Cass. com., 17 septembre 2025, n° 23-17.595
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Stakin Oü (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
1°/ M. [U] [B], domicilié [Adresse 2] (Portugal),
2°/ M. [Z] [E], domicilié [Adresse 3] (Royaume-uni),
3°/ M. [Y] [D], domicilié [Adresse 6] (Portugal),
4°/ la société Stakin Oü, société de droit estonien, dont le siège est [Adresse 4] (Estonie),
ont formé le pourvoi n° A 23-17.595 contre l'arrêt n° RG 22/07114 rendu le 30 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant à M. [P] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseillère, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de MM. [B], [E], [D] et de la société Stakin Oü, de la de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme de Lacaussade, conseillère rapporteure, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mai 2023), en décembre 2018, MM. [S] et [B] ont entrepris des discussions afin de créer une société dénommée Pos Bakerz, dont ils ont démarré l'activité sociale, et ont été rejoints par M. [D], domicilié au Portugal, et M. [E], domicilié au Royaume-Uni, puis par une société de droit britannique, dénommée désormais la SAS The Family.
2. Le 16 mars 2020, aucun accord n'ayant été trouvé sur la répartition du capital, et soutenant avoir été révoqué de façon vexatoire et non contradictoire de ses fonctions de directeur d'exploitation de la société créée de fait soumise à la loi française, Pos Bakerz, M. [S] a avisé MM. [B] et [E] de son intention d'engager une procédure de dissolution judiciaire.
3. Le 30 mars 2020, M. [E] a immatriculé une société commerciale sous la dénomination « Stakin Oü » au registre du commerce et des sociétés de Tallin en Estonie.
4. Le 11 août 2021, M. [S] a assigné MM. [B], [D], [E] ainsi que les sociétés Stakin Oü et The Family devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de dissolution de la société Pos Bakerz.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
6. MM. [B], [E], [D], ainsi que la société Stakin Oü font grief à l'arrêt de les dire mal fondés en leur exception d'incompétence au profit des juridictions estoniennes et de juger que le tribunal de commerce de Nanterre était compétent pour connaître du litige, alors « que l'article 24, § 2, du règlement (UE) n° 1512/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, prévoit la compétence exclusive des juridictions de l'État membre du siège de la société ou de la personne morale en matière de validité ou de dissolution des sociétés et personnes morales ou de validité des décisions de leurs organes et que, pour déterminer le siège de la société ou de la personne morale en cause, le juge applique les règles de son droit international privé ; que, selon les règles du droit international privé français, le siège réel d'une société s'entend du lieu où se trouve la direction effective de la société, c'est-à-dire du lieu de réunion des assemblées et des conseils d'administration et du lieu de signature des principaux contrats ; qu'en énonçant que la compétence du tribunal ne pouvait pas être déterminée par les dispositions impératives de l'article 24 du règlement, qui supposaient de pouvoir déterminer le siège de la société litigieuse et en en déduisant, qu'il y avait lieu de faire application de l'article 8, § 1, du dit règlement quand, en application des dispositions de l'article 24, § 2, du même règlement elle devait déterminer le siège social de la personne morale en cause selon les règles du droit international privé français, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 8, § 1, du règlement (UE) n° 1512/2012 du 12 décembre 2012 et, par refus d'application, les dispositions de l'article 24, § 2, du règlement (UE) n° 1512/2012 du 12 décembre 2012. »
7. Selon l'article 24, point 2), du règlement (UE) n° 1512/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en matière de dissolution des sociétés, sont seules compétentes, sans considération de domicile des parties, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège. Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé.
8. Selon les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français (1re Civ., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-24.646), celle-ci se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales.
9. L'arrêt relève qu'en décembre 2018, MM. [S] et [B] ont entrepris des discussions afin de créer une société dénommée Pos Bakerz, dont ils ont débuté l'activité sociale, M. [S] effectuant notamment des missions ponctuelles de marketing et de « business développement ». Il ajoute que la société était animée par MM. [B] et [S], respectivement « chief executive officer » (directeur général) et « chief operating officer » (directeur des opérations) et que M. [S] a estimé avoir été évincé de ses fonctions courant mars 2020.
10. L'arrêt retient encore que si les factures d'électricité, de gaz et les quittances de loyer de M. [B] démontrent que celui-ci avait été domicilié à Londres d'août 2018 à l'été 2019, aucune pièce ne justifie d'une résidence à l'étranger au-delà, hormis la déclaration d'appel dont il ressort qu'il réside désormais au Portugal, tandis que les pièces produites établissent qu'il résidait jusqu'alors au domicile de sa mère, à [Localité 5], en France. L'arrêt retient enfin, par motifs adoptés, qu'au cours de ces années, M. [S] demeurait en France.
11. Il résulte de ces énonciations, constatations et appréciations qu'en l'absence de siège statutaire, le siège réel, entendu comme le lieu de la direction effective de la société dépourvue de la personnalité morale Pos Bakerz dont il était demandé la dissolution, ce qui rendait applicable l'article 24 règlement (UE) n° 1512/2012 du 12 décembre 2012, était situé en France.
12. Par ce motif de pur droit , substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [B], [E], [D] ainsi que la société Stakin Oü aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [B], [E], [D], ainsi que par la société Stakin Oü et les condamne à payer à M. [S] la somme globale de 3 000 euros ;