CA Rennes, 2e ch., 22 décembre 2017, n° 14/08583
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
CIC Ouest (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. CHRISTIEN
Conseillers :
Mme LE POTIER, Mme DOTTE CHARVY
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 06 octobre 2010 à l'encontre de la société ; suite à un plan de cession partielle le redressement a été converti en liquidation judiciaire le 24 février 2011 ; la banque qui avait déclaré ses créances a été informée de leur irrecouvrabilité selon certificat du 16 mars 2011.
Par dernières lettres recommandées du 25 mars 2011 avec avis de réception signés, la banque a mis vainement en demeure les époux J. V. d'exécuter leur engagement de caution, puis les a fait assigner par actes du 21 juin 2011 en paiement solidairement d'une somme principale de 17 150,08 euros au titre du prêt, outre intérêts au taux de 4,52 % l'an à compter du 26 mars 2011.
Par jugement en date du 11 juillet 2014 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Rennes a fait droit à la demande du CIC Ouest, débouté les époux J.V. de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux dépens, rejetant toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Mme V. divorcée J. et M. J. ont relevé appel de cette décision, demandent à la cour de réformer la décision et de :
- constater que le CIC Ouest ne justifie d'aucune délégation de créance et en conséquence de le débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- subsidiairement : constater le caractère disproportionné de leurs engagements et en conséquence débouter le CIC Ouest de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- à titre infiniment subsidiaire : dire que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, en conséquence condamner le CIC Ouest à leur verser des dommages et intérêts pour un montant qui ne saurait être inférieur aux sommes réclamées et ordonner la compensation,
- en tout état de cause : débouter le CIC Ouest de toutes ses demandes, fins et prétentions, le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros à M. J. et de 2 000 euros à Mme V. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le CIC Ouest demande à la cour de confirmer le jugement, de condamner M. J. et Mme V. à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme V. et M. J. le 11 janvier 2017, et pour le CIC Ouest le 22 mai 2017.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 juin 2017.
SUR CE :
En première instance Mme V. et M. J. avaient soulevé à titre principal que la banque ne justifiait pas d'un pouvoir régulier dans le cadre de sa déclaration de créance, moyen rejeté par le tribunal comme étant mal fondé au vu des justificatifs produits par le CIC Ouest.
Nonobstant les appelants demandent à la cour pour débouter la banque de constater qu'elle ne justifie d'aucune délégation de créance en soutenant que la déclaration de créance du 05 novembre 2010 est irrégulière à défaut pour l'établissement bancaire de justifier d'un pouvoir de délégation.
La cour ne peut que constater au vu des mêmes pièces que la déclaration du 05 novembre 2010 est signée par Mélanie M., adjointe au responsable du contentieux, laquelle bénéficie d'un pouvoir en date du 1er septembre 2010 de Michel M., président du conseil d'administration et directeur général de la banque CIC Ouest, à l'effet notamment d'effectuer toutes déclarations de créances ; ce moyen demeure mal fondé.
En première instance Mme V. et M. J. avaient soulevé subsidiairement le caractère disproportionné de leur engagement, moyen rejeté par le tribunal après rappel des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation comme étant mal fondé au vu des pièces produites.
Les appelants reprennent ce moyen devant la cour au visa de l'article L. 314-4 du code de la consommation, y ajoutant que selon une jurisprudence constante la banque ne peut se prévaloir d'un cautionnement dès lors qu'elle n'est pas en mesure de justifier de l'exécution de son devoir de se renseigner et qu'en l'espèce la banque ne produit aucune fiche de renseignement.
Au terme de l'article L. 341-4 ancien devenu L. 332-1 du code de la consommation : Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La cour ne peut que constater au vu des mêmes pièces que comme l'a considéré le tribunal, les époux J. V. ont déclaré en 2004 près de 50 000 euros de revenus annuels (très exactement 48 167 euros), étaient propriétaires d'un immeuble vendu en 2007 pour un montant de 290 000 euros dont l'encours de prêt en juin 2004 était d'environ 140 000 euros (très exactement 138 768,92 euros), soit une valeur nette de 150 000 euros (très exactement 151 231,08 euros) ; c'est par une appréciation pertinente que le premier juge en a déduit que l'engagement de caution à hauteur de 47 400 euros n'était pas à l'époque de la souscription manifestement disproportionné aux biens et revenus, et la demande mal fondée ; il sera rajouté que la juridiction n'a pas à retenir les remboursements d'emprunts immobiliers pour apprécier le taux de charges mensuelles, les intéressés étant cautions et non pas emprunteurs.
Le CIC Ouest rappelle à juste titre qu'il revient à la caution d'apporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement et qu'aucun texte n'impose à l'établissement prêteur de faire remplir un formulaire de renseignements patrimoniaux ; la cour ajoutera que les deux décisions de cours d'appel de 1997 et 2009 citées ne constituent pas une jurisprudence constante.
Par conséquent le moyen de la disproportion demeure mal fondé.
Enfin comme en première instance, les appelants reprochent à la banque un manquement à son obligation de mise en garde, rejeté comme mal fondé par le tribunal ; la décision rappelle que le banquier dispensateur de crédit est tenu, à l'égard d'une caution non avertie, d'un devoir de mise en garde dans l'hypothèse d'un risque d'endettement excessif de l'emprunteur principal, et qu'en l'espèce Mme V. a remis au CIC Ouest un prévisionnel établi en avril 2004 par un cabinet d'expert comptable, sur la base d'informations communiquées par la gérante ainsi que par son franchiseur, qui, prenant en considération l'emprunt de 79 000 euros, indiquait que la société devait avoir un résultat positif de 17 000 euros dès la première année d'exercice, et un résultat sensiblement identique la deuxième année, soit un résultat bénéficiaire après imputation des charges financières de plus de 13 000 euros, le prêt octroyé n'ayant donc pas créé un endettement particulier pour la société J..
Les appelants devant la cour ne remettent pas en cause l'absence de risque d'endettement excessif de l'emprunteur principal, mais font valoir que ni l'un ni l'autre ne pouvait être qualifié de caution avertie et qu'au vu de leur situation financière et patrimoniale telle qu'exposée dans le cadre de la disproportion il existait pour eux un risque d'endettement ; cependant il ressort des éléments examinés au titre de la disproportion que leur engagement à hauteur de 47 400 euros était adapté à leur situation financière et patrimoniale ; ce faisant la banque n'était tenue à leur égard qu'aucun devoir de mise en garde.
Par conséquent la décision dont appel sera confirmée en toutes ses dispositions, les appelants ne remettant pas en cause le montant de la somme à laquelle ils ont été condamnés en paiement.
Les appelants qui succombent seront tenus aux dépens d'appel, déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et il sera fait droit à la demande du CIC Ouest sur ce chef.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Condamne Mme Lydia V. et M. Thierry J. à verser à la SA CIC Ouest la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.