CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 23 octobre 2025, n° 24/05397
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 24/05397 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6BV
[O] [R]
S.A.S. [22]
S.A.S. [24]
S.A..S. SOCIÉTÉ [11]
C/
[X] [N]
Copie exécutoire délivrée
le : 23 octobre 2025
à :
Me Géraldine LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE
Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 19 Mars 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 2023R00312.
APPELANTS
Monsieur [O] [R]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 20], demeurant [Adresse 2]
S.A.S. [21]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A.S. [23]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A..S. SOCIÉTÉ [10]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
représentées par Me Géraldine LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
Madame [X] [N]
née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 18], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteure
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [N] et M. [O] [R] ont fondé en 2015 la Sas [10], société holding détenant plusieurs filiales spécialisées notamment dans le domaine de l'événementiel. Ils détenaient chacun 10 000 actions de cette holding.
M. [V] [N] étant décédé le [Date décès 3] 2022, son épouse, [X] [N], ses deux enfants [W] et [J] [N] sont propriétaires indivis des actions qui dépendent de la succession. Les coindivisaires ont désigné Mme [X] [N] en qualité de mandataire pour les représenter.
Le 29 septembre 2022, sous l'impulsion de Maître [G], désigné en qualité de mandataire ad hoc en l'état des dissensions existant entre les associés, M. [O] [R] et Mme [X] [N] ont conclu un pacte d'actionnaires.
Le 22 juin 2023, reprochant à M. [O] [R] une violation du pacte, Mme [X] [N] a saisi par voie de requête le président du tribunal de commerce de Marseille, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin d'obtenir la désignation d'un commissaire de justice avec pour mission de se rendre au domicile de M. [O] [R] et aux sièges sociaux des sociétés [10], [19] et [7] et recueillir des éléments sur les échanges passés avec les sociétés [16] et [14], pressenties comme cessionnaires.
Mme [X] [N] reprochait à M. [O] [R] de lui avoir dissimulé des documents dans le cadre d'un projet de cession de la société [10] et de ses filiales, en violation de l'obligation d'information contenue au pacte.
Par ordonnance du 26 juin 2023, le président du tribunal de commerce a fait droit à la requête et les mesures d'investigations ont été effectuées.
Saisi d'une demande de rétractation par M. [O] [R] et les sociétés visées par la requête, ainsi que de demandes additionnelles formées par Mme [X] [N], le président du tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance du 19 mars 2024':
Sur la demande de rétractation':
déclaré la société [10], la société [19] et la société [13] recevables en leurs demandes formées à l'encontre de Mme [X] [N],
débouté M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [13] de leur demande de rétractation,
en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 26 juin 2023
Sur la demande d'autorisation d'accès à des informations saisies':
déclaré Mme [X] [N] recevable en ses demandes formées à l'encontre de M. [L] [R],
Sur la demande de communication de procès-verbal ':
Vu les dispositions des articles 16 et 444 du code de procédure civile
ordonné la réouverture des débats en enjoignant à Mme [X] [N] de préciser si elle entend voir ordonner uniquement la communication du procès-verbal de constat établi par le commissaire de justice relatant les opérations de saisies ou si elle sollicite la communication de pièces et fichiers recueillis par le commissaire de justice,
en conséquence, renvoyé matière et parties à la plus prochaine audience utile,
condamné Mme [X] [N] au paiement des frais de remise au rôle de la présente affaire,
dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine.
Sur la demande de communication sous astreinte de documents comptables':
condamné M. [L] [R] à remettre à Mme [X] [N] les documents suivants':
- tableau récapitulatif chiffré des manifestations et réceptions organisées (passées en 2023 et à venir)
- situation comptable et financière semestrielle arrêtée au 30 juin 2023,
- plannings d'activités congrès par congrès depuis la signature du pacte avec indication du nombre de participants, du chiffre d'affaires envisagé et de la marge attribuée,
Dans les 15 jours suivant la signification de la présente ordonnance, à défaut sous astreinte provisoire de 500 euros pendant le délai d'un mois.
Sur les frais irrépétibles':
condamné M. [O] [R] à payer à Mme [X] [N] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens,
rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.
--------
Par acte du 24 avril 2024 M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [8] ont interjeté appel de certains chefs de l'ordonnance.
--------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 15 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [7] demandent à la cour de':
Vu les articles 145,493,495,496 al. 2 et 497 du code de procédure civile,
Vu l'article 875 du code de commerce,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'ordonnance sur requête du 26 juin 2023,
Vu l'ordonnance rendue le 10 décembre 2024,
Infirmer l'ordonnance du 19 mars 2024.
Rétracter l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Marseille sur requête de Madame [N] en date du 26 juin 2023.
En conséquence :
Annuler l'intégralité des investigations, constatations et saisies effectuées par le Commissaire de justice en exécution de l'ordonnance du 26 juin 2023.
Et donc :
- ordonner la destruction de toutes les copies effectuées par le Commissaire de justice et sur tous supports,
- annuler le procès-verbal dressé en exécution de l'ordonnance du 26 juin 2023 par Me [D], Commissaire de Justice à [Localité 18],
- déclarer l'ordonnance à intervenir opposable à Me [D], Commissaires de Justice à [Localité 18],
- infirmer également l'ordonnance du 19 mars 2024 en ce qu'elle a condamné M. [R] à remettre les documents visés dans ladite ordonnance,
- infirmer également l'ordonnance du 19 mars 2024 en ce qu'elle a condamné [O] [R] à verser 2 000 € à Mme [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [N] à payer à Monsieur [O] [R] la somme de 5 000 € et à chacune des sociétés requérantes la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner Mme [N] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Lestournelle.
Au soutien de leur appel, M. [O] [R] et les sociétés [10], [19], et [7] font valoir que':
Mme [X] [N] n'a justifié la dérogation au principe du contradictoire que par une formule de style'; elle a communiqué des courriers officiels dont elle n'a pas retranscrit les réponses, justifiant la rétractation de l'ordonnance et la nullité du procès-verbal dressé consécutivement,
Mme [X] [N] ne justifie d'aucun motif légitime et pouvait compléter ses demandes dès lors qu'elle était déjà en procédure avec les requis'; la mesure s'apparente à une perquisition civile au domicile de M. [R] et ne constitue qu'un procès d'intention puisque des pièces ont déjà été communiquées à Mme [X] [N]'; les mesures ne sont ni circonscrites ni proportionnées, et portent atteinte au secret professionnel et à la confidentialité,
la demande nouvelle de Mme [X] [N] en communication de pièces doit être rejetée, celle-ci ayant d'ores et déjà été déboutée de sa première demande et ayant eu tous les renseignements voulus dans le cadre du comité consultatif.
--------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 24 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] [N] demande à la cour de':
Vu les articles 145, 493 et 875 du Code de procédure civile,
Vu la présente requête et les pièces produites,
Vu l'Ordonnance du 26 juin 2023
- confirmer l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Marseille, en référé, le 19 mars 2024,
- condamner Monsieur [O] [R] à payer à Madame [X] [N] la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et de le condamner aux entiers dépens de l'instance.
En réponse, Mme [X] [N] soutient que':
la communication des documents saisis ne méconnaît pas le principe de la confidentialité de la correspondance entre l'avocat et son client,
la dérogation au principe du contradictoire était justifiée par la dissimulation d'un accord de confidentialité signé par M. [O] [R] et les sociétés [16]'; la requête fait expressément référence à la procédure de référé en cours et aux réponses aux courriers officiels,
la communication de documents est justifiée dès lors que M. [O] [R] a refusé de les communiquer'; la demande ne pouvait être faite avant puisqu'elle sollicite des éléments postérieurs à l'ordonnance du 20 juin 2023
---------
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 18 septembre 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du même jour.
MOTIFS
Sur le bien-fondé des mesures sollicitées par Mme [X] [N]':
- sur la dérogation au principe du contradictoire
Au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, saisi par voie de requête, peut ordonner avant tout procès au fond des mesures d'instruction afin d'établir des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse, conformément à l'article 493 du code de procédure civile.
S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, en application de l'article 496 du code de procédure civile.
La procédure sur requête, en ce qu'elle constitue une procédure dérogatoire et contraire au principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile, nécessite que le requérant établisse l'existence d'éléments propres au cas d'espèce, de nature à justifier la dérogation au principe du contradictoire.
En l'espèce, la requête déposée le 22 juin 2023 par Mme [X] [N], faisant suite à trois autres ordonnances qui n'ont pu être exécutées, expose notamment que «'s'il était informé de la présente procédure, Monsieur [O] [R] pourrait procéder à la dissimulation des preuves du bien-fondé des demandes de Madame [X] [N]'» et que «'cette volonté de dissimulation dont fait preuve Monsieur [O] [R] justifie de déroger au respect du principe du contradictoire. En effet, appeler ce dernier à la cause ferait courir un risque de destruction des preuves'» (pièce 17 de Mme [X] [N], p 7 et 8).
La motivation fondée sur le risque de déperdition des preuves, certes commune à la plupart des mesures d'investigations, ne s'apparente pas à une formule de style dès lors qu'elle s'inscrit dans le contexte de la requête et des mesures sollicitées, exposé sur plusieurs pages, et doit nécessairement être comprise à la lumière des circonstances de l'espèce, à savoir des soupçons de dissimulation d'un projet de cession des actions de la société [10] de la part de M. [O] [R], coassocié, en violation du pacte d'associés conclu le 29 septembre 2022, rendant d'autant plus plausible le risque de destruction des documents.
En outre, la requête inclut tant la référence aux mails adressés par Mme [X] [N] que la réponse officielle apportée par le conseil de M. [O] [R] et visée en pièce 11, de sorte qu'aucune violation du contradictoire ne peut être déduite des éléments communiqués au premier juge.
En conséquence, la motivation susvisée, à laquelle l'ordonnance a renvoyé par visa, suffit à justifier le recours à une procédure non contradictoire, seule de nature à garantir l'effectivité des mesures sollicitées.
- sur le caractère légitime de la mesure
Au visa de l'article 145 du code de procédure civile les mesures légalement admissibles sont celles qui sont circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Elles doivent en outre présenter un caractère utile et pertinent.
Ainsi, il incombe au juge de vérifier si la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
En l'espèce, par mail du 10 mars 2023 (pièce 5 de Mme [X] [N]) la société [15], pressentie comme future cessionnaire de la société [10], et répondant à une sollicitation de M. [O] [R], faisait état de ce que les parties étaient «'déjà sous'NDA'que la société a signé le 19 mai 2022'».
Il n'est pas contesté que cet accord de non-divulgation n'a pas été transmis à Mme [X] [N], en dépit de la clause V contenue au pacte d'actionnaires signé le 29 septembre 2022 entre M. [O] [R] et Mme [X] [N] et prévoyant notamment que «'chacune des parties s'oblige également à transmettre à l'autre partie toute correspondance intervenue depuis le [Date décès 3] 2022 dans le cadre d'un éventuel projet de cession avec un candidat acquéreur'» (pièce 17, p 6 de Mme [X] [N]).
Néanmoins, d'une part, cette clause est incluse dans un paragraphe du pacte intitulé «'cession de titres'» et faisant expressément référence aux discussions engagées avec les sociétés [16] et [14] en vue de la cession «'des titres des sociétés [19], [9] ou encore de la société [12]». D'autre part, le mail adressé le 10 mars 2023 par la société [15] intervient en réponse à un mail de M. [O] [R] lui-même, sollicitant la signature préalable d'un «'accord de confidentialité'». Enfin, ces échanges sont également adressés en copie à Mme [X] [N].
Il en résulte que la volonté de dissimulation avancée par cette dernière pour justifier des mesures d'investigation n'est pas caractérisée.
En tout état de cause, le non-respect de la clause V du pacte peut être déduit de ces seuls échanges, M. [O] [R] s'étant abstenu de communiquer à Mme [X] [N] l'accord de non-divulgation signé le 19 mai 2022, ce que reconnaît le conseil de M. [O] [R] par lettre officielle du 26 mai 2023 en ces termes': «'en admettant que ce document relève d'une «'correspondance'», nous reconnaissons que ce document aurait dû vous être transmis mais il s'agit d'une omission qui ne porte pas à conséquence, dès lors que vous étiez informé de l'intérêt porté par [16] à nos sociétés et, alors et encore, qu'aucun document n'a été transmis en exécution de cet engagement'» (pièce 11 de Mme [X] [N]).
Au demeurant, les termes mêmes des échanges du 10 mars 2023 démontrent que M. [O] [R], en sollicitant la signature préalable d'un accord de confidentialité, n'avait plus en mémoire celui déjà signé en 2022 avec la société [16]. Si une volonté de dissimulation avait pu exister, ces échanges n'auraient manifestement pas été adressés en copie à Mme [X] [N].
En outre, au regard des discussions intervenues dans le courant de l'année 2023, faisant toujours état de négociations avec les sociétés [16] et [14], et ce, au contradictoire de Mme [X] [N], il apparaît que la signature d'un accord de non-divulgation en mai 2022 n'a pas été suivie de la concrétisation d'un engagement à l'insu de Mme [X] [N], étant observé que le courrier officiel visé ci-dessus fait également état d'un accord de confidentialité signé d'ores et déjà en décembre 2021 avec la société [14], «'en plein accord'» avec [V] [N], avant son décès intervenu le [Date décès 3] 2022, attestant de la continuité d'un projet entrepris de longue date.
Dès lors, et à supposer même que d'autres échanges soient intervenus à compter du [Date décès 3] 2022 entre M. [O] [R] et les sociétés cessionnaires, Mme [X] [N] disposait d'ores et déjà de la preuve d'un manquement à la clause V sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'investigation.
Enfin, elle a elle-même informé M. [O] [R] le 10 février 2023 qu'ils n'étaient plus liés par le pacte compte-tenu de ses «'violations répétées'», attestant qu'elle disposait d'éléments de preuve confortant ces violations et justifiant la rupture unilatérale du pacte (mail du 20 février 2023, pièce 3 de M. [O] [R]).
Ainsi, les mesures d'investigations, par le nombre de pièces à saisir, incluant le cas échéant des communications couvertes par le secret des correspondances, pratiquées au domicile personnel de M. [O] [R], avec l'autorisation de recourir à un serrurier et à la force publique, n'apparaissent ni nécessaires ni proportionnées au droit à la preuve dont dispose le requérant à une mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a refusé la rétractation de l'ordonnance sur requête intervenue le 26 juin 2023.
Sur les mesures complémentaires sollicitées par Mme [X] [N]':
Dans le cadre de l'instance en rétractation Mme [X] [N] a sollicité en outre la condamnation de M. [O] [R] à communiquer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard un certain nombre de documents relatifs aux manifestations et réceptions organisées et une situation comptable et financière de la société.
Le juge de la rétractation a fait droit à cette demande, sauf à ramener l'astreinte à 500 euros pendant un délai d'un mois.
Pour autant, en application de l'article 497 du code de procédure civile l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.
Il en résulte que le juge de la rétractation n'avait pas compétence pour statuer sur les demandes complémentaires formées par Mme [X] [N], quand bien même ces demandes portaient sur des éléments postérieurs à l'ordonnance sur requête rendue le 26 juin 2023.
En conséquence, l'ordonnance attaquée doit être également infirmée de ce chef.
Il s'ensuit que le procès-verbal établi le 18 juillet 2023 par Maître [D] de la Selarl [17], commissaire de justice, sur la base d'une ordonnance rétractée est nul et inopposable à quelque titre que ce soit.
De même, aucune des parties ne pourra faire état des pièces consultées ou saisies par le commissaire de justice.
Sur les frais et dépens':
Mme [X] [N], partie perdante, conservera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
En revanche, l'équité commande de la dispenser d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel interjeté,
Infirme l'ordonnance rendue le 19 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Marseille,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 26 juin 2023 par le président du tribunal de commerce de Marseille,
Dit en conséquence que le procès-verbal établi le 18 juillet 2023 par Maître [D] de la Selarl [17], commissaire de justice, sur la base d'une ordonnance rétractée, est nul et inopposable à quelque titre que ce soit, et qu'aucune des parties ne pourra faire état des pièces consultées ou saisies par le commissaire de justice,
Condamne Mme [X] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 24/05397 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6BV
[O] [R]
S.A.S. [22]
S.A.S. [24]
S.A..S. SOCIÉTÉ [11]
C/
[X] [N]
Copie exécutoire délivrée
le : 23 octobre 2025
à :
Me Géraldine LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE
Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 19 Mars 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 2023R00312.
APPELANTS
Monsieur [O] [R]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 20], demeurant [Adresse 2]
S.A.S. [21]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A.S. [23]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A..S. SOCIÉTÉ [10]
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
représentées par Me Géraldine LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
Madame [X] [N]
née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 18], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteure
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [N] et M. [O] [R] ont fondé en 2015 la Sas [10], société holding détenant plusieurs filiales spécialisées notamment dans le domaine de l'événementiel. Ils détenaient chacun 10 000 actions de cette holding.
M. [V] [N] étant décédé le [Date décès 3] 2022, son épouse, [X] [N], ses deux enfants [W] et [J] [N] sont propriétaires indivis des actions qui dépendent de la succession. Les coindivisaires ont désigné Mme [X] [N] en qualité de mandataire pour les représenter.
Le 29 septembre 2022, sous l'impulsion de Maître [G], désigné en qualité de mandataire ad hoc en l'état des dissensions existant entre les associés, M. [O] [R] et Mme [X] [N] ont conclu un pacte d'actionnaires.
Le 22 juin 2023, reprochant à M. [O] [R] une violation du pacte, Mme [X] [N] a saisi par voie de requête le président du tribunal de commerce de Marseille, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin d'obtenir la désignation d'un commissaire de justice avec pour mission de se rendre au domicile de M. [O] [R] et aux sièges sociaux des sociétés [10], [19] et [7] et recueillir des éléments sur les échanges passés avec les sociétés [16] et [14], pressenties comme cessionnaires.
Mme [X] [N] reprochait à M. [O] [R] de lui avoir dissimulé des documents dans le cadre d'un projet de cession de la société [10] et de ses filiales, en violation de l'obligation d'information contenue au pacte.
Par ordonnance du 26 juin 2023, le président du tribunal de commerce a fait droit à la requête et les mesures d'investigations ont été effectuées.
Saisi d'une demande de rétractation par M. [O] [R] et les sociétés visées par la requête, ainsi que de demandes additionnelles formées par Mme [X] [N], le président du tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance du 19 mars 2024':
Sur la demande de rétractation':
déclaré la société [10], la société [19] et la société [13] recevables en leurs demandes formées à l'encontre de Mme [X] [N],
débouté M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [13] de leur demande de rétractation,
en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 26 juin 2023
Sur la demande d'autorisation d'accès à des informations saisies':
déclaré Mme [X] [N] recevable en ses demandes formées à l'encontre de M. [L] [R],
Sur la demande de communication de procès-verbal ':
Vu les dispositions des articles 16 et 444 du code de procédure civile
ordonné la réouverture des débats en enjoignant à Mme [X] [N] de préciser si elle entend voir ordonner uniquement la communication du procès-verbal de constat établi par le commissaire de justice relatant les opérations de saisies ou si elle sollicite la communication de pièces et fichiers recueillis par le commissaire de justice,
en conséquence, renvoyé matière et parties à la plus prochaine audience utile,
condamné Mme [X] [N] au paiement des frais de remise au rôle de la présente affaire,
dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine.
Sur la demande de communication sous astreinte de documents comptables':
condamné M. [L] [R] à remettre à Mme [X] [N] les documents suivants':
- tableau récapitulatif chiffré des manifestations et réceptions organisées (passées en 2023 et à venir)
- situation comptable et financière semestrielle arrêtée au 30 juin 2023,
- plannings d'activités congrès par congrès depuis la signature du pacte avec indication du nombre de participants, du chiffre d'affaires envisagé et de la marge attribuée,
Dans les 15 jours suivant la signification de la présente ordonnance, à défaut sous astreinte provisoire de 500 euros pendant le délai d'un mois.
Sur les frais irrépétibles':
condamné M. [O] [R] à payer à Mme [X] [N] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens,
rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.
--------
Par acte du 24 avril 2024 M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [8] ont interjeté appel de certains chefs de l'ordonnance.
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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 15 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [O] [R], la société [10], la société [19] et la société [7] demandent à la cour de':
Vu les articles 145,493,495,496 al. 2 et 497 du code de procédure civile,
Vu l'article 875 du code de commerce,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'ordonnance sur requête du 26 juin 2023,
Vu l'ordonnance rendue le 10 décembre 2024,
Infirmer l'ordonnance du 19 mars 2024.
Rétracter l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Marseille sur requête de Madame [N] en date du 26 juin 2023.
En conséquence :
Annuler l'intégralité des investigations, constatations et saisies effectuées par le Commissaire de justice en exécution de l'ordonnance du 26 juin 2023.
Et donc :
- ordonner la destruction de toutes les copies effectuées par le Commissaire de justice et sur tous supports,
- annuler le procès-verbal dressé en exécution de l'ordonnance du 26 juin 2023 par Me [D], Commissaire de Justice à [Localité 18],
- déclarer l'ordonnance à intervenir opposable à Me [D], Commissaires de Justice à [Localité 18],
- infirmer également l'ordonnance du 19 mars 2024 en ce qu'elle a condamné M. [R] à remettre les documents visés dans ladite ordonnance,
- infirmer également l'ordonnance du 19 mars 2024 en ce qu'elle a condamné [O] [R] à verser 2 000 € à Mme [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [N] à payer à Monsieur [O] [R] la somme de 5 000 € et à chacune des sociétés requérantes la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner Mme [N] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Lestournelle.
Au soutien de leur appel, M. [O] [R] et les sociétés [10], [19], et [7] font valoir que':
Mme [X] [N] n'a justifié la dérogation au principe du contradictoire que par une formule de style'; elle a communiqué des courriers officiels dont elle n'a pas retranscrit les réponses, justifiant la rétractation de l'ordonnance et la nullité du procès-verbal dressé consécutivement,
Mme [X] [N] ne justifie d'aucun motif légitime et pouvait compléter ses demandes dès lors qu'elle était déjà en procédure avec les requis'; la mesure s'apparente à une perquisition civile au domicile de M. [R] et ne constitue qu'un procès d'intention puisque des pièces ont déjà été communiquées à Mme [X] [N]'; les mesures ne sont ni circonscrites ni proportionnées, et portent atteinte au secret professionnel et à la confidentialité,
la demande nouvelle de Mme [X] [N] en communication de pièces doit être rejetée, celle-ci ayant d'ores et déjà été déboutée de sa première demande et ayant eu tous les renseignements voulus dans le cadre du comité consultatif.
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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 24 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] [N] demande à la cour de':
Vu les articles 145, 493 et 875 du Code de procédure civile,
Vu la présente requête et les pièces produites,
Vu l'Ordonnance du 26 juin 2023
- confirmer l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Marseille, en référé, le 19 mars 2024,
- condamner Monsieur [O] [R] à payer à Madame [X] [N] la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et de le condamner aux entiers dépens de l'instance.
En réponse, Mme [X] [N] soutient que':
la communication des documents saisis ne méconnaît pas le principe de la confidentialité de la correspondance entre l'avocat et son client,
la dérogation au principe du contradictoire était justifiée par la dissimulation d'un accord de confidentialité signé par M. [O] [R] et les sociétés [16]'; la requête fait expressément référence à la procédure de référé en cours et aux réponses aux courriers officiels,
la communication de documents est justifiée dès lors que M. [O] [R] a refusé de les communiquer'; la demande ne pouvait être faite avant puisqu'elle sollicite des éléments postérieurs à l'ordonnance du 20 juin 2023
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 18 septembre 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du même jour.
MOTIFS
Sur le bien-fondé des mesures sollicitées par Mme [X] [N]':
- sur la dérogation au principe du contradictoire
Au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, saisi par voie de requête, peut ordonner avant tout procès au fond des mesures d'instruction afin d'établir des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse, conformément à l'article 493 du code de procédure civile.
S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, en application de l'article 496 du code de procédure civile.
La procédure sur requête, en ce qu'elle constitue une procédure dérogatoire et contraire au principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile, nécessite que le requérant établisse l'existence d'éléments propres au cas d'espèce, de nature à justifier la dérogation au principe du contradictoire.
En l'espèce, la requête déposée le 22 juin 2023 par Mme [X] [N], faisant suite à trois autres ordonnances qui n'ont pu être exécutées, expose notamment que «'s'il était informé de la présente procédure, Monsieur [O] [R] pourrait procéder à la dissimulation des preuves du bien-fondé des demandes de Madame [X] [N]'» et que «'cette volonté de dissimulation dont fait preuve Monsieur [O] [R] justifie de déroger au respect du principe du contradictoire. En effet, appeler ce dernier à la cause ferait courir un risque de destruction des preuves'» (pièce 17 de Mme [X] [N], p 7 et 8).
La motivation fondée sur le risque de déperdition des preuves, certes commune à la plupart des mesures d'investigations, ne s'apparente pas à une formule de style dès lors qu'elle s'inscrit dans le contexte de la requête et des mesures sollicitées, exposé sur plusieurs pages, et doit nécessairement être comprise à la lumière des circonstances de l'espèce, à savoir des soupçons de dissimulation d'un projet de cession des actions de la société [10] de la part de M. [O] [R], coassocié, en violation du pacte d'associés conclu le 29 septembre 2022, rendant d'autant plus plausible le risque de destruction des documents.
En outre, la requête inclut tant la référence aux mails adressés par Mme [X] [N] que la réponse officielle apportée par le conseil de M. [O] [R] et visée en pièce 11, de sorte qu'aucune violation du contradictoire ne peut être déduite des éléments communiqués au premier juge.
En conséquence, la motivation susvisée, à laquelle l'ordonnance a renvoyé par visa, suffit à justifier le recours à une procédure non contradictoire, seule de nature à garantir l'effectivité des mesures sollicitées.
- sur le caractère légitime de la mesure
Au visa de l'article 145 du code de procédure civile les mesures légalement admissibles sont celles qui sont circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Elles doivent en outre présenter un caractère utile et pertinent.
Ainsi, il incombe au juge de vérifier si la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
En l'espèce, par mail du 10 mars 2023 (pièce 5 de Mme [X] [N]) la société [15], pressentie comme future cessionnaire de la société [10], et répondant à une sollicitation de M. [O] [R], faisait état de ce que les parties étaient «'déjà sous'NDA'que la société a signé le 19 mai 2022'».
Il n'est pas contesté que cet accord de non-divulgation n'a pas été transmis à Mme [X] [N], en dépit de la clause V contenue au pacte d'actionnaires signé le 29 septembre 2022 entre M. [O] [R] et Mme [X] [N] et prévoyant notamment que «'chacune des parties s'oblige également à transmettre à l'autre partie toute correspondance intervenue depuis le [Date décès 3] 2022 dans le cadre d'un éventuel projet de cession avec un candidat acquéreur'» (pièce 17, p 6 de Mme [X] [N]).
Néanmoins, d'une part, cette clause est incluse dans un paragraphe du pacte intitulé «'cession de titres'» et faisant expressément référence aux discussions engagées avec les sociétés [16] et [14] en vue de la cession «'des titres des sociétés [19], [9] ou encore de la société [12]». D'autre part, le mail adressé le 10 mars 2023 par la société [15] intervient en réponse à un mail de M. [O] [R] lui-même, sollicitant la signature préalable d'un «'accord de confidentialité'». Enfin, ces échanges sont également adressés en copie à Mme [X] [N].
Il en résulte que la volonté de dissimulation avancée par cette dernière pour justifier des mesures d'investigation n'est pas caractérisée.
En tout état de cause, le non-respect de la clause V du pacte peut être déduit de ces seuls échanges, M. [O] [R] s'étant abstenu de communiquer à Mme [X] [N] l'accord de non-divulgation signé le 19 mai 2022, ce que reconnaît le conseil de M. [O] [R] par lettre officielle du 26 mai 2023 en ces termes': «'en admettant que ce document relève d'une «'correspondance'», nous reconnaissons que ce document aurait dû vous être transmis mais il s'agit d'une omission qui ne porte pas à conséquence, dès lors que vous étiez informé de l'intérêt porté par [16] à nos sociétés et, alors et encore, qu'aucun document n'a été transmis en exécution de cet engagement'» (pièce 11 de Mme [X] [N]).
Au demeurant, les termes mêmes des échanges du 10 mars 2023 démontrent que M. [O] [R], en sollicitant la signature préalable d'un accord de confidentialité, n'avait plus en mémoire celui déjà signé en 2022 avec la société [16]. Si une volonté de dissimulation avait pu exister, ces échanges n'auraient manifestement pas été adressés en copie à Mme [X] [N].
En outre, au regard des discussions intervenues dans le courant de l'année 2023, faisant toujours état de négociations avec les sociétés [16] et [14], et ce, au contradictoire de Mme [X] [N], il apparaît que la signature d'un accord de non-divulgation en mai 2022 n'a pas été suivie de la concrétisation d'un engagement à l'insu de Mme [X] [N], étant observé que le courrier officiel visé ci-dessus fait également état d'un accord de confidentialité signé d'ores et déjà en décembre 2021 avec la société [14], «'en plein accord'» avec [V] [N], avant son décès intervenu le [Date décès 3] 2022, attestant de la continuité d'un projet entrepris de longue date.
Dès lors, et à supposer même que d'autres échanges soient intervenus à compter du [Date décès 3] 2022 entre M. [O] [R] et les sociétés cessionnaires, Mme [X] [N] disposait d'ores et déjà de la preuve d'un manquement à la clause V sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'investigation.
Enfin, elle a elle-même informé M. [O] [R] le 10 février 2023 qu'ils n'étaient plus liés par le pacte compte-tenu de ses «'violations répétées'», attestant qu'elle disposait d'éléments de preuve confortant ces violations et justifiant la rupture unilatérale du pacte (mail du 20 février 2023, pièce 3 de M. [O] [R]).
Ainsi, les mesures d'investigations, par le nombre de pièces à saisir, incluant le cas échéant des communications couvertes par le secret des correspondances, pratiquées au domicile personnel de M. [O] [R], avec l'autorisation de recourir à un serrurier et à la force publique, n'apparaissent ni nécessaires ni proportionnées au droit à la preuve dont dispose le requérant à une mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a refusé la rétractation de l'ordonnance sur requête intervenue le 26 juin 2023.
Sur les mesures complémentaires sollicitées par Mme [X] [N]':
Dans le cadre de l'instance en rétractation Mme [X] [N] a sollicité en outre la condamnation de M. [O] [R] à communiquer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard un certain nombre de documents relatifs aux manifestations et réceptions organisées et une situation comptable et financière de la société.
Le juge de la rétractation a fait droit à cette demande, sauf à ramener l'astreinte à 500 euros pendant un délai d'un mois.
Pour autant, en application de l'article 497 du code de procédure civile l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.
Il en résulte que le juge de la rétractation n'avait pas compétence pour statuer sur les demandes complémentaires formées par Mme [X] [N], quand bien même ces demandes portaient sur des éléments postérieurs à l'ordonnance sur requête rendue le 26 juin 2023.
En conséquence, l'ordonnance attaquée doit être également infirmée de ce chef.
Il s'ensuit que le procès-verbal établi le 18 juillet 2023 par Maître [D] de la Selarl [17], commissaire de justice, sur la base d'une ordonnance rétractée est nul et inopposable à quelque titre que ce soit.
De même, aucune des parties ne pourra faire état des pièces consultées ou saisies par le commissaire de justice.
Sur les frais et dépens':
Mme [X] [N], partie perdante, conservera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
En revanche, l'équité commande de la dispenser d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel interjeté,
Infirme l'ordonnance rendue le 19 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Marseille,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 26 juin 2023 par le président du tribunal de commerce de Marseille,
Dit en conséquence que le procès-verbal établi le 18 juillet 2023 par Maître [D] de la Selarl [17], commissaire de justice, sur la base d'une ordonnance rétractée, est nul et inopposable à quelque titre que ce soit, et qu'aucune des parties ne pourra faire état des pièces consultées ou saisies par le commissaire de justice,
Condamne Mme [X] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente