CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 23 octobre 2025, n° 24/13450
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/571
Rôle N° RG 24/13450 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5UL
[M] [W] épouse [Z]
[B] [K] [Z]
C/
S.A.S. GARAGE S-L MOTORS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie ROSENFELD
Me Nicolas MONTEIL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ d'[Localité 7] en date du 05 Novembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00110.
APPELANTS
Madame [M] [W] épouse [Z]
née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Monsieur [B] [K] [Z]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 16]
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. GARAGE S-L MOTORS,
dont le siège social est [Adresse 15]
représentée par Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Paloma REPARAZ, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [B] [Z] et Madame [M] [W] (les consorts [Z]) sont propriétaires d'un bien immobilier cadastré section [Cadastre 6], [Adresse 14], de
5 511 m2, dont 500 m2 de bâti, constitué d'un ensemble de bâtiments à usage commercial comprenant :
un premier bâtiment composé d'un garage atelier de mécanique automobile, boutique, carrosserie avec cabine peinture,
un second bâtiment séparé à usage de hangar de stockage de pièces et de véhicules neufs et d'occasion,
une troisième construction séparée de deux autres à usage d'ilot de station-service à l'enseigne Total et une aire de station lavage avec aspirateur séparé.
M [B] [Z] a exploité, jusqu'à 2012, un fonds de commerce artisanal de garage en son nom propre sur cet ensemble immobilier.
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2012, M. [B] [Z] et son fils, M. [H] [Z], ont constitué une société par actions simplifiée (SAS) dénommée Garage SL motors.
Par acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et le 17 janvier 2013 par Maître [X] notaire, M. [B] [Z] a apporté le fonds de commerce garage, carrosserie et un ensemble de bâtiment à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par M. [H] [Z]. Cet apport était rémunéré à hauteur de 34 755 actions nouvelles de dix euros chacune de la SAS Garage SL motors.
Par acte sous seing privé du 23 janvier 2013, M. [B] [Z] et M. [H] [Z] ont conclu un contrat de location d'actions, pour une durée de trois ans moyennant le paiement de la somme de 2 500 euros par mois.
Selon exploit d'huissier du 12 septembre 2017, la SAS SLV holding a fait assigner M. [B] [Z] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'entendre juger que la cession des actions de la SAS Garage SL motors entre M. [B] [Z] et M. [H] [Z], auquel s'est substituée la SAS SLV holding, au prix de 347 550 euros était parfaite.
Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a:
jugé que l'acte notarié d'apport reçu les 21 décembre 2012 et 17 janvier 2013 était nul et de nul effet, en l'absence de représentation valable de M. [B] [Z] et de son épouse, mariés sous le régime de la communauté de biens,
débouté la SAS SLV holding de l'ensemble de ses prétentions,
rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [B] [Z],
condamné la SAS SLV holding à payer à M. [B] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SAS SLV holding aux dépens.
Ce jugement est définitif suite à l'ordonnance du 20 septembre 2021 du magistrat de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ayant constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement du fait du désistement d'appel formé, sans réserve, de la SAS SLV holding.
Considérant que la SAS Garage SL motors occupait sans droit ni titre l'ensemble immobilier, les consorts [Z] ont fait assigner, par acte de commissaire de justice du 25 janvier 2024, devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, la SAS Garage SL motors aux fins d'entendre :
- ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 3 000 euros,
- condamner la SAS Garage SL motors au paiement de ladite indemnité d'occupation et ce, jusqu'à son départ effectif des lieux et
- la voir condamner au paiement d'une indemnisation provisionnelle d'un montant de 3000 euros par mois dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 180 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
Par ordonnance en date du 5 novembre 2024, ce magistrat a :
- déclaré les notes en délibéré des 13 et 16 septembre 2024 irrecevables, à l'exception toutefois, s'agissant de la note du 13 septembre 2024, du refus exprimé par les requérants quant à l'opportunité de recourir à une ARA comme ils y ont été autorisés à le faire,
- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par M. [B] [Z] et Mme [M] [Z] à l'endroit de la SAS Garage SL motors,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
- condamné chaque partie à ses propres dépens,
- enjoint aux parties de rencontrer le médiateur désigné par l'Union des médiateurs près la cour d'appel d'Aix-en -Provence et au lieu qui sera précisé par elle,
- rappelé que la séance d'information est gratuite.
Il a notamment considéré que :
le jugement du 7 novembre 2019, devenu définitif, a eu pour effet de placer les parties en cause en leur état initial, avant que cet acte ne soit conclu, de sorte que les consorts [Z] sont redevenus rétroactivement propriétaires du fonds de commerce litigieux exploité par la SAS Garage SL motors,
depuis a minima 2013 et postérieurement au jugement du 7 novembre 2019 la SAS Garage SL motors exploite l'activité de garage-carrosserie dans ledit fonds sans qu'aucune pièce ne soit produite confirmant que les époux [Z] aient enjoint, avant l'assignation du 25 janvier 2024, à la SAS Garage SL motors de libérer les lieux,
qu'aucune pièce n'était produite confirmant le montant des loyers, charges et accessoires sur lesquels les époux [Z] se fondaient pour solliciter l'octroi d'une indemnité d'occupation,
la question de l'existence d'un consentement tacite des époux [Z] à l'occupation et l'exploitation d'une activité par la SAS Garage SL motors se posait avec d'autant plus d'acuité que la situation perdurait depuis près de 10 années ce qui conditionnait la réalité du trouble illicite invoqué par les époux [Z] et que son appréciation relevait de la compétence exclusive du juge du fond.
Selon déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2024, les consorts [Z] ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 26 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils demandent à la cour qu'elle reforme l'ordonnance entreprise des chefs déférés,
Statuant à nouveau,
d'ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors,
de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 4 000 euros par mois correspondant à l'occupation des lieux et à l'exploitation du fonds de commerce et ce, jusqu'au départ effectif des lieux,
de condamner la SAS Garage SL motors au leur payer l'indemnité d'occupation et ce, jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale,
de condamner la SAS Garage SL motors à leur payer une indemnisation provisionnelle d'un montant de 4 000 euros par mois dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 270 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
À défaut d'ordonner une expertise pour évaluer l'indemnité d'occupation pour les murs et le fonds jusqu'au départ effectif,
de débouter la SAS Garage SL motors de toutes ses demandes,
de condamner la SAS Garage SL motors à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils font notamment valoir qu'ils ont accepté de rencontrer la médiatrice mais qu'ils ont refusé, par la suite, le processus de médiation et qu'aucune sanction n'est prévue par le code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'aucun bail commercial n'a été conclu, qu'il soit, oral, écrit, tacite ou expresse raison pour laquelle les règles de prescription du bail commercial ne peuvent s'appliquer. Ils précisent poursuivre l'exécution du jugement rendu en 2019 depuis 2021, conformément aux dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles. Ils considèrent que la SAS Garage SL motors est occupant sans droit ni titre depuis le jugement de 2019 et que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir en application des dispositions de l'article 913-5 5° du code de procédure civile.
Sur le trouble manifestement illicite, ils arguent de ce que l'acte notarié par lequel ils avaient apporté le fonds de commerce de garage-carrosserie et un ensemble de bâtiments à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par leur fils, a été annulé de sorte que, d'une part, les droits et obligations tirés du contrat ont rétroactivement disparu, en application des dispositions de l'article 1178 du code civil et d'autre part, ils sont redevenus rétroactivement propriétaires de leurs biens. Ils affirment que M. [B] [Z] a restitué les 34 755 actions de la SAS Garage SL motors mais n'a pas reçu en contrepartie l'ensemble de bâtiments à usage commercial qu'il avait apporté. Ils considèrent que la SAS Garage SL motors n'a plus aucun droit sur le fonds de commerce qu'elle continue d'exploiter, sans verser d'indemnité depuis le mois de janvier 2016, date de la fin de la location des parts sociales, ce qui constitue une atteinte à leur droit de propriété. Ils ajoutent que leur fils est désormais le seul actionnaire de la SAS Garage SL motors.
Ils font valoir que leur fils ne peut, par sa qualité d'héritier, s'approprier un bien qui fera partie de la succession à se partager et au mépris de leur liberté quant à la quotité disponible. Ils affirment qu'aucun bail commercial n'a été signé par les parties de sorte que la SAS Garage SL motors ne peut se prévaloir des dispositions relatives au bail commercial et encore moins de son renouvellement. Ils exposent avoir entrepris des démarches pour procéder à la vente de l'ensemble immobilier litigieux à la SAS Garage SL motors qui n'ont pas pu prospérer faute de financement de la part de cette dernière. Ils soutiennent avoir essayé de trouver une solution amiable avec leur fils et n'avoir adopté aucun comportement laissant supposer l'existence d'un consentement tacite à l'occupation et l'exploitation d'une activité par la SAS Garage SL motors. Ils précisent que M. [B] [Z] a mis en 'uvre de nombreux moyens pour que la SAS Garage SL motors libère les lieux tout en essayant de résoudre le conflit à l'amiable afin d'éviter de dégrader les relations avec son fils.
Ils considèrent que la longévité du litige ne peut traduire un consentement tacite à l'occupation et l'exploitation de la SAS Garage SL motors dans les lieux et précisent que la SAS Garage SL motors n'a jamais versé de contrepartie et ne s'est jamais comportée comme un preneur titulaire du bail oral dont elle se prévaut.
Ils exposent que la circonstance que la SAS Garage SL motors emploie 10 salariés est sans incidence dès lors que rien n'interdit la reprise des contrats en cours et rien n'empêche leur fils de créer un nouveau fonds de commerce notamment par l'utilisation de la société qu'il avait créée en 2020, dont l'objet social et l'adresse du siège social sont les même, et qui semble être en sommeil depuis lors.
Sur l'indemnité d'occupation, ils font valoir que le montant de l'indemnité d'occupation doit correspondre au minimum à la valeur locative de marché des locaux loués mais également indemniser le préjudice particulier qu'ils subissent. Ils déclarent avoir comme seul revenu la retraite de M. [B] [Z], qui est très modeste, dès lors que leur fils a cessé de leur verser les 2 500 euros par mois prévus au contrat de location d'actions signé le 23 janvier 2013 alors qu'ils continuent de régler toutes les charges liées à l'ensemble immobilier litigieux.
Ils soutiennent qu'au regard des estimations locatives qu'ils produisent l'indemnité d'occupation se décomposerait de la façon suivante, 240 000 euros à titre compensatoire relative à la précédente rente locative tenant compte de la prescription quinquennale et la somme de 30 000 euros à titre indemnitaire.
Ils font valoir que la proposition produite par la SAS Garage SL motors qui, selon cette dernière émanerait d'eux, est dépourvue de toute valeur probante en l'absence d'en-tête, de nom, de description des biens et de destinataire.
Ils demandent, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour évaluer l'indemnité d'occupation pour les murs et le fonds de commerce jusqu'au départ effectif de la SAS Garage SL motors.
Par dernières conclusions transmises le 20 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Garage SL motors demande à la cour :
à titre liminaire, de juger irrecevable l'intégralité des demandes de Mme [M] [Z] et de M. [B] [Z] pour non-respect des termes de l'ordonnance en date du 5 novembre 2024 invitant les parties à rencontrer un médiateur,
à titre principal, de juger l'existence de contestations sérieuses tenant aux conséquences résultant de la nullité prononcée par jugement définitif du 7 novembre 2019, à la prescription de l'action des demandeurs, à l'existence d'un bail commercial en cours au bénéfice de la SAS Garage SL motors et à la complexité du dossier,
en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
en toute hypothèse,
de rejeter l'intégralité des demandes des époux [Z] comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées en ce compris les demandes relatives à la fixation et au paiement d'une indemnité d'occupation,
de condamner les époux [Z] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que l'action en expulsion tendant à tenter de contourner la propriété commerciale est irrecevable, infondée et injustifiée et relève du juge du fond.
Elle considère que les demandes formées par les époux [Z] sont irrecevables en raison de leur refus de participer à une tentative de médiation.
Sur l'existence de contestations sérieuses, elle expose que les demandes des époux [Z] relèvent du juge du fond à défaut pour eux, d'une part, d'avoir précisé les conséquences de la nullité de l'acte d'apport d'actions et d'autre part, d'avoir agi en interprétation du jugement du 7 novembre 2019 et ce alors qu'ils n'ont entrepris aucune démarche, avant l'assignation, tendant à démontrer qu'elle serait aujourd'hui occupant des lieux sans droit ni titre.
Sur les conséquences de la nullité de l'acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et 17 janvier 2023, elle affirme que le jugement du 7 novembre 2019 ne précise pas les conséquences de cette nullité et que les époux [Z] n'ont saisi le tribunal d'aucune demande en ce sens. Elle précise que cela fait plus de 10 ans que M. [B] [Z] n'exploite plus le fonds de commerce dont il revendique la propriété, qu'il n'a plus la qualité de commerçant et ne justifie d'aucune immatriculation permettant de revendiquer le fonds de commerce. Elle déclare que la SAS Garage SL motors « subit encore les conséquences des revirements » des époux [Z] dans le transfert de l'entreprise et a réalisé les formations de régularisation depuis la fin de l'exercice 2024 en mandatant un avocat fiscaliste en charge du dossier qui a pu, d'une part, mettre à jour l'extrait K-bis de sorte que M. [H] [Z] est seul propriétaire des titres de sa société et, d'autre part, supprimer la mention de l'administrateur provisoire désigné à la demande de M. [B] [Z].
Sur la prescription, elle avance que la SAS Garage SL motors exploite les lieux depuis plus d'une décennie sans avoir reçu de commandement de payer visant la clause résolutoire ou de demande d'expulsion de la part des consorts [Z]. Elle argue de ce que ces derniers lui ont adressé une sommation interpellative le 24 décembre 2024 qui ne s'appuie sur aucune évaluation ou pièce. Elle déclare que la SAS Garage SL motors emploie 10 salariés et que les consorts [Z] réclament le paiement de loyers alors qu'il y a également un contrat de location d'action et un bail en cours. Elle précise que M. [B] [Z] s'est opposé à réaliser la cession du fonds de commerce envisagée dès 2012 aux conditions stipulées.
Sur l'existence d'un bail commercial, elle déclare bénéficier « d'un bail écrit, à défaut oral, et à défaut d'un bail tacite compte tenu de la durée importante de l'occupation sans réactions des bailleurs » et considère que « la seule explication à l'inertie des bailleurs au regard de la chronologie du dossier » est qu'un bail commercial oral a été consenti et a permis l'occupation des lieux le temps qu'un nouveau bail soit régularisé. Elle déclare qu'un nouveau bail a été récemment envisagé par les parties pour un montant de 3 000 euros et qu'une nouvelle proposition a été faite par les époux [Z] le 5 mai 2025 sans qu'ils ne parviennent à fixer définitivement leur demande. Elle soutient bénéficier du droit au renouvellement prévu à l'article L. 145-1 et suivants du code de commerce « le temps du contentieux » en ce qu'aucun commandement de payer visant la clause résolutoire n'a été délivré. Elle explique que « devant le juge au fond, elle opposera une action en requalification en bail commercial eu égard à l'existence non contestée d'une clientèle commerciale et d'une immatriculation au siège récemment régularisée ».
Sur l'impossibilité de statuer autrement que par un jugement au fond, elle fait valoir que les époux [Z] « fondent leur demande d'expulsion et de provision sur deux pièces comprenant en réalité une seule décision de justice, sans aucun élément contractuel autre que des attestations laconiques qui reprennent des précautions d'usage », qu'aucune pièce n'est produite sur la nature des titres d'occupation ou du contrat et qu'aucune demande reconventionnelle n'a été formulée au titre de l'expulsion et sur les conséquences de la nullité dans l'instance initiale ni même par une simple requête en interprétation. Elle explique que le dossier comprend un historique juridique important, une activité qui comprend pas moins de 10 salariés, une mésentente familiale profonde avec un conflit entre associés, des liens contractuels complexes notamment au regard de l'apport du fonds de commerce, du contrat de location d'actions, de la désignation d'un mandataire ad hoc et du règlement des dettes de l'ancienne exploitation familiale par la SAS Garage SL motors.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes
Aux termes des dispositions de l'article 127-1 du code de procédure civile « à défaut d'avoir recueilli l'accord des parties prévu à l'article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un médiateur chargé de les informer de l'objet et du déroulement d'une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge peut, pour l'application des dispositions du précédent alinéa, donner délégation de signature à un attaché de justice mentionné à l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire en matière civile, commerciale, sociale ou rurale».
En l'espèce, la SAS Garage SL motors sollicite, à titre liminaire, que l'intégralité des demandes formées par les consorts [Z] soit déclarées irrecevables.
Or, il résulte des termes du courriel que Mme [T] [F], médiatrice près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a adressé aux parties le 19 décembre 2024, que les consorts [Z] ont rencontré la médiatrice.
Par ailleurs, le non-respect de l'injonction à rencontrer un médiateur n'est assorti d'aucune sanction spécifique.
Par conséquent, cette fin de non-recevoir sera rejetée.
Sur l'existence d'un bail verbal
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend».
Aux termes des dispositions de l'article 835 du même code, « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire».
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Enfin c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Aux termes des dispositions de l'article 1178 du code civil, « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle».
Aux termes des dispositions de l'article 1709 du même code, « le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer ».
Il est admis que le bail commercial peut être verbal, l'application des statuts des baux commerciaux n'étant pas subordonnée à un écrit, que sa preuve, qui incombe à celui qui l'invoque, peut se faire par tous moyens et, notamment, résulter d'un faisceau d'indices mais que la seule occupation des lieux ne suffit pas à caractériser l'existence d'un bail verbal qui suppose l'accord des parties sur la chose et sur le prix.
En l'espèce, l'acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et le 17 janvier 2013, en vertu duquel M. [B] [Z] apportait le fonds de commerce garage, carrosserie et un ensemble de bâtiment à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par son fils, M. [H] [Z], a été déclaré nul et nul d'effet par jugement définitif du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 7 novembre 2019.
Il s'ensuit que, sans qu'il ne soit nécessaire de préciser les conséquences de la nullité dudit acte et sans qu'aucune requête en interprétation ne soit requise, ce jugement a eu pour effet de placer les parties en cause en leur état initial, avant que cet acte ne soit conclu, de sorte que les consorts [Z] sont redevenus rétroactivement propriétaires du fonds de commerce à ce jour exploité par la SAS Garage SL motors.
Si cette dernière prétend bénéficier « d'un bail écrit, à défaut oral, et à défaut d'un bail tacite compte tenu de la durée importante de l'occupation sans réactions des bailleurs », il y a lieu de relever qu'elle n'allègue ni ne justifie avoir réglé aux consorts [Z] de loyer ou indemnité.
La SAS Garage SL motors évoque le contrat de location d'actions conclu le 23 janvier 2013 par les parties pour une durée de trois ans, en vertu duquel M. [H] [Z] devait payer à M. [B] [Z] la somme de 2 500 euros par mois. Or, cette évocation ne suffit pas à démontrer que ce contrat continue d'être exécuté, en l'absence de tout élément probant démontrant qu'il ait renouvelé et que la SAS Garage SL motors a continué de régler la somme de 2 500 euros ou toute autre somme convenue entre les parties.
Elle ne démontre pas non plus la volonté des consorts [Z] de lui accorder le droit d'exploiter le fonds de commerce sans contrepartie financière.
En effet, il résulte des termes du contrat de location d'actions que M. [B] [Z] n'avait pas, en 2012, la volonté de céder le fonds de commerce à son fils sans rétribution raison pour laquelle il a conclu le contrat de location d'actions. Par ailleurs, il ressort des termes du jugement du 7 novembre 2019 mais également de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Salon de Provence du 24 juin 2020 que M. [B] [Z] a entrepris de nombreuses démarches amiables mais également judiciaires pour faire reconnaître son droit à récupérer le fonds de commerce et à obtenir une compensation financière pour l'occupation des lieux et ce malgré le fait qu'elles étaient dirigées à l'encontre de son fils, M. [H] [Z].
La SAS Garage SL motors soutient qu'elle exploite le fonds de commerce depuis plus de dix ans et produit à l'appui de ses allégations, un document consistant en un bail commercial qui est dépourvu de toute valeur probante en ce qu'il n'est ni daté ni signé.
Par ailleurs, elle affirme qu'un nouveau bail a été envisagé par les parties et produit un document, manuscrit, qui émanerait des consorts [Z] et qui daterait du 5 mai 2025 rédigé comme suit :
[Localité 12]
Le 5 mai 2025
550 000 € le tout
Soit : 150 000 € le fond(s) de commerce
400 000 € les murs
Indemnité d'occupation 230 000€ au 1er mai (date illisible) à régler soit pour moitié, soit en totalité en avance sur (mot illisible)
Pour info la taxe foncière 3 000€/an réglée par nos soins,
Lu et approuvé
(La signature de deux personnes dont une illisible)
Il y a lieu de relever que les consorts [Z] contestent être à l'origine dudit document. Par ailleurs, il convient de noter que ce document ne mentionne pas la SAS Garage SL motors, ni les noms des consorts [Z] et qu'il n'est accompagné d'aucun document d'identité de sorte qu'il n'est pas de nature à établir la volonté des consorts [Z] de consentir un bail commercial à la SAS Garage SL motors ni l'accord sur le prix.
Contrairement à ce que prétend la SAS Garage SL motors les circonstances que M. [B] [Z] n'ait plus la qualité de commerçant, n'exploite plus le fonds de commerce depuis plus de dix ans et emploie 10 salariés et ait récemment entamé de démarches tendant à régulariser auprès du registre du commerce et des sociétés la situation la SAS Garage SL motors sont inopérantes et ne sont pas de nature à démontrer que les consorts [Z] lui aient consenti le droit d'occuper les lieux sans contrepartie financière.
Il s'ensuit qu'il ne saurait être sérieusement contesté que la SAS Garage SL motors occupe les lieux sans droit ni titre.
En l'absence de bail commercial, la SAS Garage SL motors ne saurait se prévaloir des règles impératives encadrant les baux commerciaux notamment celles relatives à la prescription ou au renouvellement du contrat.
Par conséquent, il convient d'ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors ainsi que celle de tout occupant de son chef.
Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sur la demande de provision portant sur l'indemnité d'occupation
Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Devenu occupante sans droit ni titre, la SAS Garage SL motors est tenue de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par les consorts [Z].
Les consorts [Z] sollicitent, à titre provisionnel, la condamnation de la SAS Garage SL motors au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 4 000 euros par mois, dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 270 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre. Cette somme est décomposée comme suit, 240 000 euros « à titre compensatoire relative à la précédente rente locative tenant compte de la prescription quinquennale » et la somme de 30 000 euros « à titre indemnitaire ».
A l'appui de leur prétention, ils produisent :
la main courante que M. [B] [Z] a déposée le 15 novembre 2024 auprès de la gendarmerie nationale,
l'avis d'imposition établi 2024 sur les revenus de 2023 faisant apparaître que les consorts [Z] ont perçu un revenu fiscal de référence de 29 848 euros,
le procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 10 juin 2025 attestant que le garage litigieux est toujours ouvert et en activité,
l'avis de valeur établi le 22 mai 2025 par la société Safti aux termes duquel « le prix de vente de ce local peut se situer dans une fourchette de prix entre 620 000 euros et 650 000 euros »,
l'estimation faite par la société Century 21 le 16 mai 2025 aux termes de laquelle « les murs situés à [Localité 11] [Adresse 10][Localité 8][Adresse 1] pourrai(ent) être présentés à la location au prix de 4 000 euros ».
La SAS Garage SL motors, quant à elle, n'articule aucun moyen en réponse à cette prétention et ne conteste pas les estimations qui ont été faites des locaux qu'elle occupe.
Il y a lieu de relever que la demande formée par tendant à condamner la SAS Garage SL motors au paiement de 30 000 euros à titre indemnitaire est insuffisamment caractérisée en ce qu'ils ne précisent pas à quel titre ils forment cette demande, la production de leur avis d'imposition et de la main-courant n'étant pas, à eux-seuls, de nature à établir un préjudice distinct de leur préjudice financier réparé par l'indemnité d'occupation.
Or, l'obligation au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 4 000 euros n'est pas sérieusement contestable, compte-tenu des estimations produites par les consorts [Z] qui ne sont pas utilement contestées par la SAS Garage SL motors.
Par conséquent, infirmant l'ordonnance déférée, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 4 000 euros par mois, correspondant à l'occupation des lieux et à l'exploitation du fonds de commerce et ce à compter de l'assignation 25 janvier 2024 et jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale.
Infirmant l'ordonnance déférée, il y a lieu de condamner la SAS Garage SL motors au paiement de l'indemnité d'occupation d'une montant provisionnel de 4 000 euros par mois à compter de l'assignation 25 janvier 2024 et ce jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale ainsi qu'au paiement d'une indemnisation provisionnelle d'un montant mensuel de 4 000 euros, dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 240 000 euros (4 000 x 5 x 12) à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens et qu'elle a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance.
La SAS Garage SL motors, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.
Elle sera également condamnée au paiement à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance et d'appel.
La SAS Garage SL motors sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir formée par SAS Garage SL motors tendant à déclarer irrecevables les demandes de M. [B] [Z] et Mme [M] [W] ;
Ordonne l'expulsion de la SAS Garage SL motors ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux commerciaux sis à [Localité 12] sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 5], lieudit [Adresse 9], de 5 511 m², dont 450 m² de bâti, constitué d'un ensemble de bâtiments à usage commercial comprenant :
un premier bâtiment composé d'un garage atelier de mécanique automobile, boutique, carrosserie avec cabine peinture,
un second bâtiment séparé à usage de hangar de stockage de pièces et de véhicules neufs et d'occasion,
une troisième construction séparée de deux autres à usage d'ilot de station-service à l'enseigne Total et une aire de station lavage avec aspirateur séparé ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] une indemnité d'occupation d'un montant provisionnel mensuel de 4 000 euros à compter de l'assignation soit le 25 janvier 2024 et ce, jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] une indemnisation provisionnelle d'un montant de 240 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre ;
Condamne la SAS Garage SL motors aux dépens de première instance et de la procédure d'appel ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance et d'appel ;
Déboute la SAS Garage SL motors de sa demande formée sur le même fondement.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/571
Rôle N° RG 24/13450 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5UL
[M] [W] épouse [Z]
[B] [K] [Z]
C/
S.A.S. GARAGE S-L MOTORS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie ROSENFELD
Me Nicolas MONTEIL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ d'[Localité 7] en date du 05 Novembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00110.
APPELANTS
Madame [M] [W] épouse [Z]
née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Monsieur [B] [K] [Z]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 16]
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. GARAGE S-L MOTORS,
dont le siège social est [Adresse 15]
représentée par Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Paloma REPARAZ, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [B] [Z] et Madame [M] [W] (les consorts [Z]) sont propriétaires d'un bien immobilier cadastré section [Cadastre 6], [Adresse 14], de
5 511 m2, dont 500 m2 de bâti, constitué d'un ensemble de bâtiments à usage commercial comprenant :
un premier bâtiment composé d'un garage atelier de mécanique automobile, boutique, carrosserie avec cabine peinture,
un second bâtiment séparé à usage de hangar de stockage de pièces et de véhicules neufs et d'occasion,
une troisième construction séparée de deux autres à usage d'ilot de station-service à l'enseigne Total et une aire de station lavage avec aspirateur séparé.
M [B] [Z] a exploité, jusqu'à 2012, un fonds de commerce artisanal de garage en son nom propre sur cet ensemble immobilier.
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2012, M. [B] [Z] et son fils, M. [H] [Z], ont constitué une société par actions simplifiée (SAS) dénommée Garage SL motors.
Par acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et le 17 janvier 2013 par Maître [X] notaire, M. [B] [Z] a apporté le fonds de commerce garage, carrosserie et un ensemble de bâtiment à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par M. [H] [Z]. Cet apport était rémunéré à hauteur de 34 755 actions nouvelles de dix euros chacune de la SAS Garage SL motors.
Par acte sous seing privé du 23 janvier 2013, M. [B] [Z] et M. [H] [Z] ont conclu un contrat de location d'actions, pour une durée de trois ans moyennant le paiement de la somme de 2 500 euros par mois.
Selon exploit d'huissier du 12 septembre 2017, la SAS SLV holding a fait assigner M. [B] [Z] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'entendre juger que la cession des actions de la SAS Garage SL motors entre M. [B] [Z] et M. [H] [Z], auquel s'est substituée la SAS SLV holding, au prix de 347 550 euros était parfaite.
Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a:
jugé que l'acte notarié d'apport reçu les 21 décembre 2012 et 17 janvier 2013 était nul et de nul effet, en l'absence de représentation valable de M. [B] [Z] et de son épouse, mariés sous le régime de la communauté de biens,
débouté la SAS SLV holding de l'ensemble de ses prétentions,
rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [B] [Z],
condamné la SAS SLV holding à payer à M. [B] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SAS SLV holding aux dépens.
Ce jugement est définitif suite à l'ordonnance du 20 septembre 2021 du magistrat de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ayant constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement du fait du désistement d'appel formé, sans réserve, de la SAS SLV holding.
Considérant que la SAS Garage SL motors occupait sans droit ni titre l'ensemble immobilier, les consorts [Z] ont fait assigner, par acte de commissaire de justice du 25 janvier 2024, devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, la SAS Garage SL motors aux fins d'entendre :
- ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 3 000 euros,
- condamner la SAS Garage SL motors au paiement de ladite indemnité d'occupation et ce, jusqu'à son départ effectif des lieux et
- la voir condamner au paiement d'une indemnisation provisionnelle d'un montant de 3000 euros par mois dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 180 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
Par ordonnance en date du 5 novembre 2024, ce magistrat a :
- déclaré les notes en délibéré des 13 et 16 septembre 2024 irrecevables, à l'exception toutefois, s'agissant de la note du 13 septembre 2024, du refus exprimé par les requérants quant à l'opportunité de recourir à une ARA comme ils y ont été autorisés à le faire,
- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par M. [B] [Z] et Mme [M] [Z] à l'endroit de la SAS Garage SL motors,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
- condamné chaque partie à ses propres dépens,
- enjoint aux parties de rencontrer le médiateur désigné par l'Union des médiateurs près la cour d'appel d'Aix-en -Provence et au lieu qui sera précisé par elle,
- rappelé que la séance d'information est gratuite.
Il a notamment considéré que :
le jugement du 7 novembre 2019, devenu définitif, a eu pour effet de placer les parties en cause en leur état initial, avant que cet acte ne soit conclu, de sorte que les consorts [Z] sont redevenus rétroactivement propriétaires du fonds de commerce litigieux exploité par la SAS Garage SL motors,
depuis a minima 2013 et postérieurement au jugement du 7 novembre 2019 la SAS Garage SL motors exploite l'activité de garage-carrosserie dans ledit fonds sans qu'aucune pièce ne soit produite confirmant que les époux [Z] aient enjoint, avant l'assignation du 25 janvier 2024, à la SAS Garage SL motors de libérer les lieux,
qu'aucune pièce n'était produite confirmant le montant des loyers, charges et accessoires sur lesquels les époux [Z] se fondaient pour solliciter l'octroi d'une indemnité d'occupation,
la question de l'existence d'un consentement tacite des époux [Z] à l'occupation et l'exploitation d'une activité par la SAS Garage SL motors se posait avec d'autant plus d'acuité que la situation perdurait depuis près de 10 années ce qui conditionnait la réalité du trouble illicite invoqué par les époux [Z] et que son appréciation relevait de la compétence exclusive du juge du fond.
Selon déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2024, les consorts [Z] ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 26 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils demandent à la cour qu'elle reforme l'ordonnance entreprise des chefs déférés,
Statuant à nouveau,
d'ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors,
de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 4 000 euros par mois correspondant à l'occupation des lieux et à l'exploitation du fonds de commerce et ce, jusqu'au départ effectif des lieux,
de condamner la SAS Garage SL motors au leur payer l'indemnité d'occupation et ce, jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale,
de condamner la SAS Garage SL motors à leur payer une indemnisation provisionnelle d'un montant de 4 000 euros par mois dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 270 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
À défaut d'ordonner une expertise pour évaluer l'indemnité d'occupation pour les murs et le fonds jusqu'au départ effectif,
de débouter la SAS Garage SL motors de toutes ses demandes,
de condamner la SAS Garage SL motors à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils font notamment valoir qu'ils ont accepté de rencontrer la médiatrice mais qu'ils ont refusé, par la suite, le processus de médiation et qu'aucune sanction n'est prévue par le code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'aucun bail commercial n'a été conclu, qu'il soit, oral, écrit, tacite ou expresse raison pour laquelle les règles de prescription du bail commercial ne peuvent s'appliquer. Ils précisent poursuivre l'exécution du jugement rendu en 2019 depuis 2021, conformément aux dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles. Ils considèrent que la SAS Garage SL motors est occupant sans droit ni titre depuis le jugement de 2019 et que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir en application des dispositions de l'article 913-5 5° du code de procédure civile.
Sur le trouble manifestement illicite, ils arguent de ce que l'acte notarié par lequel ils avaient apporté le fonds de commerce de garage-carrosserie et un ensemble de bâtiments à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par leur fils, a été annulé de sorte que, d'une part, les droits et obligations tirés du contrat ont rétroactivement disparu, en application des dispositions de l'article 1178 du code civil et d'autre part, ils sont redevenus rétroactivement propriétaires de leurs biens. Ils affirment que M. [B] [Z] a restitué les 34 755 actions de la SAS Garage SL motors mais n'a pas reçu en contrepartie l'ensemble de bâtiments à usage commercial qu'il avait apporté. Ils considèrent que la SAS Garage SL motors n'a plus aucun droit sur le fonds de commerce qu'elle continue d'exploiter, sans verser d'indemnité depuis le mois de janvier 2016, date de la fin de la location des parts sociales, ce qui constitue une atteinte à leur droit de propriété. Ils ajoutent que leur fils est désormais le seul actionnaire de la SAS Garage SL motors.
Ils font valoir que leur fils ne peut, par sa qualité d'héritier, s'approprier un bien qui fera partie de la succession à se partager et au mépris de leur liberté quant à la quotité disponible. Ils affirment qu'aucun bail commercial n'a été signé par les parties de sorte que la SAS Garage SL motors ne peut se prévaloir des dispositions relatives au bail commercial et encore moins de son renouvellement. Ils exposent avoir entrepris des démarches pour procéder à la vente de l'ensemble immobilier litigieux à la SAS Garage SL motors qui n'ont pas pu prospérer faute de financement de la part de cette dernière. Ils soutiennent avoir essayé de trouver une solution amiable avec leur fils et n'avoir adopté aucun comportement laissant supposer l'existence d'un consentement tacite à l'occupation et l'exploitation d'une activité par la SAS Garage SL motors. Ils précisent que M. [B] [Z] a mis en 'uvre de nombreux moyens pour que la SAS Garage SL motors libère les lieux tout en essayant de résoudre le conflit à l'amiable afin d'éviter de dégrader les relations avec son fils.
Ils considèrent que la longévité du litige ne peut traduire un consentement tacite à l'occupation et l'exploitation de la SAS Garage SL motors dans les lieux et précisent que la SAS Garage SL motors n'a jamais versé de contrepartie et ne s'est jamais comportée comme un preneur titulaire du bail oral dont elle se prévaut.
Ils exposent que la circonstance que la SAS Garage SL motors emploie 10 salariés est sans incidence dès lors que rien n'interdit la reprise des contrats en cours et rien n'empêche leur fils de créer un nouveau fonds de commerce notamment par l'utilisation de la société qu'il avait créée en 2020, dont l'objet social et l'adresse du siège social sont les même, et qui semble être en sommeil depuis lors.
Sur l'indemnité d'occupation, ils font valoir que le montant de l'indemnité d'occupation doit correspondre au minimum à la valeur locative de marché des locaux loués mais également indemniser le préjudice particulier qu'ils subissent. Ils déclarent avoir comme seul revenu la retraite de M. [B] [Z], qui est très modeste, dès lors que leur fils a cessé de leur verser les 2 500 euros par mois prévus au contrat de location d'actions signé le 23 janvier 2013 alors qu'ils continuent de régler toutes les charges liées à l'ensemble immobilier litigieux.
Ils soutiennent qu'au regard des estimations locatives qu'ils produisent l'indemnité d'occupation se décomposerait de la façon suivante, 240 000 euros à titre compensatoire relative à la précédente rente locative tenant compte de la prescription quinquennale et la somme de 30 000 euros à titre indemnitaire.
Ils font valoir que la proposition produite par la SAS Garage SL motors qui, selon cette dernière émanerait d'eux, est dépourvue de toute valeur probante en l'absence d'en-tête, de nom, de description des biens et de destinataire.
Ils demandent, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour évaluer l'indemnité d'occupation pour les murs et le fonds de commerce jusqu'au départ effectif de la SAS Garage SL motors.
Par dernières conclusions transmises le 20 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Garage SL motors demande à la cour :
à titre liminaire, de juger irrecevable l'intégralité des demandes de Mme [M] [Z] et de M. [B] [Z] pour non-respect des termes de l'ordonnance en date du 5 novembre 2024 invitant les parties à rencontrer un médiateur,
à titre principal, de juger l'existence de contestations sérieuses tenant aux conséquences résultant de la nullité prononcée par jugement définitif du 7 novembre 2019, à la prescription de l'action des demandeurs, à l'existence d'un bail commercial en cours au bénéfice de la SAS Garage SL motors et à la complexité du dossier,
en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
en toute hypothèse,
de rejeter l'intégralité des demandes des époux [Z] comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées en ce compris les demandes relatives à la fixation et au paiement d'une indemnité d'occupation,
de condamner les époux [Z] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que l'action en expulsion tendant à tenter de contourner la propriété commerciale est irrecevable, infondée et injustifiée et relève du juge du fond.
Elle considère que les demandes formées par les époux [Z] sont irrecevables en raison de leur refus de participer à une tentative de médiation.
Sur l'existence de contestations sérieuses, elle expose que les demandes des époux [Z] relèvent du juge du fond à défaut pour eux, d'une part, d'avoir précisé les conséquences de la nullité de l'acte d'apport d'actions et d'autre part, d'avoir agi en interprétation du jugement du 7 novembre 2019 et ce alors qu'ils n'ont entrepris aucune démarche, avant l'assignation, tendant à démontrer qu'elle serait aujourd'hui occupant des lieux sans droit ni titre.
Sur les conséquences de la nullité de l'acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et 17 janvier 2023, elle affirme que le jugement du 7 novembre 2019 ne précise pas les conséquences de cette nullité et que les époux [Z] n'ont saisi le tribunal d'aucune demande en ce sens. Elle précise que cela fait plus de 10 ans que M. [B] [Z] n'exploite plus le fonds de commerce dont il revendique la propriété, qu'il n'a plus la qualité de commerçant et ne justifie d'aucune immatriculation permettant de revendiquer le fonds de commerce. Elle déclare que la SAS Garage SL motors « subit encore les conséquences des revirements » des époux [Z] dans le transfert de l'entreprise et a réalisé les formations de régularisation depuis la fin de l'exercice 2024 en mandatant un avocat fiscaliste en charge du dossier qui a pu, d'une part, mettre à jour l'extrait K-bis de sorte que M. [H] [Z] est seul propriétaire des titres de sa société et, d'autre part, supprimer la mention de l'administrateur provisoire désigné à la demande de M. [B] [Z].
Sur la prescription, elle avance que la SAS Garage SL motors exploite les lieux depuis plus d'une décennie sans avoir reçu de commandement de payer visant la clause résolutoire ou de demande d'expulsion de la part des consorts [Z]. Elle argue de ce que ces derniers lui ont adressé une sommation interpellative le 24 décembre 2024 qui ne s'appuie sur aucune évaluation ou pièce. Elle déclare que la SAS Garage SL motors emploie 10 salariés et que les consorts [Z] réclament le paiement de loyers alors qu'il y a également un contrat de location d'action et un bail en cours. Elle précise que M. [B] [Z] s'est opposé à réaliser la cession du fonds de commerce envisagée dès 2012 aux conditions stipulées.
Sur l'existence d'un bail commercial, elle déclare bénéficier « d'un bail écrit, à défaut oral, et à défaut d'un bail tacite compte tenu de la durée importante de l'occupation sans réactions des bailleurs » et considère que « la seule explication à l'inertie des bailleurs au regard de la chronologie du dossier » est qu'un bail commercial oral a été consenti et a permis l'occupation des lieux le temps qu'un nouveau bail soit régularisé. Elle déclare qu'un nouveau bail a été récemment envisagé par les parties pour un montant de 3 000 euros et qu'une nouvelle proposition a été faite par les époux [Z] le 5 mai 2025 sans qu'ils ne parviennent à fixer définitivement leur demande. Elle soutient bénéficier du droit au renouvellement prévu à l'article L. 145-1 et suivants du code de commerce « le temps du contentieux » en ce qu'aucun commandement de payer visant la clause résolutoire n'a été délivré. Elle explique que « devant le juge au fond, elle opposera une action en requalification en bail commercial eu égard à l'existence non contestée d'une clientèle commerciale et d'une immatriculation au siège récemment régularisée ».
Sur l'impossibilité de statuer autrement que par un jugement au fond, elle fait valoir que les époux [Z] « fondent leur demande d'expulsion et de provision sur deux pièces comprenant en réalité une seule décision de justice, sans aucun élément contractuel autre que des attestations laconiques qui reprennent des précautions d'usage », qu'aucune pièce n'est produite sur la nature des titres d'occupation ou du contrat et qu'aucune demande reconventionnelle n'a été formulée au titre de l'expulsion et sur les conséquences de la nullité dans l'instance initiale ni même par une simple requête en interprétation. Elle explique que le dossier comprend un historique juridique important, une activité qui comprend pas moins de 10 salariés, une mésentente familiale profonde avec un conflit entre associés, des liens contractuels complexes notamment au regard de l'apport du fonds de commerce, du contrat de location d'actions, de la désignation d'un mandataire ad hoc et du règlement des dettes de l'ancienne exploitation familiale par la SAS Garage SL motors.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes
Aux termes des dispositions de l'article 127-1 du code de procédure civile « à défaut d'avoir recueilli l'accord des parties prévu à l'article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un médiateur chargé de les informer de l'objet et du déroulement d'une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge peut, pour l'application des dispositions du précédent alinéa, donner délégation de signature à un attaché de justice mentionné à l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire en matière civile, commerciale, sociale ou rurale».
En l'espèce, la SAS Garage SL motors sollicite, à titre liminaire, que l'intégralité des demandes formées par les consorts [Z] soit déclarées irrecevables.
Or, il résulte des termes du courriel que Mme [T] [F], médiatrice près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a adressé aux parties le 19 décembre 2024, que les consorts [Z] ont rencontré la médiatrice.
Par ailleurs, le non-respect de l'injonction à rencontrer un médiateur n'est assorti d'aucune sanction spécifique.
Par conséquent, cette fin de non-recevoir sera rejetée.
Sur l'existence d'un bail verbal
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend».
Aux termes des dispositions de l'article 835 du même code, « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire».
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Enfin c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Aux termes des dispositions de l'article 1178 du code civil, « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle».
Aux termes des dispositions de l'article 1709 du même code, « le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer ».
Il est admis que le bail commercial peut être verbal, l'application des statuts des baux commerciaux n'étant pas subordonnée à un écrit, que sa preuve, qui incombe à celui qui l'invoque, peut se faire par tous moyens et, notamment, résulter d'un faisceau d'indices mais que la seule occupation des lieux ne suffit pas à caractériser l'existence d'un bail verbal qui suppose l'accord des parties sur la chose et sur le prix.
En l'espèce, l'acte notarié reçu les 21 décembre 2012 et le 17 janvier 2013, en vertu duquel M. [B] [Z] apportait le fonds de commerce garage, carrosserie et un ensemble de bâtiment à usage commercial à la SAS Garage SL motors, représentée par son fils, M. [H] [Z], a été déclaré nul et nul d'effet par jugement définitif du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 7 novembre 2019.
Il s'ensuit que, sans qu'il ne soit nécessaire de préciser les conséquences de la nullité dudit acte et sans qu'aucune requête en interprétation ne soit requise, ce jugement a eu pour effet de placer les parties en cause en leur état initial, avant que cet acte ne soit conclu, de sorte que les consorts [Z] sont redevenus rétroactivement propriétaires du fonds de commerce à ce jour exploité par la SAS Garage SL motors.
Si cette dernière prétend bénéficier « d'un bail écrit, à défaut oral, et à défaut d'un bail tacite compte tenu de la durée importante de l'occupation sans réactions des bailleurs », il y a lieu de relever qu'elle n'allègue ni ne justifie avoir réglé aux consorts [Z] de loyer ou indemnité.
La SAS Garage SL motors évoque le contrat de location d'actions conclu le 23 janvier 2013 par les parties pour une durée de trois ans, en vertu duquel M. [H] [Z] devait payer à M. [B] [Z] la somme de 2 500 euros par mois. Or, cette évocation ne suffit pas à démontrer que ce contrat continue d'être exécuté, en l'absence de tout élément probant démontrant qu'il ait renouvelé et que la SAS Garage SL motors a continué de régler la somme de 2 500 euros ou toute autre somme convenue entre les parties.
Elle ne démontre pas non plus la volonté des consorts [Z] de lui accorder le droit d'exploiter le fonds de commerce sans contrepartie financière.
En effet, il résulte des termes du contrat de location d'actions que M. [B] [Z] n'avait pas, en 2012, la volonté de céder le fonds de commerce à son fils sans rétribution raison pour laquelle il a conclu le contrat de location d'actions. Par ailleurs, il ressort des termes du jugement du 7 novembre 2019 mais également de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Salon de Provence du 24 juin 2020 que M. [B] [Z] a entrepris de nombreuses démarches amiables mais également judiciaires pour faire reconnaître son droit à récupérer le fonds de commerce et à obtenir une compensation financière pour l'occupation des lieux et ce malgré le fait qu'elles étaient dirigées à l'encontre de son fils, M. [H] [Z].
La SAS Garage SL motors soutient qu'elle exploite le fonds de commerce depuis plus de dix ans et produit à l'appui de ses allégations, un document consistant en un bail commercial qui est dépourvu de toute valeur probante en ce qu'il n'est ni daté ni signé.
Par ailleurs, elle affirme qu'un nouveau bail a été envisagé par les parties et produit un document, manuscrit, qui émanerait des consorts [Z] et qui daterait du 5 mai 2025 rédigé comme suit :
[Localité 12]
Le 5 mai 2025
550 000 € le tout
Soit : 150 000 € le fond(s) de commerce
400 000 € les murs
Indemnité d'occupation 230 000€ au 1er mai (date illisible) à régler soit pour moitié, soit en totalité en avance sur (mot illisible)
Pour info la taxe foncière 3 000€/an réglée par nos soins,
Lu et approuvé
(La signature de deux personnes dont une illisible)
Il y a lieu de relever que les consorts [Z] contestent être à l'origine dudit document. Par ailleurs, il convient de noter que ce document ne mentionne pas la SAS Garage SL motors, ni les noms des consorts [Z] et qu'il n'est accompagné d'aucun document d'identité de sorte qu'il n'est pas de nature à établir la volonté des consorts [Z] de consentir un bail commercial à la SAS Garage SL motors ni l'accord sur le prix.
Contrairement à ce que prétend la SAS Garage SL motors les circonstances que M. [B] [Z] n'ait plus la qualité de commerçant, n'exploite plus le fonds de commerce depuis plus de dix ans et emploie 10 salariés et ait récemment entamé de démarches tendant à régulariser auprès du registre du commerce et des sociétés la situation la SAS Garage SL motors sont inopérantes et ne sont pas de nature à démontrer que les consorts [Z] lui aient consenti le droit d'occuper les lieux sans contrepartie financière.
Il s'ensuit qu'il ne saurait être sérieusement contesté que la SAS Garage SL motors occupe les lieux sans droit ni titre.
En l'absence de bail commercial, la SAS Garage SL motors ne saurait se prévaloir des règles impératives encadrant les baux commerciaux notamment celles relatives à la prescription ou au renouvellement du contrat.
Par conséquent, il convient d'ordonner l'expulsion de la SAS Garage SL motors ainsi que celle de tout occupant de son chef.
Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sur la demande de provision portant sur l'indemnité d'occupation
Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Devenu occupante sans droit ni titre, la SAS Garage SL motors est tenue de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par les consorts [Z].
Les consorts [Z] sollicitent, à titre provisionnel, la condamnation de la SAS Garage SL motors au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 4 000 euros par mois, dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 270 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre. Cette somme est décomposée comme suit, 240 000 euros « à titre compensatoire relative à la précédente rente locative tenant compte de la prescription quinquennale » et la somme de 30 000 euros « à titre indemnitaire ».
A l'appui de leur prétention, ils produisent :
la main courante que M. [B] [Z] a déposée le 15 novembre 2024 auprès de la gendarmerie nationale,
l'avis d'imposition établi 2024 sur les revenus de 2023 faisant apparaître que les consorts [Z] ont perçu un revenu fiscal de référence de 29 848 euros,
le procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 10 juin 2025 attestant que le garage litigieux est toujours ouvert et en activité,
l'avis de valeur établi le 22 mai 2025 par la société Safti aux termes duquel « le prix de vente de ce local peut se situer dans une fourchette de prix entre 620 000 euros et 650 000 euros »,
l'estimation faite par la société Century 21 le 16 mai 2025 aux termes de laquelle « les murs situés à [Localité 11] [Adresse 10][Localité 8][Adresse 1] pourrai(ent) être présentés à la location au prix de 4 000 euros ».
La SAS Garage SL motors, quant à elle, n'articule aucun moyen en réponse à cette prétention et ne conteste pas les estimations qui ont été faites des locaux qu'elle occupe.
Il y a lieu de relever que la demande formée par tendant à condamner la SAS Garage SL motors au paiement de 30 000 euros à titre indemnitaire est insuffisamment caractérisée en ce qu'ils ne précisent pas à quel titre ils forment cette demande, la production de leur avis d'imposition et de la main-courant n'étant pas, à eux-seuls, de nature à établir un préjudice distinct de leur préjudice financier réparé par l'indemnité d'occupation.
Or, l'obligation au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 4 000 euros n'est pas sérieusement contestable, compte-tenu des estimations produites par les consorts [Z] qui ne sont pas utilement contestées par la SAS Garage SL motors.
Par conséquent, infirmant l'ordonnance déférée, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 4 000 euros par mois, correspondant à l'occupation des lieux et à l'exploitation du fonds de commerce et ce à compter de l'assignation 25 janvier 2024 et jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale.
Infirmant l'ordonnance déférée, il y a lieu de condamner la SAS Garage SL motors au paiement de l'indemnité d'occupation d'une montant provisionnel de 4 000 euros par mois à compter de l'assignation 25 janvier 2024 et ce jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale ainsi qu'au paiement d'une indemnisation provisionnelle d'un montant mensuel de 4 000 euros, dans la limite de la prescription quinquennale, soit la somme provisionnelle de 240 000 euros (4 000 x 5 x 12) à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens et qu'elle a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance.
La SAS Garage SL motors, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.
Elle sera également condamnée au paiement à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance et d'appel.
La SAS Garage SL motors sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir formée par SAS Garage SL motors tendant à déclarer irrecevables les demandes de M. [B] [Z] et Mme [M] [W] ;
Ordonne l'expulsion de la SAS Garage SL motors ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux commerciaux sis à [Localité 12] sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 5], lieudit [Adresse 9], de 5 511 m², dont 450 m² de bâti, constitué d'un ensemble de bâtiments à usage commercial comprenant :
un premier bâtiment composé d'un garage atelier de mécanique automobile, boutique, carrosserie avec cabine peinture,
un second bâtiment séparé à usage de hangar de stockage de pièces et de véhicules neufs et d'occasion,
une troisième construction séparée de deux autres à usage d'ilot de station-service à l'enseigne Total et une aire de station lavage avec aspirateur séparé ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] une indemnité d'occupation d'un montant provisionnel mensuel de 4 000 euros à compter de l'assignation soit le 25 janvier 2024 et ce, jusqu'au départ effectif des lieux, avec indexation légale ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] une indemnisation provisionnelle d'un montant de 240 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'occupation des locaux et sur l'exploitation du fonds de commerce sans droit ni titre ;
Condamne la SAS Garage SL motors aux dépens de première instance et de la procédure d'appel ;
Condamne la SAS Garage SL motors à payer à M. [B] [Z] et Mme [M] [W] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens pour la procédure de première instance et d'appel ;
Déboute la SAS Garage SL motors de sa demande formée sur le même fondement.
La greffière Le président