CA Rennes, 3e ch. com., 21 octobre 2025, n° 25/00789
RENNES
Autre
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°302
N° RG 25/00789 - N° Portalis DBVL-V-B7J-VUME
(Réf 1ère instance : 2024F847)
M. [X] [O]
M. [H] [G]
C/
S.E.L.A.R.L. [19]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHATELLIER
Me FANEN
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 18]
Parquet Général
M.[O] (LRAR)
M.[G] (LRAR)
[19] (LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, Rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Avis écrit en date du 03.06.2025. Monsieur [F] DELPERIE entendu en ses observations à l'audience du 02.09.2025.
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [X] [O]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 11] (TURQUIE)
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Loic LAVIGNE substituant Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [H] [G]
né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 11] (TURQUIE)
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Loic LAVIGNE substituant Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [19]
immatriculée sous le numéro 493 102 602 du registre du commerce et des sociétés de Lorient prise en la personne de Me [S] [J] es qualités de liquidateur judiciaire de La société [14] immatriculée sous le numéro 829 382 928 prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Julien FANEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
FAITS ET PROCEDURE :
La société par actions simplifiée [13] était dirigée par M. [O]. M. [G] était associé égalitaire pour moitié avec M. [O].
Le 30 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simpli'ée au profit de la société [13], la date de cessation des paiements étant fixée au 16 mars 2021.
Le 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Lorient a décidé de ne plus avoir recours à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée mais à celle de la liquidation judiciaire.
La société [19], anciennement [17], prise en la personne de M. [J], a été désignée liquidateur judiciaire.
Estimant que M. [G], en qualité de gérant de fait, et M. [O] avaient commis des fautes de gestion en s'abtenant de tenir une comptabilité régulière et de procéder aux déclarations régulières des charges fiscales, la société [19], ès qualités, les a assignés en faillite personnelle et paiement au titre de l'insuffisance d'actif.
Par jugement du 29 janvier 2025, le tribunal de commerce de Lorient a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [12],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [15],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles 'ns que de droit,
- Dit que les dépens de 1'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, 'ns et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées.
MM. [O] et [G] ont interjeté appel le 7 février 2025.
Les dernières conclusions de M. [O] sont en date du 18 juin 2025. Les dernières conclusions de M. [G] sont en date du 18 juin 2025. Les dernières conclusions de la société [19], ès qualités, sont en date du 25 juin 2025. L'avis du ministère public est en date du 3 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
M. [O] demande à la cour de :
- Déclarer M. [O] recevable et bien fondé en son appel du jugement,
Y faisant droit :
- Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [13],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [13],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles fins que de droit,
- Dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées,
Et, statuant à nouveau, de :
Sur la mesure de faillite personnelle :
A titre principal :
- Constater que M. [O] n'a pas commis les faits matériels reprochés,
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O],
A titre subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum de la sanction prononcée et, en tout état de cause, la circonscrire dans la limite légale maximale,
Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :
A titre principal :
- Constater que M. [O] n'a commis aucune faute de gestion et, surabondamment, que la société [19] ne démontre pas l'existence d'une insuffisance d'actif au jour de cessation des fonctions de dirigeant de celui-ci et, en tout état de cause, le lien de causalité entre les faits excipés et l'insuffisance d'actif de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de condamnation de M. [O] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif de la société [13],
A titre subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum de la condamnation prononcée,
- Ordonner que M. [O] bénéfice d'un délai de grâce sous la forme d'un différé de paiement d'une durée de vingt-trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
Sur les frais et dépens :
- Condamner la société [19] à payer à M. [O] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel,
- Condamner la société [19] aux entiers dépens,
En tout état de cause :
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
M. [G] demande à la cour de :
- Déclarer M. [G] recevable et bien fondé en son appel du jugement,
Y faisant droit :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [13],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à lla société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [13],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles fins que de droit,
- Dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en débouter,
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
- Dire que M. [G] n'est pas et n'a jamais été dirigeant de fait de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- Constater que M. [G] n'a pas commis les faits matériels reprochés,
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [G],
- Constater que M. [G] n'a commis aucune faute de gestion et, surabondamment, que la société [19] ne démontre pas l'existence d'une insuffisance d'actif au jour de cessation des fonctions de dirigeant de celui-ci et, en tout état de cause, le lien de causalité entre les faits excipés et l'insuffisance d'actif de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de condamnation de M. [G] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif de la société [13],
A titre infiniment subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum des sanctions prononcées et, en tout état de cause, la circonscrire dans les limites légales maximales,
- Ordonner que M. [G] bénéfice d'un délai de grâce sous la forme d'un différé de paiement d'une durée de vingt-trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause :
- Condamner la société [19] à payer à M. [G] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel,
- Condamner la société [19] aux entiers dépens,
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
La société [19], ès qualités, demande à la cour de :
- Dire que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et de M. [I] [G] pour une durée de dix ans,
- Condamné de M. [O] et de M. [I] [G] au paiement d'une somme à la liquidation judiciaire au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif,
- Sur le quantum, réformer le jugement sur le montant de la condamnation,
Statuant à nouveau :
- Condamner M. [O] et de M. [I] [G] in solidum au paiement de la somme de 472 184,57 euros,
- Les débouter de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions,
- Les condamner in solidum à verser la somme de 6.000 euros à la société [19], es qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux dépens.
Le ministère public est d'avis de confirmer le jugement pour ce qui concerne la mesure de faillite personnelle et de l'infirmer sur le montant de la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif pour la porter à la somme de 472.184,97 euros.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la recevabilité des prétentions formées par MM. [G] et [O] dans leurs écritures n°2 et 3 :
La société [19] fait valoir que les prétentions formées par MM. [G] et [O] dans leurs écritures n°2 et 3 seraient irrecevables en ce que les premières conclusions déposées par les appelants dans le délai de l'article 906-2 du code de procédure civiles ne mentionneraient aucun chef du jugement critiqué. Elle ajoute que la cour ne serait saisie d'aucune demande.
Il apparaît que la déclaration d'appel vise spécifiquement chacune des mentions du dispositif du jugement dont appel.
Les premières écritures de MM. [G] et [O] déposées devant la cour formulent dans leur dispositif une demande d'infirmation du jugement. Il n'était pas nécessaire qu'elles reprennent dans le détail les chefs du jugement critiqués dans la mesure ou ces chefs avaient été visés dans la déclaration d'appel.
Il y a lieu de rejeter les demandes de la société [19] tendant à l'irrecevabilité des prétentions formées dans leurs conclusions n°2 et n°3 et à faire retenir que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation des appelants.
Sur la gérance de fait de M. [G] :
La société [19] fait valoir que M. [G] aurait été gérant de faite de la société [13].
Le dirigeant de fait est la personne qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société.
Le siège social de la société [13] était fixé au [Adresse 6], adresse correspondant au domicile de M. [O], [Adresse 3].
L'adresse de M. [G] était distincte.
Il résulte de la convention de compte courant liant la société [13] à la société [10], en date du 10 mai 2017, que M. [O] y était mentionné en qualité de maçon et M. [G] en qualité d'entrepreneur en maçonnerie, chacun d'eux état mentionné comme représentant légal.
Il résulte de la procuration sur compte courant en date du 14 novembre 2017 qu'une procuration sur le compte de la société [13] ouvert dans les livres de la société [10] a été accordée par M. [O], indiqué comme représentant de la société [13], au profit de Mme [E] [A] nom d'usage [O].
Sur le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société [13] en date du 4 mai 2020, M. [G] était désigné comme ancien associé.
Il résulte de la comparaison des signatures sur les statuts de la société [13] et le procès verbal en date du 4 mai 2020, que c'est M. [G] qui a signé le contrat de sous-traitance passé le 13 mai 2020 entre la société [16] et la société [13], cette dernière étant présentée comme représentée par M. [O] en qualité de président. M. [G] a, de même, signé un devis en date du 13 janvier 2020 passé entre la société [13] la société [16] et trois factures de la société [13] sur la société [16] en date du 6 mai 2020.
MM. [G] et [O] produisent devant la cour un ensemble de devis portant le cachet de la société [13] et la signature de M. [G]. Le fait que des devis aient été signés par M. [G] ne caractérise pas, en soi, une activé positive de gestion et de direction alors qu'un salarié peut être, au sein d'une entreprise, en charge de l'établissement des devis.
La société [19], ès qualités, fait en outre valoir que M. [G] se serait présenté devant elle en compagnie de M. [O] dans le cadre du suivi de la procédure collective. Ce simple accompagnement du dirigeant de droit par un associé égalitaire ne constitue pas en soi un acte de gestion.
Il n'est pas établi que M. [G] ait spécifiquement détenu des éléments de la comptabilité de la société [13].
Même pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettent pas de caractériser de la part de M. [G] l'exercice en toute indépendance d'une activité positive de gestion et de direction. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [G] était gérant de fait et en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre.
Sur la faillite personnelle de M. [O] :
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne moral qui a omis de tenir une comptabilité:
Article L653-1 du code de commerce (rédaction en vigueur depuis le 20 novembre 2016) :
I.-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.
Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.
II.-Les actions prévues par le présent chapitre se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure mentionnée au I. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée.
Article L653-3 du code de commerce (rédaction en vigueur du 24 mai 2019 au 14 mai 2022) :
I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;
2° (Abrogé).
3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.
II.-Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée les faits ci-après :
1° (Abrogé)
2° Sous le couvert de l'activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
Article L653-5
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.
La société [19] fait grief à M. [O] de ne pas avoir tenu de comptabilité à compter de l'exercice 2019, ou en tout état de cause d'avoir présenté une comptabilité irrégulière.
La production de la comptabilité a été demandée à plusieurs reprises à M. [O].
M. [O] produit devant la cour le grand livre des comptes sur la période allant du 1er janvier 2017 au 30 juin 2020. Il produit également sur la même période le grand livre des tiers clients, le grand livre des tiers fournisseurs et les tableaux de balance des comptes. L'ensemble de ces documents porte la mention Sage ' Sage 30 Comptabilité i7 8.10. Il en résulte que ces pièces ont été établies au moyen d'un logiciel de comptabilité.
Il produit également un bilan pour la période allant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 édité le 21 mars 2020.
Aucun bilan pour les autres exercices n'est produit.
Aucune autre pièce comptable n'est produite. Il apparaît ainsi que la comptabilité tenue était incomplète.
M. [O] fait valoir qu'il aurait quitté ses fonctions de dirigeant le 4 mai 2020 à la suite de la vente de la société à une personne dénommée [L] [N] à laquelle la présidence de la société a été transmise lors d'une assemblée générale extraordinaire de la société [13] en date du 4 mai 2020.
Cet acte a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2020.
Il n'est pas justifié d'un acte de vente correspondant, ni d'un prix de vente ou du paiement d'un tel prix. Il est justifié que cette personne, désignée comme l'acheteur des parts sociales, de nationalité Bulgare, a été victime d'un vol de ses documents d'identité. Cette identité à été utilisée à plusieurs reprises pour opérer des transferts frauduleux de propriété d'entreprises en difficultés. Le justificatif de domicile produit était un faux et l'adresse communiquée au registre du commerce ne correspondait pas à la nouvelle domiciliation alléguée de la société [13].
Ce transfert allégué de la propriété des parts sociales et ce changement du dirigeant de droit sont donc frauduleux et réputés inexistants. M. [O] est donc resté dirigeant de droit de la société et est resté tenu d'établir une comptabilité jusqu'à l'ouverture de la procédure collective.
M. [O] ne produit aucune pièce comptable postérieure au mois de juin 2020 jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective. Il importe peu qu'au cours de cette période la société ait pu ne pas avoir d'activité, le tenue des comptes devant malgré tout perdurer.
L'omission de tenue d'une comptabilité est donc caractérisée à ce titre également.
M. [O] a eu recours à un montage frauduleux pour échapper à ses responsabilités comptables à une date à laquelle les vérifications sociales et fiscales ont été mises en oeuvre.
Il avait pleine conscience de ses manquements. Il a ainsi été condamné par l'arrêt correctionnel de la cour d'appel de Rennes en date du 11 septembre 2024 à la peine d'emprisonnement délictuel de 15 mois assortis d'un sursis et interdiction de gérer pour une durée de 10 années pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes du 4 mai 2017 au 31 décembre 2019.
M. [O] fait valoir qu'il été condamné par arrêt définitif du 11 septembre 2024 mentionné supra et que l'Urssaf a engagé une procédure de saisie sur son bien immobilier. Il ne justifie pas plus de sa situation personnelle.
La peine d'interdiction de gérer prononcée par la cour d'appel dans son arrêt pénal l'a été sur un fondement distinct de celui en cause en l'espèce. La règle non bis in idem ne s'oppose donc pas au prononcé d'une sanction commerciale au titre de l'absence de tenue d'une comptabilité.
Cette absence de tenue de comptabilité a empéché de façon frauduleuse un suivi de la situation financière de la société. Ces agissements, dans ce contexte, sont particulièrement graves.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [O] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 années.
Sur l'insuffisance d'actif :
Sur la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif :
Le dirigeant d'une société liquidée peut, en cas de faute de gestion, être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif.
Article L651-2 du code de commerce, rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016 :
Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.
L'insuffisance d'actif :
L'insuffisance d'actif résulte de la différence entre les créances telles qu'elles ont été admises, et telles qu'elles se trouvent à la date où l'insuffisance est caractérisée, et l'actif de la société.
Le liquidateur a établi un passif pour un montant de 472.184,97 euros admis à titre définitif.
La procédure collective a été ouverte le 30 septembre 2022. Comme il a été vu supra, la cessation alléguée des fonctions de M. [O] est frauduleuse et a donc été de nul effet. Il est resté dirigeant de droit jusqu'à la date d'ouverture de la procédure.
Pour calculer le montant de l'insuffisance d'actif, il convient de déduire le montant de la condamnation civile dont M. [O] a fait personnellement l'objet par la juridiction pénale au profit de la liquidation, soit la somme de 262.460 euros. Il s'agit d'une créance qui viendra en réduction du passif et il n'est pas justifié qu'elle ne soit pas recouvrable alors que M. [O] a été condamné à la payer et qu'il dispose d'un bien immobilier.
Il y a donc lieu de retenir un montant d'insuffisance d'actif à la somme de 209.724,97 euros.
Les fautes de gestion :
La société [19], ès qualités, fait valoir que M. [O] aurait commis certaines fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif. Elle lui reproche ainsi de ne pas avoir tenu de comptabilité régulière, d'avoir poursuivi une activité déficitaire pendant plusieurs années à son profit, d'avoir cédé frauduleusement ses titres dans la société [13] et d'avoir commis l'infraction de travail dissimulé.
L'absence de tenue d'une comptabilité régulière a été caractérisée supra.
Comme il a également été vu supra, la fin alléguée des fonctions de direction de M. [O] en mai 2020 correspond à un montage frauduleux. Le fait, pour M. [O], d'avoir eu recours à un tel stratagème pour tenter d'échapper à ses responsabilité constitue une faute de gestion. Il s'en est ensuite désintéressé presque totalement de la gestion de la société [13], aggravant ainsi les conséquences de cette faute de gestion et privant la société de la possibilité d'apurer toute ou partie de ses dettes.
Il a de même été vu supra que M. [O] a omis de procéder à l'ensemble des déclarations sociales et qu'il a été condamné de ce chef par décision pénale.
Il résulte des constatations de l'arrêt du 11 septembre 2024 que dès l'année 2017 des rémunérations de salariés ont été occultées pour près de 70.000 euros, l'occultation étant de près de 160.000 euros pour 2018 et de près de 70.000 euros pour 2019.
Au vu des quelques documents comptables produits devant la cour, il apparait que l'absence de prise en compte dans la comptabilité de ces sommes occultées à l'Urssaf, et des cotisations correspondantes, caractérise une exploitation déficitaire de la société. Cette exploitation déficitaire dans la durée, au moyen d'une fraude des droits sociaux, caractérise une faute de gestion.
Sur l'incidence des fautes de gestion sur le montant de l'insuffisance d'actif :
Il a été vu supra que la condamnation de M. [O] résultant de l'arrêt du 11 septembre 2024 ne doit pas être prise en compte au titre de l'insufficance d'actif. En outre, faire porter à M. [O] la charge de payer la somme correspondante au titre de l'insuffisance d'actif revendrait à le condamner deux fois au titre de la même créance alors que l'arrêt pénal est devenu définitif.
Il ne résulte pas du relevé de compte produit par la société [19], ès qualités, ou du grand livre général produit par M. [O] qu'il ait prélevé au cours de ces exercices de sommes excessives à son profit alors qu'il est constant qu'il avait une activité réelle au sein de la société.
L'activité postérieurement au mois de juillet 2020 a été pratiquement inexistante.
Le relevé bancaire produit par la société [19], ès qualités, présentait un solde pratiquement nul à la date du 25 mars 2021. Il n'est ainsi pas établi que le montage frauduleux du transfert de parts sociale et de fin du mandat social de M. [O] ait entraîné une aggravation de la situation financière de la société.
De même, il n'est pas établi que l'absence de comptabilité ait conduit à une augmentation de l'insuffisance d'actif.
Il n'est ainsi pas établi que les fautes de gestion établies à l'encontre de M. [O] aient contribué à l'insuffisance d'actif au delà de celle résultant de l'absence de déclarations sociales complètes.
Au vu de la condamnation déjà prononcée par la juridiction pénale, il y aura lieu de rejeter la demande de condamnation de M. [O] à supporter l'insuffisance d'actif. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [O] aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [12],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle in l'encontre de M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [15],
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Dit qu'en application des articles R653-3 et R661-7 du code de commerce, la présente décision sera notifiée aux parties et au procureur général à la diligence du greffier de la cour dans les huit jours de son prononcé et qu'une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce de Lorient pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues par l'article R621-8 du code de commerce,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [O] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°302
N° RG 25/00789 - N° Portalis DBVL-V-B7J-VUME
(Réf 1ère instance : 2024F847)
M. [X] [O]
M. [H] [G]
C/
S.E.L.A.R.L. [19]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHATELLIER
Me FANEN
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 18]
Parquet Général
M.[O] (LRAR)
M.[G] (LRAR)
[19] (LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, Rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Avis écrit en date du 03.06.2025. Monsieur [F] DELPERIE entendu en ses observations à l'audience du 02.09.2025.
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [X] [O]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 11] (TURQUIE)
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Loic LAVIGNE substituant Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [H] [G]
né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 11] (TURQUIE)
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Loic LAVIGNE substituant Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [19]
immatriculée sous le numéro 493 102 602 du registre du commerce et des sociétés de Lorient prise en la personne de Me [S] [J] es qualités de liquidateur judiciaire de La société [14] immatriculée sous le numéro 829 382 928 prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Julien FANEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
FAITS ET PROCEDURE :
La société par actions simplifiée [13] était dirigée par M. [O]. M. [G] était associé égalitaire pour moitié avec M. [O].
Le 30 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simpli'ée au profit de la société [13], la date de cessation des paiements étant fixée au 16 mars 2021.
Le 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Lorient a décidé de ne plus avoir recours à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée mais à celle de la liquidation judiciaire.
La société [19], anciennement [17], prise en la personne de M. [J], a été désignée liquidateur judiciaire.
Estimant que M. [G], en qualité de gérant de fait, et M. [O] avaient commis des fautes de gestion en s'abtenant de tenir une comptabilité régulière et de procéder aux déclarations régulières des charges fiscales, la société [19], ès qualités, les a assignés en faillite personnelle et paiement au titre de l'insuffisance d'actif.
Par jugement du 29 janvier 2025, le tribunal de commerce de Lorient a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [12],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [15],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles 'ns que de droit,
- Dit que les dépens de 1'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, 'ns et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées.
MM. [O] et [G] ont interjeté appel le 7 février 2025.
Les dernières conclusions de M. [O] sont en date du 18 juin 2025. Les dernières conclusions de M. [G] sont en date du 18 juin 2025. Les dernières conclusions de la société [19], ès qualités, sont en date du 25 juin 2025. L'avis du ministère public est en date du 3 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
M. [O] demande à la cour de :
- Déclarer M. [O] recevable et bien fondé en son appel du jugement,
Y faisant droit :
- Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [13],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [13],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles fins que de droit,
- Dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées,
Et, statuant à nouveau, de :
Sur la mesure de faillite personnelle :
A titre principal :
- Constater que M. [O] n'a pas commis les faits matériels reprochés,
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O],
A titre subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum de la sanction prononcée et, en tout état de cause, la circonscrire dans la limite légale maximale,
Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :
A titre principal :
- Constater que M. [O] n'a commis aucune faute de gestion et, surabondamment, que la société [19] ne démontre pas l'existence d'une insuffisance d'actif au jour de cessation des fonctions de dirigeant de celui-ci et, en tout état de cause, le lien de causalité entre les faits excipés et l'insuffisance d'actif de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de condamnation de M. [O] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif de la société [13],
A titre subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum de la condamnation prononcée,
- Ordonner que M. [O] bénéfice d'un délai de grâce sous la forme d'un différé de paiement d'une durée de vingt-trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
Sur les frais et dépens :
- Condamner la société [19] à payer à M. [O] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel,
- Condamner la société [19] aux entiers dépens,
En tout état de cause :
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
M. [G] demande à la cour de :
- Déclarer M. [G] recevable et bien fondé en son appel du jugement,
Y faisant droit :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [13],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à lla société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [13],
- Dit qu'à cet effet, le greffier fera toutes publicités, mentions et notifications à telles fins que de droit,
- Dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de procédure,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en débouter,
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
- Dire que M. [G] n'est pas et n'a jamais été dirigeant de fait de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- Constater que M. [G] n'a pas commis les faits matériels reprochés,
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [G],
- Constater que M. [G] n'a commis aucune faute de gestion et, surabondamment, que la société [19] ne démontre pas l'existence d'une insuffisance d'actif au jour de cessation des fonctions de dirigeant de celui-ci et, en tout état de cause, le lien de causalité entre les faits excipés et l'insuffisance d'actif de la société [13],
En conséquence :
- Débouter la société [19] de sa demande de condamnation de M. [G] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif de la société [13],
A titre infiniment subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions le quantum des sanctions prononcées et, en tout état de cause, la circonscrire dans les limites légales maximales,
- Ordonner que M. [G] bénéfice d'un délai de grâce sous la forme d'un différé de paiement d'une durée de vingt-trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause :
- Condamner la société [19] à payer à M. [G] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel,
- Condamner la société [19] aux entiers dépens,
- Débouter la société [19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
La société [19], ès qualités, demande à la cour de :
- Dire que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O] et de M. [I] [G] pour une durée de dix ans,
- Condamné de M. [O] et de M. [I] [G] au paiement d'une somme à la liquidation judiciaire au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif,
- Sur le quantum, réformer le jugement sur le montant de la condamnation,
Statuant à nouveau :
- Condamner M. [O] et de M. [I] [G] in solidum au paiement de la somme de 472 184,57 euros,
- Les débouter de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions,
- Les condamner in solidum à verser la somme de 6.000 euros à la société [19], es qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux dépens.
Le ministère public est d'avis de confirmer le jugement pour ce qui concerne la mesure de faillite personnelle et de l'infirmer sur le montant de la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif pour la porter à la somme de 472.184,97 euros.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la recevabilité des prétentions formées par MM. [G] et [O] dans leurs écritures n°2 et 3 :
La société [19] fait valoir que les prétentions formées par MM. [G] et [O] dans leurs écritures n°2 et 3 seraient irrecevables en ce que les premières conclusions déposées par les appelants dans le délai de l'article 906-2 du code de procédure civiles ne mentionneraient aucun chef du jugement critiqué. Elle ajoute que la cour ne serait saisie d'aucune demande.
Il apparaît que la déclaration d'appel vise spécifiquement chacune des mentions du dispositif du jugement dont appel.
Les premières écritures de MM. [G] et [O] déposées devant la cour formulent dans leur dispositif une demande d'infirmation du jugement. Il n'était pas nécessaire qu'elles reprennent dans le détail les chefs du jugement critiqués dans la mesure ou ces chefs avaient été visés dans la déclaration d'appel.
Il y a lieu de rejeter les demandes de la société [19] tendant à l'irrecevabilité des prétentions formées dans leurs conclusions n°2 et n°3 et à faire retenir que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation des appelants.
Sur la gérance de fait de M. [G] :
La société [19] fait valoir que M. [G] aurait été gérant de faite de la société [13].
Le dirigeant de fait est la personne qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société.
Le siège social de la société [13] était fixé au [Adresse 6], adresse correspondant au domicile de M. [O], [Adresse 3].
L'adresse de M. [G] était distincte.
Il résulte de la convention de compte courant liant la société [13] à la société [10], en date du 10 mai 2017, que M. [O] y était mentionné en qualité de maçon et M. [G] en qualité d'entrepreneur en maçonnerie, chacun d'eux état mentionné comme représentant légal.
Il résulte de la procuration sur compte courant en date du 14 novembre 2017 qu'une procuration sur le compte de la société [13] ouvert dans les livres de la société [10] a été accordée par M. [O], indiqué comme représentant de la société [13], au profit de Mme [E] [A] nom d'usage [O].
Sur le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société [13] en date du 4 mai 2020, M. [G] était désigné comme ancien associé.
Il résulte de la comparaison des signatures sur les statuts de la société [13] et le procès verbal en date du 4 mai 2020, que c'est M. [G] qui a signé le contrat de sous-traitance passé le 13 mai 2020 entre la société [16] et la société [13], cette dernière étant présentée comme représentée par M. [O] en qualité de président. M. [G] a, de même, signé un devis en date du 13 janvier 2020 passé entre la société [13] la société [16] et trois factures de la société [13] sur la société [16] en date du 6 mai 2020.
MM. [G] et [O] produisent devant la cour un ensemble de devis portant le cachet de la société [13] et la signature de M. [G]. Le fait que des devis aient été signés par M. [G] ne caractérise pas, en soi, une activé positive de gestion et de direction alors qu'un salarié peut être, au sein d'une entreprise, en charge de l'établissement des devis.
La société [19], ès qualités, fait en outre valoir que M. [G] se serait présenté devant elle en compagnie de M. [O] dans le cadre du suivi de la procédure collective. Ce simple accompagnement du dirigeant de droit par un associé égalitaire ne constitue pas en soi un acte de gestion.
Il n'est pas établi que M. [G] ait spécifiquement détenu des éléments de la comptabilité de la société [13].
Même pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettent pas de caractériser de la part de M. [G] l'exercice en toute indépendance d'une activité positive de gestion et de direction. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [G] était gérant de fait et en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre.
Sur la faillite personnelle de M. [O] :
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne moral qui a omis de tenir une comptabilité:
Article L653-1 du code de commerce (rédaction en vigueur depuis le 20 novembre 2016) :
I.-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.
Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.
II.-Les actions prévues par le présent chapitre se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure mentionnée au I. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée.
Article L653-3 du code de commerce (rédaction en vigueur du 24 mai 2019 au 14 mai 2022) :
I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;
2° (Abrogé).
3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.
II.-Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée les faits ci-après :
1° (Abrogé)
2° Sous le couvert de l'activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
Article L653-5
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.
La société [19] fait grief à M. [O] de ne pas avoir tenu de comptabilité à compter de l'exercice 2019, ou en tout état de cause d'avoir présenté une comptabilité irrégulière.
La production de la comptabilité a été demandée à plusieurs reprises à M. [O].
M. [O] produit devant la cour le grand livre des comptes sur la période allant du 1er janvier 2017 au 30 juin 2020. Il produit également sur la même période le grand livre des tiers clients, le grand livre des tiers fournisseurs et les tableaux de balance des comptes. L'ensemble de ces documents porte la mention Sage ' Sage 30 Comptabilité i7 8.10. Il en résulte que ces pièces ont été établies au moyen d'un logiciel de comptabilité.
Il produit également un bilan pour la période allant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 édité le 21 mars 2020.
Aucun bilan pour les autres exercices n'est produit.
Aucune autre pièce comptable n'est produite. Il apparaît ainsi que la comptabilité tenue était incomplète.
M. [O] fait valoir qu'il aurait quitté ses fonctions de dirigeant le 4 mai 2020 à la suite de la vente de la société à une personne dénommée [L] [N] à laquelle la présidence de la société a été transmise lors d'une assemblée générale extraordinaire de la société [13] en date du 4 mai 2020.
Cet acte a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2020.
Il n'est pas justifié d'un acte de vente correspondant, ni d'un prix de vente ou du paiement d'un tel prix. Il est justifié que cette personne, désignée comme l'acheteur des parts sociales, de nationalité Bulgare, a été victime d'un vol de ses documents d'identité. Cette identité à été utilisée à plusieurs reprises pour opérer des transferts frauduleux de propriété d'entreprises en difficultés. Le justificatif de domicile produit était un faux et l'adresse communiquée au registre du commerce ne correspondait pas à la nouvelle domiciliation alléguée de la société [13].
Ce transfert allégué de la propriété des parts sociales et ce changement du dirigeant de droit sont donc frauduleux et réputés inexistants. M. [O] est donc resté dirigeant de droit de la société et est resté tenu d'établir une comptabilité jusqu'à l'ouverture de la procédure collective.
M. [O] ne produit aucune pièce comptable postérieure au mois de juin 2020 jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective. Il importe peu qu'au cours de cette période la société ait pu ne pas avoir d'activité, le tenue des comptes devant malgré tout perdurer.
L'omission de tenue d'une comptabilité est donc caractérisée à ce titre également.
M. [O] a eu recours à un montage frauduleux pour échapper à ses responsabilités comptables à une date à laquelle les vérifications sociales et fiscales ont été mises en oeuvre.
Il avait pleine conscience de ses manquements. Il a ainsi été condamné par l'arrêt correctionnel de la cour d'appel de Rennes en date du 11 septembre 2024 à la peine d'emprisonnement délictuel de 15 mois assortis d'un sursis et interdiction de gérer pour une durée de 10 années pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes du 4 mai 2017 au 31 décembre 2019.
M. [O] fait valoir qu'il été condamné par arrêt définitif du 11 septembre 2024 mentionné supra et que l'Urssaf a engagé une procédure de saisie sur son bien immobilier. Il ne justifie pas plus de sa situation personnelle.
La peine d'interdiction de gérer prononcée par la cour d'appel dans son arrêt pénal l'a été sur un fondement distinct de celui en cause en l'espèce. La règle non bis in idem ne s'oppose donc pas au prononcé d'une sanction commerciale au titre de l'absence de tenue d'une comptabilité.
Cette absence de tenue de comptabilité a empéché de façon frauduleuse un suivi de la situation financière de la société. Ces agissements, dans ce contexte, sont particulièrement graves.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [O] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 années.
Sur l'insuffisance d'actif :
Sur la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif :
Le dirigeant d'une société liquidée peut, en cas de faute de gestion, être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif.
Article L651-2 du code de commerce, rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016 :
Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.
L'insuffisance d'actif :
L'insuffisance d'actif résulte de la différence entre les créances telles qu'elles ont été admises, et telles qu'elles se trouvent à la date où l'insuffisance est caractérisée, et l'actif de la société.
Le liquidateur a établi un passif pour un montant de 472.184,97 euros admis à titre définitif.
La procédure collective a été ouverte le 30 septembre 2022. Comme il a été vu supra, la cessation alléguée des fonctions de M. [O] est frauduleuse et a donc été de nul effet. Il est resté dirigeant de droit jusqu'à la date d'ouverture de la procédure.
Pour calculer le montant de l'insuffisance d'actif, il convient de déduire le montant de la condamnation civile dont M. [O] a fait personnellement l'objet par la juridiction pénale au profit de la liquidation, soit la somme de 262.460 euros. Il s'agit d'une créance qui viendra en réduction du passif et il n'est pas justifié qu'elle ne soit pas recouvrable alors que M. [O] a été condamné à la payer et qu'il dispose d'un bien immobilier.
Il y a donc lieu de retenir un montant d'insuffisance d'actif à la somme de 209.724,97 euros.
Les fautes de gestion :
La société [19], ès qualités, fait valoir que M. [O] aurait commis certaines fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif. Elle lui reproche ainsi de ne pas avoir tenu de comptabilité régulière, d'avoir poursuivi une activité déficitaire pendant plusieurs années à son profit, d'avoir cédé frauduleusement ses titres dans la société [13] et d'avoir commis l'infraction de travail dissimulé.
L'absence de tenue d'une comptabilité régulière a été caractérisée supra.
Comme il a également été vu supra, la fin alléguée des fonctions de direction de M. [O] en mai 2020 correspond à un montage frauduleux. Le fait, pour M. [O], d'avoir eu recours à un tel stratagème pour tenter d'échapper à ses responsabilité constitue une faute de gestion. Il s'en est ensuite désintéressé presque totalement de la gestion de la société [13], aggravant ainsi les conséquences de cette faute de gestion et privant la société de la possibilité d'apurer toute ou partie de ses dettes.
Il a de même été vu supra que M. [O] a omis de procéder à l'ensemble des déclarations sociales et qu'il a été condamné de ce chef par décision pénale.
Il résulte des constatations de l'arrêt du 11 septembre 2024 que dès l'année 2017 des rémunérations de salariés ont été occultées pour près de 70.000 euros, l'occultation étant de près de 160.000 euros pour 2018 et de près de 70.000 euros pour 2019.
Au vu des quelques documents comptables produits devant la cour, il apparait que l'absence de prise en compte dans la comptabilité de ces sommes occultées à l'Urssaf, et des cotisations correspondantes, caractérise une exploitation déficitaire de la société. Cette exploitation déficitaire dans la durée, au moyen d'une fraude des droits sociaux, caractérise une faute de gestion.
Sur l'incidence des fautes de gestion sur le montant de l'insuffisance d'actif :
Il a été vu supra que la condamnation de M. [O] résultant de l'arrêt du 11 septembre 2024 ne doit pas être prise en compte au titre de l'insufficance d'actif. En outre, faire porter à M. [O] la charge de payer la somme correspondante au titre de l'insuffisance d'actif revendrait à le condamner deux fois au titre de la même créance alors que l'arrêt pénal est devenu définitif.
Il ne résulte pas du relevé de compte produit par la société [19], ès qualités, ou du grand livre général produit par M. [O] qu'il ait prélevé au cours de ces exercices de sommes excessives à son profit alors qu'il est constant qu'il avait une activité réelle au sein de la société.
L'activité postérieurement au mois de juillet 2020 a été pratiquement inexistante.
Le relevé bancaire produit par la société [19], ès qualités, présentait un solde pratiquement nul à la date du 25 mars 2021. Il n'est ainsi pas établi que le montage frauduleux du transfert de parts sociale et de fin du mandat social de M. [O] ait entraîné une aggravation de la situation financière de la société.
De même, il n'est pas établi que l'absence de comptabilité ait conduit à une augmentation de l'insuffisance d'actif.
Il n'est ainsi pas établi que les fautes de gestion établies à l'encontre de M. [O] aient contribué à l'insuffisance d'actif au delà de celle résultant de l'absence de déclarations sociales complètes.
Au vu de la condamnation déjà prononcée par la juridiction pénale, il y aura lieu de rejeter la demande de condamnation de M. [O] à supporter l'insuffisance d'actif. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [O] aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Dit que M. [G] est dirigeant de fait de la société [12],
- Prononcé une mesure de faillite personnelle in l'encontre de M. [G] pour une durée de dix années,
- Condamné solidairement M. [O] et M. [G] à payer à la société [19], ès qualités, la somme de 300.000 euros au titre de leur responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [15],
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Dit qu'en application des articles R653-3 et R661-7 du code de commerce, la présente décision sera notifiée aux parties et au procureur général à la diligence du greffier de la cour dans les huit jours de son prononcé et qu'une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce de Lorient pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues par l'article R621-8 du code de commerce,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [O] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT