Noël.
Réponse de la cour
L'article 9, alinéa 1er, du bail définit le fonds marketing et met à la charge du preneur une somme annuelle de 23 088 euros HT à ce titre. Selon le bail, le fonds est destiné à assurer l'animation, la promotion commerciale et la publicité du centre commercial. Son objet est précisément défini par l'article 7 du titre II du bail qui stipule notamment que les opérations de promotion, d'animation et de publicité sont définies annuellement et librement par le bailleur. Cet article détermine en outre les modalités de sa fixation, de son actualisation, de son indexation et de paiement. Il précise qu'il est payable par quart le premier jour de chaque trimestre. Un remboursement n'est prévu qu'en cas de départ du preneur en cours d'année.
Contrairement à ce que l'appelante affirme, le bail définit son mode de calcul et l'intimée justifie par les relevés de compte et factures du montant trimestriel de ce poste de charges. De surcroît, un seul cas de remboursement est prévu par le bail.
d- Sur les intérêts contractuels
Au visa de l'article L. 622-28, alinéa 1, du code de commerce, l'appelante conteste la déclaration « pour mémoire » des intérêts de retard, estimant que le contrat de bail n'est pas un contrat de prêt assorti d'un différé de paiement de plus d'un an.
L'intimée répond que les intérêts de retard sont en tout état de cause arrêtés au jour du jugement d'ouverture.
Réponse de la cour
Si la déclaration de créance mentionne les intérêts de retard contractuels pour mémoire, c'est à juste titre que l'intimée fait observer qu'ils ne sont pas mentionnés dans l'ordonnance attaquée et qu'en tout cas, ils doivent être arrêtés au jour du jugement d'ouverture.
Au reste, l'intimée ne formule aucune prétention sur les intérêts de retard puisqu'elle se borne à solliciter la confirmation de l'ordonnance du 21 novembre 2024, notamment, en ce qu'elle a admis sa créance à titre privilégié pour la somme de 1 269 391,81 euros. La cour n'est donc pas saisie d'une demande portant sur les intérêts de retard.
e- Sur l'indemnité forfaitaire de 10 %
L'appelante relève que l'indemnité forfaitaire contractuelle s'élève à 115 217,43 euros et qu'elle est calculée sur le montant de la créance en principal en ce compris la TVA. A cet égard, elle conteste le fait que la TVA constitue un préjudice réparable et en conclut qu'elle doit être exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité forfaitaire. Elle ajoute que cette créance comprend elle-même des pénalités d'un montant total de 57 925,26 euros de sorte que la pénalité de 10 % s'est appliquée sur d'autres pénalités. Elle en déduit qu'elle doit être réduite.
L'intimée fait observer qu'il n'appartient pas au juge-commissaire et à sa suite à la cour d'appel de modifier la loi des parties ; qu'il n'entre pas dans l'office juridictionnel de la cour de statuer sur le caractère manifestement excessif de l'indemnité forfaitaire de 10%, ce pouvoir appartenant au seul juge du fond. Elle fait valoir qu'en tout cas, il ne lui appartient pas de démontrer qu'elle a subi un quelconque préjudice ; que cette indemnité permet d'organiser à l'avance l'indemnisation d'un manquement causé par un contractant. Elle soutient que cette indemnité ne s'analyse pas en une clause pénale.
Réponse de la cour
L'article 1231-5 du code civil dispose :
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
Selon une jurisprudence établie la clause pénale a tout à la fois une fonction indemnitaire et une fonction comminatoire.
L'article 26.2.1. du contrat de bail stipule qu'à défaut de paiement de toutes sommes dues en vertu du bail, et notamment des loyers et accessoires à leur échéance, et du seul fait de l'envoi par le bailleur d'une lettre consécutive à cette défaillance, restée infructueuse quarante-huit heures après sa première présentation, comme en toute hypothèse en cas de notification d'un commandement de payer ou d'une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 % à titre d'indemnité forfaitaire.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, cette clause constitue à l'évidence une clause pénale en ce qu'elle prévoit qu'en cas d'impayé, le locataire devra payer au bailleur une majoration sur les loyers et charges impayés, dès lors que les parties ont entendu, par cette stipulation, évaluer forfaitairement et par avance l'indemnité due en cas d'inexécution. En tout état de cause, il entre dans les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et à sa suite de la cour d'appel d'apprécier le caractère manifestement excessif d'une telle clause.
Il n'est pas discuté que l'indemnité forfaitaire réclamée a pour assiette un montant qui inclut la TVA alors qu'elle doit s'appliquer à la créance nette de TVA comme le souligne pertinemment l'appelante.
Par ailleurs, le décompte comporte d'ores et déjà des pénalités de retard sur impayés (9 069,41 euros, 10 15,85 euros le 7 octobre 2021, 19 novembre 202, 9 448,88 euros le 4 févier 2022) et indemnités forfaitaires (9 169,31 euros, le 4 mai 2022 ; 9 169,31 euros, le 28 juillet 2022 et 10 397,96 le 11 mai 2023), représentant la somme globale de 57 400,72 euros.
L'indemnité de 10 % a donc été appliquée sur une créance incluant à plusieurs reprises une indemnité forfaitaire de 10 % sur des impayés ainsi que des pénalités de retard.
Le bailleur a donc d'ores et déjà perçu une indemnisation de son préjudice de sorte de la pénalité supplémentaire demandée est manifestement excessive.
Par voie d'infirmation, il convient de la réduire à la somme d'un euro.
f- Sur l'inclusion dans la créance de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
L'appelante conteste la prise en compte dans la créance d'une somme de 2 000 euros résultant d'une ordonnance de référé du 31 octobre 2023 dès lors que cette décision a été infirmée par un arrêt de cette cour du 6 juin 2024.
A l'inverse, l'intimée estime que cette somme peut être incluse dans sa déclaration de créance dès lors que l'arrêt n'a statué que sur les frais irrépétibles d'appel et dès lors que l'article 26.2.2. du bail le lui permet.
Réponse de la cour
L'article 26.2 .2. du bail prévoit notamment que les frais de poursuites engagés par le bailleur, en ce inclus les honoraires d'avocats sont à la charge du preneur, sauf décision contraire.
Par une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles du 31 octobre 2023, la société 221 B. Vélizy a été condamnée à payer à la société Spring Vélizy la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Cette ordonnance a été infirmée par un arrêt de cette cour du 6 juin 2024 dont le dispositif se présente ainsi qu'il suit :
« La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre intéressant La société 221 B Vélizy,
Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale ; ' »
C'est donc à juste titre que la créance de 2 000 euros, résultant d'un chef non infirmé, a été déclarée par l'intimée.
g- Sur le caractère privilégié de la créance
Invoquant l'article L. 622-16, alinéa 1er, du code de commerce, l'appelante prétend que le privilège du bailleur ne peut s'appliquer pour les loyers et charges dus avant le 9 novembre 2021. Elle déduit de la période couverte par la créance déclarée que celle-ci ne peut être intégralement déclarée à titre privilégié. Elle estime que les toutes les sommes dues avant le 9 novembre 2021 sont de nature chirographaire.
Contestant cette analyse, l'intimée se prévaut de la clause d'imputation prévue par le bail.
Réponse de la cour
L'article L. 622-16, alinéa 1er, du code de commerce énonce qu'en cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n'a de privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure. Ce texte est rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-12 du code de commerce.
Il résulte de ce texte que ne sont concernés que les loyers de sorte que toutes les créances qui ne sont pas des loyers, tels que ces accessoires, ne sont pas couvertes par ce privilège. Ne sont couvertes que les deux années précédant le jugement d'ouverture. En cas de paiement partiel de loyers arriérés dépassant deux ans, à défaut d'indication de règles d'imputation, les règles d'imputation de droit commun conduisent à conférer le privilège aux dettes les plus récentes enfermées dans le délai de deux ans.
Le jugement d'ouverture étant du 9 novembre 2023, le privilège du bailleur concerne la période du 8 novembre 2021 au 8 novembre 2023.
Le décompte produit à l'appui de la déclaration de créance couvre la période allant du 21 février 2020 au 15 janvier 2023.
En l'état des relevés de comptes et décomptes versés aux débats, la créance de loyer (loyer de base et palier de loyer) s'élève pour la période contestée (2000 à 2023) à 861 243,04 euros.
Au regard des dispositions de l'article L. 622-12 précité, la créance de loyer privilégiée sera limitée à la somme de 544 325,96 euros.
Il résulte de l'ensemble de ses éléments que la créance sera admise par voie d'infirmation à la somme de :1 152 174,38 euros ' [56 509 euros (taxes foncières non justifiées) + 4 864,95 euros (électricité) + 25 506,36 euros (eau)]+ 1 euro (indemnité forfaitaire réduite) + 2 000 euros (indemnité de procédure) = 1 067 295,07 euros.
- Sur les demandes accessoires
La solution du litige et l'équité commandent de condamner la société 221 B [Localité 8] à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Admet la créance de la SASU Spring [Localité 8] à la procédure collective de la SAS 221 B. [Localité 8] pour 1 067 295,07 euros dont 544 325,96 euros à titre privilégié ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
Condamne la SAS 221 B. [Localité 8] à payer à la SASU Spring [Localité 8] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,