Livv
Décisions

CA Rennes, 2e ch., 21 octobre 2025, n° 23/04561

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Franfinance (SA), Athena (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Laudic-Baron, Me Laugier, Me Floch

TJ Rennes, du 7 avr. 2025, n° 22/00785

7 avril 2025

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 15 juin 2016, M. [Z] [F] et Mme [B] [F] ont conclu avec la société Azur Solution Energie un contrat de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques pour un montant total de 22 300 euros à la suite d'un démarchage à domicile. Afin de financer cette acquisition, M. [Z] [F] et Mme [B] [F] ont contracté un prêt auprès de la société Franfinance d'un montant de 22 300 euros remboursable en 144 mensualités.

Suivant actes extrajudiciaires des 26 et 30 août 2022, M. [Z] [F] et Mme [B] [F] ont assigné la Selarl Athena ès qualité de liquidateur de la société Azur Solution Energie et la société Franfinance devant le tribunal judiciaire de Vannes.

Suivant jugement du 25 mai 2023, le tribunal judiciaire de Vannes a :

- déclaré M. [Z] [F] et Mme [B] [F] irrecevables,

- condamné M. [Z] [F] et Mme [B] [F] à payer à la société Franfinance la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. [Z] [F] et Mme [B] [F] aux dépens,

- débouté les parties du surplus.

Suivant déclaration du 25 juillet 2023, M. [Z] [F] et Mme [B] [F] ont interjeté appel de cette décision.

En leurs dernières conclusions du 16 avril 2025, M. [Z] [F] et Mme [B] [F] demandent à la cour de :

Vu les articles L.111-1, L. 111-2, R.111-1, R.111-2, L.121-17, L.121-18-1 anciens, L.311-8, L.311-32, L.311-48 et L.313-17 anciens du code de la consommation,

Vu les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil,

Vu les articles 514, 514-1 et 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant de nouveau,

- juger que leur action n'est pas prescrite,

- juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

- à titre principal,

- juger que le bon de commande signé le 15 juin 2016 ne satisfait pas les mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,

- juger que leur consentement a été vicié pour cause d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,

- en conséquence,

- prononcer la nullité du contrat qu'ils ont conclu le 15 juin 2016,

- en conséquence,

- juger qu'ils n'étaient pas informés des vices, et n'ont jamais eu l'intention de les réparer ni eu la volonté de confirmer l'acte nul,

- par conséquent, juger que la nullité du bon de commande du 15 juin 2016 n'a fait l'objet d'aucune confirmation,

- juger qu'ils tiennent le matériel à disposition de la société Azur Solution Energie représentée par son mandataire liquidateur, Me [W],

- juger qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société Azur Solution Energie représentée par son mandataire liquidateur, est réputée y avoir renoncé,

- prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté qu'ils ont conclu le 15 juin 2016 avec la société Franfinance,

- juger que la société Franfinance a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société Azur Solution Energie,

- juger que la société Azur Solution Energie est privée de son droit à réclamer la restitution du capital prêté,

- condamner la société Franfinance à restituer l'intégralité des sommes versées par eux au titre du capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté au 15 juin 2016, soit la somme de 29 406,98euros,

- à titre subsidiaire,

- juger que la société Franfinance a manqué à son devoir de mise en garde,

- condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif.

- juger que la société Franfinance a manqué à son obligation d'information et de conseil,

- prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 15 juin 2016 et condamner la société Franfinance à rembourser l'intégralité des intérêts et frais accessoires déjà versés,

- en tout état de cause,

- condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- débouter la société Franfinance et la société Azur Solution Energie prise en la personne de son mandataire liquidateur de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Franfinance et la société Azur Solution Energie prise en la personne de son mandataire judiciaire de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En ses dernières conclusions du 8 avril 2025, la société Franfinance demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [Z] [F] et Mme [B] [F] irrecevables en raison de la prescription de leur action,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [Z] [F] et Mme [B] [F] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en première instance,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [Z] [F] et Mme [B] [F] aux dépens,

- débouter M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement M. [Z] [F] et Mme [B] [F] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens, y compris ceux d'appel,

- à titre subsidiaire,

- débouter M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement M. [Z] [F] et Mme [B] [F] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- à titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que la société Franfinance n'a pas commis de faute,

- condamner solidairement M. [Z] [F] et Mme [B] [F] au paiement de la somme de 22 300 euros au titre du remboursement du capital emprunté, affectée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision jusque parfait règlement,

- débouter M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Franfinance,

- débouter M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de leur demande de déchéance du droit aux intérêts.

La société Athéna, es-qualité de liquidateur de la société Azur Solution Energie, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les époux [F] font grief au jugement d'avoir déclaré leur action prescrite.

- Sur la recevabilité de l'action en nullité du bon de commande pour non-respect des dispositions du code de la consommation

Les époux [F] sollicitent l'annulation du contrat conclu suivant bon de commande signé 15 juin 2016 avec la société Azur Solution Energie faisant grief au bon de commande de ne pas respecter les dispositions des articles L. 121-17, L 111-1 anciens du code de la consommation.

Ils contestent la prescription de leur action faisant valoir que le point de départ de la prescription de l'action intentée par l'emprunteur consommateur tient à la connaissance effective de son droit ou des faits lui permettant de l'exercer, qu'ils n'étaient pas en mesure de déterminer, au moment de la signature du bon de commande, l'existence d'irrégularités, en particulier l'absence de mentions rendues obligatoires par le code de la consommation.

La société Franfinance soulève l'irrecevabilité de cette demande d'annulation du contrat de vente en raison de manquement au code de la consommation dès lors que les époux [F] étaient en mesure dans les suites immédiates de la signature du bon de commande de vérifier la régularité des mentions et que le délai de prescription doit commencer à courir après la signature du bon de commande.

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est de principe que le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu hors établissement, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, de manière lisible et compréhensible, les informations mentionnées à l'article L. 121-23 du code de la consommation, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant la validité du contrat.

Les époux [F] font valoir que le contrat est affecté de causes de nullité en ce qu'il ne fait état ni du modèle des panneaux photovoltaïques, des références, du poids, de la superficie, de la puissance globale, des indications techniques et des caractéristiques des panneaux photovoltaïques, ni des délais et les modalités de livraison, ni de la possibilité de recourir à un médiateur.

En l'espèce, si le bon de commande mentionne bien la marque des produits (Solaworld), la puissance globale, le prix global, les délais de livraison et d'installation et les coordonnées de la société Azur Solution Energie (figurant sur les deux pages du bon de commande), il est exact que la marque de l'onduleur, le numéro individuel d'identification de la taxe sur la valeur ajoutée et les coordonnées précises du médiateur ne sont pas mentionnés, en contrariété avec le code de la consommation.

Il sera cependant constaté que les époux [F] disposaient à la date de l'installation du matériel, de tous les éléments leur permettant d'appréhender la nature et les caractéristiques précises du matériel livré et installé, les délais de la prestation et les conditions de sa réalisation et ce au regard des mentions figurant au bon de commande leur permettant ainsi d'appréhender l'existence d'éventuelles causes de nullité du fait des insuffisances du bon de commande au regard du formalisme imposé par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile, étant observé que l'article L 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable était reproduit au verso du contrat.

Il résulte de ces éléments que dès la signature du bon de commande, les époux [F] étaient en mesure de déceler par eux-mêmes ces irrégularités qui étaient apparentes à la simple lecture du contrat, la violation alléguée des dispositions du code de la consommation ressortant de la reproduction lisible du formalisme applicable au type de contrat consenti leur permettant d'en prendre connaissance.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le fait que les époux [F] aient connu ces manquements qu'en consultant un professionnel du droit ne saurait être retenu, dès lors qu'ils pouvaient procéder à cette démarche dans le délai de prescription à compter de la date des contrats et qu'ils ne justifient aucunement des motifs les en ayant empêché.

Dès lors par application de l'article 2224 du code civil précité, l'action en annulation devait être engagée dans le délai de cinq ans suivant la signature du contrat le 15 juin 2016, soit avant le 15 juin 2021, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré prescrite l'action des époux [F] en contestation de la forme du contrat.

Il en est nécessairement de même de l'action en annulation du contrat de prêt, qui ne serait que la conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal, et de la demande de restitution des sommes remboursées en exécution du contrat de prêt qui en découle.

- Sur la recevabilité de l'action en nullité du bon de commande pour erreur sur la rentabilité

Les époux [F] soutiennent également que le point de départ de l'erreur sur la rentabilité de l'installation photovoltaïque tient classiquement au jour de la découverte du vice du consentement, qu'ils sont légitimes à faire valoir que c'est bien après la conclusion du contrat, avec le recul sur le fonctionnement de l'installation et lorsque leur attention a été attirée sur l'existence d'éléments pouvant faire présumer du non-respect des règles du code de la consommation à leur préjudice qu'ils ont entrepris d'agir pour obtenir le bénéfice de leurs droits et que ce n'est que lorsque le dommage a été objectivé par un rapport d'expertise amiable en date du 20 janvier 2022 que le dommage s'est révélé dans toute son ampleur.

La société Franfinance conclut également à l'irrecevabilité de cette demande d'annulation du contrat de vente dès lors qu'il ressort des propres écritures des appelants que la promesse de rentabilité n'aurait jamais été atteinte, de telle sorte qu'ils ont été en mesure de constater très rapidement cette prétendue insuffisance, et ce au plus tard, à compter du moment où ils ont commencé à régler les échéances de crédit en mai 2017.

En application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, l'action en nullité d'un contrat se prescrit par cinq ans, commençant à courir du jour où les vices ont été découverts.

S'agissant de l'erreur sur la rentabilité de l'installation photovoltaïque dont il est soutenu qu'elle n'atteint pas les résultats promis, il y a lieu de retenir que la réception de la première facture annuelle du rachat de l'électricité produite par l'installation permettait aux époux [F] d'appréhender la réalité de sa rentabilité ainsi que les conséquences financières sur le paiement des échéances du crédit affecté.

En l'espèce, les époux [F] produisent aux débats cinq factures de rachat d'électricité établies entre 2017 et 2021 ainsi qu'un rapport d'expertise sur investissement du 20 janvier 2022.

Il ressort de ces factures qu'elles sont établies annuellement en septembre sur la période du 14 septembre au 14 septembre de l'année suivante.

Selon la facture établie par EDF le 25 novembre 2017, le montant de la production a été entre le 14 septembre 2016 et le 13 septembre 2017 de 1 359euros soit une moyenne mensuelle de 113,25euros. Les factures établies ultérieurement ont été sensiblement du même montant (1 289, 1324, 1 325, 1 326euros).

Or, le contrat de crédit affecté a prévu le paiement d'échéances mensuelles de 285euros et la simulation remise par le vendeur à M. [F] selon ce qui est précisé dans le rapport d'expertise sur investissement mentionnait une production de 5 435 kWh/an et une recette moyenne sur 20 ans de 3075euros.

Dans ces conditions, les époux [F] ont découvert au jour de la réception de la facture de rachat de l'électricité du 25 novembre 2017 les faits leur permettant d'exercer une action en annulation du contrat de crédit pour erreur au regard du prix perçu résultant de la vente d'électricité.

Ainsi, le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter de la réception par les époux [F] de cette facture, de sorte que leur action fondée sur l'erreur n'était pas prescrite à la date de son introduction le 20 août 2022, et doit être déclarée recevable sur ce fondement.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité fondée sur l'erreur engagée par les époux [F].

- Sur l'erreur sur la rentabilité

A l'appui de leur demande en annulation du contrat de vente sur ce fondement, les époux [F] soutiennent que leur consentement a été vicié en raison de l'erreur sur les qualités substantielles du bien tenant au défaut de rentabilité de l'installation, élément déterminant de leur consentement et qu'ils n'auraient pas accepté de s'endetter sur un prêt d'une durée de 12 années si l'opération ne leur avait pas été présentée avec une rentabilité économique du matériel certaine.

La société Franfinance conclut au débouté de cette demande en faisant valoir que la question de la rentabilité n'a jamais été contractualisée et aucun document produit aux débats ne permet d'affirmer qu'il y aurait eu une promesse de rentabilité.

La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel

Il incombe aux appelants de démontrer que la rentabilité de l'installation photovoltaïque, différente de sa puissance ou de son rendement, a constitué une caractéristique déterminante de leur consentement au contrat.

Or, cette preuve ne s'évince ni du bon de commande produit, dans lequel ne figure que la puissance des panneaux, et la précision que l'installation est destinée à la revente, ni du rapport d'expertise sur investissement produit par les époux [F], qui mentionne un extrait d'une simulation remise par le vendeur intitulée 'synthèse financière' (non annexée par ailleurs au bon de commande produit par les acquéreurs).

Rien dans le bon de commande ne permet donc de considérer que la rentabilité de l'installation était soit une exigence contractuelle de la société Azur Solution Energie, soit une promesse de cette société, la mention 'revente' ne pouvant se confondre avec une promesse de rentabilité de cette commercialisation. Il n'est donc pas établi que la société Azur Solution Energie se serait engagée sur une rentabilité particulière qui serait inatteignable ou n'aurait obtenu le consentement des époux [F] qu'en lui communiquant des informations fallacieuses.

Le prêteur a par ailleurs produit la totalité de la simulation établie le 15 juin 2016 mentionnant une production escomptée en première année de 5 435 kWh et un prix de revente du surplus de l'énergie produite à un tarif de base de 0,2463euros/ kWh tout en précisant expressement que la simulation n'est fournie qu'à titre indicatif et ne revêt aucun caractère contractuel.

Au surplus, il convient de relever que les époux [F] reconnaissent explicitement dans les écritures que 'bien que la rentabilité économique de l'opération - et donc l'autofinancement du prêt - n'ait pas été convenue par écrit dans le cadre du bon de commande du 15 juin 2016, la rentabilité n'en est pas moins entrée dans le champ contractuel. En effet, cette qualité substantielle a été tacitement convenue lors du démarchage à domicile (...)'.

Dès lors que les époux [F] ne rapportent pas la preuve que la rentabilité de leur installation serait entrée dans le champ contractuel, ils échouent à établir l'erreur qui aurait vicié leur consentement et leur demande d'annulation du contrat devra être rejetée.

La demande subséquente de nullité du contrat accessoire formulée par les appelants sur ce fondement est dès lors sans objet.

- Sur la recevabilité de l'action en responsabilité de la banque

Les époux [F] font grief au prêteur d'une part, d'avoir débloqué les fonds au profit du vendeur sans vérifier la validité du bon de commande et le bon fonctionnement de l'installation et d'autre part, d'avoir manqué à son obligation générale de prudence et à son devoir d'information et de conseil en soulignant que le premier juge n'a pas statué sur ce point.

La société Franfinance soulève l'irrecevabilité de ces demandes pour cause de prescription.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

L'action en responsabilité du prêteur lors du déblocage des fonds est quant à elle soumise à la prescription quinquennale de l'article susvisé commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les époux [F] disposaient des éléments leur permettant d'apprécier dès la signature les mentions obligatoires du contrat de vente et les éventuelles irrégularités qui pouvaient l'entacher, sans pouvoir prétendre qu'ils n'ont pu en avoir connaissance qu'au moment de la consultation d'un avocat sauf à vider de son sens tout formalisme au contrat. Ils étaient également en mesure, dès la date du déblocage des fonds entre les mains du fournisseur et en tout état de cause lors de livraison et de la mise en service de l'installation au mois de juillet 2016 de connaître les faits de nature à engager la responsabilité de la banque s'ils considéraient que cette dernière avait manqué à ses obligations.

Il convient d'ailleurs de souligner qu'au vu des pièces produites par la société Franfinance, M. [F] a signé le bon de fin de travaux tout comme l'attestation de livraison aux termes de laquelle 'l'acheteur a accepté en date du 15 juin 2016 un contrat de crédit enregistré par Franfinance (...), a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation, objet du financement conforme au bon de commande (...) Et autorise ainsi Franfinance à régler le vendeur en une seule fois' et le mandat de prélèvement le 21 juillet 2016, tout comme la fiche de satisfaction client qui ne fait état d'aucune réserve, notamment sur l'absence de raccordement.

Il en résulte que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité du prêteur se situe au jour de la commission de la faute prétendue, qu'il s'agisse de l'insuffisance de vérification formelle du bon de commande ou d'un déblocage des fonds soutenus comme étant précipité. Les époux [F] étaient en mesure, dès la date du déblocage des fonds entre les mains du fournisseur à la suite de ce certificat de livraison, de connaître les faits de nature à engager la responsabilité de la banque.

Au cas d'espèce, les contrat de vente et de crédit affectés ayant été signés le 15 juin 2016 et le déblocage des fonds étant intervenu en juillet 2016, l'action en responsabilité de la banque et en indemnisation des préjudices est irrecevable comme prescrite, l'introduction de l'instance devant le premier juge étant intervenue le 30 août 2022, soit plus de cinq ans après la signature des contrats et le déblocage des fonds marquant le point de départ du délai de prescription quinquennale comme résultant d'un manquement de la banque à ses obligations contractuelles.

S'agissant du manquement à l'obligation générale de prudence et au devoir d'information et de conseil du prêteur ou du manquement à l'obligation d'information et de conseil fondé sur l'article L 311-8 du code de la consommation, la prescription de l'article L. 110-4 précité, obéit au point de départ de droit commun prévu à l'article 2224 du Code civil et se prescrit donc à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir.

Au cas d'espèce, les allégations des époux [F] selon lesquelles le prêteur ne leur a pas donné les éléments leur permettant de s'engager en toute connaissance de cause et ne les a pas informés sur des difficultés financières liées au remboursement du prêt finançant une installation non rentable, sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé ou sur les conséquences du crédit sur leur situation financière étaient connues des époux [F] depuis la date de signature des contrats litigieux, de sorte que la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée pour la première fois par assignation délivrée le 30 août 2022, soit plus de cinq ans après la signature des contrats litigieux, se trouve prescrite.

A titre surabondant, aucune rentabilité n'ayant été promise par la venderesse et n'étant rentrée dans le champ contractuel, il ne peut être reproché à la SA Franfinance un manquement à son obligation de conseil sur l'opportunité du projet.

Il est par ailleurs exact que la banque dispensatrice de crédit est tenue, à l'égard d'emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde sur le risque né d'un prêt excessif au regard de leurs capacités de remboursement.

Il est de principe qu'en matière de manquement au devoir de mise en garde, le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce ne commence à courir qu'à compter des incidents de paiement caractérisant l'apparition du dommage résultant de l'octroi d'un crédit excessif.

Tant les époux [F] que la SA Franfinance ne font état d'aucun incident de paiement. L'action intentée par les époux [F] par acte du 30 août 2022 de ce chef est donc recevable.

- Sur le manquement au devoir de mise en garde

L'obligation de mise en garde à laquelle le banquier est tenu envers son client consiste seulement à vérifier que, lors de la conclusion du contrat, le crédit est adapté au regard des capacités financières de l'emprunteur et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt sollicité.

En l'absence d'un tel risque, le banquier n'est tenu d'aucune obligation de mise en garde.

En l'espèce, avant d'accorder l'emprunt en litige, la SA Franfinance a fait remplir et signer aux époux [F] une fiche de dialogue 'revenus et charges' et recueilli des justificatifs (avis d'impôt 2015, revenus à déclarer 2015, relevé AG2R retraite Arrco 2013, relevé Ircantec janvier 2014, déclaration fiscale assurance retraite Bretagne janvier 2014, pièces d'identité, facture EDF avis d'échéance habitation.

Elle a également consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

Dans cette déclaration de situation, M. [C] et Mme [B] [H] épouse [F] ont indiqué leurs revenus (2 755 euros/mois pour M. [F], retraité et 815 euros/mois pour Mme [C], également retraitée), et n'ont mentionné aucune charge hormis des frais de pension/frais de garde pour 212euros/mois, précisant par l'apposition d'un zéro dans la rubrique correspondante qu'ils ne remboursaient pas d'emprunt immobilier ni aucun autre crédit.

Ces déclarations sont conformes aux pièces jointes à la demande de crédit.

Au vu de la déclaration de situation en possession de la SA Franfinance, l'emprunt souscrit était par conséquent en adéquation avec la situation financière déclarée par les époux [F] et ne générait aucun risque d'endettement. Ils ont d'ailleurs toujours été en capacité d'honorer les échéances du contrat de crédit. Cette situation excluait donc toute obligation de mise en garde.

Les époux [F] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef.

- Sur la demande au titre d'un préjudice moral

Les époux [F] sollicitent le paiement d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi, du fait du comportement fautif de la société Azur Solution Energie et de la SA Franfinance, de leur endettement sur douze années, de la perte liée au manque de rentabilité et de leur épargne.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Outre le fait que les actions en nullité du bon de commande et en responsabilité de la banque sont prescrites, qu'aucun vice du consenement et aucun manquement du prêteur au titre du devoir de mise en garde n'ont été retenus, les appelants ne produisent aucune pièce de nature à étayer leurs affirmations sur l'existence d'un préjudice et ce, alors qu'ils ont attendu six années avant d'émettre un grief. M. et Mme [F] sont en effet en possession de l'installation photovoltaïque installée par la société Azur Solution Energie qui fonctionne et produit de l'électricité qu'ils vendent à EDF depuis plusieurs années et ils ne justifient d'aucun préjudice en relation avec les fautes qu'ils imputent à la SA Franfinance.

La demande de ce chef sera donc rejetée.

- Sur les demandes accessoires

La décision déférée confirmée en ses principales dispositions, il en sera de même s'agissant des dépens et frais irrépétibles.

Les époux [F] qui succombent seront condamnés aux dépens et à payer à la société Franfinance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité du bon de commande pour erreur sur la rentabilité et du contrat de prêt ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Déclare recevable l'action en nullité du bon de commande pour erreur sur la rentabilité formée par M. [Z] [F] et Mme [B] [F];

Déboute M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de leurs demandes de nullité du bon de commande pour erreur sur la rentabilité et de nullité subséquente du contrat de prêt ;

Déclare irrecevable l'action en responsabilité de la SA Franfinance intentée par M. [Z] [F] et Mme [B] [F] pour avoir débloqué les fonds au profit du vendeur sans vérifier la validité du bon de commande et le bon fonctionnement de l'installation et pour avoir manqué à son obligation générale de prudence et à son devoir d'information et de conseil, comme étant prescrite ;

Déclare recevable l'action en responsabilité de la SA Franfinance intentée par M. [Z] [F] et Mme [B] [F] pour manquement au devoir de mise en garde ;

Déboute M. [Z] [F] et Mme [B] [F] de leur demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par M. [Z] [F] et Mme [B] [F] ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Z] [F] et Mme [B] [F] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Condamne in solidum M. [Z] [F] et Mme [B] [F] à payer à la société Franfinance la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [Z] [F] et Mme [B] [F] aux dépens d'appel.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site