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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 23 octobre 2025, n° 24/01636

AMIENS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseiller :

Mme Dubaele

Avocats :

Me Le Roy, Me Poilly, Me Grignon Dumoulin, Me Guyot, Me Jarsaillon

T. com. Compiègne, du 26 mars 2024, n° 2…

26 mars 2024

DECISION

Par un acte sous seing privé du 6 octobre 2020 dénommé contrat d'agent commercial, la SAS [K], spécialisée dans la conception, le développement, la production, la commercialisation et la vente de profilés et systèmes pour l'industrie de la construction, a confié à M. [X] [F], exerçant la profession d'agent commercial spécialisé dans la vente de produits du bâtiment, immatriculé au registre spécial des agents commerciaux depuis le 18 mai 2009, la négociation exclusive de ses produits dans les départements 50/14/61/28/27/76 (Normandie).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 décembre 2022, la SAS [K] a notifié à M. [X] [F] la rupture immédiate de son mandat et lui a demandé le remboursement de la somme de 51.756 euros à titre de trop-perçu de commissions.

Par acte en date du 26 janvier 2023, Monsieur [X] [F] a assigné la SAS [K] devant le tribunal de commerce de Compiègne sollicitant sa condamnation au paiement de sommes au titre d'indemnités de préavis, de cessation de contrat, de droit de suite et de commissions impayées.

Par un jugement en date du 26 mars 2023, le tribunal de commerce de Compiègne :

"- Déboute M. [X] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamne M. [X] [F] reconventionnellement à payer à la SAS [K] la somme de 8.625 euros à titre d'indemnisation ;

- Condamne à la SAS [K] à verser à M. [X] [F] le solde de 1.683,48 euros à titre de régularisation des commissions ;

- Condamne M. [X] [F] à payer à la SAS [K] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonne l'exécution provisoire ;

- Liquide les dépens du greffe à la somme de 69,59 euros TTC dont TVA 20% comprenant les frais de mise en rôle de la présente instance."

Par une déclaration en date du 9 avril 2024, Monsieur [X] [F] a interjeté appel limité de cette décision en ce qu'elle le déboute de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'elle le condamne reconventionnellement à payer à la société [K] 8625 euros de dommages et intérêts et en ce qu'elle le condamne à verser à la société [K] 1683,48 euros au titre de régularisation des commissions, du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 24 février 2025, M. [X] [F] demande à la cour de :

Vu les articles L.134.1 et suivants du code de commerce et notamment les articles L.134-6, L.134.7, L.134.12 et 13 dudit code, Vu l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européen (CJUE) du 28 octobre 2010 n° C203/09, Vu le revirement de la Cour de Cassation en date du 16 novembre 2022, Vu les dispositions des articles R.134.3 du code de commerce, Vu la lettre de rupture en date du 20 décembre 2022 et les motifs invoqués,

- Infirmer le jugement prononcé le 26 mars 2023 par le tribunal de commerce de Compiègne en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la condamnation de la SAS [K] à lui payer 1.683,48 euros,

Et statuant à nouveau,

- Condamner la SAS [K] à payer à M. [X] [F], sauf à parfaire :

' 5.175 euros HT soit 6.270 euros TTC au titre de l'indemnité de préavis ;

' 44.032 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat.

- Ordonner à la SAS [K] de communiquer à M. [X] [F] l'ensemble des documents comptables sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification du jugement à intervenir ;

- Condamner la SAS [K] à payer à M. [X] [F], sauf à parfaire :

' 1.725 euros au titre du droit de suite (article L.134-7 du code de commerce);

' 1.725 euros au titre des commissions du mois de décembre 2022;

' 2.000 euros à valoir au titre de la régularisation annuelle des commissions.

- Dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la rupture soit à compter du 20 décembre 2022 avec capitalisation dès que les conditions de l'anatocisme seront réunies ;

- Condamner la SAS [K] au paiement desdits intérêts ;

- Débouter la SAS [K] de toutes ses demandes, fins et prétentions notamment de ses demandes reconventionnelles d'indemnisation à hauteur de 8.625 euros et de compensation de 8.625 euros avec le solde de régularisation au titre des commissions soit 1.683,48 euros au besoin ;

- Condamner la SAS [K] à restituer le montant des condamnations de première instance réglés par M. [X] [F] majorés de l'intérêt légal ;

- Condamner par ailleurs, la SAS [K] à payer à M. [X] [F] la somme de 9.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et appel.

Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 30 avril 2025, la SAS [K] demande à la cour de :

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce, Vu les articles 514 et suivants du code de procédure civile, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Vu les pièces produites,

- Débouter M. [X] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Condamner M. [X] [F] à payer à la SAS [K] la somme de 10.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux dépens de première instance et d'appel selon l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de communication par la SAS [K] de l'ensemble des documents comptables sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification du jugement à intervenir :

M. [F] estime que son mandant a omis de mentionner certains chiffres d'affaires correspondant à une commande passée par Bigmat docks de [Localité 8] et aux commandes passées grâce à ses visites par Chausson Matériaux sur des plateformes situées sur un autre secteur, si bien qu'une partie des commissions y afférentes doit lui revenir.

Il sollicite en conséquence qu'il soit fait injonction à sa mandante de lui remettre l'ensemble des documents comptables lui permettant de vérifier le montant des régularisations annuelles des commissions dues depuis le début du contrat.

La société [K] s'y oppose en pointant l'imprécision de la demande et le fait que l'agent commercial est déjà en possession de documents comptables dont il se prévaut en procédure. Elle ajoute que M. [F] ne démontre pas la commande de la société Bigmat [Localité 8] qu'il invoque, que le client Chausson Matériaux est personnellement suivi par le directeur commercial France mais que M. [F] est quand même commissionné dessus.

Il résulte de l'article R.134-3 alinéa 3 du code de commerce que l'agent commercial est en droit d'obtenir du mandant un extrait des documents comptables nécessaires pour établir le montant des commissions qui lui resteraient dues, et de l'article 5.2 du contrat d'agent commercial que la société [K] adresse à l'agent toute copie du courrier, des factures, des confirmations de commandes et des indications de prix, adressées aux acheteurs du secteur de l'agent.

Cependant faute de précision de la demande de M. [F], tant sur la nature des éléments comptables que de leur date ou période dont la communication est sollicitée sous astreinte, il y a lieu de l'en débouter. Au demeurant il produit certaines pièces qu'il indique lui avoir été transmises par la société [K] ainsi qu'une facture de régularisation des commissions de l'année 2021 de 759,24 euros TTC datée du 23 février 2022 qui démontre qu'il a pu calculer le solde des commissions lui revenant.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de résiliation du contrat et sur l'indemnité de préavis :

L'agent commercial sollicite le paiement de 44.032 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat et de 6210 euros au titre de l'indemnité de préavis.

Le mandant s'y oppose en invoquant la faute grave de M. [F] qui le conteste.

La cour rappelle qu'il résulte des articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi mais cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

De même l'article L.134-11 du même code prévoit que chaque partie peut mettre fin à un contrat de mandat à durée indéterminée moyennant un préavis qui est variable selon le nombre d'années écoulées, sauf si le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.

Sur le droit à indemnités :

Il est établi que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. La faute grave qui justifie la privation d'indemnité de rupture se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat. C'est au mandant qu'il appartient de rapporter la preuve d'une telle faute.

Il a été jugé (Com, 16 novembre 2022, pourvoi n°21-17.423) qu'en considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

En l'espèce la cour constate que la lettre de résiliation du 20 décembre 2022 est ainsi motivée :

"(....)l'absence de réalisation de toute vente (exceptée une) sur la période d'exécution de votre contrat d'agent commercial (plus de deux ans), de tout suivi, de toute prospection de désintérêt manifeste et généralisé dans l'exécution de votre mandat d'intérêt commun ne nous permet pas de maintenir cette relation et constitue une faute grave privative du préavis de résiliation et de toute indemnité.

Il vous appartient de remettre les tarifs, matériels publicitaires et les objets qui vous ont été remis gratuitement et qui demeurent la propriété de la société [K], dans les 15 jours de la présente, et de cesser d'utiliser les marques de la société [K].

En outre le décompte de vos ventes réalisées laisse apparaître un trop perçu d'acomptes sur commission d'un montant de 51.756 euros qu'il vous appartient de restituer à notre société."

Le mandant n'invoquant dans cette lettre que l'insuffisance d'implication de l'agent, ne peut ensuite invoquer le défaut de loyauté du fait d'actes de concurrence et de défaut d'information pour le priver de l'indemnité de cessation du contrat.

La cour observe en outre que la lettre comprend une contradiction en son sein dès lors que le mandant reproche à l'agent commercial de n'avoir réalisé qu'une vente puis fait état d'un décompte de ses ventes réalisées.

De plus les écritures du mandant montrent que les termes de cette lettre de rupture sont erronés sinon mensongers puisque la dénonciation de l'absence d'implication de l'agent-sauf une vente- et d'acomptes sur commissions versées à hauteur de 51.756 euros est en contradiction avec ses propres conclusions aux termes desquelles il fait d'une part état de versements de 45.382,70 euros jusqu'en novembre 2022 au titre des acomptes sur commissions et régularisation d'acompte et d'autre part affirme que 46 devis sur 84 n'ont pas débouché sur une commande ce qui induit que 38 ont débouché sur une vente et qu'il a ramené 4 nouveaux clients (réduits à 2 quatre lignes plus loin...).

Par ailleurs, force est de constater qu'il n'a fait aucun reproche à M. [F] pendant toute la durée du mandat soit un peu plus de 26 mois.

La société Deceunink se plaint dans le cadre du présent contentieux du fait que M. [F] a manqué d'implication dans le développement du secteur et n'a pas respecté le contrat l'obligeant à "développer le chiffre d'affaires de son secteur en intégrant de nouveaux clients et en développant les clients existants" et à "promouvoir le développement des ventes", se contentant du CA récurrent des clients historiques présents avant son arrivée, et en veut pour preuve le défaut de progression en 2021 voire la diminution en 2022 du chiffre d'affaires net -après applications des rabais ristournes et remises commerciales-sur son secteur et le non respect de la méthode mise en place pour gérer le SAV.

M. [F] réplique que malgré la crise sanitaire, les augmentations de tarifs, la crise économique et les ruptures de stocks il a réussi à développer la clientèle du mandant tout en ayant dû reprendre un lourd service après-vente, qu'il était régulièrement commissionné et que son dernier entretien en septembre 2021 avec son interlocuteur de la société [K] n'a révélé aucun reproche.

La cour rappelle que le défaut de progression du chiffre d'affaires, si tant est qu'il soit prouvé, ainsi que l'absence le cas échéant d'accroissement de la clientèle, ne saurait suffire à faire la preuve de l'absence totale d'implication et de désintérêt manifeste de son mandat par l'agent commercial.

En tout état de cause s'il n'est pas discuté que les commissions sont calculées par rapport au CA net (le contrat se référant au chiffre d'affaire HT sur les commandes clients facturées et payées), il convient de se référer au CA brut pour évaluer l'implication de M. [F] qui en tant qu'agent commercial n'a pas le pouvoir de décider de la politique des rabais ristournes et remises commerciales appliquées le cas échéant à tel client ou telle commande ramenés par l'agent. Or en 2021 le CA brut sur les clients du secteur confié à M. [F] a été équivalent, à 1952,39 euros près, à celui de 2020 et qu'il a même continué à progresser (passant de 669.793,17 euros en 2020 à 737.160,82 euros en 2021) concernant les clients figurant sous le tableau "négoce". Concernant la période de 2022 jusqu'à la fin du mandat le 20 décembre 2022 la société Deceunink ne produit pas les tableaux des chiffres d'affaires bruts enregistrés si bien qu'elle ne démontre pas la diminution qu'elle déplore qui irait de pair selon elle avec un désintérêt complet pour ses missions par l'agent.

Force est de constater également que M. [F] a selon les tableaux produits apporté de nouveaux clients, au-moins cinq dont deux fidélisés sur les années 2021 et 2022, notamment le stockiste Somedec Maronne en Haute-Normandie avec un chiffre d'affaires en augmentation sur les années 2021 et 2022 de 12.968,06 euros à 41.798,24 euros, ce qui montre qu'il a exécuté son obligation de prospection et de développement de la clientèle.

En outre le chiffre d'affaires relatif au plus gros client Réseau pro [Localité 7] racheté par Chausson matériaux [Localité 6] a augmenté en 2021 et s'est encore accru en 2022, le fait que M. [N] [Y] directeur commercial ait écrit à ce client- dans un mail mis en copie à M. [F]- pour lui présenter de nouveaux produits et régler un problème de manquants ne présumant pas du fait que M. [F], au demeurant commissionné sur ce client, n'ait pas réalisé son travail de développement et de suivi des ventes, à son niveau, auprès de ce client, dont M. [F] rapporte au demeurant des exemples d'échanges qu'il a eus avec lui en juillet et septembre 2022.

Quant au faible nombre de devis émis par M. [F] ce dernier explique que la plupart des commandes se passaient sur catalogue sans qu'il soit nécessaire d'établir un devis et sa mandante le reconnaît.

Aucune faute grave ne peut donc lui être opposée quand à son obligation de moyen tendant au développement des ventes sur son secteur. Au demeurant la société Deceunink ne se prévaut d'aucune perte de clientèle ni de plainte de la clientèle déjà acquise ou témoignages de clients en défaveur de M. [F].

Par ailleurs les nombreux exemples de suivis SAV que M. [F] produits montrent qu'il s'y est investi et il n'est pas démontré que les deux litiges SAV soient dus à un mauvais traitement ou un manque de suivi de procédure interne de sa part. Les mails de M. [N] [Y] directeur des ventes du 20 février 2023 incriminant son non professionnalisme dans le dossier Big mat de [Localité 8] ne sont pas assez motivés ni détaillés quant à ses éventuels manquements, alors même que sa collègue Mme [M] coordinatrice service relations clients lui indiquait "je pense que c'est plus vieux que [X] à la base". Quant au mail de M. [N] du 30 août 2022 à un responsable de Leroy Merlin lui indiquant que la demande de SAV reçue directement d'un de ses clients doit passer par une demande de SAV à compléter, ne constitue pas une preuve de manquement de la part de M. [F] dont l'échange de mails le 20 septembre 2022 avec le responsable de Leroy Merlin montre qu'il a bien suivi le dossier mais que le client n'a pas donné suite.

Le mandant ne prouvant pas la faute grave qu'il invoque dans la lettre de résiliation rien ne s'oppose au droit à indemnités de M. [F].

Sur le montant des indemnités :

M. [F] sollicite au titre de l'indemnité de cessation du contrat une somme de 44.032 euros en invoquant le principe selon lequel il est d'usage d'évaluer l'indemnité compensatrice de cessation du contrat à deux années de commissions soit en l'espèce [Immatriculation 1] = 41.400 euros outre la régularisation annuelle des commissions du 23 janvier 2022 (qu'il chiffre donc implicitement à 2.632 euros), et sollicite le paiement de l'équivalent de trois mois d'acomptes sur commission soit 6.210 euros à titre d'indemnité de préavis.

L'indemnité compensatrice de rupture du contrat a pour but de compenser la perte de la part de marché que l'agent pouvait espérer de la poursuite du contrat, qu'il s'agisse de clients préexistants au contrat ou d'une clientèle nouvellement apportée par ses soins.

Il est d'usage d'évaluer l'indemnité compensatrice de cessation du contrat à la moyenne de deux années de commissions brutes soit en l'espèce 43.371 euros auxquels il y a lieu de condamner la société [K], étant observé que le mandant ne discute pas le montant de cette indemnité mais seulement le principe.

Conformément à l'article L.134-11 du code de commerce qui fixe à trois mois le préavis pour la troisième année commencée, il y a lieu de faire droit à sa demande d' indemnité de 6210 euros TTC à ce titre (1725 HT euros X 3) + TVA à 20%) puisque le contrat a été rompu dans sa troisième année.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes d'indemnités compensatrices de cessation du mandat et de préavis.

Sur la demande de paiement du solde des commissions :

M. [F] sollicite le paiement de 1.725 euros à titre de commission du mois de décembre 2022 et 2.000 euros qu'il évalue au titre de la régularisation annuelle des commissions compte tenu du développement du chiffre d'affaires tout en demandant la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Deceuminck à lui verser à ce titre 1.683,48 euros.

La société [K] fait valoir qu'en application stricte du contrat d'agent commercial, le montant des régularisations des commissions laisse apparaître un solde en faveur de Monsieur [X] [F] de 1.683,48 euros. Elle s'oppose au surplus de ses demandes en faisant valoir que la régularisation d'acompte pour 2022 sollicitée par M. [F] correspond à un chiffre d'affaires réel de 723.333,33 euros alors que le CA net n'a été que de 609.341,89 euros.

Le contrat d'agent commercial prévoit dans son article 6 sur sur la rémunération de M. [F] les modalités suivantes :

"6.1- L'agent perçoit sur toutes les ventes directes réalisées dans son secteur une commission calculée sur le montant hors taxe de la commande. Le taux de cette commission est fixé par par pallier de chiffre d'affaire annuel HT sur les commandes clients facturées, étant précisé que le chiffre d'affaire se calcul sur une année civile comme suit:

- de 0 € à 690.000€ de chiffre d'affaire HT sur les commandes clients facturées : 3%

- de 690.000€ à 1.300.000€ de chiffre d'affaire HT sur les commandes clients facturés : 6%

(...)

Les parties ont convenu que chaque mois [K] versera à l'agent au titre des commissions une somme de 1725€ HT à titre d'acompte sur les commissions restant dues à l'agent par [K], lesquelles feront l'objet d'une régularisation au plus tard à l'issue de l'année N au mois de janvier N+1 au plus tard le 20 du mois.

6.2- Le fait générateur de la commission est l'acceptation de la commande par [K]. Toutefois aucune commission n'est due à l'agent sur des commandes acceptées par [K] mais inexécutées pour cause de force majeure, ni sur les commandes exécutées mais non payées par les clients.

6.3- Les commissions sont payables à l'agent mensuellement, avec envoi dans les quinze premiers jours du mois suivant la fin du mois d'un bordereau récapitulatif des affaires commissionnables, soit les affaires clients facturées."

La cour observe à titre liminaire que la demande de M. [F] du chef du solde des commissions dues est contradictoire avec sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société [K] à lui verser 1683,48 euros qu'elle reconnaît lui devoir au titre de la régularisation des commissions (solde des commissions dues en 2020, 2021 et 2022 déduction faite des acomptes versés soit en tout 2807,70 euros en 2020, 20.700 euros en 2021 et 18.875 euros jusqu'en novembre 2022, acomptes que l'agent ne conteste pas avoir reçus).

L'agent commercial ne justifie pas d'un CA net en 2022 supérieur à 609.341,89 euros HT sur lequel se fonde le mandant pour calculer la commission de 3% soit 18.280,26 euros HT due cette année-là à M. [F]. En particulier l'offre de prix (le 8 décembre 2020 de 1954,50 HT) et le mail qu'il produit en pièce 24, du 13 janvier 2021, dans lequel il indique à Mme [Z] [S] employée chez [K] que Bigmat de [Localité 9] a passé une commande de bardage qui correspond au devis qu'il lui a fait en décembre et lui demande si on peut lui laisser les prix 2020, sans l'accord de [K], ne suffisent pas à prouver que la commande a été réellement été passée ni acceptée.

Par ailleurs il ne peut se plaindre de ne pas être commissionné sur les chiffres d'affaires réalisés avec le client Chausson Matériaux [Localité 5] sur Odon succédant à Del réseau pro [Localité 7] puisque le calcul des commissions par le mandant prend bien en compte le chiffre d'affaires réalisé avec ce client, et le contrat prévoit qu'il n'est commissionné que sur les ventes directes.

Dès lors il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS [K] à verser à M. [X] [F] 1.683,48 euros à titre de régularisation des commissions dues du 6 octobre 2020 au 20 décembre 2022 et de le débouter du surplus de ses demandes de ce chef.

Sur les demandes de paiement d'une commission au titre du droit de suite :

L'article L.134-7 du code de commerce dispose que "Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L.134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence."

Le contrat rappelle dans son article 8 ce droit à commission postérieure à la cessation du contrat en précisant que ce délai raisonnable est déterminé par les usages en vigueur dans la profession.

M. [F] estime devoir percevoir à ce titre 1725 euros, expliquant qu'un délai d'un mois après la rupture du contrat est raisonnable pour le réassort des commandes.

La société [K] s'y oppose faisant valoir que l'agent commercial n'a eu aucun acte positif entraînant une opération commerciale postérieurement à la cessation du contrat puisqu'entre le 13 octobre et le 20 décembre 2022 il n'a présenté que trois devis entre les 25 et 29 novembre 2022 pour trois clients existants et récurrents.

Cependant dès lors qu'il n'est pas contesté que des commandes d'un volume habituel pour réassort du stock ont été passées entre le 21 décembre 2022 et le 20 janvier 2023 par les clients du secteur qui était confié jusqu'au 20 décembre 2022 à M. [F] et que ce dernier a, notamment par les devis qu'il a émis fin novembre montré des actes positifs d'activité moins d'un mois avant la fin de son contrat il y a lieu de faire droit à sa demande de ce chef, peu importe à cet égard qu'il s'agisse de clients de longue date, et de réformer le jugement en conséquence.

Sur la demande de condamnation des intérêts moratoires au taux légal à compter du jour de la rupture soit à compter du 20 décembre 2022 avec capitalisation dès que les conditions de l'anatocisme seront réunies :

Les sommes dues par le mandant à l'agent commercial porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation soit le 26 janvier 2023 valant mise en demeure conformément à l'article 1231-6 alinéa 1er du code civil, avec capitalisation pour les intérêts dus à compter de cette date et au-moins pour une année entière.

Sur la demande de condamner la SAS [K] à restituer le montant des condamnations de première instance réglés par M. [X] [F] majorés de l'intérêt légal :

La restitution sollicitée relève le cas échéant de l'exécution du présent arrêt sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer.

Sur la demande de condamnation de M. [X] [F] à payer à la SAS [K] la somme de 8.625 euros de dommages et intérêts :

La SAS [K] sollicite la condamnation de M. [F] à lui verser 8.625 euros de dommages et intérêts représentant les commissions qu'il a perçues indûment durant 5 mois de juillet à décembre 2022 (soit 1725 euros X 5).

Elle lui reproche d'avoir manqué à son obligation de loyauté en ayant travaillé dès le mois de juillet 2022 au profit de la société Extérieur Discount qu'il a immatriculée début décembre, et en étant agent commercial d'une société concurrente de la SAS [K], à savoir la société Plastibat, suivant un contrat d'agent du 1er avril 2018 soit antérieur à celui de la SAS [K], ce dont il ne l'a pas informée.

Elle estime que ce manque de loyauté lui a causé un "double préjudice" qu'elle décline ainsi :

"- M. [F] s'adonnait à d'autres activités alors qu'il savait disposer d'une rémunération assurée au titre de l'avance sur commissions sur un chiffre d'affaires existant (s'appuyant sur des clients historiques) ;

- M.[F] disposait d'une exclusivité sur son secteur empêchant la société [K] de confier son secteur à quelqu'un d'autre ;

- Sur les six derniers mois "d'activité contractuelle", M. [F] a émis 15 devis."

M. [F] fait valoir que la société Plastibat n'est pas concurrente de la SAS [K] puisqu'elle vend du verre synthétique et des couvertures légères PVC en grande distribution et non du bardage, que les produits sont donc non-substituables avec ceux de de la SAS [K] et ne concernent pas la même clientèle et qu'en outre, le secteur d'activité géographique est différent de celui de la SAS [K].

Il soutient qu'il n'a jamais fait concurrence à la société [K] avec la société Extérieur Discount qu'il a créée et immatriculée le 15 décembre 2022 mais qui n'a jamais eu d'activité ni de site actif et qu'en tout état de cause un agent commercial peut exercer son activité soit en nom propre soit sous une forme commerciale et en tout état de cause représenter plusieurs mandants et avoir plusieurs cartes.

Il réfute tout manque d'implication dans le développement de la clientèle de la société [K] faisant valoir qu'il lui est même arrivé de livrer des clients lorsqu'il y a eu des retards d'approvisionnement et produisant des mails en ce sens.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [F] a :

- à compter du 1er avril 2018 conclu avec la société Plastibat un contrat de mandat pour la vente à titre exclusif des menuiseries en verre synthétique et autres produits complémentaires ainsi que les bâtis en couverture légère et autres produits complémentaires, le secteur représenté étant les départements 02/08/51/59/60/62/80 (région Hauts-de-France) ;

- il est actionnaire et président de la SAS Extérieur discount dont le siège est à son domicile dans le 60, immatriculée depuis le 15 décembre 2022 avec un commencement d'activité déclarée au 12 juillet 2022, qui a pour activité la vente et le commerce en ligne de gazon synthétique, plots pour terrasse, croisillons carrelages et meubles de salle de bain.

Force est de constater que ces activités n'entrent pas en concurrence avec celle de la société [K] les produits commercialisés étant différents des produits de bardages commercialisés par [K] à savoir planches de rives, sous face, terrasse et décor intérieur et accessoires menuiserie de type ébrasements, cornières et que le mandat antérieur ne concerne pas le même secteur géographique, si bien que la société [K] ne démontre pas la violation par son agent de l'article 5.1 du contrat aux termes duquel l'agent "s'engage à ne pas accepter une représentation pour des produits concurrents à ceux objet du présent contrat, sauf accord préalable écrit de [K]".

Il n'est pas discuté qu'il n'a pas informé la société [K] de ces autres activités alors même que le contrat l'engage à une obligation de loyauté et d'information envers son mandant. Cependant la société [K] ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque ni du lien de causalité avec ce défaut d'information, le fait que M. [F] n'ait émis que 15 devis sur les 6 derniers mois du mandat n'étant pas suffisamment probant d'une baisse d'implication, étant observé que dans le même temps l'année d'avant en 2021 il n'en avait émis que 10 et que la société [K] ne justifie pas d'une baisse de chiffre d'affaires durant les 6 derniers mois du mandat de M. [F].

Dès lors, il y a lieu de réformer le jugement de ce chef et de débouter la société [K] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société [K] succombant sera condamnée en application de l'article 696 du code de procédure civile à supporter les dépens de l'instance et les frais hors dépens, le jugement étant réformé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS [K] à verser à M. [X] [F] 1.683,48 euros à titre de régularisation des commissions dues au titre du mandat exécuté jusqu'au 20 décembre 2022, et sauf en ce qu'il a débouté M. [X] [F] du surplus de ses demandes de ce chef y compris la provision sur commissions de décembre 2022 ainsi que de sa demande de communication sous astreinte de l'ensemble des éléments comptables et,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la SAS [K] de sa demande de dommages et intérêts,

La condamne à verser à M. [X] [F] les sommes suivantes :

* 43.371 euros à titre d'indemnité compensatrice de cessation du mandat,

* 6.210 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.725 euros au titre des commissions prévues par l'article L.134-7 du code de commerce (droit de suite),

outre les intérêts moratoires de ces sommes à compter du 26 janvier 2023, calculés au taux légal, avec capitalisation pour les intérêts dus à compter de cette date et au-moins pour une année entière,

La condamne à verser à M. [X] [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne en tous les dépens de première instance et d'appel.

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