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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 21 octobre 2025, n° 24/06432

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06432

21 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2025

N° RG 24/06432 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WZAM

AFFAIRE :

S.A.R.L. CFI SECURITE ET ASSISTANCE

C/

SCP BTSG

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° RG : 2024P01163

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Asma MZE

Me Oriane DONTOT

Me Christophe DEBRAY

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A.R.L. CFI SECURITE ET ASSISTANCE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474669

****************

INTIMEE :

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.C.P. BTSG mission conduite par Me [V] [R], es qualité de liquidateur judiciaire de la société CFI SECURITE ET ASSISTANCE

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20240755

UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24369

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2025, Madame Gwenael COUGARD, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 septembre 2024, l'URSSAF d'Ile de France a assigné la SARL CFI Sécurité et Assistance devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir ouvrir à son égard une procédure collective.

Le 26 septembre 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CFI Sécurité et Assistance ;

- désigné Mme [Y], juge-commissaire, qui exercera les fonctions prévues aux articles L. 621-9 et suivants du code de commerce ;

- désigné la SCP BTSG, mission conduite par M. [R], liquidateur judiciaire, ayant seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, avec mission d'établir dans le mois de sa désignation, conformément aux dispositions de l'article L. 641-2 du code de commerce, un rapport sur la situation du débiteur ;

- fixé provisoirement au 27 mars 2023 la date de cessation des paiements compte-tenu du non-paiement des cotisations sociales ;

- dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Le 7 octobre 2024, la société CFI Sécurité et Assistance a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 28 février 2025, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel ;

Y faisant droit,

- annuler le jugement du 26 septembre 2024 ;

A défaut,

- infirmer le jugement du 26 septembre 2024 en tous ses chefs de disposition ;

En toute hypothèse, statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective ;

- débouter l'URSSAF d'Ile de France de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

- désigner le mandataire judiciaire ;

- fixer la date provisoire de cessation des paiements au jour de l'arrêt ;

- fixer une période d'observation de trois mois ;

- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de désignation des autres organes et poursuite de la procédure ;

En tout état de cause,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions du 28 janvier 2025, la société BTSG demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondée la société CFI Sécurité et Assistance ;

Par conséquent,

- confirmer le jugement du 26 septembre 2024 ;

- débouter la société CFI Sécurité et Assistance de toutes ses demandes ;

- juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par dernières conclusions du 14 février 2025, l'URSSAF d'Ile de France demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société CFI Sécurité et Assistance mal fondée, l'en débouter ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- confirmer le jugement du 26 septembre 2024 en toutes ses dispositions ;

- condamner la société CFI Sécurité et Assistance aux entiers dépens qui seront directement recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 12 février 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour confirme le jugement entrepris en tous points, sauf à ce que l'appelante démontre, par la production d'un compte prévisionnel de trésorerie certifié par un expert-comptable, qu'un redressement judiciaire serait envisageable avec un chiffre d'affaires suffisant pour assurer le recouvrement des dettes.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 mars 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement d'ouverture

La société appelante fait valoir que le jugement encourt l'annulation au motif d'une motivation insuffisante concernant l'état de cessation des paiements.

L'URSSAF réplique que le moyen de nullité doit être écarté, le jugement ayant été motivé en l'état de la démonstration faite de son impossibilité de recouvrer sa créance, et l'appelante ne pouvant reprocher une insuffisance de motivation dans ses possibilités de redressement alors qu'elle a choisi de ne pas comparaître.

La société BTSG, ès qualités, estime ce moyen dénué d'intérêt compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, précisant que la société appelante n'a pas remis en cause l'acte introductif d'instance, ni expliqué les raisons de sa défaillance devant le tribunal de commerce.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 455 alinéa 1er du code de procédure civile, « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. »

L'article 458 énonce que ce qui est prescrit par l'article précité « doit être observé à peine de nullité. »

Ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 le juge qui se borne à énoncer que la demande est régulière, recevable et bien fondée. (Com., 17 juin 1986, pourvoi n° 84-16.887) ; légitime et bien fondée (Civ. 1re, 26 sept. 2012, no 11-17.210 ; Civ. 2e, 16 juin 1993, n° 92-10.062).

Dans le cas présent, le tribunal écrit ainsi « qu'il résulte des faits exposés, des pièces produites et des informations recueillies lors des débats que la créance invoquée par le demandeur est certaine, liquide et exigible, que les diligences faites pour obtenir le paiement des dettes, fondement de la présente action, sont restées infructueuses, que le redressement est manifestement impossible au regard des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, et qu'il est donc en état de cessation des paiement ; que le demandeur est ainsi recevable et bien fondé en sa demande, il y a lieu d'ouvrir à l'égard du débiteur une procédure de liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article L.640-1 du code de commerce (')»

Cette décision, rédigée en termes généraux, ne permet pas à la cour de déterminer ce qui a fondé la décision du tribunal.

En particulier, aucun élément autre que la créance de l'URSSAF, créancier poursuivant, n'est évoqué quant à la consistance du passif ; il n'est pas non plus fait état d'éléments d'actif ; ainsi, la décision du tribunal d'ouvrir une liquidation judiciaire d'emblée n'est pas explicitée, ce alors que le manque d'informations consécutif à la non comparution de la débitrice régulièrement assignée ne peut fonder un tel choix.

Le jugement encourt en conséquence la nullité, pour défaut de motivation.

En conséquence, le jugement sera annulé, et en application de l'article 562 du code de procédure civile, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour statuera sur le fond du litige.

Sur la liquidation judiciaire

La société CFI Sécurité et Assistance soutient qu'en s'abstenant de produire un état des créances échues au jour du jugement d'ouverture et celles échues par l'effet de la liquidation, le liquidateur ne met pas en mesure d'apprécier l'état de cessation des paiements au jour où la cour statuera.

La société BTSG, ès qualités, répond que les bilans et comptes de résultat des années 2023 et 2024 sont inconnus, seuls les documents pour 2021 et 2022 ayant été remis au mandataire judiciaire. Elle observe que la société appelante ne dispose de quasiment aucun actif ni de compte bancaire en situation positive, que le délai imparti aux créanciers pour déclarer leur créance a expiré le 6 décembre 2024 (6 février 2025 pour les créanciers étrangers et hors métropole), et que le montant total du passif déclaré échu s'élève à 210 961,75 euros.

L'URSSAF rappelle le montant de sa créance et expose que sa tentative d'exécution s'est soldée par un procès-verbal de recherches infructueuses.

Sur la cessation des paiements :

Il se déduit de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en cessation des paiements tout débiteur dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La cour d'appel, saisie de l'appel du jugement d'ouverture de la procédure collective, doit apprécier si les conditions de la cessation des paiements sont réunies, non au jour du jugement, mais au jour où elle statue (Com., 26 octobre 1999, n°96-12.946), étant souligné qu'elle n'a pas à prendre en considération le passif rendu exigible par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Contrairement à ce que soutient la société appelante, l'état de cessation des paiements est indiscutablement caractérisé, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails, alors que la société présente un passif échu déclaré d'un montant de 210 961,75 euros, constitué de créances sociales, fiscales et bancaires. Elle ne verse aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un actif disponible, autre que le montant du mobilier et matériel en pleine propriété évalué par le commissaire de justice à 450 euros au titre de la valeur de réalisation. Il est à relever qu'elle n'a pas communiqué au liquidateur les bilans et comptes de résultat pour les années 2023 et 2024. Si elle communique à hauteur de cour un document intitulé « informations financières prévisionnelles 2025 », il doit être constaté que ces pièces révèlent des informations qui contredisent les déclarations faites au liquidateur : ainsi, elle a déclaré au liquidateur n'avoir aucun employé, ainsi qu'il ressort du rapport établi par la société BTSG ès qualités, tandis qu'il est fait état d'une masse salariale pour un montant mensuel de 14 200 euros, sans qu'aucune explication ne soit apportée pour expliquer cette contradiction.

Ces éléments caractérisent sans conteste une situation de cessation des paiements.

Sur la possibilité d'un redressement judiciaire

L'article L. 640-1, alinéa 1er, du code de commerce dispose :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »

La société CFI Sécurité et Assistance justifie sa demande d'infirmation de la décision en se fondant particulièrement sur un prévisionnel d'exploitation visé par un expert-comptable missionné à cette fin ; ce document met en exergue un chiffre d'affaires évalué pour l'année à environ 390 600 euros. La société appelante dit avoir des commandes suspendues en raison de la décision rendue, et affirme être en mesure de régler les dettes, en sus des dépenses courantes. Elle explique que la masse salariale est une information erronée. Pourtant, il doit être observé, comme le note le liquidateur, qu'aucune explication n'est donnée sur le chiffre d'affaires, qui fluctue entre 6 000 euros et 104 100 euros par mois.

La cour constate de plus que, les prévisions de chiffres d'affaires sont optimistes par rapport aux résultats des exercices 2023 et 2024, dont les montants sont sans rapport avec le chiffre d'affaires prévisionnel de l'année 2025.

Par ailleurs, la société appelante prétend avoir des commandes suspendues, mais n'en justifie pas ; elle n'explicite pas pourquoi elle n'a pas sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire devant le premier président de la présente cour.

L'imprécision des informations, sinon leur incohérence, conduit la cour à estimer la situation décrite trop fragile pour permettre d'envisager l'apurement du passif et la poursuite d'activité de la société appelante, de sorte que le redressement est manifestement impossible.

La liquidation judiciaire sera ordonnée en conséquence, selon les modalités prévues au dispositif.

Sur la date de cessation des paiements :

Le tribunal a retenu le 27 mars 2023 comme la date de cessation des paiements compte-tenu du non-paiement des cotisations sociales.

La cour ouvrant, par arrêt de ce jour, une procédure de liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements sera fixée au 21 avril 2024, par application des articles L. 641-1 IV et L. 631-8 du code de commerce.

- Sur les mesures accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens.

Les dépens exposés en appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Annule le jugement entrepris,

Statuant par effet dévolutif,

Ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CFI Sécurité et Assistance ;

Désigne Mme [Y], juge-commissaire, qui exercera les fonctions prévues aux articles L. 621-9 et suivants du code de commerce ;

Désigne la SCP BTSG, mission conduite par M. [R], liquidateur judiciaire, ayant seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, avec mission d'établir dans le mois de sa désignation, conformément aux dispositions de l'article L. 641-2 du code de commerce, un rapport sur la situation du débiteur ;

Fixe provisoirement au 21 avril 2024 la date de cessation des paiements ;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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