Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-14.805
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Atlantique (la banque) a consenti divers concours à la société Nuances agencements ; que par un acte du 27 avril 2010, M. Z..., gérant de cette société, et son épouse, Mme Z..., se sont rendus cautions solidaires de tous les engagements de la société, dans la limite de 12 000 euros pour une durée de dix ans ; que par un acte du 3 mars 2012, Mme Z... s'est, dans la limite de 60 000 euros et pour une durée de cent huit mois, rendue caution solidaire du remboursement du prêt consenti par la banque à cette société le 29 février 2012 ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance ; qu'assignée en paiement, Mme Z... a opposé devant le tribunal la nullité de son engagement du 3 mars 2012 et la disproportion de celui du 27 avril 2010 ; que devant la cour d'appel, elle a, en outre, opposé la disproportion de son engagement du 3 mars 2012 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de dire que l'engagement de caution souscrit par Mme Z... le 3 mars 2012 a un caractère manifestement disproportionné et de dire que la banque ne peut s'en prévaloir alors, selon le moyen, qu'est irrecevable comme nouvelle, la demande de la caution qui sollicite, pour la première fois en cause d'appel, la décharge de son engagement en invoquant son caractère manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus, tandis qu'en première instance, elle demandait l'annulation de l'acte de caution pour erreur, sur le fondement de l'article 1109 du code civil ; qu'en décidant le contraire, bien que la demande d'annulation présentée en appel tendait à l'anéantissement rétroactif du cautionnement, tandis que la demande de déchéance laissait subsister le cautionnement, de sorte qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en application de l'article 563 du code de procédure civile, un moyen de défense nouveau est recevable en appel, dès lors qu'il justifie les prétentions soumises au premier juge ; que constitue une défense au fond le moyen tiré de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, selon lequel l'engagement de caution d'une personne physique manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d'effet à l'égard du créancier professionnel ; qu'ayant conclu devant le premier juge au rejet de la demande en paiement de la banque, Mme Z... était, dès lors, recevable à présenter un tel moyen de défense, pour la première fois en appel ; que par ce motif de pur droit substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation ;
Attendu que pour dire que l'engagement de caution souscrit par Mme Z... le 27 avril 2010 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et que la banque ne pouvait s'en prévaloir, l'arrêt retient qu'à cette date, Mme Z... n'était pas, au regard de ses seuls revenus et compte tenu de ses charges, en mesure de pallier la défaillance de la société, ce d'autant que le cautionnement qu'elle avait souscrit à hauteur de 12 000 euros s'ajoutait à un précédent engagement de caution contracté en octobre 2009 à hauteur de 45 000 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme elle y était invitée, M. et Mme Z... n'étaient pas mariés sous le régime de la communauté légale et, dans ce cas, si l'engagement de caution souscrit par Mme Z... était manifestement disproportionné tant au regard de ses biens propres et ses revenus que de celui des biens communs, incluant les revenus de son conjoint, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'engagement de caution souscrit par Mme Z... le 27 avril 2010 a un caractère manifestement disproportionné, que la société Banque populaire Atlantique ne peut s'en prévaloir, rejette, en conséquence, sa demande en paiement à ce titre, et statue sur les frais et dépens, l'arrêt rendu le 17 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;