CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 23 octobre 2025, n° 22/08928
PARIS
Autre
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2017, la société [K] 46 a donné en location gérance à la société Les Trois Filles son fonds de commerce de bar ' restaurant ' brasserie, situé [Adresse 2], à [Localité 7], connu sous le nom de 'Casa [K]'.
Le contrat de location-gérance a été conclu pour une durée d'un an à compter du 2 janvier 2018, renouvelable d'année en année par tacite reconduction, moyennant une redevance mensuelle de 6.500 € hors taxes (7.800 € TTC) payable à terme échu et le versement d'un dépôt de garantie d'un montant de 65.000 €.
La société Les Trois Filles a remis les clés des locaux à la société [K] 46, le 28 décembre 2019.
Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Les Trois Filles et désigné la selas Etude [L], en la personne de Maître [M] [P], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre du 22 janvier 2020, la selas Etude [L] a notifié à la société [K] 46 la résiliation de plein droit du contrat de location-gérance en application du 3° du III de l'article L.641-11-1 du code de commerce.
Par acte du 13 novembre 2022, la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles a fait assigner la société [K] 46 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 12.611,46 € à titre de dommages et intérêts pour le licenciement des salariés et de la somme de 40.800 € au titre du remboursement du dépôt de garantie.
Par jugement du 25 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
débouté la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, de sa demande en paiement de la somme de 12.611,46 € à titre de dommages et intérêts,
condamné la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, la somme de 3.470,70 € au titre du solde de remboursement du dépôt de garantie,
débouté la société [K] 46 de sa demande de dommages et intérêts au titre de la réalisation des travaux de nettoyage et de remise en état des locaux,
débouté la société [K] 46 de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
débouté les parties des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
condamné la société [K] 46 au dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 € dont 12,12 € de TVA.
Par déclaration du 4 mai 2022, la selas Etude [L] a interjeté appel du jugement en critiquant les chefs suivants :
déboute la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, de sa demande en paiement de la somme de 12.611,46 € à titre de dommages et intérêts,
condamne la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, la somme de 3.470,70 € au titre du solde de remboursement du dépôt de garantie,
déboute la selas Etude [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 décembre 2024, la selas Etude [L], en la personne de Maître [M] [P], agissant en qualité de liquidateur de la société Les Trois Filles, demande à la cour de :
recevoir la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, en son appel et ses conclusions,
débouter la société [K] 46 de toutes ses demandes, fins et conclusions,
infirmer le jugement querellé,
En conséquence,
condamner la société [K] 46, à payer à la selas Etude [L], ès qualités, la somme de 12.611,46 € à titre de dommages et intérêts,
condamner la société [K] 46, à payer à la selas Etude [L], ès qualités, la somme de 20.316,43 € au titre du remboursement du dépôt de garantie,
Y ajoutant,
condamner la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], ès qualités, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile,
condamner la société [K] 46 aux entiers dépens.
La selas Etude [L], ès qualités, fait valoir :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du transfert des contrats de travail,
- qu'en application de l'article L.1224-1 du code du travail, les contrats de travail conclus par la société Les Trois Filles ont été transférés à la société [K] 46 à compter de la résiliation du contrat de location gérance ;
- que seule la ruine du fonds de commerce peut faire obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail, ce qui suppose la disparition de la clientèle et le caractère totalement inexploitable du fonds de commerce ;
- que la société [K] 46 a refusé de se voir transférer les contrats de travail attachés au fonds de commerce ; que ce refus constitue une faute engageant la responsabilité délictuelle de la société [K] 46 puisqu'il a obligé le liquidateur judiciaire à procéder aux licenciements des salariés à titre conservatoire ;
- que les éléments constitutifs du fonds de commerce n'avaient pas disparu dès lors que :
- les salariés étaient encore présents au jour de la résiliation du contrat de location-gérance le 22 janvier 2020,
- le fonds de commerce a été exploité jusqu'à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire,
- le dépôt de garantie permettait à la société [K] 46 de faire face aux travaux de remise en état nécessaires à la poursuite de l'exploitation du fonds, travaux que la société [K] 46 a fait réaliser pour le faible montant de 5.472 € ;
- la fermeture temporaire du fonds de commerce après le départ de la société Les Trois Filles et pendant le temps de la réalisation des travaux ne condamnaient pas la réouverture du fonds ;
- la diminution du chiffre d'affaires de la société Les Trois Filles à la fin de l'exercice de l'année 2019 ne résultait pas de la disparition de la clientèle mais d'évènements conjoncturels (grèves et manifestations des gilets jaunes) qui ont impacté les cafés et restaurants parisiens ;
- que le préjudice subi par la Selas Etude [L], ès qualités, à raison du licenciement des salariés de la société Les Trois Filles s'élèvent à 12.791,07 €, correspondant aux indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement dues aux salariés et réglées par les avances de l'AGS qui sont inscrites au passif de la société Les Trois Filles ;
- qu'il est constant que cette créance indemnitaire, dont le fondement est délictuel, n'est pas connexe avec les créances fondées sur le contrat de location-gérance, qui sont de nature contractuelle, de sorte qu'il ne saurait y avoir compensation entre elles ;
Sur la demande de remboursement au titre du dépôt de garantie,
- que les clés ayant été restituées dès le mois de décembre 2019, les redevances ne sont dues que jusqu'au 31 décembre 2019, de sorte que la créance de la société [K] 46 au titre des redevances impayées se limitent à 24.200 € ;
- que EDF a déjà déclaré au passif de la société Les Trois Filles les sommes de 2.910,99 € et de 629,01€ pour la consommation d'électricité de sorte que la facture de 6.567,93 € dont la société [K] 46 se prévaut dans le cadre de la présente instance ne peut être imputée à la société Les Trois Filles ;
- que la facture de 5.472 € au titre des prétendus travaux de remise en état n'est pas fondée, étant rappelé que le procès-verbal de constat de l'état des lieux a été établi près d'un mois après la remise des clés, non contradictoirement, et que le dirigeant de la société Les Trois Filles avait éffectué d'importants travaux de rénovation ;
Sur la demande reconventionnelle de la société [K] 46,
- que les clés ayant été restituées dès le 28 décembre 2019, lui permettant d'accéder aux locaux et d'engager les travaux avant même le jugement de liquidation judiciaire du 16 janvier 2020, il n'existe ni trouble de la jouissance ni créance de loyer.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 décembre 2024, lasociété [K] 46 demande à la cour de :
déclarer la selas Etude [L] en la personne de Maître [M] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, irrecevable et mal fondée en son appel, en toutes ses demandes, fins et écritures ; l'en débouter,
confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la selas Etude [L] en la personne de Maître [M] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles de sa demande de dommages-intérêts au titre des sommes qu'elle aurait exposées dans le cadre du licenciement du personnel de la société Les Trois Filles, en ce qu'il a retenu, au titres des créances que la concluante était en droit d'imputer sur le solde qu'elle détenait sur le dépôt de garantie la somme de 28.225,80 € pour les redevances de location gérance impayées au 16 janvier 2020, la somme de 6.567,93 € pour les factures acquittées d'Engie, la somme de 5.472 € au titre du coût de remise en état des locaux pour permettre leur exploitation à nouveau, ainsi que la somme de 786 € au titre des travaux de dégraissage des conduits de fumée,
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la concluante à restituer un solde sur le montant encore détenu par elle au titre du dépôt de garantie à hauteur de la somme de 3.470,7 €,
Statuant à nouveau sur ce point,
dire que la concluante était fondée à imputer au titre de sa créance sur le dépôt de garantie la somme de 1.509,68 € pour la redevance de location gérance pour la période du 17 janvier au 22 janvier 2020, la somme de 1.319,52 € au titre des factures acquittées auprès de Free Telecom, ainsi que la somme de 641,50 € au titre de la facture acquittée auprès du Comptoir Monétique,
dire en conséquence, qu'au vu du règlement effectué par la concluante, la demande de restitution au titre du solde détenu sur le dépôt de garantie s'avérait infondée, et dire la selas Etude [L] en la personne de Maître [M] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, infondée en ses entières demandes ; l'en débouter,
réformer par ailleurs le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes reconventionnelles tendant au paiement de dommages-intérêts pour l'immobilisation des locaux nécessaire à la réalisation des travaux de nettoyage et de remise en état des locaux, objet du contrat de location gérance, et tendant au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau également sur ces points,
condamner la selas Etude [L] en la personne de Maître [M] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles, à payer à la société [K] 46 la somme de 7.800 € à titre de dommages-intérêts pour l'immobilisation des locaux nécessaire à la réalisation des travaux de nettoyage et de remise en état des locaux, objet du contrat de location gérance,
la condamner ès qualité à payer à la concluante une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
En tout état de cause,
la condamner ès qualités à payer à la concluante une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamner ès qualités aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la scp Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société [K] 46 fait valoir :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du transfert des contrats de travail,
- que l'appelant ne communique aucun justificatif des sommes qu'il dit avoir régler au titre des licenciements si ce n'est des documents établi par ses soins ;
- que le liquidateur a procédé au licenciement des trois salariés de la société Les Trois Filles sans consulter préalablement la société [K] 46 pour connaître ses intentions quant au sort à réserver aux contrats de travail des salariés ; que c'est donc avec mauvaise foi que la Selas Etude [L], ès qualités, reproche à la société [K] 46 d'avoir refusé le transfert des contrats de travail ;
- que le fonds de commerce se trouvait ruiné par les carences manifestes du locataire gérant depuis de nombreux mois qui avaient entraîné une perte totale de clientèle ; que le fonds de commerce n'avait plus aucune activité depuis de nombreuses semaines et que les locaux étaient dans un état tel qu'aucune exploitation n'était possible à brève échéance ; que le locataire gérant avait cessé l'exploitation du fonds plusieurs semaines avant la remise des clés intervenue le 28 décembre 2019 ;
- que la société [K] 46 n'a pu reprendre un semblant d'exploitation qu'apèrs la fin des mesures d'urgence sanitaire édictées en 2020 ; qu'elle a dû recréer une clientèle ;
- que l'un des trois salariés, M. [H], n'a pas pu justifier d'un contrat de travail,
Sur la demande de restitution du solde de dépôt de garantie,
- qu'elle dispose d'une créance d'un montant total de 44.516,43 € contre la société Les Trois Filles ;
- que la société Les Trois Filles est redevable de la somme de29.735,48 € au titre des redevances impayées jusqu'au 22 janvier 2020 ; que la seule remise des clés à la date du 28 décembre 2019 ne permettait pas de résilier le contrat de location-gérance ;
- que la société [K] 46 a acquitté la somme de 6.597,93 € auprès d'engie pour la fourniture d'électricité concernant l'année 2018 ; qu'elle dispose donc d'une créance à ce titre contre la société Les Trois Filles, peu important que la société EFF entreprise ait déclaré sa créances pour des factures de 2017 et 2019 ;
- que l'état des lieux a été réalisé par huissier de justice le 24 janvier 2020 ; qu'il fait ressortir un état d'abandon et un manque d'entretien justifiant que soient retenues les sommes de 780 € pour le dégraissage des conduits et de 5.472 € pour les frais de nettoyage et de remise en état des locaux ;
- que la société [K] 46 a également payé pour le locataire-gérant la somme de 1.319,52 € au titre de factures de free telecom et la somme de 641,50 € au titre de factures de comptoir monétique ; que la société [K] 46 n'exploite pas d'autre établissement ainsi qu'en atteste son extrait K Bis de sorte que les factures produites aux débats concernent incontestablement l'exploitation du fonds de commerce donné en location-gérance à la société Les Trois Filles ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour privation de jouissance,
- que l'état des locaux lors de leur restitution a nécessité de travaux de remise en état qui ont entraîné une privation de la jouissance d'au moins un mois ; qu'elle est donc fondée à réclamer 7.800 € de dommages-intérêts au liquidateur, correspondant à un mois de redevance ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- que le liquidateur a abusé de son droit d'ester en justice en engageant une procédure fondée sur des demandes manifestement irrecevables et infondées, sans répondre aux demandes et propositions de règlement de la société [K] 46.
Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
Sur la demande de la selas Etude [L], ès qualités, de dommages et intérêts au titre des frais de licenciement des salariés de la société Les Trois Filles
L'article L.1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Il est constant que ces dispositions s'appliquent aussi bien lors de la conclusion que lors de la cessation d'un contrat de location gérance de fonds de commerce.
Il en résulte que lorsqu'il est mis fin au contrat de location-gérance d'un fonds de commerce en raison de la liquidation judiciaire du locataire-gérant, le propriétaire du fonds, qui voit le fonds revenir dans son patrimoine à la date de la résiliation du contrat de location-gérance, est tenu, sauf ruine du fonds loué, d'assumer les obligations des contrats de travail en cours attachés au fonds, de sorte que les frais éventuels de licenciement lui incombent.
En l'espèce, la selas Etude [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles a résilié, le 22 janvier 2020, le contrat de location-gérance conclu entre la société Les Trois Filles et la société [K] 46.
Il ressort des pièces du dossier qu'à cette date, le fonds de commerce de bar ' restaurant ' brasserie loué à la société Les Trois Filles par la société [K] 46 était ruiné. En effet, l'attestation de l'expert comptable de la société Les Trois Filles et de la société [K] 46 produite aux débats établit qu'en 2019, le fonds de commerce n'a pas été exploité pendant 3 mois. A ces trois mois, s'ajoute la fermeture de l'établissement entre le 28 décembre 2019, date de la remise des clés des locaux à la société [K] 46, et le 22 janvier 2020, date de la résiliation du contrat de location gérance. Par ailleurs, l'examen du procès-verbal de constat d'état des lieux, dressé le 24 janvier 2020, démontre que les locaux ont été restitués à la société [K] 46 dans un état ne permettant pas une reprise immédiate de l'activité et imposant la poursuite de la fermeture de l'établissement le temps des travaux de remise en état. La fermeture du restaurant pendant plusieurs mois, combinée à l'état des locaux, qui impliquait la poursuite de la fermeture de l'établissement le temps de sa remise en état, établissent la ruine du fonds de commerce, par perte de la clientèle, au moment de la résiliation du contrat de location gérance. Le fait que le procès-verbal de constat d'état des lieux n'ait pas été établi en présence du liquidateur ou d'un représentant de la société Les Trois Filles ne prive pas les constatations de l'huissier de justice de leur force probante, étant en outre acquis que la société [K] 46 n'a pas repris l'exploitation des locaux entre le 28 décembre 2019, date de la remise des clés et le 24 janvier 2020, date du procès-verbal de constat d'état des lieux.
Le fonds étant ruiné au moment de la résiliation du contrat de location-gérance, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la selas Etude [L], ès-qualités, de sa demande de dommages et intérêts au titre des frais de licenciement des salariés de la société Les Trois Filles.
Sur la demande de restitution du dépôt de garantie
Il est acquis que la société Les Trois Filles a versé la somme de 65.000 € à la société [K] 46 à titre de dépôt de garantie lors de la conclustion du contrat de location gérance.
Le contrat de location-gérance stipule que ce dépôt sera restitué en fin de gérance au locataire-gérant au plus tard un mois après qu'il aura justifié avoir rempli toutes les obligations lui incombant en vertu du contrat et avoir payé l'intégralité des impôts dus par lui du fait de sa gérance.
Pour s'opposer à la demande de restitution du dépôt de garantie formée par la selas Etude [L], ès-qualités, la société [K] 46 revendique des créances fondées sur l'exécution du contrat de location-gérance.
Sur les redevances impayées
Les parties s'accordent sur le fait que la société Les Trois Filles est redevable envers la société [K] 46 de la somme de 24.200 € au titre des redevances impayées jusqu'au 31 décembre 2019.
La société [K] 46 fait valoir en outre une créance de redevance impayée pour la période courant du 1er janvier 2020 au 22 janvier 2020.
Le fonds de commerce loué ne se réduit pas aux locaux et aux meubles qui s'y trouvent. Dans ces conditions, la seule remise des clés des locaux par la société Les Trois Filles à la société [K] 46, le 28 décembre 2019, même acceptée sans protestations ni réserves par la société [K] 46, qui n'opère pas restitution du fonds de commerce dans son ensemble, n'a pas mis fin au contrat de location-gérance du consentement mutuel des parties.
Le contrat de location-gérance a pris fin par la notification à la société [K] 46 de la décision de la selas Etude [L], ès-qualités, de ne pas poursuivre le contrat, conformément aux dispositions du 3° du III de l'article L.641-11-1 du code de commerce. En application de ces dispositions, le contrat est résilié au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat et non au jour du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.
En conséquence, la société Les Trois Filles est redevable d'une redevance pour la période courant du 1er janvier 2020 au 22 janvier 2020, comme le soutient la société [K] 46, soit la somme de 5.535,48 €.
Au total, la société Les Trois Filles est donc redevable de la somme de 29.735,48 € au titre des redevances impayées.
Sur la facture Engie de 6.567,93 €
Il résulte de l'examen de cette facture qu'elle concerne la fourniture d'électricité dans les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7], où le fonds de commerce loué était exploité, pour l'année 2018.
La déclaration d'EDF entreprises au passif de la société Les Trois Filles des sommes de 2.910,99 € et de 629,91 € concernent une facture d'électricité de 2019 et une facture de gaz de 2019.
Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la selas Etude [L], ès-qualités, la déclaration de créance d'EDF entreprises n'est pas incompatible avec la créance revendiquée par la société [K] 46 au titre de la facture engie de 6.567,93 €.
Etant rappelé qu'en vertu du contrat de location-gérance, la société Les Trois Filles devait supporter toutes les frais nécessités par l'entretien et l'exploitation du fonds de commerce, il apparait que la société Les Trois Filles est redevable envers la société [K] 46 de la somme de 6.567,93 € au titre de la facture Engie relative à la fourniture d'électricité des locaux en 2018.
Sur la facture de 780 € de dégraissage des conduits
Le contrat de location -gérance stipule que la société Les Trois Filles fera son affaire personnelle du ramonage des conduits de fumée et du dégraissage des systèmes de ventilation qui devront intervenir tous les six mois.
Le procès-verbal de constat d'état de lieux dressé le 24 janvier 2020 établit que les locaux ont été restituées par la société Les Trois Filles dans un état de saleté important incompatible avec un entretien régulier. Il n'est pas non plus justifié d'un dégraissage tous les 6 mois des systèmes de ventilation par la société Les Trois Filles pendant sa location-gérance, étant observé que l'huissier de justice constate, le 24 janvier 2020, que le l'intérieur du conduit d'extraction est 'fortement encrassé'.
Dans ces conditions, la société Les Trois Filles est redevable de la somme de 780 € envers la société [K] 46 au titre des frais de dégraissage exposés par celle-ci le 30 janvier 2020.
Sur la facture de remise en état de 5.472 €
Le contrat de location-gérance met à la charge de la société Les Trois Filles les réparations locatives ainsi que les frais nécessités par l'entretien du fonds de commerce et stipule que le bailleur devra retrouver son fond en bon état à la fin du contrat de location gérance.
Le procès-verbal de contat d'état des lieux du 24 janvier 2020 apporte la preuve, peu important qu'il ait été réalisé sans la présence du liquidateur ou d'un représentant de la société Les Trois Filles, que les locaux ont été rendus très sales avec quelques dégradations entrant dans le champ des réparations locatives.
En revanche, ce procès-verbal n'apporte pas la preuve que la cloison entre le coin pizza et la salle de réception a été bâti par la société Les Trois Filles, cette preuve ne pouvant résulter des seules déclarations de la société [K] 46 à l'huissier de justice.
Dans ces conditions, il apparait que la société Les Trois Filles est redevable envers la société Les Trois Filles de la somme de 4.512 € au titre des frais de remise en état, après examen de la facture produite aux débats par la société [K] 46, d'un montant total de 5.472€ duquel il doit être déduit les frais relatif à la cloison de séparation, compte-tenu de l'absence de preuve de que cette cloison a été bâtie par la société Les Trois Filles, les autres prestations mentionnées sur la factures étant des travaux de nettoyage et de réparations entrant dans le champ des réparations locatives.
Sur les factures free telecom pour un montant total de 1.319,52 €
A hauteur d'appel, la société [K] 46 produit les factures de free telecom. Il en résulte qu'elles concernent des services relatifs aux locaux situés [Adresse 1] à [Localité 7] où le fonds loué était exploité, pendant la période de la location-gérance.
En conséquence, étant rappelé que le contrat de location gérance mettait à la charge de la société Les Trois Filles les frais de l'exploitation du fonds, il apparait que la société Les Trois Filles est redevable de la somme de 1.319, 52 € au titre des factures free télécom acquittés par la société [K] 46 pour la société Les Trois Filles pendant la location-gérance.
Sur la facture du comptoir monétique de 641,50 €
A hauteur d'appel, la société [K] 46 justifie que cette facture concerne le terminal de paiement installé dans les locaux où le fonds loué était exploité pour les mois de janvier 2019 et février 2019.
Il doit néanmoins être déduit de cette facture l'ensemble des frais de recouvrement dont la société Les Trois Filles n'est pas responsable dès lors que les factures initiales ne lui ont pas été adressées.
En conséquence, il apparait que la société Les Trois Filles est redevable envers la société [K] 46 de la somme de 359,45 € au titre de la facture du comptoir monétique.
Il doit donc être déduit du montant du dépôt de garantie à restituer par la société [K] 46 à la selas Etude [L], ès-qualités, la somme de 43.274,38 € ( = 29.735,48 € + 6567,93 € + 780 € + 4.512 € + 1.319, 52 € + 359,45 €).
La société [K] 46 doit donc restituer la somme de 21.725,62 € au titre du solde du dépôt de garantie.
Il est acquis qu'elle a déjà restitué la somme de 20.483,57 €.
Il reste donc la somme de 1.242,05 € à restituer par la société [K] 46.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], ès-qualités, la somme de 3.470,70 € au titre du solde du dépôt de garantie et de condamner la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], ès-qualités, la somme de 1242,05 € au titre du solde du dépôt de garantie.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société [K] 46 pour privation de jouissance
Compte tenu de la nature des travaux que la société [K] 46 a fait réaliser dans les locaux pour le remettre en état (nettoyage et menues réparations), il n'est pas justifié d'une privation de la jouissance des locaux pendant un mois comme le soutient la société [K] 46.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société [K] 46 de sa demande de dommages et intérêts pour privation de jouissance.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société [K] 46 pour procédure abusive
La méprise de la Selas Etude [L], ès-qualités, sur l'étendue des droits de la société Les Trois Filles en liquidation ne suffit pas à caractériser l'abus dans l'exrecice de son droit d'agier en justice.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société [K] 46 de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société [K] 46, qui est condamnée à payer à la selas Etude [L], ès-qualités, une certaine somme au titre du solde du dépôt de garantie, succombe en première instance.
Toutefois, la selas Etude [L], ès-qualité, succombe en appel.
En conséquence et en application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société [K] 46 aux dépens de première instance et de condamner la selas Etude [L], ès-qualités, aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leur demande sur le même fondement formée à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 avril 2022 en ce qu'il a condamné la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles la somme de 3.470,70 € au titre du solde du dêpot de garantie,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 avril 2022 en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant du chef infirmé,
DIT que la société [K] 46 est redevable envers la société Les Trois Filles de la somme de 65.000€ au titre de la restitution du dépôt de garantie du contrat de location-gérance conclu le 20 décembre 2017,
DIT que la société Les Trois Filles est redevable envers la société [K] 46 des sommes suivantes en exécution du contrat de location-gérance conclu le 20 décembre 2017 :
- 29.735,48 € au titre des redevances impayées,
- 6.567,93 au titre de la facture engie,
- 780 € au titre du dégraissage du conduit d'extraction,
- 4.512 € au titre des frais de remise en état,
- 1319, 52 € au titre des factures de free telecom,
- 359,45 € au titre de la facture du comptoir monétique,
CONDAMNE, après compensation entre ces créances, la société [K] 46 à payer à la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles la somme de 1.242,05 euros au titre du solde du dépôt de garantie,
Y ajoutant,
CONDAMNE la selas Etude [L], prise en la personne de Maître [M] [P], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Trois Filles aux dépens de la procédure d'appel,
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.