CA Toulouse, ch. 02 sect.. 02, 1 septembre 2015, n° 13/01057
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Crédit lyonnais (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. PELLARIN
Conseillers :
SALMERON, SONNEVILLE
Avocat :
Me Olivier THEVENOT
Par jugement contradictoire du 13 février 2013, le tribunal de commerce de Montauban, saisi sur l'assignation de la S. A Crédit Lyonnais, a condamné Mme Alicia V. à payer à cette banque en sa qualité de caution solidaire de l'E. U.R. L Avenir :
- au titre d'un prêt du 21 juillet 2010, la somme de 8.280 € avec intérêts au taux contractuel de 6,85 % à compter du 3 septembre 2012,
- au titre d'un prêt du 7 mai 2011, la somme de 4.000 € avec intérêts au taux contractuel de 8,55 % à compter du 6 novembre 2012,
- au titre d'un autre prêt du 7 mai 2011, la somme de 3.371,20 € avec intérêts au taux contractuel de 8,60 % à compter du 6 novembre 2012,
- une indemnité de 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme V. a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 28 février 2013.
Ayant obtenu l'aide juridictionnelle le 17 juin 2013, elle a notifié ses conclusions le même jour. Par ordonnance du 7 avril 2014, les conclusions de la S. A Crédit Lyonnais, en date du 6 décembre 2013, ont été déclarées irrecevables.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2015.
Il est fait expressément référence pour l'exposé des moyens aux conclusions précitées de Mme V..
Mme V. conclut :
- à titre principal au débouté de la S. A Crédit Lyonnais de ses prétentions sur le fondement des articles 2314 du code civil et de l'article L 341-4 du code de la consommation et demande que celle ci soit condamnée à lui payer la somme de 20.000 € de dommages intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde,
- subsidiairement à ce qu'il soit jugé que les condamnations prononcées contre elle ne peuvent excéder 7.200 € au titre du cautionnement du prêt du 21 juillet 2010, 4.000 € au titre de chacun des premier et second prêts du 21 juillet 2010 (sic), que soient déduits des sommes réclamés les intérêts en application de l'article L 341-1 du code de la consommation, et à ce que la S. A Crédit Lyonnais soit condamnée au paiement de la somme de 20.000 € pour manquement à son devoir de mise en garde,
- très subsidiairement à l'octroi de 24 mois de délais avec intérêts au taux légal, et imputation des paiements sur le capital,
- en toute hypothèse à la condamnation de la S. A Crédit Lyonnais à une indemnité de 2.000 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Le litige est examiné au vu des pièces et conclusions de Mme V. ainsi que des pièces communiquées en première instance par la S. A Crédit Lyonnais.
- sur la disproportion manifeste des engagements de caution
Selon l'article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement.
Il incombe à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement d'apporter la preuve de l'existence, lors de la souscription de celui ci, d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus. La disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.
Si cette disproportion manifeste est constatée au moment de la conclusion de l'engagement, le créancier professionnel est déchu du droit de se prévaloir de cet engagement, sauf s'il établit qu'au moment où la caution est appelée, celle ci est en mesure de faire face à son obligation.
En l'espèce, Mme V., âgée de 24 ans lors de son premier engagement en juillet 2010, justifie qu'elle disposait en 2009 de revenus déclarés pour 12514 € , qu'à la date de la signature de son engagement elle n'avait aucun revenu professionnel, son contrat de travail ayant pris fin le 31 mars 2010, que ses économies s'élevaient au solde de son livret jeune et de son compte de dépôt à vue, d'un total de l'ordre de 2.000 € , et précise sans qu'aucune pièce contraire ne le démentisse qu'elle ne disposait d'aucun patrimoine immobilier.
En mai 2011, date de ses autres engagements de caution, l'exercice de la première année d'activité créée par Mme V. en juin 2010 révèle un bénéfice net de 1.173 € , un montant de 16.441 € étant mentionné au titre du poste salaires et traitements .
Ainsi, tant en juillet 2010 qu'en mai 2011, les engagements de caution de Mme V. qui étaient de 8.280 € , puis d'un montant cumulé de 16.280 € en mai 2011 étaient manifestement disproportionnés avec ses biens et revenus, lesquels lui permettaient seulement de subvenir à ses besoins essentiels.
Il n'est pas démontré que la situation de l'appelante au moment où elle a été actionnée en paiement lui permettrait à présent de faire face à ses obligations, étant observé qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.
En conséquence, la S. A Crédit Lyonnais est déchue du droit de se prévaloir des engagements de caution de Mme V..
Les moyens développés par cette dernière tendant à la voir décharger de ses obligations sur le fondement de l'article 2314 du code civil deviennent sans objet.
- sur la demande en dommages intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde
Mme V., qui est dans la cause à titre personnel, ne peut rechercher la responsabilité de la banque qu'au titre des obligations dues à la caution.
L'établissement de crédit est tenu mettre en garde la caution non avertie :
- en cas de risque caractérisé d'endettement né de l'octroi du prêt et de la défaillance du débiteur principal,
- en cas de risque d'endettement au regard de ses propres capacités financières.
N'ayant aucune expérience de la gestion d'une entreprise, Mme V. était une caution non avertie.
Il ressort des éléments du bilan que l'entreprise dont l'activité était la vente de prêt à porter, bijouterie fantaisie, chaussures et accessoires en magasin et sur internet a été créée avec comme capitaux propres une somme de 3.000 € , qu'elle ne disposait d'aucune réserve, de sorte que le risque de non remboursement de prêt était caractérisé, de même, au regard de la situation personnelle de la caution, que celle ci ne serait pas à même de faire face à ses obligations.
Le manquement de la banque qui ne justifie d'aucune mise en garde est patent. Cependant, Mme V. qui a été déchargée de ses obligations de caution sur le fondement de l'article L 341-4 du code de la consommation ne justifie d'aucun préjudice. Elle est en conséquence déboutée de cette demande.
Mme V. bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, il sera alloué à son avocat la somme fixée au dispositif de cette décision en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré.
Dit que la S. A Crédit Lyonnais est déchue du droit de se prévaloir des engagements de caution souscrits par Mme Alicia V. au titre des 3 prêts consentis à l'E. U.R. L Avenir les 21 juillet 2010 et 7 mai 2011.
Condamne la S. A Crédit Lyonnais à payer au conseil de Mme Alicia V. la somme de 1.200 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Condamne la S. A Crédit Lyonnais au paiement des dépens.