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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 21 octobre 2025, n° 24/06488

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06488

21 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51C

Chambre civile 1-2

ARRET N°302

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2025

N° RG 24/06488 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WZIC

AFFAIRE :

S.C.I. IMMOBILIERE IMMOMESNIL, représentée par Me [H] [P], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1], ès qualité de Mandataire provisoire, désignée par ordonnance le 26 septembre 2023

C/

[R] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Septembre 2024 par le Tribunal de proximité d'ASNIERES SUR SEINE

N° Chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 11-23-0000

Expéditions exécutoires

Copies

délivrées le : 21.10.2025

à :

Me Franck LAFON

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTE

S.C.I. IMMOBILIERE IMMOMESNIL, représentée par Me [H] [P], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1], ès qualité de Mandataire provisoire, désignée par ordonnance le 26 septembre 2023

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Marc-robert HOFFMANN NABOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1364

****************

INTIME

Monsieur [R] [S]

né le 09 Septembre 1951 à [Localité 9] ALGERIE

[Adresse 12]

. [Localité 6] ALGÉRIE

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20240560

Plaidant : Me Audrey CHELLY SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1406

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, président, et de Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Bénédicte NISI,

Rappel des faits constants

La société civile immobilière Immomesnil est propriétaire de la totalité d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 10] dans les Hauts-de-Seine, qu'elle a acquis par acte du 20 février 1996.

Le capital social de la SCI Immomesnil est divisé en 500 parts sociales, réparties de la façon suivante':

- [R] [V], gérant, pour 295 parts sociales,

- M. [E] [U] pour 25 parts sociales,

- M. [R] [S] pour 175 parts sociales,

- [D] [V], fille du gérant, pour 5 parts sociales.

MM. [U] et [S] sont les beaux-frères d'[R] [V].

Ce bien immobilier réunit dans un bâtiment A des locaux commerciaux, un espace de bureaux, huit appartements et six chambres sur six étages.

Le bâtiment B, de deux étages à réhabiliter, fait l'objet d'un mandat de gestion confié à la société Cogestra, devenue Foncia.

D'importants conflits sont nés entre les associés.

[R] [V] et sa fille [D], après lui, prétendent que ceux-ci sont dus à des travaux effectués par M. [E] [U] au sein de plusieurs appartements, qui n'ont pas été autorisés par le gérant et au fait que M. [U] a décidé d'occuper, ou de faire occuper par ses proches, plusieurs appartements dépendant de cet immeuble':

- un appartement n° 9 situé bâtiment A sur le boulevard, 5ème étage, porte de gauche, d'une superficie de 63 mètres carrés,

- un appartement n° 22 situé bâtiment A sur le boulevard, 6ème étage, porte de gauche, d'une superficie de 33,14 mètres carrés,

- un appartement n° 10 situé bâtiment A sur cour, 2ème étage, porte de droite, d'une superficie de 25,12 mètres carrés.

De leur côté, MM. [U] et [S] prétendent que les dissensions sont liées à l'absence de transparence du gérant quant à la gestion de la société et indiquent qu'ils sont convaincus que le gérant a capté des fonds.

M. [S] reproche par ailleurs à [R] [V] de ne pas avoir mis en compte son apport de 500 000 francs lors de la création de la société pour la répartition du capital social mais de l'avoir frauduleusement inscrit en compte courant pour s'attribuer 60 % du capital social alors que son apport était inférieur.

Dans ce contexte tendu, soutenant que M. [S] occupe l'appartement n° 9 sans droit ni titre, après des échanges qui n'ont pas permis d'obtenir la libération des lieux, ni le paiement d'une indemnité financière, la SCI Immomesnil a assigné M. [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine, par acte de commissaire de justice délivré le 21'décembre 2022.

[R] [V] est décédé le 30 juillet 2023.

A la suite de ce décès, MM.'[U] et [S] ont fait assigner Mme [D] [V] en contestation du legs de l'ensemble des parts sociales de son père, dont celle-ci se prévaut, devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Compte tenu des litiges en cours, le tribunal judiciaire de Nanterre a, par ordonnance du 26 septembre 2023, désigné Me [P] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Immomesnil, avec pour mission de'«'réunir les associés en vue de nommer un nouveau gérant et, dans l'attente, de gérer et d'administrer cette société en prenant toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité'».

La mission de Me [P] a été prorogée dans les mêmes termes pour une durée de douze mois à compter du 26 septembre 2024, par ordonnance du 25 septembre 2024.

La décision contestée

Devant le juge des contentieux de la protection, la SCI Immomesnil a présenté les demandes suivantes':

- l'expulsion de M. [S] et des occupants de son chef des locaux occupés situés [Adresse 2] à [Localité 10] dans les Hauts-de-Seine, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème'jour suivant la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux,

- la condamnation de M. [S] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1'260'euros jusqu'à la libération des lieux,

- la condamnation de M. [S] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

De son côté, M. [S] a demandé au juge des contentieux de la protection ce qui suit':

- ordonner la nullité de l'assignation sciemment délivrée à une adresse fictive et fausse,

à titre subsidiaire,

- débouter la SCI Immomesnil de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 4 septembre 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine a':

- déclaré la société Immomesnil irrecevable en ses demandes,

- condamné la société Immomesnil aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire était de plein droit.

Pour dire la société Immomesnil irrecevable en ses demandes, le premier juge a retenu que celle-ci n'avait ni qualité, ni intérêt à agir, faute pour Me [P], désigné mandataire provisoire de la société par le tribunal de commerce, d'agir dans les limites de ses attributions, la constatation de l'occupation sans droit ni titre des locaux constituant le siège social de la société par M. [S], tandis que celui-ci conteste les occuper, ne constituant nullement une mesure urgente et nécessaire à régler avant même de réunir les associés pour nommer un nouveau gérant.

La procédure d'appel

Me [P], ès qualités, a relevé appel du jugement par déclaration du 10 octobre 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/06488.

Le magistrat chargé de la mise en état a fixé la date des plaidoiries au 24 juin 2025, dans le cadre d'une audience collégiale.

La clôture de la procédure a été prononcée le jour de l'audience.

Prétentions de la SCI Immomesnil, représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire, appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21'mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Immomesnil, représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire, demande à la cour d'appel de':

- juger et déclarer recevables et bien fondées ses demandes, fins et prétentions,

- juger et déclarer mal fondées les demandes, fins et prétentions de M. [S],

- juger que M. [S] a reconnu lui-même occuper l'appartement du 5ème'étage porte à gauche du bâtiment A, au [Adresse 4] et ce depuis le 4'septembre 2018,

- juger que l'huissier qui a délivré l'assignation introductive d'instance le 21'décembre 2022'a confirmé que M. [S] occupait les lieux,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées et donc en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en ses demandes, la condamnant aux dépens,

statuant à nouveau,

- débouter M. [S] de toutes ses demandes reconventionnelles formées à son encontre,

- débouter M. [S] de ses demandes contenues dans son appel incident,

- ordonner l'expulsion de M. [S] et de tous les occupants de son chef des locaux qu'il occupe sans droit ni titre, à savoir l'appartement du 5ème étage porte à gauche du bâtiment A, au [Adresse 4],

- condamner M. [S] à lui verser une somme de 83 160 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période courant du mois de'septembre 2018'au mois de'février 2024'inclus,

- condamner M. [S] à lui verser une somme de 1 260 euros par mois jusqu'à la complète libération des lieux,

- condamner M. [S] à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prétentions de M. [S], intimé

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 11'juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [S] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris'en ce qu'il déclare la société Immomesnil irrecevable en ses demandes et la condamne aux dépens, étant rappelé que l'ordonnance dont Me [Y] se prévaut pour justifier ses pouvoirs a été rendue postérieurement au dépôt de ses conclusions de première instance et à l'audience de plaidoiries devant le tribunal de proximité,

statuant à nouveau,

- ordonner la nullité de l'assignation sciemment délivrée par la société Immomesnil à une adresse fictive et fausse,

- déclarer la société Immomesnil irrecevable en ses demandes,

en tout état de cause,

- constater qu'il ne cesse de clamer qu'il ne réside pas dans ce logement, qu'il le disait devant le juge en première instance, qu'il continuait de l'indiquer à Me [Y],

- débouter la société Immomesnil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, laquelle ne démontre ni une occupation depuis 2018, ni même ne produit un quelconque inventaire lors de sa prise de fonction,

- condamner la société Immomesnil au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente procédure,

- condamner la société Immomesnil aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Me [P] ès qualités poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la SCI Immomesnil irrecevable à agir. M. [S] oppose toutefois, comme en première instance, la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée, cette question devant être examinée en premier.

Sur la nullité de l'assignation

M. [S] soulève la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée, selon lui, de mauvaise foi à une mauvaise adresse sciemment erronée.

Il expose que l'acte lui a été délivré au [Adresse 3] Clichy, c'est-à-dire l'adresse de l'immeuble dont la SCI Immomesnil est propriétaire, alors qu'il n'est pas résident français mais algérien et qu'il n'a pas pu venir en France pendant la crise sanitaire. Il souligne qu'[R] [V], gérant de la société de nationalité algérienne, le savait parfaitement. Il prétend que si son nom figure sur la boîte aux lettres de l'immeuble, c'est uniquement en sa qualité d'associé de la SCI Immomesnil, ce que celle-ci et son gérant ne sauraient ignorer puisque tous les actes qui lui ont été délivrés dans les différentes procédures qui les opposent mentionnent son adresse en Algérie.

Il soutient qu'est nulle la signification faite à une adresse que le requérant savait fausse et que cette situation lui cause à l'évidence un préjudice puisqu'elle tend à démontrer qu'il résiderait dans un des logements de l'immeuble, alors que c'est totalement faux.

Me [P], ès qualités, s'oppose à la demande. Elle fait valoir que M. [S] a reconnu être occupant d'un appartement appartenant à la SCI Immomesnil dans une correspondance du 7 septembre 2018. Elle soutient également que lors de la délivrance de l'acte en 2022, l'huissier a indiqué que le domicile du destinataire avait été confirmé par un voisin.

Sur ce,

L'article 648 du code de procédure civile dispose': «'Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.'»

Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En outre, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même s'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Il est constant que les actes de procédure, signifiés à une adresse erronée, sont affectés d'un vice de forme.

En l'espèce, M. [S] soulève la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée, motif pris que celle-ci ne lui a pas été délivrée à son domicile, en Algérie, mais à l'adresse de la SCI Immomesnil.

Toutefois, quelle que soit l'adresse exacte de M. [S], celui-ci, étant représenté et pouvant défendre ses intérêts dans le cadre de la présente procédure, il ne justifie d'aucun grief.

En outre, il ne peut être tiré argument, comme le fait M. [S], que le fait de le débouter de sa demande tendrait à démontrer qu'il résiderait dans un des logements de l'immeuble de la SCI Immomesnil, seul le défaut de grief motivant le rejet de sa demande.

Le premier juge a statué sur cette question dans les motifs de sa décision mais n'a pas repris ce chef de demande dans le dispositif de première instance. Il sera en conséquence ajouté au jugement sur ce point.

Sur la qualité à agir de la société Immomesnil

Me [P], ès qualités, poursuit l'infirmation du jugement de ce chef. Elle fait valoir que, dans l'attente de la résolution du litige, elle doit gérer et administrer la société en prenant toutes les mesures qu'imposent la nécessité, que sa mission ne se borne pas à devoir convoquer une assemblée générale des associés pour élire un gérant, qu'elle doit également assurer l'administration de la société et prendre les mesures qu'imposent la nécessité, que tel est bien le cas en l'espèce puisqu'elle a constaté qu'il y a un occupant sans droit ni titre dans un bien de la SCI, que cette situation ne peut perdurer et qu'il lui appartient d'y mettre fin.

M. [S] oppose le défaut de qualité à agir de la SCI Immomesnil. Il rappelle que Me'[P] n'a pas été désignée pour agir en justice mais uniquement pour convoquer les associés en vue de nommer un nouveau gérant. Il soutient que, contrairement à ce qu'indique la mandataire, celle-ci n'a pu constater qu'il occupait les lieux objet du litige, puisqu'il ne les occupe pas, et demande qu'il soit enjoint à celle-ci de communiquer le compte rendu de visite des lieux pour vérifier que le bien était effectivement vide. Il souligne qu'il est incompréhensible que de nombreux logements ne soient pas reloués et fait valoir que, si Me [P] est autorisée à prendre des mesures d'urgence, elle devrait en premier lieu dresser les comptes, plutôt que d'engager une procédure à son encontre.

Sur ce,

L'article 31 du code de procédure civile dispose': «'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'»

L'article 32 du même code énonce': «'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.'»

En l'espèce, l'assignation a été délivrée le 21 décembre 2022 par la SCI Immomesnil, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à son siège social à Clichy, alors qu'[R] [V] n'était pas encore décédé.

Il est constant que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures (com., 6 déc. 2005, pourvoi n° 04.10-287).

Dès lors, la SCI Immomesnil avait le droit d'agir en justice.

S'agissant des pouvoirs de Me [P] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Immomesnil, il est rappelé que le tribunal judiciaire de Nanterre a été saisi le 11 septembre 2023, d'une requête présentée par MM. [S] et [U], à la suite du décès du gérant de la SCI Immomesnil, pour voir désigner un administrateur provisoire.

Le dernier alinéa de l'article 1846 du code civil dispose': «'Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant, tout associé peut réunir les associés ou, à défaut, demander au président du tribunal statuant sur requête la désignation d'un mandataire chargé de le faire, à seule fin de nommer un ou plusieurs gérants.'»

Par ordonnance du 26 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a désigné Me [P] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Immomesnil, avec pour mission de'«'réunir les associés en vue de nommer un nouveau gérant et, dans l'attente, de gérer et d'administrer cette société en prenant toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité'».

La mission de Me [P] a été prorogée dans les mêmes termes pour une durée de douze mois à compter du 26 septembre 2024, par ordonnance du 25 septembre 2024.

Il ressort des termes de l'ordonnance de désignation que Me [P] a reçu pour mission la convocation des associés en vue de nommer un nouveau gérant et, dans cette attente, de gérer et administrer les mesures urgentes et nécessaires.

En l'espèce, il n'est pas démontré d'excès de pouvoir de la part de Me [P], le fait d'assurer la défense de la société qu'elle administre provisoirement, dans le cadre d'une procédure judiciaire en cours, relève bien des «'mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité'».

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI Immomesnil.

Sur l'expulsion de M. [S]

Me [P], ès qualités, soutient que M. [S] est occupant sans droit ni titre du logement n° 9 situé bâtiment A sur le boulevard, 5ème étage, porte de gauche, dépendant de l'immeuble appartenant à la SCI Immomesnil. Elle demande son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation.

M. [S] conteste être occupant de ce bien et s'oppose donc aux demandes.

Sur ce,

L'examen des demandes suppose que soit démontré, au préalable, que M. [S] est occupant du logement litigieux.

Pour établir cette occupation, Me [P], ès qualités, produit uniquement une correspondance du 7 septembre 2018 émanant de M. [S] et adressé à [R] [V], rédigé en ces termes':

«'LRAR

Objet': occupation d'un appartement

Monsieur,

Je vous écris pour vous signaler que j'occupe l'appartement du 5ème étage porte à gauche du bâtiment A, au [Adresse 3] [Localité 11] et ce depuis le 04/09/2018.

Pour cause, étant actuellement en litige depuis des années avec vous comme vous le savez, je serai plus souvent en France jusqu'au règlement de toutes mes affaires. Cela devrait en effet permettre d'être au plus près de mes intérêts. La gestion plus active que je compte adopter durant ces prochains mois devrait me permettre d'en finir très prochainement avec ce litige qui m'occupe depuis maintenant trop longtemps. Je compte bien être présent au c'ur du problème. Je serai d'ailleurs prochainement appelé à être convoqué pour la résolution de nos affaires, que ce soit par l'administration fiscale, par mon avocat ou encore par le tribunal. Veuillez croire que je serai tout près de la gestion de mon immeuble pour ainsi en finir avec ce problème.'» (pièce 3 de la société appelante).

M. [S] s'étonne, avec pertinence, de voir que la SCI Immomesnil ait attendu début 2023 pour faire délivrer une assignation à son encontre au titre d'une prétendue occupation sans droit ni titre remontant à l'année 2018, soit près de 5 ans avant.

Il souligne qu'aucune lettre ne lui a jamais été envoyée, ni par Foncia, ni par la SCI Immomesnil pour lui demander de quitter les lieux depuis 2018, qu'aucun constat n'a été dressé pour constater une prétendue occupation du logement, qu'aucun commandement de payer, ou de quitter les lieux ne lui a été signifié.

M. [S], qui indique résider en Algérie, nie fermement occuper ce logement et considère qu'une lettre remontant à 2018 ne peut justifier des demandes financières aussi exorbitantes.

En outre, de son côté, il justifie que la gérance a facturé des loyers en 2018 (pièce 19 de l'appelante) puis qu'elle a cessé (sa pièce 20) car il n'occupait pas les lieux. Il soutient que la facturation de loyers puis son arrêt prouve que la SCI Immomesnil considérait qu'il n'occupait plus les lieux.

Au vu des éléments en présence, en l'absence d'un constat actualisé, il sera retenu que Me [P], ès qualités, échoue à démontrer que M. [S] occupe effectivement les lieux.

Ajoutant au jugement, elle sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à voir dire M. [S] occupant sans droit ni titre et des demandes subséquentes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Immomesnil aux dépens et dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [P] ès qualités, qui succombe dans son appel, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Me [P] ès qualités sera en outre condamnée à payer à M. [S] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1'500'euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection d'[Localité 7] le 4 septembre 2024, excepté en ce qu'il a condamné la société Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire aux dépens et dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de M. [R] [S] tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée,

DIT recevable l'action de la SCI Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire,

DÉBOUTE la SCI Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire de sa demande d'expulsion de M. [R] [S] du logement n° 9 situé [Adresse 8] sur le boulevard, 5ème étage, porte de gauche, [Adresse 2] à Clichy dans les Hauts-de-Seine et de ses demandes subséquentes,

CONDAMNE la SCI Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire au paiement des dépens d'appel,

CONDAMNE la SCI Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire à payer à M. [R] [S] une somme de 1'500'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SCI Immomesnil représentée par Me [P] en qualité d'administrateur provisoire de sa demande présentée sur le même fondement.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

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