CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 21 octobre 2025, n° 22/08714
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 21 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08714 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYFJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2022 -TJ de [Localité 16] - RG n° 21/09543
APPELANTE :
S.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant et par Me François THOMAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A. [21] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1])
[Localité 13]
Représentée par Me Laurence GARNIER de la SELARL CAYOL TREMBLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 octobre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
La société commerciale de droit luxembourgeois [22] (la société [20]) a été constituée entre Mme [C] [B] et M. [L] [W], créateurs-stylistes, et leur fils. Elle est titulaire de la marque de vêtements [C] et [L] [W] qu'elle exploite dans le monde à travers différentes filiales dont, en France, la société par actions simplifiée [8], société de groupe dirigée par M. [U] [Y] et assurant la production et la vente des articles.
La société [8] a été placée en redressement judiciaire par jugement du 10 mai 2012, M. [H] [T] étant nommé en qualité d'administrateur judiciaire.
En juillet 2013, M. [U] [Y] a sollicité les services de la société [14], ayant pour associé et gérant M. [M] [O].
Le 1er août 2013, la société [14] a conclu avec la société [20] un contrat intitulé 'Mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs'.
Le 5 septembre 2013, la liquidation judiciaire de la société [8] a été prononcée.
M. [O] a été nommé, à titre personnel, administrateur de la société [20] le 6 septembre 2013. Il a présenté sa démission de ces fonctions le 7 mars 2014, laquelle a été acceptée en assemblée générale le 7 avril suivant.
La société [14] a adressé à la société [20] d'abord deux factures d'honoraires des 2 et 11 septembre 2013 au titre du litige [9]/[11] qui ont été réglées, puis six factures d'honoraires le 10 mars 2014 au titre de diligences des mois de septembre 2013 à février 2014, qui n'ont pas été acquittées en dépit d'une mise en demeure du 28 mai 2014.
Par décision du 4 mars 2015, le bâtonnier a fixé à la somme de 197 048,45 euros Ttc le montant des honoraires et frais dus à la société [14] par la société [20] au titre des six factures impayées.
Par décision du 23 mai 2017, le délégué du premier président de la cour a notamment, avant-dire droit sur la contestation des honoraires susceptibles de revenir à la société [14], ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive à rendre sur l'existence du mandat susceptible de lier les parties par le juge de droit commun, saisi à la requête de la partie la plus diligente.
Le 21 juillet 2017, la société [14] a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 18 septembre 2017, la société [14], devenue la société à responsabilité limitée [5], a fait assigner la société [20] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater l'existence d'un mandat d'avocat pour la période de septembre 2013 à février 2014 entre elles, et renvoyer l'affaire pour la suite de la contestation d'honoraires devant le premier président.
La société [20] a saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident aux fins de prononcé du sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation sur le pourvoi formé par la société [5]. La Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi le 4 octobre 2018, par ordonnance du 8 novembre 2018, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer comme étant devenue sans objet.
Par ordonnance du 30 juin 2021, le juge de la mise en état a prononcé la radiation de la procédure du rôle des affaires en cours.
L'affaire a été rétablie au rôle le 13 octobre 2021.
Par jugement du 14 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société [20] comme étant non fondée,
- dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre la société [5], anciennement dénommée [14], et la société [20],
- rejeté les demandes de la société [5] comme étant non fondées,
- déclaré sans objet la demande reconventionnelle de la société [20],
- condamné la société [5] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné la société [5] à payer à la société [20] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
Par déclaration du 29 avril 2022, la société [5] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 mai 2025, la société à responsabilité limitée [5] demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et la déclarer bien-fondée,
y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- a dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [20],
- a rejeté ses demandes comme étant non fondées,
- l'a condamnée aux dépens,
- l'a condamnée à payer à la société [20] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- débouter la société [20] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- constater l'existence d'un mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [20],
en tout état de cause,
- condamner la société [20] à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [20] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. [K] [J], membre de la Selarl [17], admis à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 25 janvier 2024, la société commerciale de droit luxembourgeois [21] SA demande à la cour de :
sur la procédure,
- déclarer irrecevables les conclusions d'appelante et l'appel de la société [4],
en conséquence,
- prononcer l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour,
subsidiairement,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
au fond, si l'appel est déclaré recevable,
à titre principal,
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [5],
- rejeté les demandes de la société [5] comme étant non fondées,
- condamné la société [5] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- renvoyer les parties devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin qu'il soit statué sur la contestation des honoraires en conséquence de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire, dans le cas où la cour estimerait qu'un mandat d'avocat a existé sur la période des facturations litigieuses allant de septembre 2013 à février 2014,
- dire que ce mandat d'avocat résulte exclusivement de la convention conclue entre elle et la société [5], anciennement [14], le 1er août 2013,
en conséquence,
- renvoyer les parties devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin de fixer les frais et honoraires de la société [5] conformément à l'article 5 de la convention du 1er août 2013,
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes,
en toute hypothèse,
- confirmer le jugement du chef de la condamnation de la société [5] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
y ajoutant en cause d'appel,
- condamner la société [5] :
- à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens de l'appel, dont distraction au profit de la Selas Cayol Cahen Tremblay & Associés, agissant par Mme Laurence Garnier, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 juin 2025.
Mettant en débat la question de son pouvoir pour se prononcer sur l'irrecevabilité des conclusions d'appelant et de la déclaration d'appel au vu des dispositions de l'article 913-5 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à former leurs observations par note en délibéré. La société [5] a déposé une note en délibéré dans le délai imparti.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel et des conclusions de la société [5] :
La société [20] soulève l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, de la déclaration d'appel et de son appel en application des articles 906, 908, 909 et 914 du code de procédure civile en ce que :
- la société [5] n'a pas régularisé ses conclusions dans les conditions et délais des articles 908 et 911 du code de procédure civile, dès lors qu'elle les a signifiées par acte du 8 août 2022 sans y joindre ni bordereau de pièces ni aucune pièce,
- si la société [5] a signifié de nouveau ses conclusions en joignant un bordereau de pièces, elle n'a pas communiqué simultanément ses pièces à la suite de cette signification et ne les a transmises que le 23 décembre 2022, soit bien au-delà des délais prévus par les articles 906, 908 et 911 du code de procédure civile,
- l'absence durable de simultanéité entre la signification des conclusions et la communication des pièces qui en sont le soutien entache de nullité les conclusions de la société [5], et lui cause nécessairement un grief compte tenu du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense prévus par les dispositions précitées et les articles 15 et 16 du code de procédure civile.
Dans sa note en délibéré, la société [5] soulève l'irrecevabilité de la demande en application de l'article 914 du code de procédure civile.
Au fond, elle réplique que :
- le document PDF en annexe du message RPVA adressé au greffe et notifié à l'avocat adverse contient des conclusions comportant elles-mêmes en annexe un bordereau intégré au même document,
- elle a régulièrement communiqué ses pièces en cours de procédure, étant précisé que, d'une part, le droit positif n'exige nullement que cette communication intervienne dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile et que, d'autre part, ces pièces sont identiques à celles communiquées en première instance et par conséquent d'ores et déjà en possession du conseil de la société [20].
Selon l'article 914 du code de procédure civile,
'Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
(...)
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
(...)'.
La cour n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'appel et des conclusions de la société [5] que le conseiller de la mise en état a seule compétence à connaître jusqu'à la clôture de l'instruction.
Sur l'existence d'un mandat :
Le tribunal a jugé que la preuve de l'existence d'un mandat donné par la société [20] à la société [14] en juillet ou septembre 2013 et ayant perduré jusqu'en février 2014 n'est pas rapportée, en ce que :
- la société [5] ne produit aucun acte devant notaire ou sous signatures privées attestant de l'existence de ce mandat,
- elle ne justifie pas de l'existence d'un commencement de preuve par écrit, d'une acceptation tacite ou d'un mandat apparent,
- les pièces versées aux débats démontrent au contraire l'inexistence du mandat allégué par la société [5], dès lors que :
- la société [8], concernée par le litige avec le partenaire [10] dans lequel est intervenu M. [O] en juillet et août 2013 et objet des factures des 2 et 11 septembre 2013, a été placée en liquidation judiciaire le 5 septembre 2013,
- il est curieux que la société [14] qui a établi deux factures dans le même mois, les 2 et 11 septembre 2013, pour réclamer paiement de ses honoraires au titre des prestations réalisées en juillet et août 2013, soit ensuite restée silencieuse durant plusieurs mois et qu'elle ait attendu avril 2014, soit après la démission le 7 mars 2014 de M. [O], son dirigeant, de son mandat d'administrateur de la société [20], pour établir des factures de rappel pour des missions exécutées depuis septembre 2013.
La société [5] soutient que :
- l'attestation de M. [Y] établit qu'elle a réalisé entre juillet 2013 et mars 2014 des prestations de conseil, qu'elle a commencé à facturer dès les mois de juillet et août 2013,
- le paiement par la société [20] des notes d'honoraires qu'elle a émises, accompagnées du détail des prestations effectuées, suffit à démontrer l'existence du contrat qui les liait, lequel peut être prouvé par tout moyen,
- en août 2013, elle a concomitamment à ces prestations été chargée d'une 'mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs', selon la nouvelle convention d'honoraires conclue, contenant une clause d'exclusion de certaines prestations en son article 1.1 qui démontre que les parties savaient pertinemment que ces prestations exclues pourraient néanmoins exister et être rémunérées,
- les factures litigieuses correspondent à des prestations exclues du champ d'application de la nouvelle convention d'honoraires conclue, mais pouvant néanmoins donner lieu à facturation au temps passé,
- la société [20] prétend à tort que les conseils et l'assistance de M. [O] ont été prodigués en sa qualité d'administrateur mandaté à titre gratuit, puisque :
- l'essentiel des factures litigieuses correspond à des prestations effectuées antérieurement à l'acceptation par M. [O] de son mandat d'administrateur,
- les missions dévolues à M. [O] en qualité d'administrateur ne sauraient se confondre avec celles qui lui ont été confiées en qualité d'avocat,
- si la société [20] soutient qu'elle n'a découvert le principe de facturation des prestations exclues de la convention d'honoraires que tardivement, et qu'elle l'a toujours contesté, elle a néanmoins réglé les deux premières factures spontanément et sans contestation,
- le mandat confié pour les prestations exclues de la convention a débuté au mois de juillet 2013, comme en atteste le paiement spontané des factures de juillet et août 2013 par la société [20], et s'est poursuivi de septembre 2013 à février 2014 sur les mêmes bases et taux horaires et sans qu'il soit besoin d'une convention écrite particulière.
La société [20] réplique que :
à titre principal,
- aucun mandat n'a été consenti et celui tacite invoqué a posteriori est dénué d'objet, n'ayant pas d'intérêt ni de cause objective d'exister, en ce que :
- toutes les diligences prétendument réalisées par la société [14] l'ont été par M. [O] au titre du mandat social gratuit exercé à titre personnel, et ont été récapitulées et facturées par courriel du 7 mars 2014 aux actionnaires et elle n'avait aucune raison objective ni aucun intérêt à solliciter les services payants d'un avocat alors qu'elle a bénéficié des compétences de M. [O] en qualité d'administrateur jusqu'en juin 2014,
- si M. [O] estimait intervenir en tant qu'avocat, il devait l'en informer au préalable, un mandat écrit et signé des parties étant obligatoire en application des dispositions des articles 1985 et 1341 ancien du code civil s'agissant d'un montant supérieur à 1 500 euros, et une convention d'honoraires décrivant sa mission et sa rémunération devait lui être soumise,
- les règles professionnelles relatives au conflit d'intérêts et aux incompatibilités, dont celles de l'article P41-7 du règlement intérieur des avocats au barreau de Paris alors applicables, emportent la renonciation d'un avocat, dès lors qu'il exerce un mandat d'administrateur dans la société commerciale cliente, à facturer à cette dernière des prestations payantes,
- il n'existe pas de preuve d'un mandat d'avocat sur le fondement des six factures litigieuses du 10 mars 2014 en ce que :
- ces factures ne se rattachent pas à la convention d'honoraires du 1er août 2013 portant sur des 'conseils juridiques et fiscaux et de recherche d'investisseur' payables au résultat, sous forme de fonds versés, lesquels résultats n'ont jamais été obtenus, et aucune prestation au temps passé n'a été convenue,
- les deux factures des 2 et 11 septembre 2013 ne portent que sur le litige [10], soit des diligences convenues et réalisées non pour elle mais pour la société [8] en juillet et en août 2013, et qu'elle a accepté de régler compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de ladite société afin de ne pas pénaliser M. [O] qui allait devenir son administrateur, ce qui nécessitait comptablement que les factures soient dressées à son nom,
- les factures litigieuses sont étrangères et sans lien avec les factures du litige [10],
- la société [14] n'a pas établi les factures litigieuses du 10 mars 2014 qui ont été émises par une société tiers au litige, dénommée [15] et située en Angleterre, à laquelle elle n'a confié aucun mandat,
- il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 janvier 2020 que selon la Direction nationale des enquêtes fiscales, la société [15] a facturé des prestations fictives de conseils juridiques à la société [14] et à d'autres clients, aux fins d'évasion fiscale des capitaux correspondants à l'étranger et afin de se soustraire au paiement d'impôts,
- l'attestation établie par M. [Y], afin d'accréditer les prestations, mandat et factures de la société [14], ne remplit pas les conditions d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance requises, et est dénuée de toute valeur probante, en ce que M. [Y] connaît M. [O] de longue date et l'a présenté aux actionnaires de la société [20] en amont de la conclusion de la convention du 1er août 2013,
à titre subsidiaire,
- si la cour estimait qu'un mandat d'avocat a existé, ce mandat ne peut résulter que de la convention du 1er août 2013, laquelle se serait poursuivie jusqu'en février 2014, et prévoit une rémunération au résultat en vertu de son article 5, et non pas au temps passé.
Selon l'article 1985 du code civil, 'le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre 'Des contrats ou des obligations conventionnelles en général'.
L'acceptation du mandat peut n'être que tacite et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.'
Aux termes de l'article 1341 du code civil, dans sa version applicable au litige,
'Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.'
Le litige porte sur six factures d'honoraires du 10 mars 2014 au titre de diligences accomplies entre septembre 2013 et février 2014. Ces factures sont établies à l'entête de la société [14] ayant son siège social à [Localité 16], mais mentionnent comme bénéficiaire la société [15] ainsi qu'un siège social à Londres.
Il n'est produit aucun acte authentique ou sous signatures privées portant conclusion d'un mandat d'avocat entre la société [14] et la société [19] alors que le montant des prestations allégué à ce titre est supérieur à 1 500 euros.
La seule convention écrite versée aux débats, conclue le 1er août 2013 entre la société [14], devenue [5], et la société [20], consiste en une mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs moyennant une rémunération fixe et une rémunération variable en fonction du montant des capitaux. Les parties s'accordent sur le fait que les factures litigieuses, portant facturation d'honoraires d'avocat au temps passé, sont étrangères à cette convention.
La circonstance que l'article 1.1 de cette convention stipule qu' 'En tant que de besoin, il est précisé que par la présente, la mission n'inclut pas toute assistance au conseil comme au contentieux qui pourraient être requises au conseil par le client, hors la question du refinancement, ainsi que toute assistance pour l'optimisation juridique et fiscale de tel ou tel actionnaire du client', ne constitue pas un commencement de preuve par écrit qu'une convention a été tacitement conclue entre les parties au titre de diligences autres que celles relevant du champ d'application de la convention écrite.
Les factures émises les 2 et 20 septembre 2013 par la société [14] et à son seul bénéfice, à l'attention de la société [20], au titre de 'services professionnels rendus en matière juridique et fiscale' portent sur des diligences réalisées en juillet et août 2013, antérieurement et concomittamment à la conclusion de la convention du 1er août 2013 et à la désignation de M. [O], à titre personnel, en qualité d'administrateur de la société [20].
Ces factures et leur règlement par la société [20] ne justifient pas d'un mandat d'avocat donné par elle dès juillet 2013 sinon septembre 2013 et jusqu'à février 2014. En effet, M. [Y], qui a conclu le 3 juin 2013 avec la société [8], alors en redressement judiciaire, un contrat de prestation de services de conseil en transition et en mutation économique et financière en sa qualité de dirigeant de la société [U] [Y] [7], a, par courriel du 1er août 2013, présenté M. [O] à la société [20] comme étant 'son avocat', et les prestations facturées ont trait au litige [9]/[11], évoqué dans le bilan économique et social de la société [8] dressé par l'administrateur judiciaire le 7 août 2013, laquelle société a été placée en liquidation judiciaire le 5 septembre 2013.
Ainsi que le soutient l'intimée, la réalisation prétendue de diligences d'avocat par M. [O] en sa qualité de membre de la société [14], en dehors de la convention conclue le 1er août 2013, au titre de laquelle il a été rémunéré, nécessitait d'être clarifiée dès leur mise en oeuvre. Cette exigence s'imposait d'autant plus s'agissant de diligences d'avocat qui auraient été réalisées par M. [O] entre septembre 2013 et février 2014, au regard du risque de conflit d'intérêts auquel cela l'exposait, ayant été l'administrateur de la société [20] entre le 6 septembre 2013 et le 7 mars 2014.
La question du règlement des honoraires litigieux a été évoquée pour la première fois par M. [O] par courriel du 27 février 2014, dans lequel, en sa qualité d'administrateur, il a rappelé que les administrateurs des sociétés [6] (appartenant au même groupe) et [20] n'étaient ni assurés au titre de la mise en jeu de leur éventuelle responsabilité en qualité de mandataires sociaux, ni rémunérés et, faisant le constat des difficultés financières de ces sociétés, a précisé que 'les sommes invoquées sont dues et doivent être payées. Si ce n'est le cas, par volonté ou par défaut, nos qualités d'administrateurs non assurés et non rémunérés pour cette charge ne saurait être poursuivies'.
En outre, à l'occasion de sa démission de ses fonctions d'administrateur de la société [19] le le 7 mars 2014, dont il n'est pas discuté qu'elle soit intervenue consécutivement au refus de mise en vente de la marque [C] et [L] [W], M. [O] a présenté aux actionnaires de la société [19] ses 'diligences' en qualité d'administrateur de celles-ci, similaires à celles litigieuses facturées le 10 mars 2014.
La valeur probatoire de l'attestation de M. [Y] du 1er décembre 2014 est pertinemment discutée par l'intimée dès lors que ce dernier, tout comme M. [O] dont il était proche et qu'il a présenté à la société [18], a été désigné en qualité d'administrateur de ladite société le 6 décembre 2013, a démissionné et sollicité la rémunération des diligences accomplies.
Il n'est donc aucunement justifié d'un quelconque mandat d'avocat conclu entre la société [14] et la société [18] ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Outre la confirmation des dispositions du jugement de ces chefs, les dépens d'appel incombent à la
société [14] devenue [5], qui doit être condamnée, en équité, à payer à la société [20] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit irrecevables les demandes formées par la société commerciale de droit luxembourgeois [20] [12] aux fins de voir dire irrecevables les conclusions d'appelante et l'appel de la Sarl [5],
Confirme le jugement en ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la Sarl [5] à payer à la société commerciale de droit luxembourgeois [20] [12] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sarl [5] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 21 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08714 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYFJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2022 -TJ de [Localité 16] - RG n° 21/09543
APPELANTE :
S.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant et par Me François THOMAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A. [21] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1])
[Localité 13]
Représentée par Me Laurence GARNIER de la SELARL CAYOL TREMBLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 octobre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
La société commerciale de droit luxembourgeois [22] (la société [20]) a été constituée entre Mme [C] [B] et M. [L] [W], créateurs-stylistes, et leur fils. Elle est titulaire de la marque de vêtements [C] et [L] [W] qu'elle exploite dans le monde à travers différentes filiales dont, en France, la société par actions simplifiée [8], société de groupe dirigée par M. [U] [Y] et assurant la production et la vente des articles.
La société [8] a été placée en redressement judiciaire par jugement du 10 mai 2012, M. [H] [T] étant nommé en qualité d'administrateur judiciaire.
En juillet 2013, M. [U] [Y] a sollicité les services de la société [14], ayant pour associé et gérant M. [M] [O].
Le 1er août 2013, la société [14] a conclu avec la société [20] un contrat intitulé 'Mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs'.
Le 5 septembre 2013, la liquidation judiciaire de la société [8] a été prononcée.
M. [O] a été nommé, à titre personnel, administrateur de la société [20] le 6 septembre 2013. Il a présenté sa démission de ces fonctions le 7 mars 2014, laquelle a été acceptée en assemblée générale le 7 avril suivant.
La société [14] a adressé à la société [20] d'abord deux factures d'honoraires des 2 et 11 septembre 2013 au titre du litige [9]/[11] qui ont été réglées, puis six factures d'honoraires le 10 mars 2014 au titre de diligences des mois de septembre 2013 à février 2014, qui n'ont pas été acquittées en dépit d'une mise en demeure du 28 mai 2014.
Par décision du 4 mars 2015, le bâtonnier a fixé à la somme de 197 048,45 euros Ttc le montant des honoraires et frais dus à la société [14] par la société [20] au titre des six factures impayées.
Par décision du 23 mai 2017, le délégué du premier président de la cour a notamment, avant-dire droit sur la contestation des honoraires susceptibles de revenir à la société [14], ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive à rendre sur l'existence du mandat susceptible de lier les parties par le juge de droit commun, saisi à la requête de la partie la plus diligente.
Le 21 juillet 2017, la société [14] a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 18 septembre 2017, la société [14], devenue la société à responsabilité limitée [5], a fait assigner la société [20] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater l'existence d'un mandat d'avocat pour la période de septembre 2013 à février 2014 entre elles, et renvoyer l'affaire pour la suite de la contestation d'honoraires devant le premier président.
La société [20] a saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident aux fins de prononcé du sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation sur le pourvoi formé par la société [5]. La Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi le 4 octobre 2018, par ordonnance du 8 novembre 2018, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer comme étant devenue sans objet.
Par ordonnance du 30 juin 2021, le juge de la mise en état a prononcé la radiation de la procédure du rôle des affaires en cours.
L'affaire a été rétablie au rôle le 13 octobre 2021.
Par jugement du 14 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société [20] comme étant non fondée,
- dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre la société [5], anciennement dénommée [14], et la société [20],
- rejeté les demandes de la société [5] comme étant non fondées,
- déclaré sans objet la demande reconventionnelle de la société [20],
- condamné la société [5] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné la société [5] à payer à la société [20] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
Par déclaration du 29 avril 2022, la société [5] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 mai 2025, la société à responsabilité limitée [5] demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et la déclarer bien-fondée,
y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- a dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [20],
- a rejeté ses demandes comme étant non fondées,
- l'a condamnée aux dépens,
- l'a condamnée à payer à la société [20] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- débouter la société [20] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- constater l'existence d'un mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [20],
en tout état de cause,
- condamner la société [20] à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [20] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. [K] [J], membre de la Selarl [17], admis à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 25 janvier 2024, la société commerciale de droit luxembourgeois [21] SA demande à la cour de :
sur la procédure,
- déclarer irrecevables les conclusions d'appelante et l'appel de la société [4],
en conséquence,
- prononcer l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour,
subsidiairement,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
au fond, si l'appel est déclaré recevable,
à titre principal,
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit qu'il n'a pas existé de mandat d'avocat pour la période allant de septembre 2013 à février 2014 entre elle et la société [5],
- rejeté les demandes de la société [5] comme étant non fondées,
- condamné la société [5] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- renvoyer les parties devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin qu'il soit statué sur la contestation des honoraires en conséquence de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire, dans le cas où la cour estimerait qu'un mandat d'avocat a existé sur la période des facturations litigieuses allant de septembre 2013 à février 2014,
- dire que ce mandat d'avocat résulte exclusivement de la convention conclue entre elle et la société [5], anciennement [14], le 1er août 2013,
en conséquence,
- renvoyer les parties devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin de fixer les frais et honoraires de la société [5] conformément à l'article 5 de la convention du 1er août 2013,
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes,
en toute hypothèse,
- confirmer le jugement du chef de la condamnation de la société [5] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
y ajoutant en cause d'appel,
- condamner la société [5] :
- à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens de l'appel, dont distraction au profit de la Selas Cayol Cahen Tremblay & Associés, agissant par Mme Laurence Garnier, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 juin 2025.
Mettant en débat la question de son pouvoir pour se prononcer sur l'irrecevabilité des conclusions d'appelant et de la déclaration d'appel au vu des dispositions de l'article 913-5 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à former leurs observations par note en délibéré. La société [5] a déposé une note en délibéré dans le délai imparti.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel et des conclusions de la société [5] :
La société [20] soulève l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, de la déclaration d'appel et de son appel en application des articles 906, 908, 909 et 914 du code de procédure civile en ce que :
- la société [5] n'a pas régularisé ses conclusions dans les conditions et délais des articles 908 et 911 du code de procédure civile, dès lors qu'elle les a signifiées par acte du 8 août 2022 sans y joindre ni bordereau de pièces ni aucune pièce,
- si la société [5] a signifié de nouveau ses conclusions en joignant un bordereau de pièces, elle n'a pas communiqué simultanément ses pièces à la suite de cette signification et ne les a transmises que le 23 décembre 2022, soit bien au-delà des délais prévus par les articles 906, 908 et 911 du code de procédure civile,
- l'absence durable de simultanéité entre la signification des conclusions et la communication des pièces qui en sont le soutien entache de nullité les conclusions de la société [5], et lui cause nécessairement un grief compte tenu du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense prévus par les dispositions précitées et les articles 15 et 16 du code de procédure civile.
Dans sa note en délibéré, la société [5] soulève l'irrecevabilité de la demande en application de l'article 914 du code de procédure civile.
Au fond, elle réplique que :
- le document PDF en annexe du message RPVA adressé au greffe et notifié à l'avocat adverse contient des conclusions comportant elles-mêmes en annexe un bordereau intégré au même document,
- elle a régulièrement communiqué ses pièces en cours de procédure, étant précisé que, d'une part, le droit positif n'exige nullement que cette communication intervienne dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile et que, d'autre part, ces pièces sont identiques à celles communiquées en première instance et par conséquent d'ores et déjà en possession du conseil de la société [20].
Selon l'article 914 du code de procédure civile,
'Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
(...)
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
(...)'.
La cour n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'appel et des conclusions de la société [5] que le conseiller de la mise en état a seule compétence à connaître jusqu'à la clôture de l'instruction.
Sur l'existence d'un mandat :
Le tribunal a jugé que la preuve de l'existence d'un mandat donné par la société [20] à la société [14] en juillet ou septembre 2013 et ayant perduré jusqu'en février 2014 n'est pas rapportée, en ce que :
- la société [5] ne produit aucun acte devant notaire ou sous signatures privées attestant de l'existence de ce mandat,
- elle ne justifie pas de l'existence d'un commencement de preuve par écrit, d'une acceptation tacite ou d'un mandat apparent,
- les pièces versées aux débats démontrent au contraire l'inexistence du mandat allégué par la société [5], dès lors que :
- la société [8], concernée par le litige avec le partenaire [10] dans lequel est intervenu M. [O] en juillet et août 2013 et objet des factures des 2 et 11 septembre 2013, a été placée en liquidation judiciaire le 5 septembre 2013,
- il est curieux que la société [14] qui a établi deux factures dans le même mois, les 2 et 11 septembre 2013, pour réclamer paiement de ses honoraires au titre des prestations réalisées en juillet et août 2013, soit ensuite restée silencieuse durant plusieurs mois et qu'elle ait attendu avril 2014, soit après la démission le 7 mars 2014 de M. [O], son dirigeant, de son mandat d'administrateur de la société [20], pour établir des factures de rappel pour des missions exécutées depuis septembre 2013.
La société [5] soutient que :
- l'attestation de M. [Y] établit qu'elle a réalisé entre juillet 2013 et mars 2014 des prestations de conseil, qu'elle a commencé à facturer dès les mois de juillet et août 2013,
- le paiement par la société [20] des notes d'honoraires qu'elle a émises, accompagnées du détail des prestations effectuées, suffit à démontrer l'existence du contrat qui les liait, lequel peut être prouvé par tout moyen,
- en août 2013, elle a concomitamment à ces prestations été chargée d'une 'mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs', selon la nouvelle convention d'honoraires conclue, contenant une clause d'exclusion de certaines prestations en son article 1.1 qui démontre que les parties savaient pertinemment que ces prestations exclues pourraient néanmoins exister et être rémunérées,
- les factures litigieuses correspondent à des prestations exclues du champ d'application de la nouvelle convention d'honoraires conclue, mais pouvant néanmoins donner lieu à facturation au temps passé,
- la société [20] prétend à tort que les conseils et l'assistance de M. [O] ont été prodigués en sa qualité d'administrateur mandaté à titre gratuit, puisque :
- l'essentiel des factures litigieuses correspond à des prestations effectuées antérieurement à l'acceptation par M. [O] de son mandat d'administrateur,
- les missions dévolues à M. [O] en qualité d'administrateur ne sauraient se confondre avec celles qui lui ont été confiées en qualité d'avocat,
- si la société [20] soutient qu'elle n'a découvert le principe de facturation des prestations exclues de la convention d'honoraires que tardivement, et qu'elle l'a toujours contesté, elle a néanmoins réglé les deux premières factures spontanément et sans contestation,
- le mandat confié pour les prestations exclues de la convention a débuté au mois de juillet 2013, comme en atteste le paiement spontané des factures de juillet et août 2013 par la société [20], et s'est poursuivi de septembre 2013 à février 2014 sur les mêmes bases et taux horaires et sans qu'il soit besoin d'une convention écrite particulière.
La société [20] réplique que :
à titre principal,
- aucun mandat n'a été consenti et celui tacite invoqué a posteriori est dénué d'objet, n'ayant pas d'intérêt ni de cause objective d'exister, en ce que :
- toutes les diligences prétendument réalisées par la société [14] l'ont été par M. [O] au titre du mandat social gratuit exercé à titre personnel, et ont été récapitulées et facturées par courriel du 7 mars 2014 aux actionnaires et elle n'avait aucune raison objective ni aucun intérêt à solliciter les services payants d'un avocat alors qu'elle a bénéficié des compétences de M. [O] en qualité d'administrateur jusqu'en juin 2014,
- si M. [O] estimait intervenir en tant qu'avocat, il devait l'en informer au préalable, un mandat écrit et signé des parties étant obligatoire en application des dispositions des articles 1985 et 1341 ancien du code civil s'agissant d'un montant supérieur à 1 500 euros, et une convention d'honoraires décrivant sa mission et sa rémunération devait lui être soumise,
- les règles professionnelles relatives au conflit d'intérêts et aux incompatibilités, dont celles de l'article P41-7 du règlement intérieur des avocats au barreau de Paris alors applicables, emportent la renonciation d'un avocat, dès lors qu'il exerce un mandat d'administrateur dans la société commerciale cliente, à facturer à cette dernière des prestations payantes,
- il n'existe pas de preuve d'un mandat d'avocat sur le fondement des six factures litigieuses du 10 mars 2014 en ce que :
- ces factures ne se rattachent pas à la convention d'honoraires du 1er août 2013 portant sur des 'conseils juridiques et fiscaux et de recherche d'investisseur' payables au résultat, sous forme de fonds versés, lesquels résultats n'ont jamais été obtenus, et aucune prestation au temps passé n'a été convenue,
- les deux factures des 2 et 11 septembre 2013 ne portent que sur le litige [10], soit des diligences convenues et réalisées non pour elle mais pour la société [8] en juillet et en août 2013, et qu'elle a accepté de régler compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de ladite société afin de ne pas pénaliser M. [O] qui allait devenir son administrateur, ce qui nécessitait comptablement que les factures soient dressées à son nom,
- les factures litigieuses sont étrangères et sans lien avec les factures du litige [10],
- la société [14] n'a pas établi les factures litigieuses du 10 mars 2014 qui ont été émises par une société tiers au litige, dénommée [15] et située en Angleterre, à laquelle elle n'a confié aucun mandat,
- il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 janvier 2020 que selon la Direction nationale des enquêtes fiscales, la société [15] a facturé des prestations fictives de conseils juridiques à la société [14] et à d'autres clients, aux fins d'évasion fiscale des capitaux correspondants à l'étranger et afin de se soustraire au paiement d'impôts,
- l'attestation établie par M. [Y], afin d'accréditer les prestations, mandat et factures de la société [14], ne remplit pas les conditions d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance requises, et est dénuée de toute valeur probante, en ce que M. [Y] connaît M. [O] de longue date et l'a présenté aux actionnaires de la société [20] en amont de la conclusion de la convention du 1er août 2013,
à titre subsidiaire,
- si la cour estimait qu'un mandat d'avocat a existé, ce mandat ne peut résulter que de la convention du 1er août 2013, laquelle se serait poursuivie jusqu'en février 2014, et prévoit une rémunération au résultat en vertu de son article 5, et non pas au temps passé.
Selon l'article 1985 du code civil, 'le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre 'Des contrats ou des obligations conventionnelles en général'.
L'acceptation du mandat peut n'être que tacite et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.'
Aux termes de l'article 1341 du code civil, dans sa version applicable au litige,
'Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.'
Le litige porte sur six factures d'honoraires du 10 mars 2014 au titre de diligences accomplies entre septembre 2013 et février 2014. Ces factures sont établies à l'entête de la société [14] ayant son siège social à [Localité 16], mais mentionnent comme bénéficiaire la société [15] ainsi qu'un siège social à Londres.
Il n'est produit aucun acte authentique ou sous signatures privées portant conclusion d'un mandat d'avocat entre la société [14] et la société [19] alors que le montant des prestations allégué à ce titre est supérieur à 1 500 euros.
La seule convention écrite versée aux débats, conclue le 1er août 2013 entre la société [14], devenue [5], et la société [20], consiste en une mission d'assistance juridique et fiscale et de présentation d'investisseurs moyennant une rémunération fixe et une rémunération variable en fonction du montant des capitaux. Les parties s'accordent sur le fait que les factures litigieuses, portant facturation d'honoraires d'avocat au temps passé, sont étrangères à cette convention.
La circonstance que l'article 1.1 de cette convention stipule qu' 'En tant que de besoin, il est précisé que par la présente, la mission n'inclut pas toute assistance au conseil comme au contentieux qui pourraient être requises au conseil par le client, hors la question du refinancement, ainsi que toute assistance pour l'optimisation juridique et fiscale de tel ou tel actionnaire du client', ne constitue pas un commencement de preuve par écrit qu'une convention a été tacitement conclue entre les parties au titre de diligences autres que celles relevant du champ d'application de la convention écrite.
Les factures émises les 2 et 20 septembre 2013 par la société [14] et à son seul bénéfice, à l'attention de la société [20], au titre de 'services professionnels rendus en matière juridique et fiscale' portent sur des diligences réalisées en juillet et août 2013, antérieurement et concomittamment à la conclusion de la convention du 1er août 2013 et à la désignation de M. [O], à titre personnel, en qualité d'administrateur de la société [20].
Ces factures et leur règlement par la société [20] ne justifient pas d'un mandat d'avocat donné par elle dès juillet 2013 sinon septembre 2013 et jusqu'à février 2014. En effet, M. [Y], qui a conclu le 3 juin 2013 avec la société [8], alors en redressement judiciaire, un contrat de prestation de services de conseil en transition et en mutation économique et financière en sa qualité de dirigeant de la société [U] [Y] [7], a, par courriel du 1er août 2013, présenté M. [O] à la société [20] comme étant 'son avocat', et les prestations facturées ont trait au litige [9]/[11], évoqué dans le bilan économique et social de la société [8] dressé par l'administrateur judiciaire le 7 août 2013, laquelle société a été placée en liquidation judiciaire le 5 septembre 2013.
Ainsi que le soutient l'intimée, la réalisation prétendue de diligences d'avocat par M. [O] en sa qualité de membre de la société [14], en dehors de la convention conclue le 1er août 2013, au titre de laquelle il a été rémunéré, nécessitait d'être clarifiée dès leur mise en oeuvre. Cette exigence s'imposait d'autant plus s'agissant de diligences d'avocat qui auraient été réalisées par M. [O] entre septembre 2013 et février 2014, au regard du risque de conflit d'intérêts auquel cela l'exposait, ayant été l'administrateur de la société [20] entre le 6 septembre 2013 et le 7 mars 2014.
La question du règlement des honoraires litigieux a été évoquée pour la première fois par M. [O] par courriel du 27 février 2014, dans lequel, en sa qualité d'administrateur, il a rappelé que les administrateurs des sociétés [6] (appartenant au même groupe) et [20] n'étaient ni assurés au titre de la mise en jeu de leur éventuelle responsabilité en qualité de mandataires sociaux, ni rémunérés et, faisant le constat des difficultés financières de ces sociétés, a précisé que 'les sommes invoquées sont dues et doivent être payées. Si ce n'est le cas, par volonté ou par défaut, nos qualités d'administrateurs non assurés et non rémunérés pour cette charge ne saurait être poursuivies'.
En outre, à l'occasion de sa démission de ses fonctions d'administrateur de la société [19] le le 7 mars 2014, dont il n'est pas discuté qu'elle soit intervenue consécutivement au refus de mise en vente de la marque [C] et [L] [W], M. [O] a présenté aux actionnaires de la société [19] ses 'diligences' en qualité d'administrateur de celles-ci, similaires à celles litigieuses facturées le 10 mars 2014.
La valeur probatoire de l'attestation de M. [Y] du 1er décembre 2014 est pertinemment discutée par l'intimée dès lors que ce dernier, tout comme M. [O] dont il était proche et qu'il a présenté à la société [18], a été désigné en qualité d'administrateur de ladite société le 6 décembre 2013, a démissionné et sollicité la rémunération des diligences accomplies.
Il n'est donc aucunement justifié d'un quelconque mandat d'avocat conclu entre la société [14] et la société [18] ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Outre la confirmation des dispositions du jugement de ces chefs, les dépens d'appel incombent à la
société [14] devenue [5], qui doit être condamnée, en équité, à payer à la société [20] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit irrecevables les demandes formées par la société commerciale de droit luxembourgeois [20] [12] aux fins de voir dire irrecevables les conclusions d'appelante et l'appel de la Sarl [5],
Confirme le jugement en ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la Sarl [5] à payer à la société commerciale de droit luxembourgeois [20] [12] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sarl [5] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE