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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 14 octobre 2025, n° 25/01711

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Aliasys (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Conseillers :

M. Roth, Mme Muller

Avocats :

Me Pedroletti, Me Christin, Me de Coulon de Labrousse

T. com. Versailles, 4e ch., du 18 oct. 2…

18 octobre 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 novembre 2022, M. [X] et ses trois associés ont cédé à la SAS Aliasys l'intégralité des 293 parts sociales de la SARL Pro mon ordi, elle-même détenant l'intégralité des parts de sa filiale Ciel mon ordi, pour un prix global de 110 000 euros. Cette cession s'est accompagnée d'une garantie d'actif et de passif.

Par courrier du 23 juin 2023, la société Aliasys a mis en demeure M. [X] de lui régler une somme de 17 379,66 euros, correspondant à une réclamation au titre de la garantie (pour un défaut de remise du contenu de la « caisse siège social » d'un montant de 14 394,52 euros, outre un litige fournisseur pour 2 985,14 euros). M. [X] a contesté la mise en 'uvre de cette garantie, et les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Le 12 octobre 2023, la société Aliasys a assigné M. [X] devant le tribunal de commerce de Versailles en paiement de la somme de 17 379,66 euros au titre de la garantie.

Le 18 octobre 2024, par jugement contradictoire, ce tribunal a :

- condamné M. [X] à payer à la société Aliasys la somme de 14 394,52 euros, en sus les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2023 ;

- débouté M. [X] de sa demande en indemnisation au titre du dol et du manquement aux principes de loyauté ;

- débouté M. [X] de sa demande d'échelonner le versement de la condamnation ;

- condamné M. [X] à verser 2 000 euros à la société Aliasys au titre de l'article 700 du code civil ;

- condamné M. [X] aux entiers dépens.

Le 28 novembre 2024, M. [X] a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 19 février 2025, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 18 octobre 2024,

Et statuant de nouveau,

A titre principal,

- débouter la société Aliasys de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- limiter toute éventuelle condamnation le concernant au titre de la réclamation de la société Aliasys à la somme de 11 209,72 euros ;

- condamner la société Aliasys à l'indemniser à due concurrence du montant pour lequel celui-ci serait condamné au titre de la réclamation ;

En tout état de cause,

- condamner la société Aliasys aux entiers dépens de première instance et d'appel ; dont le montant sera recouvré par Maître Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la société Aliasys à lui payer la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 7 avril 2025, la société Aliasys demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 18 octobre 2024,

En tout état de cause, statuant à nouveau :

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 5 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 juin 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

1 ' sur la demande de mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif

M. [X] indique que le prix de cession des parts a été fixé, à l'article 2.2 du protocole de cession sur la base de la valeur de l'entreprise incluant un niveau de trésorerie nette consolidée de 25 000 euros. Il observe toutefois que cette trésorerie était en réalité, au jour de la cession, supérieure à cette somme puisqu'elle était d'environ 40 000 euros, incluant la somme de 25 000 euros, outre le montant de la réclamation de la société Aliasys pour 14 394 euros. Il fait valoir que, compte tenu de ce montant supérieur de trésorerie par rapport aux termes de la cession, il ne pouvait pas accepter de vendre pour le prix antérieurement fixé de 110 000 euros. Il estime que, dès lors que le niveau de trésorerie n'était pas inférieur à 25 000 euros le jour de la cession, il n'existe aucune diminution d'actif qui justifierait d'actionner la garantie, ajoutant que la somme réclamée par la société Aliasys constituerait au contraire une augmentation d'actif par rapport à ce qui était convenu. Il ajoute qu'il n'a pas été prévu par les parties que la baisse du niveau de trésorerie puisse constituer un préjudice indemnisable au sens de la garantie d'actif et de passif. Il sollicite enfin, à titre subsidiaire, une limitation de la demande formée par la société Aliasys à hauteur de 11 209,72 euros, sollicitant toutefois paiement d'une somme équivalente à titre de dommages et intérêts sur le fondement des man'uvres dolosives qu'il impute à la société Aliasys au titre d'une interprétation erronée des clauses de la promesse de cession (notamment la clause relative au niveau de trésorerie d'au moins 25 000 euros).

La société Aliasys sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [X] à lui régler la somme de 14 394,52 euros au titre de la garantie. Elle rappelle l'article 2.24 de la garantie de passif relatif aux événements survenus entre le dernier bilan et la date de cession, aux termes duquel les cédants déclarent qu'il « n'y a eu aucun changement de toute nature pouvant entraîner une aggravation du passif ou une diminution de l'actif ». Elle reproche aux cédants de ne lui avoir remis aucune somme au titre de la « caisse siège social » s'élevant à la somme 14 394,52 euros. Elle soutient avoir ainsi subi une diminution de l'actif qu'il convient de « restaurer » en application de la garantie. Elle fait valoir que l'argumentation de M. [X] sur le niveau de trésorerie de la société ayant servi à la fixation du prix est hors sujet, et qu'il n'y a pas lieu de confondre la définition du prix de cession avec la garantie autonome d'actif et de passif. Elle indique, en tant que de besoin, ne pas contester le montant minimal de trésorerie (25 000 euros) qui avait été fixé pour déterminer le prix de cession, indiquant que cela n'a toutefois aucune incidence sur les stipulations de la garantie d'actif et de passif. Elle maintient que la somme de 14 394,52 euros ne lui a pas été remise, alors qu'elle était enregistrée à l'actif des bilans 2021 et 2022, ce qui suffit à établir la diminution d'un poste d'actif.

Réponse de la cour

Il ressort du bilan au 31 décembre 2021 (soit : les comptes de référence) qu'à cette date la trésorerie nette de la société Ciel mon ordi s'élevait à la somme de 36 363,32 euros, dont 25 153,60 euros correspondant au solde du compte bancaire, et 11 209,72 euros correspondant au solde « caisse siège social », à savoir la caisse « espèces ».

L'article 5.2 de la promesse de cession du 12 octobre 2022, relatif à la fixation définitive du prix de cession des parts, est ainsi rédigé : « il est entendu que le versement de ce prix global [110 000 euros] est conditionné à la justification par la société, au jour de la date de réalisation, qu'elle dispose d'un montant de trésorerie nette consolidée d'au moins 25 000 euros ('). A défaut, le prix global sera diminué d'un montant équivalent à la différence entre le niveau de trésorerie atteint et celui projeté ('). » (soulignement ajouté par la cour)

L'article 2.2 de la convention de cession de la SARL Pro mon ordi du 30 novembre 2022, intitulé « fixation et décomposition du prix de cession » est ainsi rédigé : « de convention expresse entre elles, les parties ont convenu de fixer comme suit le prix de cession des 293 parts sociales cédées à la société Aliasys. Ce prix global de cession est établi sur la base de la valeur globale d'entreprise incluant un niveau de trésorerie nette positive d'un montant de 10 000 euros pour la société Pro mon ordi, et 15 000 euros pour la société Ciel mon ordi. Le prix global de cession est de 110 000 euros pour la totalité des 293 parts cédées, représentatif de 100 % du capital de la société. Il est précisé que le montant de la trésorerie nette ajustée au 30 novembre 2022 a été établi définitivement d'un commun accord entre les parties. Le montant global de la trésorerie nette consolidée des sociétés, garanti par les cédants à la date de réalisation, n'est pas inférieur à 25 000 euros. »

Les parties ne communiquent pas de situation comptable au jour de la cession. Elles admettent toutefois que le montant de trésorerie nette était théoriquement supérieur à 25 000 euros, avoisinant les 40 000 euros, avec un solde bancaire de 25 000 euros environ, mais également un solde « caisse siège social » d'un montant de 14 394 euros. Il est cependant constant que la trésorerie transmise à la cessionnaire ne comportait en fait aucune somme en liquide au titre de la « caisse siège social ».

Au regard du libellé précis de l'article 2-2, et contrairement à ce que soutient M. [X], les termes de l'acte ne permettent pas d'établir l'existence d'un accord plus étendu que celui portant sur le niveau de trésorerie pour la seule fixation du prix de cession. Il n'est en effet pas justifié de l'existence d'un accord des parties pour limiter à 25 000 euros le niveau de trésorerie général de la société, avec la conséquence d'un accord tacite pour que M. [X] conserve la « caisse siège social », comme il le sous-entend.

Or, pour prémunir la cessionnaire contre toute estimation erronée des éléments du bilan de la société cédée ayant conduit à la détermination du prix de cession, les parties ont signé, le jour de la cession, une convention séparée de garantie d'actif et de passif par laquelle les cédants ont affirmé l'exactitude de la comptabilité (article 2.5) et l'inexistence de changements de toute nature pouvant entraîner une diminution de l'actif (article 2.24). Il est notamment précisé : « le garant fait les déclarations et consent les garanties décrites ci-après au bénéficiaire ». L'article 2.24 d) relatif aux « événements survenus dans la société depuis le 1er janvier 2022 » énonce que : « aucune des sociétés n'a cédé aucun actif significatif ou n'a subi ou contracté un passif significatif de toute nature (y compris éventuel ou conditionnel) hors le cours normal des affaires ».

L'article 3.1 de la convention de garantie relatif à l'indemnisation du cessionnaire prévoit que : « à titre de garantie de l'opération d'acquisition de 100 % du capital de la société Pro mon ordi par le bénéficiaire, le garant s'engage à verser (') l'intégralité de tout préjudice résultant (') de toute diminution d'actif par rapport à ce qui ressort des comptes de référence ('). »

Il est en outre précisé que le montant total maximum dû par le garant ne pourra dépasser la somme de 22 000 euros.

Il résulte des comptes de référence au 31 décembre 2021 qu'il existait alors une « caisse siège social » d'un montant de 11 209,72 euros.

M. [X] admet que l'actif constitué de la « caisse siège social », dont la cour relève qu'il constitue bien un actif significatif, n'a pas été transmis au cessionnaire, mais conservé par lui au titre d'un prétendu supplément de prix. La « disparition » de la « caisse siège social » entre la date des comptes de référence et la date de cession constitue une diminution de l'actif ouvrant droit à l'application de la convention de garantie.

Le seul extrait comptable produit par la cessionnaire est insuffisant à établir le montant des sommes en caisse au jour de la cession. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli l'action de la cessionnaire, mais de l'infirmer sur le quantum de la condamnation, et de condamner M. [X] à payer à la société Aliasys la somme de 11 209,72 euros au titre de la convention de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2023, date de la mise en demeure.

2 ' sur la demande reconventionnelle subsidiaire formée par M. [X]

M. [X] soutient, à titre subsidiaire, que la société Aliasys l'a trompé « sur l'interprétation de la clause de la promesse de cession relative au maintien du niveau de trésorerie » à 25 000 euros minimum. Il soutient que la société Aliasys ne pouvait pas sérieusement penser que les cédants s'engageaient à maintenir le même prix de cession si le niveau de trésorerie était supérieur. Il affirme que cette tromperie constitue un dol, ou à tout le moins un manquement aux principes de loyauté et de bonne foi dans les négociations précontractuelles. Il soutient que ce dol lui cause un préjudice qui doit être évalué à la même somme que la condamnation prononcée à son encontre.

La société Aliasys soutient que M. [X] ne rapporte pas la preuve du dol qu'il allègue, rappelant qu'il était gérant et associé majoritaire d'une société et qu'il ne pouvait méconnaître la portée de ses engagements, dont il devait comprendre l'importance. Elle ajoute qu'il n'est justifié d'aucun élément mensonger ayant déterminé son consentement.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 1137 du code civil que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

M. [X] n'évoque aucune man'uvre ou mensonge commis par la société Aliasys, se contentant d'évoquer une tromperie sur l'interprétation d'une clause de la promesse de cession. Le simple fait qu'une clause puisse être interprétée de manière différente par plusieurs personnes est antinomique du concept même de tromperie.

Aucun dol ne peut dès lors être imputé à la société Aliasys, de sorte que M. [X] doit être débouté de sa demande reconventionnelle.

3 ' sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. [X] qui succombe principalement sera condamné aux dépens exposés en appel. L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 18 octobre 2024 en toutes ses dispositions, hormis sur le quantum de la condamnation de M. [X],

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [X] à payer à la société Aliasys la somme de 11 209,72 euros au titre de la convention de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2023,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne M. [X] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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