Cass. 1re civ., 3 juillet 2013, n° 12-16.655
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
CIC banque CIO (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gridel
Avocats :
SCP Boullez, SCP de Chaisemartin et Courjon
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 7 janvier 1991, M. X..., associé majoritaire de la société West Coast Invest, s'était porté caution solidaire à hauteur de 2 000 000 francs pour le remboursement d'un prêt de 2 500 000 francs consenti à cette société par le Crédit industriel de l'Ouest (la banque), devenu CIC banque CIO, que, le 24 février 1993, le montant de l'engagement de caution de M. X... a été porté à 2 440 000 francs, que, le 24 mars 1997, M. X... et M. Y... ont conclu avec la société Synergie un accord de reprise des sociétés West Coast Invest et Jacques France, que, selon acte du 3 avril 1997, M. X... a substitué à son engagement du 24 février 1993 un engagement de caution de 1 826 969 francs pour une dFurée de cinq ans, que la société West Coast Invest ayant cessé de rembourser le prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme, que les sociétés Jacques France, Synergie et West Coast Invest ont été mises en liquidation judiciaire, que la banque a déclaré sa créance au passif de la société West Coast Invest et a appelé en exécution de son engagement de caution M. X..., qui a sollicité reconventionnellement la condamnation de celle-ci à l'indemniser du préjudice qu'elle lui avait causé en lui imposant de souscrire un cautionnement disproportionné par rapport à ses revenus ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, le banquier engage sa responsabilité lorsqu'il fait souscrire à une caution non avertie, sans la mettre en garde, un engagement disproportionné au regard de ses biens et ressources ; que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution ;
Attendu que, pour rejeter la demande reconventionnelle et accueillir la demande principale, l'arrêt, après avoir constaté qu'à la date du 3 avril 1997, M. X... n'était plus gérant ni associé de la société West Coast Invest, énonce que l'engagement de caution souscrit par celui-ci à cette date est venu se substituer à un précédent cautionnement donné le 24 février 1993 pour un montant de 2 440 000 francs sans limitation de durée, que le cautionnement du 3 avril 1997 n'aggravait donc pas la situation de la caution mais réduisait au contraire son engagement, et que M. X... ne prétend ni n'établit que son patrimoine aurait diminué depuis le 24 février 1993 (2003 étant mentionné par erreur) et qu'il est toujours propriétaire au 3 avril 1997 d'un bien immobilier qui sera revendu en avril 2008 au prix de 560 000 francs, qu'en conséquence, son cautionnement ne saurait être considéré comme disproportionné ;
F
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant des revenus et du patrimoine de la caution était proportionné à son cautionnement, au jour où il s'était engagé, soit le 3 avril 1997, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
Attendu que M. X... avait fait valoir, au soutien de sa demande indemnitaire dirigée contre la banque, que son patrimoine et ses ressources, eu égard aux avis d'imposition versés aux débats, ne lui permettaient pas d'assurer la charge du cautionnement qu'il avait pu souscrire à l'époque où il s'était engagé, soit le 3 avril 1997, et qu'il avait ainsi déclaré au titre des revenus imposables, en 1995, 101 720 francs, (15 507,11 euros), en 1996, 99 540 francs (15 174,77 euros), en 1997, 140 176 francs (21 369,69 euros) et, en 1998, 249 229 francs (37 994,71 euros) ;
Qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen propre à établir que le cautionnement était disproportionné par rapport aux revenus de M. X... dont il justifiait du montant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'en relevant incidemment que M. X... était propriétaire d'un appartement évalué à 560 000 francs en 2008, sans expliquer en quoi ce seul élément patrimonial, ajouté aux revenus modestes déclarés par lui, n'était pas disproportionné par rapport à un cautionnement du triple de la valeur du bien, souscrit dix ans plus tôt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de M. X... dirigée contre le CIO, devenu CIC banque CIO, l'arrêt rendu le 1er mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne le CIC banque CIO aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;