CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 octobre 2025, n° 23/19525
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Kia France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gouarin
Conseiller :
M. Richaud
Avocats :
Me Caillaboux, Me Fargeon, Me Ravina, Me Lallement, Me Henry
FAITS ET PROCÉDURE
Le groupe [D] a pour activité la vente et la réparation de véhicules automobiles et est, depuis 1973, concessionnaire Citroën à [Localité 11] et à [Localité 13] par l'intermédiaire de la société Générale Automobile Muretaine, et, depuis 2017, à [Localité 4] et [Localité 12] via la société [Adresse 5].
Désireux de diversifier son activité à [Localité 11], le groupe [D] a constitué en 2013 la SAS [D] Motors Multimarques (ci-après, « la SAS [D] ») dans le cadre d'un rapprochement avec la SAS Kia France (anciennement dénommée Kia Motors France) qui est l'importateur en France des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Kia qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires et de réparateurs agréés.
Après que la SAS Kia France a, par lettre d'intention du 21 janvier 2014, confirmé son accord pour que la SAS [D] représente la marque Kia en qualité de concessionnaire (vente et après-vente) sur le site principal situé à [Localité 6], RN 117, un nouveau site étant alors en cours de construction, ces sociétés ont conclu le 25 août 2014 pour une durée indéterminée un contrat de concession stipulant une faculté de résiliation moyennant le respect d'un préavis écrit de 24 mois. Cet acte était modifié par un avenant du 13 mars 2017.
Monsieur [D], président et directeur général du groupe éponyme, et sa s'ur ont acquis un immeuble et un terrain jouxtant la concession Citroën de Saint-Gaudens et ont constitué entre eux la SCI MPPC à laquelle ils ont apporté ces biens pour y édifier des locaux pouvant abriter plusieurs marques automobiles. Cette dernière concluait le 7 décembre 2015 un crédit-bail immobilier d'une durée de 15 ans avec la société Batimap pour financer l'achat du terrain et le coût de la construction pour un montant total de 1 030 000 euros. Le 24 novembre 2015, elle régularisait avec la SAS [D] un contrat de sous-location. Les travaux, financés pour partie grâce à une aide de 25 000 euros HT de la SAS Kia France complétée par une aide au lancement de 14 175 euros HT, étaient achevés en septembre 2016.
Les partenaires s'accordaient pour étendre la représentation de la marque Kia à [Localité 13] et à [Localité 7]. Dans ce cadre, la SAS Kia France adressait les 2 et 10 décembre 2016 et 10 janvier 2017 une lettre d'intention pour chacun de ces sites et la SAS [D] acquérait par actes séparés du 29 décembre 2016 le fonds de commerce d'achat-vente de véhicules neufs et d'occasion exploité par la société [Localité 7] Automobiles à [Localité 7] ainsi que la clientèle de la société Auto Real attachée à la marque Kia pour le site de [Localité 13]. Les parties concluaient en outre des contrats de concession pour chacun de ces sites. Cependant, faute de résultats satisfaisants, la SAS [D] cédait le 28 décembre 2018 les deux fonds de commerce exploités à [Localité 13] et [Localité 7].
Par courrier du 8 janvier 2019, la SAS Kia France notifiait à la SAS [D] la résiliation avec un préavis de 24 mois du contrat de concession propre au site de [Localité 11]. Les relations prenaient fin le 9 janvier 2021.
Par lettre du 31 décembre 2019 puis par courrier de son conseil du 2 novembre 2020, la SAS [D] dénonçait le caractère abusif de cette résiliation au motif que la SAS Kia France l'avait incitée à engager des investissements importants dans l'intérêt de la marque Kia et ne lui permettait pas d'organiser la cessation de son activité et d'écouler son stock et que la SCI MPPC, qui avait à son tour réalisé d'importantes dépenses, n'était pas en mesure de trouver un fournisseur de substitution. Elles estimaient leurs préjudices respectifs à 100 000 euros et 550 000 euros. Le 12 novembre 2020, la SAS Kia France contestait toute faute et s'opposait à toute indemnisation.
C'est dans ces circonstances que la SAS [D] et la SCI MPPC ont, par acte d'huissier signifié le 6 septembre 2021, assigné la SAS Kia France devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation des préjudices causés par la résiliation abusive du contrat de concession, faute contractuelle à l'égard de la première caractérisant une faute délictuelle à l'endroit de la seconde.
Par jugement du 3 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a, avec exécution provisoire de droit en toutes ses dispositions, débouté la SAS [D] et la SCI MPPC de leurs demandes et les a condamnées in solidum à payer à la SAS Kia France la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe le 6 décembre 2023, la SAS [D] et la SCI MPPC ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 février 2024, la SAS [D] et la SCI MPPC demandent à la Cour, au visa des articles 1104 et 1240 du code civil, de :
- réformer le jugement en ce qu'il a :
o débouté la SAS [D] et la SCI MPPC de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ainsi qu'au titre des frais irrépétibles ;
o condamné in solidum la SAS [D] et la SCI MPPC à payer à la SAS Kia France une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamné in solidum la SAS [D] et la SCI MPPC aux dépens ;
- en conséquence, dire et juger que la SAS Kia France a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SAS [D] et la condamner au paiement des sommes suivantes :
o 170 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
o 69 816,44 euros correspondant au stock des pièces de rechange ;
o 63 293,56 euros correspondant au stock de véhicules non repris ;
o 114 053,87 euros correspondant à la valeur non amortie des immobilisations Kia France et, à titre subsidiaire, 69 303,40 euros correspondant à la totalité des investissements non amortis, engagés exclusivement pour sa marque, ainsi qu'à la moitié des investissements non amortis dont elle a profité au même titre que les marques Suzuki, Izuku et Subaru ;
- dire et juger que la SAS Kia France a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SCI MPPC et la condamner au paiement de la somme de 550 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
- condamner la SAS Kia France à payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS Kia France aux entiers dépens.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mai 2024, la SAS Kia France demande à la Cour, au visa des articles 1103 et suivants et 1240 du code civil, de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2023 en ce qu'il a :
o débouté les sociétés [D] et MPPC de l'ensemble de leurs demandes ;
o condamné in solidum les sociétés [D] et MPPC à payer à la SAS Kia France une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamné in solidum les sociétés [D] et MPPC aux dépens ;
o rappelé que la décision était assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;
- en conséquence, à titre principal, débouter les sociétés [D] et MPPC de toutes leurs demandes en ce que la SAS Kia France n'a commis aucune faute à leur encontre ;
- subsidiairement, débouter les sociétés [D] et MPPC de leurs demandes indemnitaires en ce qu'elles ne justifient pas des préjudices qu'elles allèguent, ni d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et ces derniers ;
- en tout état de cause, condamner solidairement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sociétés [D] et MPPC à payer à la SAS Kia France la somme de 20 000 euros ;
- condamner solidairement les sociétés [D] et MPPC en tous les dépens dont distraction au profit de maître Lallement, avocat membre de la Selarl BDL Avocats , conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2025. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la résiliation du contrat de concession
Moyens des parties
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés [D] et MPPC exposent que la SAS Kia France s'est montrée déloyale en notifiant à la SAS [D] la résiliation de son contrat de concession peu après l'avoir incitée à céder ses deux autres fonds de commerce malgré l'importance de ses investissement et en la privant ainsi de toute possibilité de négocier utilement sa sortie du réseau, d'écouler ses stocks et de réorienter son activité, la proximité temporelle entre les cessions et la notification révélant que la SAS Kia France lui avait dissimulé un dessein formé dès celles-ci. Elles ajoutent que, régulièrement alertée, la SAS [D] aurait pu négocier un allongement du délai de 24 mois qui n'était pas adapté aux spécificités du marché de la distribution automobile, les constructeurs privilégiant des distributeurs uniques multimarques pour concentrer les réseaux, et pas suffisant pour organiser une reconversion. Elles précisent que la durée d'exploitation, de moins de quatre ans, n'a pas permis d'amortir leurs investissements, notamment immobiliers, engagés pour satisfaire les exigences de la SAS Kia France qui s'est directement impliquée dans la réalisation des travaux. Elles indiquent que la surface dédiée à la représentation de la marque (50 % de la surface totale) est désormais impossible à relouer à un tiers et que l'exploitation de la concession de [Localité 11] n'est plus rentable en l'absence de concédant de substitution identifiable. Elles observent enfin que les investissements assumés par la SCI MPPC l'ont été à la demande de la SAS Kia France pour les seuls besoins de l'organisation de la concession.
La SAS [D] expose que ses préjudices consistent en :
- la perte de son fonds de commerce (170 000 euros, soit 2 000 euros par véhicule neuf avec un objectif de 85 en 2020 et de 80 en 2019) ;
- la perte de trois véhicules Kia non repris d'un montant total de 63 293,56 euros ;
- la perte du stock de pièces de rechange Kia (69 816,44 euros) ;
- les investissements non amortis engagés pour mettre en conformité le site de [Localité 11] avec les exigences de la SAS Kia France (114 053,87 euros).
La SCI MPPC explique que son préjudice réside dans la moitié de ses investissements (550 000 euros), la représentation de la marque Kia occupant la moitié de la surface de la concession.
En réponse, la SAS Kia France expose qu'elle a respecté les stipulations du contrat de concession en accordant à la SAS [D] un préavis de 24 mois conforme aux dispositions des règlements d'exemption de la Commission européenne n° 1475/95 du 28 juin 1995 et n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 alors applicables à la distribution automobile et maintenu malgré leur modification 2010, ni la loi ni la convention ne mettant à sa charge une obligation d'information de son cocontractant préalablement à la notification de la rupture. Elle souligne la suffisance de ce préavis par référence à l'article L 442-1 II du code de commerce, que la SAS [D] ne mobilise pas précisément à raison de son importante durée, et les facultés aisées de réorientation ou de reconversion dont elle disposait à raison de son appartenance à un groupe d'envergure de la distribution automobile et de la diversification déjà effective de son activité, notamment à travers la vente de véhicules d'occasion et l'exploitation de centres de réparation. Elle ajoute ne pas avoir dissimulé ses intentions, la question de la cession de fonds de commerce non rentables étant distincte de la représentation de la marque Kia à [Localité 11], et observe que la SAS [D] a tardé à contester sa décision et n'explique pas en quoi le défaut d'information allégué lui cause un préjudice quelconque, aucun allongement de la durée du préavis accordé, par ailleurs inutile, n'étant envisageable. Elle explique par ailleurs que les investissements réalisés ont été amortis, la concession ayant été exploitée pendant plus de six ans, et qu'ils sont réutilisables puisqu'ils sont immobiliers et s'inscrivaient de surcroît dans le projet porté par le groupe [D] pour diversifier ses activités indépendamment de la conclusion d'un contrat de concession portant sur la marque Kia. Elle conteste avoir commandité les travaux réalisés et précise avoir simplement imposé le respect des normes de représentation de sa marque.
Subsidiairement, elle conteste, outre l'existence d'un lien de causalité, le principe et la mesure des préjudices allégués au motif que :
- la méthode de valorisation du fonds de commerce repose sur une appréciation inexacte de la valeur des véhicules neufs qui doit être déterminée en considération des objectifs du concessionnaire et sur la base d'une moyenne calculée sur plusieurs années. Elle ajoute que l'absence de vente d'un fonds de commerce ne constitue pas en soi un préjudice réparable, la perte de la concession n'interdisant pas la poursuite de la réparation des véhicules de la marque qui en était l'objet et la vente d'automobiles d'autres marques. Elle précise que la clientèle attachée au fonds de commerce du distributeur d'une marque est une clientèle locale qui n'est pas celle attachée à la marque et qui perdure après la cessation du contrat de distribution, ce dont elle déduit qu'en cas de cession du fonds de commerce, c'est cette clientèle locale qui est attachée au fonds et non la clientèle nationale ;
- la SAS [D] peut vendre les véhicules d'occasion conservés en stock malgré la résiliation du contrat et que la reprise des véhicules neufs doit être opérée selon les stipulations qu'il contient et après une évaluation reposant sur leur examen concret ;
- l'état du stock de pièces de rechange est inconnu et que ces dernières peuvent être utilisées pour réparer les véhicules des clients ;
- les dépenses non amorties ne peuvent excéder 16 000 euros et portent sur des matériels réutilisables (matériel de diagnostic, mobilier neutre) ;
- la SCI MPPC ne peut exiger que la SAS Kia France lui paie son investissement tout en le conservant puisqu'elle deviendra propriétaire au terme du crédit-bail. Soulignant l'erreur de calcul de cette dernière, elle précise que la moitié des locaux n'était pas dédiée à sa marque et que ces derniers, dont l'occupation implique un paiement des loyers par la SAS [D], ont été utilisés pendant quatre ans et demi au jour de la notification de la rupture. Elle ajoute que la SAS [D] a cédé en septembre 2022 le fonds de commerce Suzuki qui est exploité par un tiers dans les locaux occupés par la marque Kia. Elle estime enfin que le préjudice de la SCI MPPC ne peut consister qu'en une perte de loyers dont elle ne justifie pas.
Réponse de la cour
- Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Kia France
Le contrat litigieux ayant été conclu le 25 août 2014, les dispositions applicables au litige sont, conformément à l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celles antérieures à la réforme introduite par ce texte.
Conformément à l'article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.
Et, les engagements perpétuels étant prohibés (principe désormais explicitement posé à l'article 1210 du code civil mais antérieurement ancré en droit positif dans la sauvegarde de la liberté individuelle : en ce sens, 1ère Civ., 18 janvier 2000, n° 98-10.378), les contrats à durée indéterminée peuvent être rompus librement sauf abus. A cet égard, conformément à l'article 1211 du code civil inapplicable au litige mais reconduisant le droit positif antérieur, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. Ce préavis, dont le délai court à compter de sa notification, remplit ainsi une double fonction : il permet l'information du contractant pour favoriser la réorientation de son activité et retarde la cessation effective de la relation contractuelle. Les parties sont libres d'en déterminer consensuellement la durée et sont tenues de l'appliquer, tout non-respect du préavis stipulé caractérisant une faute engageant la responsabilité contractuelle de son auteur, à l'instar de la mauvaise foi ou de l'abus de droit, apprécié concrètement, commis lors de la mise en 'uvre de la clause l'instituant.
En revanche, ainsi que l'implique désormais clairement la lettre de l'article 1211 du code civil et que l'induit le droit positif antérieur applicable, en l'absence de contestation de la validité de la clause imposant le respect d'un préavis en cas de rupture d'un contrat à durée indéterminée, notamment à raison du déséquilibre significatif qu'elle génèrerait ou de son caractère abusif, le juge ne dispose pas, hors action fondée sur les dispositions de l'article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II du code de commerce qui n'est pas en débat, du pouvoir de contrôler la suffisance du délai consensuellement stipulé par les parties que leurs libres volontés obligent conformément à l'article 1134 du code civil.
A cet égard, la SAS [D], qui ne critique ni la validité ni les conditions formelles d'application de la clause encadrant la résiliation du contrat litigieux, invoque une déloyauté et un abus dans la mise en 'uvre de la clause de résiliation tirés, d'une part, de l'absence de transparence de la SAS Kia France qui lui aurait dissimulé son intention de rompre lors de la cession de ses fonds de commerce de [Localité 7] et de [Localité 13], et, d'autre part, de la proximité temporelle entre la notification de la rupture et les investissements qu'elle lui avait demandé d'engager. Si, dans le cadre de son premier moyen, elle évoque l'insuffisance du préavis stipulé et exécuté, elle ne critique pas la durée contractuellement accordée mais l'impossibilité d'obtenir son allongement à l'occasion d'une négociation globale menée en connaissance de cause lors de la cession de ses deux fonds de commerce. Aussi, non sollicitée et quoi qu'il en soit insusceptible d'être opérée par le juge, l'appréciation de la suffisance du préavis accordé est proscrite.
Néanmoins, à l'exception de cette analyse surabondante, c'est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a en particulier considéré que :
- ni le contrat ni la loi n'impose à la SAS Kia France d'alerter la SAS [D] sur sa décision de rompre le contrat préalablement à la notification de la rupture avec un préavis qui remplit déjà une fonction informative ;
- l'exploitation des fonds de commerce de [Localité 7] et [Localité 13] était autonome et distincte de l'exécution du contrat de concession propre à [Localité 11] et que leurs cessions, qui avaient été réalisées sans contrainte dans des conditions qui n'étaient pas désavantageuses pour la SAS [D] (le prix de vente égalant le prix d'acquisition) et qui étaient objectivement motivées par les résultats décevants des concessions, n'avaient pas été opérées en contemplation de la perspective d'une résiliation du contrat du 25 août 2014, rien ne prouvant que la SAS Kia France ait, lors des cessions, nourri le dessein de mettre un terme à ce dernier. Le tribunal en a pertinemment déduit que la dissimulation et la précipitation imputées à la SAS Kia France n'étaient pas démontrées ;
- au regard de la durée d'exécution du contrat, dont les conditions de rupture étaient connues dès l'origine par la SAS [D], et de la part relative qu'occupait la représentation de la marque Kia au sein de la concession, les investissements engagés par la SAS [D], qui ne l'ont pas été intégralement pour les besoins de la relation et dont le caractère non-réutilisable n'est pas établi, avaient été amortis. Le tribunal a également relevé à raison, après avoir observé que la SAS [D] avait conçu son projet immobilier avant son rapprochement avec la SAS Kia France, que les dépenses spécifiques à leur relation étaient contemporaines de la conclusion du contrat et que les exigences de celle-ci, qui avait aidé financièrement celle-là pour lui permettre de se mettre en conformité, étaient peu contraignantes et n'étaient pas de nature à faire obstacle à sa reconversion.
Aussi, en l'absence de faute prouvée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la SAS [D] au titre de la responsabilité contractuelle de la SAS Kia France.
- Sur la responsabilité délictuelle de la SAS Kia France
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Si une convention ne peut ni profiter ni nuire aux tiers en application de l'article 1165 (devenu 1199) du code civil, un manquement contractuel, qui a à leur endroit une nature délictuelle et qui leur cause un préjudice certain, personnel et direct, engage la responsabilité délictuelle de leur auteur à leur profit (en ce sens, pour une confirmation d'un principe ancien, Ass. Plén., 13 janvier 2020, n° 17-19.963).
L'unique faute opposée par la SCI MPPC résidant dans le manquement contractuel dont l'inexistence est établie, le jugement entrepris, dont les motifs seront à nouveau adoptés, sera également confirmé en ce qu'il a rejeté ses prétentions.
2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Succombant, la SAS [D] et la SCI MPPC, dont les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées, seront condamnées in solidum à supporter les entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS Kia France la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la SAS [D] Motors Multimarques et de la SCI MPPC au titre des frais irrépétibles ;
Condamne in solidum la SAS [D] Motors Multimarques et la SCI MPPC à payer à la SAS Kia France la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;
Condamne in solidum la SAS [D] Motors Multimarques et la SCI MPPC à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par Maître Lallement (Selarl BDL Avocats) conformément à l'article 699 du code de procédure civile.