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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 21 octobre 2025, n° 23/01065

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Andd (SARL)

Défendeur :

Andd (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseiller :

M. Pothier

Conseiller :

Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Gouyer, Me Grenard

TJ Rennes, du 22 janv. 2025, n° 22/00102

22 janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE :

A la suite d'un démarchage à domicile, M. [F] [P] a, selon bon de commande du 15 janvier 2019, commandé à la société ANDD, la fourniture et la pose d'un ballon thermodynamique, d'une installation photovoltaïque avec optimiseur de production et d'un système de domotique, moyennant le prix de 19 500 euros TTC.

Selon un protocole d'accord signé le même jour, M. [P] a renoncé à toute réclamation, moyennant la remise d'un chèque de 2 350 euros.

En vue de financer cette opération, et suivant offre acceptée le même jour, la société BNP Paribas Personal Finance, exerçant sous la dénomination commerciale Cetelem, a consenti à M. [P] un prêt de 19 500 euros au taux de 4,70 % l'an, remboursable en 120 mensualité de 208,01 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 180 jours.

Les travaux ont été réalisés le 15 février 2019.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier, et se prévalant d'une expertise extrajudiciaire du 17 novembre 2021 ayant constaté que les panneaux avaient été posés dans une zone d'ombrage, traduisant une absence d'étude de faisabilité du projet, et de défauts d'exécution ne permettant pas à l'installation d'être conforme à sa destination, M. [P] a, par acte du 31 décembre 2021, fait assigner la société ANDD devant le tribunal judiciaire de Rennes, en annulation du contrat de vente, ou à défaut en diminution du prix pour vices cachés ou existence de non conformités.

Par jugement du 10 janvier 2023, le premier juge a :

débouté M. [F] [P] de l'ensemble de ses demandes,

condamné M. [P] aux dépens.

M. [P] a relevé appel de ce jugement le 17 février 2023.

Puis il a, par acte du 22 janvier 2025, fait assigner en intervention forcée Me [L], ès-qualités de liquidateur de la société ANDD, mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 7 novembre 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 janvier 2025, il demande à la cour de :

en tant que de besoin, rectifier l'erreur matérielle en ce que le tribunal judiciaire de Rennes a, sur la première page du jugement du 10 janvier 2023, omis de préciser la raison sociale de la société ANDD, se bornant à indiquer une adresse sous le libellé défenderesse, alors que la partie défenderesse aurait dû être désignée comme suit : la SARL ANDD, société à responsabilité limitée au capital social de 100.000 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés du Tribunal de Commerce de Bobigny sous le numéro 515 398 790, dont le siège est sis [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

et infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 10 janvier 2023,

dire et juger M. [P] recevable et bien fondé en sa demande d'intervention forcée à l'encontre de Me [E] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ANDD,

A titre liminaire,

prononcer l'irrecevabilité de la demande formulée par la société ANDD au titre d'une prétendue procédure abusive, s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel,

A titre principal,

prononcer la nullité du contrat et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à M.[F] [P], la somme de 19 500 euros TTC,

A titre subsidiaire,

constater l'existence de vices cachés,

en conséquence, prononcer une diminution de prix de 6 815 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés, et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à M. [F] [P], la somme de 6 815 euros,

A titre encore plus subsidiaire,

constater l'existence de non-conformités,

en conséquence, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à M. [F] [P], la somme de 6.815 euros,

A titre encore plus subsidiaire,

fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à M. [F] [P], la somme de 6 815 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

ordonner une expertise avant dire droit,

désigner en qualité d'expert tel expert qu'il plaira au 'tribunal' en autorisant celui-ci à faire appel si nécessaire à des techniciens d'une spécialité différente de la sienne,

donner à l'expert la mission suivante :

- d'apprécier la réalité des vices cachés, désordres, malfaçons ou défauts de conformité invoqués dans l'assignation,

- d'examiner les vices cachés, désordres, malfaçons ou défauts de conformité avec les réglementations, marchés, devis, normes ou D.T.U. qui seront signalés,

- d'indiquer, le cas échéant, si les vices cachés étaient apparents lors de l'acquisition ou s'ils sont apparus postérieurement; dans le premier cas, indiquer s'ils pouvaient être décelés par un acquéreur profane et si celui-ci pouvait en apprécier la portée ; dans le second cas, s'ils trouvent leur origine dans une situation antérieure ou postérieure à l'acquisition,

- de fournir tous éléments techniques et de fait susceptibles de permettre au 'tribunal' de déterminer les responsabilités encourues,

- de déterminer les travaux nécessaires pour remédier aux vices cachés, désordres, malfaçons, défauts de conformité,

- d'évaluer le coût des travaux nécessaires à leur achèvement,

- d'évaluer le préjudice pouvant résulter tant des vices cachés, désordres, malfaçons, défauts de conformité, troubles de jouissance, en particulier, que de la gêne entraînée par les travaux de réfection ,

En tout état de cause,

fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à M. [F] [P], la somme de 180 euros par an, soit 720 euros au 28 février 2023, somme à parfaire au jour du jugement, au titre de son préjudice de jouissance,

fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, au titre des sommes dues à Monsieur [F] [P], la somme de 3 500 euros au titre de son préjudice moral,

débouter la société ANDD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner Me [E] [L] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL ANDD à payer à M. [F] [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Me [E] [L] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL ANDD aux entiers dépens, en ce compris les frais des expertise Flexbat et de M. [Y].

En l'état de ses dernières conclusions du 22 décembre 2023, la société ANDD demandait à la cour de :

A titre principal,

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 10 janvier 2023 en ce qu'il a débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

débouter M. [P] de sa demande d'expertise,

En tout état de cause,

condamner M. [P] à payer à la société ANDD, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intéréts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ce dernier,

condamner M. [P] à payer à la société ANDD, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [P] aux entiers dépens.

Me [E] [L], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANDD, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendu le 12 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera d'abord observé que, bien que dessaisie au profit de son mandataire judiciaire de ses droits et actions du fait de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet, la société ANDD conserve un droit propre, distinct de celui du liquidateur, pour contester la fixation de créances à son passif.

La cour demeure donc saisie des contestations exprimées dans ses conclusions qu'elle avait déposées alors qu'elle était encore in boni.

Sur la nullité du contrat principal

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

M. [P] fait valoir que le bon de commande n'indiquerait pas :

les coordonnées du médiateur de la consommation,

l'existence de la garantie des vices cachés,

les modalités précises de paiement,

la date de livraison,

les caractéristiques essentielles des panneaux solaires.

Cependant, l'examen du bon de commande révèle que celui-ci indique la marque des panneaux (soluxtec), leur nombre (10) et leur puissance (300 Wc), soit une puissance globale de 3 000 Wc, caractéristiques essentielles et suffisantes des panneaux photovoltaïques fournis.

Par ailleurs, si les modalités de financement sont incomplètes sur le bon de commande remis à l'acquéreur, celles-ci sont détaillées dans l'offre de crédit qui a été établie à l'occasion de la même opération de démarchage conclue le même jour, ce qui supplée à cette imperfection du bon de commande.

En revanche, il est exact que le bon de commande ne mentionne ni le délai de livraison, ni le délai d'exécution de la prestation accessoire de pose.

Il est exact également que le bon de commande ne mentionne pas les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation.

Le bon de commande ne mentionne pas non plus l'existence de la garantie légale des vices cachés.

Le contrat est donc irrégulier.

C'est cependant à tort que le premier juge a estimé que ces causes de nullité avaient été couvertes en connaissance par M. [P].

En effet, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.

Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, M. [P] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur ou encore la signature d'un procès-verbal de fin de chantier ne suffisant pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

Par ailleurs, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffisent pas à démontrer que l'acquéreur avait pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.

Dès lors, rien ne démontre que M.[P] avait connaissance de ces vices du bon de commande lorsqu'il a laissé la société ANDD intervenir à son domicile et signé le procès-verbal de fin de travaux.

Il n'est donc pas établi que le consommateur ait, en pleine connaissance des irrégularités de ce contrat de vente relatives à l'absence du délai de livraison et d'exécution de la prestation accessoire de pose, des coordonnées d'un médiateur de la consommation et des garanties légales offertes au consommateur, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de diminution du prix au titre de la garantie des vices cachés ou de délivrance conforme, de prononcer l'annulation du contrat conclu le 15 janvier 2019 entre M. [P] et la société ANDD, après réformation du jugement attaqué en ce sens.

Cette annulation a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.

M. [P] justifie avoir déclaré le 7 janvier 2025 sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD.

Il convient donc de fixer la créance de M. [P] au passif chirographaire de la société ANDD à la somme de 19 500 euros au titre de la restitution du prix.

Sur les demandes indemnitaires

M. [P] sollicite par ailleurs la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD des sommes de 720 euros et 3 500 euros au titre des préjudices de jouissance et moral.

L'appelant ne démontre cependant pas avoir subi, du fait de la méconnaissance des dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage à domicile, un préjudice particulier, distinct de celui réparé par l'annulation du contrat principal et la restitution du prix par sa fixation au passif de la liquidation judiciaire.

Il n'y a par ailleurs pas lieu de statuer sur la demande de la société ANDD en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, par ailleurs dénuée de fondement, étant dessaisie de ses droits et actions au profit de son liquidateur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société ANDD, sans qu'il y lieu ait d'inclure dans ceux-ci les frais des expertises extrajudiciaires qui ressortissent de l'application de l'article 700 du code de procédure civile que la cour indemnisera ci-après.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de M. [P] l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion des procédures de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il convient de fixer au passif de la liquidation de la société ANDD la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il n'y a lieu de statuer sur la demande en rectification d'erreur matérielle de M. [P], le présent arrêt infirmatif comportant l'exacte dénomination de l'intimée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Rennes ;

8

Prononce la nullité du contrat principal conclu le 15 janvier 2019 entre M. [F] [P] et la société SARL ANDD ;

Fixe la créance de M. [F] [P] au passif chirographaire de la liquidation judiciaire de la société SARL ANDD aux sommes suivantes :

19 500 euros au titre de la restitution du prix,

2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

dépens de première instance et d'appel,

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

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