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Cass. com., 17 septembre 2025, n° 24-14.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Armonia consultant (SARL)

Défendeur :

BMA administrateurs judiciaires (SELARL), BTSG (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Avocats :

SCP Alain Bénabent,, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Cass. com. n° 24-14.883

16 septembre 2025

1°/ M. [Z] [J], domicilié [Adresse 5],

2°/ la société Armonia consultant, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Y 24-14.883 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2024 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Arcante développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], représentée par M. [O] [N], en qualité de liquidateur de la société Arcante développement,

3°/ à la société BMA administrateurs judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [Z] [W], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Arcante développement,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseillère, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [J] et de la société Armonia consultant, de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Arcante développement et BTSG, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseillère rapporteure, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mars 2024) et les productions, le 28 janvier 2022, M. [J] a cédé à la société Arcante développement les parts qu'il détenait dans le capital de la société Groupe arcante, laquelle a pour objet les prestations de service administratif, commercial, comptable, marketing financier, le conseil et la formation en entreprise.

2. L'acte de cession stipulait une clause de non-concurrence par laquelle M. [J] s'interdisait de participer, directement ou indirectement, en quelque qualité que ce soit, à toute entreprise exerçant une activité identique à l'activité du groupe Arcante.

3. Le 9 février 2022, un acte réitérant l'acte de cession et prévoyant la même clause de non-concurrence a été conclu entre les parties. Cet acte réitératif stipulait, à son article 13.1, qu'il « rend caduc toute lettre d'intention, accord ou autre engagement ayant pu être conclu avant la date des présentes entre les [p]arties et ayant le même objet. »

4. Le même jour, M. [J] a conclu avec la société Groupe arcante un contrat de travail prenant effet le 1er février 2022. Il a démissionné le 11 juillet 2022, avec effet au 6 octobre 2022.

5. Le 19 octobre 2022, M. [J] a créé la société Armonia consultant, laquelle a pour objet la réalisation de prestations de conseil et accompagnement auprès des particuliers, des entreprises, des collectivités et autres organismes publics ou privés.

6. Soutenant que M. [J] n'avait pas respecté la clause de non-concurrence à laquelle il s'était obligé, la société Arcante développement l'a assigné, ainsi que la société Armonia consultant, en référé, pour faire cesser le trouble manifestement illicite en résultant.

7. Le 10 septembre 2024, la société Arcante développement a été mise en liquidation judiciaire, M. [N] étant désigné liquidateur.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

8. M. [J] et la société Armonia Consultant font grief à l'arrêt de les condamner in solidum, sous astreinte, à respecter la clause de non-concurrence et d'interdire, sous astreinte, à M. [J] d'intervenir ou de se présenter dans tout média ou sur tout réseau social comme exerçant une activité en lien avec le conseil ou la formation en négociation professionnelle, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, M. [J] et la société Armonia Consultant faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que la clause de non-concurrence stipulée dans le protocole de cession du 28 janvier 2022 avait été reprise dans l'acte réitératif du 9 février 2022, que cet acte réitératif stipulait en son article 13.1 que "l'acte réitératif rend caduc toute lettre d'intention, accord ou autre engagement ayant pu être conclu avant la date des présentes entre les parties et ayant le même objet", et en son article 13.3 que "l'acte réitératif représente l'entier et unique accord entre les parties pour les opérations qu'il vise et prévaudra sur tous les accords, contrats ou déclarations, écrits ou verbaux, conclus ou effectués antérieurement à la date des présentes et relativement au même objet entre les Parties prises dans leur ensemble", ce dont ils déduisaient que l'engagement de non concurrence du 9 février 2022 s'était substitué à celui du 28 janvier 2022 par l'effet de la clause de caducité stipulée par l'acte réitératif, et qu'en conséquence M. [J] avait la qualité de salarié à la date de cet engagement, son contrat de travail ayant été conclu le 9 février 2022 avec effet au 1er février 2022 ; que M. [J] et la société Armonia Consultant soutenaient ensuite que l'engagement de non-concurrence était stipulé dans l'acte réitératif du 9 février 2022, date à laquelle M. [J] avait la qualité de salarié, pour en déduire la nullité de la clause de non-concurrence qui n'avait pas de contrepartie financière ; que la cour d'appel a relevé que la clause de non-concurrence litigieuse avait été énoncée dans l'acte de cession du 28 janvier 2022, puis qu'elle avait été reprise dans l'acte de réitération du 9 février 2022, qui n'était selon elle qu'une confirmation des engagements pris dans l'acte de cession du 28 janvier 2022, ce dont elle a déduit que c'était à la date du 28 janvier 2022 et dans le cadre de la cession de parts que M. [J], en qualité d'associé et non de salarié, avait négocié les obligations liées à la clause de non concurrence, pour en conclure que la validité de la clause de non-concurrence litigieuse n'était pas soumise à une contrepartie financière ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, aux termes des articles 13.1 et 13.3 de l'acte réitératif du 9 février 2022, cet acte réitératif ne rendait pas caduc l'engagement du 28 janvier 2022 et ne constituait pas l'entier et unique accord entre les parties, de telle sorte que le seul engagement de non-concurrence applicable était celui du 9 février 2022, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil. »

Vu l'article 1103 du code civil :

9. Une clause de non-concurrence prévue à l'occasion de la cession de droits sociaux est licite à l'égard des associés qui la souscrivent dès lors qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace, et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. Sa validité est en outre subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière dans le cas où ces associés avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salariés de la société qu'ils se sont engagés à ne pas concurrencer.

10. Pour condamner in solidum M. [J] et la société Armonia Consultant à respecter la clause de non-concurrence en litige, l'arrêt, après avoir relevé, d'une part, que l'acte de réitération du 9 février 2022 reprenait la clause de non-concurrence stipulée à l'acte de cession du 28 janvier 2022, d'autre part, que M. [J] avait, le 9 février 2022, conclu avec la société Groupe arcante un contrat de travail prenant effet le 1er février 2022, retient que c'est à la date du 28 janvier 2022 et dans le cadre de la cession de parts que M. [J], en qualité d'associé et non de salarié, a négocié les obligations liées à la clause de non-concurrence. L'arrêt en déduit que les conditions posées par le droit du travail d'une rémunération de la clause ne s'appliquent pas et que la clause de non-concurrence litigieuse n'a pas à être compensée par une contrepartie financière.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, en application des stipulations de l'article 13.1 de l'acte réitératif du 9 février 2022, celui-ci ne rendait pas caduc l'acte de cession du 28 janvier 2022, de sorte que l'engagement de non-concurrence avait été convenu à une date à laquelle M. [J] était salarié de la société Groupe arcante et devait, par suite, pour être licite, comporter une contrepartie financière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. [J] et la société Armonia consultant à respecter la clause de non-concurrence visée à l'article 11 du contrat de cession du 28 janvier 2022, reprise à l'article 10.2 de l'acte réitératif du 8 février 2022, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, et pendant une période de douze mois à compter de la signification de l'arrêt, fait interdiction à M. [J] d'intervenir ou de se présenter dans tout média ou sur tout réseau social comme exerçant une activité en lien avec le conseil ou la formation en négociation professionnelle et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt, et pendant une période de douze mois, et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [N], en sa qualité de liquidateur de la société Arcante développement, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

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