Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 5, 22 octobre 2025, n° 25/08773

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/08773

22 octobre 2025

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5

ORDONNANCE DU 22 OCTOBRE 2025

(n° /2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/08773 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLLYG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Janvier 2025 - TJ de [Localité 7] - RG n° 24/55796

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDERESSE

S.A.S. CRE'ATIF [Localité 7] 14

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Charly AVISSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P285

à

DÉFENDERESSE

S.C.I. CO AND CO

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Rachel HARZIC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0058

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 17 Septembre 2025 :

Par acte sous seing privé du 4 août 2016, la société Cleo, aux droits de laquelle vient désormais la société civile immobilière Co and Co a donné à bail commercial à la société Theo des locaux situés [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 8], pour une durée de neuf années à compter du 1er août 2016, moyennant un loyer annuel de 16 000 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d'avance.

Par acte du 8 février 2022, la société Theo a cédé son fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, à la société Cre'atif [Localité 7] 14.

Des loyers étant demeurés impayés, par acte de commissaire de justice du 28 mai 2024 la société Co and Co a fait délivrer à la société Cre'atif [Localité 10], un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur une somme en principal de 6 332,81 euros au titre des loyers et charges impayés au 27 mai 2024.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail, la société Co and Co a fait assigner la société Cre'atif Paris 14 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance réputée contradictoire du 9 janvier 2025, ledit juge des référés a :

' constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et la résolution de plein droit du bail liant les parties à la date du 28 juin 2024 ;

' ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Cre'atif [Localité 10] et de tout occupant de son chef des lieux situés au [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 9], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

' dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

' fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Cre'atif [Localité 7] 14 à la société Co and Co, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés, d'une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

' condamné, par provision, la société Cre'atif [Localité 7] 14 à payer à la société Co and Co la somme de 9 340,53 euros au titre des loyers, charges et accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 1er septembre 2024 (échéance du mois de septembre 2024 incluse) ;

' dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2024 sur la somme de 6 332,81 euros et à compter du 3 septembre 2024 sur le surplus ;

' dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Co and Co de conservation du dépôt de garantie ;

' condamné la société Cre'atif [Localité 10] aux dépens, en ce compris le coût des commandements délivré le 28 mai 2024 ;

' condamné la société Cre'atif [Localité 7] 14 à payer à la société Co and Co la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rejeté toutes les autres demandes de la société Co and Co ;

' rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 30 janvier 2025, la société Cre'atif [Localité 7] 14 a interjeté appel à l'encontre de cette ordonnance. L'affaire a été inscrite sous le numéro 25/02753 du répertoire général et affectée à la chambre 8 du Pôle 1, où elle fait l'objet d'un avis fixation pour plaidoiries à l'audience du 17 octobre 2025.

Par acte de commissaire de justice du 21 mai 2025, la société Cre'atif Paris 14 a fait assigner la société Co and Co par devant le Premier président de cette cour d'appel, à son audience du 17 septembre suivant, afin de l'entendre prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision entreprise.

Lors de l'audience, les parties, représentées par leur conseil respectif, ont fait plaider et soutenu oralement le bénéfice de leurs conclusions qui ont été remises au greffe.

Par ses conclusions remises au greffe le 17 septembre 2025, la société Cre'atif [Localité 7] 14 a demandé au magistrat délégataire du Premier président de cette cour de prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision entreprise, de rejeter toutes les demandes de la société Co and Co et de condamner celle-ci aux dépens.

Par conclusions remises au greffe lors de l'audience, la société Co and Co a demandé à cette juridiction de :

' "in limine litis" surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt au fond de la cour d'appel ;

' à titre principal, rejeter les demandes de la société Cre'atif [Localité 7] 14 ;

' condamner la société Cre'atif [Localité 7] 14 à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

SUR CE

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision entreprise et aux conclusions des parties susvisées, pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que de leurs prétentions et moyens.

Il convient de rappeler, en droit, que l'article 514 du code de procédure civile énonce que :

"Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement".

Toutefois, comme le prévoit l'article 514-1 du même code, " Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état".

Selon l'article 514-3 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce :

"En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives".

L'existence de conséquences manifestement excessives au sens de ces dispositions s'apprécie en considération des facultés de paiement du débiteur et des facultés de remboursement de la partie adverse dans l'hypothèse où la décision dont appel serait infirmée, et non par rapport aux chances de succès du recours.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.

Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.

Ces deux conditions sont cumulatives en sorte que si l'une d'elles n'est pas caractérisée, la demande de ce chef doit être rejetée.

Par ailleurs, aux termes de l'article 378 du même code, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Lorsqu'il en saisi d'une demande de sursis à statuer, il appartient au juge d'en apprécier souverainement l'opportunité dans l'intérêt du litige, notamment au regard du caractère déterminant ou non sur l'issue du litige de l'événement dans l'attente duquel il lui est demandé d'ordonner la mesure.

Alors que le Premier président est saisi en référé de la demande d'une partie aux fins de suspension de l'exécution provisoire d'une décision rendue en premier ressort, il est manifeste que pour en apprécier, il n'a pas à attendre que se prononcent ni la cour saisie en voie d'appel du fond du litige, ni le juge de l'exécution à qui des délais ont été demandés, sauf à dénier à cette partie le droit qu'elle tient des dispositions précitées de l'article 514-3, lesquelles seraient alors privées de tout effet.

Dans ces conditions, la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt au fond de cette cour ou de la décision du juge de l'exécution à intervenir ne peut qu'être rejetée.

En premier lieu, la société Cre'atif [Localité 10], qui n'a pas comparu en première instance, fait valoir qu'il existerait un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision entreprise. Elle soutient à ce titre que si l'ordonnance attaquée a retenu un arriéré d'un montant de 9 340,53 euros, ce montant est erroné au motif qu'il comprend des frais d'avocat à hauteur de 1 500 euros, outre que le premier juge a aussi mis à sa charge une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce qui revient "selon l'adage non bis in idem" à la condamner à 4 000 euros de ce chef. Elle précise s'être acquittée depuis de la somme totale de 11 500 euros pour apurer sa dette locative et entendre se libérer intégralement de son arriéré locatif avant que la cour ne statue. En troisième lieu, elle fait état d'un arriéré locatif qui subsiste de 4 672, 20 euros après déduction de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'avocat. Elle en déduit disposer de chances raisonnables de succès pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision entreprise.

Rappelant à bon droit que l'adage latin invoqué par la partie demanderesse concerne les poursuites pénales, la société Co and Co rappelle que l'ordonnance du juge des référés a fixé la dette locative en l'arrêtant au 1er septembre 2024, en sorte qu'il est impossible soit comprise une somme due par la locataire au 1er décembre suivant et figurant dans le décompte établi le 25 mars 2025. Elle ajoute que contrairement à ses affirmations, la société Cre'atif [Localité 10] n'a pas apuré sa dette, outre qu'elle ne produit aucun élément permettant d'évaluer sa trésorerie actuelle ni sa capacité financière à honorer ses obligations dans les mois à venir. Elle précise que la société Cre'atif [Localité 10] n'a pas repris le paiement de ses loyers courants, l'affirmation du règlement de 2 411,53 euros étant mensongère, outre que les chèques remis à son bailleur étaient sans provision et sont revenus impayés.

Le délégataire du Premier président de cette cour rappelle en premier lieu que l'exécution de la mesure dont il est demandé l'arrêt de l'exécution provisoire rend sans objet la demande quant à ce qui a été exécuté, le Premier président étant dessaisi de tous ses pouvoirs concernant l'exécution qui a déjà eu lieu. Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en tout état de cause, l'exécution, en cas d'appel, a nécessairement lieu aux risques et périls du créancier qui, en cas d'infirmation du jugement, devra rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire et indemniser la partie adverse en cas d'exécution dommageable.

Il y a encore lieu de rappeler que l'appel tend à vérifier le bien fondé de la décision des premiers juges en fonction des éléments qui leurs étaient soumis. Or, il n'est pas prétendu ni contesté que les causes du commandement n'avaient pas été acquittées au moment où le juge des référés s'est prononcé et a constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail liant les parties. Et, il n'apparaît pas davantage que l'évolution du litige dont fait état la société Cre'atif [Localité 7] 14 serait de nature à remettre en cause la décision entreprise.

Faute d'avoir caractérisé l'existence de moyens sérieux d'annulation de la décision entreprise, c'est vainement que la société Cre'atif [Localité 10] se prévaut de conséquences manifestement excessives qui résulteraient de l'exécution de celle-ci.

Par voie de conséquence, la société Cre'atif [Localité 7] 14 sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.

En l'espèce, partie perdante, la société Cre'atif [Localité 7] 14 devra, par voie de conséquence, supporter les dépens de la présente instance, outre une indemnité de mille euros au titre des frais irrépétibles, au profit de la société Co and Co.

PAR CES MOTIFS,

Rejetons la demande de sursis à statuer formée par la société Co and Co ;

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Condamnons la société Cre'atif [Localité 7] 14 aux dépens ;

Condamnons la société Cre'atif [Localité 7] 14 à payer à la société Co and Co une indemnité de mille (1.000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

ORDONNANCE rendue par M. Michel RISPE, Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site