Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-16.798
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Banque CIC Ouest (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Le Griel, SCP Zribi et Texier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 2 octobre 2007, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société A Table Ruffec (la société) un prêt garanti, notamment, par les cautionnements de M. et Mme D... ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire puis, à la suite de la résolution d'un plan de redressement, en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à régler à la banque la somme de 44 403,41 euros, sauf à parfaire des intérêts conventionnels, alors, selon le moyen, que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité des conclusions ont autorité de la chose jugée au principal ; qu'en conséquence, les juges du fond ne sauraient se référer à des conclusions jugées irrecevables par le conseiller de la mise en état ; que les conclusions de la banque ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 7 novembre 2016 ; qu'en visant néanmoins les conclusions de la banque et en s'y référant « pour plus ample exposé des faits ainsi que de[s] moyens et prétentions », la cour d'appel, dont la décision ne permet pas à la Cour de cassation de s'assurer qu'elle n'a pas tenu compte des conclusions de la banque, a violé les articles 909 et 914, alinéa 2, du code de procédure civile, dans leur version antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ;
Mais attendu que l'arrêt se borne à mentionner que les conclusions par lesquelles la banque demandait la confirmation de la décision entreprise ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état ; que, même s'il précise ensuite faire « expressément référence aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions », il ne saurait en être inféré qu'il ait pris en compte ces écritures, dont il a expressément relevé qu'elles avaient été écartées des débats ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu que pour condamner M. et Mme D... à paiement, l'arrêt, après avoir relevé qu'ils s'étaient engagés le 2 octobre 2007 à hauteur de 90 000 euros, et qu'il leur appartenait donc de démontrer qu'à cette date, leur engagement était manifestement disproportionné au regard des revenus et patrimoine dont ils disposaient, retient qu'ils font état d'un engagement de caution antérieur à hauteur de 297 000 euros pour justifier de la disproportion, mais que les mensualités de remboursement prévues des deux prêts cautionnés s'élevaient à 3 000 euros, ce qui, au regard des revenus annuels du couple pour l'année 2007, qui s'établissaient à 98 000 euros, soit plus de 8 000 euros mensuels, ne caractérise pas une disproportion manifeste en l'absence de tout autre élément versé aux débats qui établirait que les époux D... supportaient, au surplus, des charges particulières, ce qu'ils n'allèguent pas ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais à son propre engagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. et Mme D... à paiement, l'arrêt, après avoir relevé qu'ils s'étaient engagés le 2 octobre 2007 à hauteur de 90 000 euros et qu'il leur appartenait donc de démontrer qu'à cette date, leur engagement était manifestement disproportionné au regard des revenus et patrimoine dont ils disposaient, retient qu'ils font état d'un engagement de caution antérieur à hauteur de 297 000 euros pour justifier de la disproportion, mais que les mensualités de remboursement prévues des deux prêts cautionnés s'élevaient à 3 000 euros, ce qui, au regard des revenus annuels du couple pour l'année 2007, qui s'établissaient à 98 000 euros, soit plus de 8 000 euros mensuels, ne caractérise pas une disproportion manifeste en l'absence de tout autre élément versé aux débats qui établirait que les époux D... supportaient, au surplus, des charges particulières, ce qu'ils n'allèguent pas ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il résulte que les revenus annuels de M. et Mme D... pour l'année 2007 s'établissaient à 98 000 euros, sans viser ni analyser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour retenir ce montant, distinct de celui mentionné par les cautions dans leurs conclusions et pièces d'appel et ne figurant pas dans le jugement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Banque CIC Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme D... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;