CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 23 octobre 2025, n° 20/10249
AIX-EN-PROVENCE
Autre
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
mm
N° 2025/ 343
Rôle N° RG 20/10249 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGNY2
S.A. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE DES CAFES [Localité 9]
S.A.R.L. IPANEMA
C/
S.A.S. UBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT
SOCIETE IR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elie MUSACCHIA
SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
SELARL LX AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 07 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 20/02678.
APPELANTES
S.A. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE DES CAFES [Localité 9], dont le siège social est [Adresse 15], agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR, avocat au barreau de NICE, plaidant
S.A.R.L. IPANEMA , dont le siège social est [Adresse 15], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Giovanna NINO, avocat au barreau de PARIS, plaidant
PARTIE INTERVENANTE
SOCIETE IR, SAS, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
assignation en intervention forcée remise le 19.04.2024 à personne habilitée
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marie-Charlotte TOUZET de la SELARL MCT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Mme Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
La société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] ( ci-après CMC [Localité 9]) a acquis de la Société Civile de Construction Vente (SCCV) [Localité 10] Gare du Sud-Icade, suivant acte notarié du 7 mars 2019 et acte modificatif du 29 avril 2019, les lots 43059 et 44074 au sein de l' immeuble Solea sis [Adresse 3] à [Localité 10], moyennant le prix de 1 132 000 euros.
L'immeuble se situe dans le périmètre de l' opération de réhabilitation de l'ancienne Gare du [14] transformée en halle gourmande, dont la commercialisation a été confiée à la société Urban Renaissance Développement, dans le cadre d'un bail emphytéotique consenti par la ville de [Localité 10] .
Le lot 43059 est un local commercial exploité par la société Ipanema en vertu du bail commercial qui lui a été consenti par la société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] le 21 février 2020.
Il consiste en une boutique au rez de chaussée et une terrasse extérieure ouvrant sur une esplanade piétonne, à laquelle fait face un local poubelles aménagé dans le pavillon numéro1, édifié parallèlement à la Halle de la Gare du [14] et propriété de la société Urban Renaissance Développement.
Se plaignant de nuisances constitutives d' un trouble anormal de voisinage généré par la présence du local poubelles, la société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema, ont fait délivrer assignation en date du 14 août 2020 à la SAS Urban Renaissance Développement devant le tribunal judiciaire de Nice, sur le fondement de l'article 544 du Code civil, aux fins d' entendre:
- condamner la société Urban Renaissance Développement à cesser d' utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] sis [Adresse 3] à [Localité 10] en tant que local poubelles, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,
- condamner la société Urban Renaissance Développement à payer à la société IPANEMA la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l' image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 5] à [Localité 10],
- condamner la société Urban Renaissance développement aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître [Y] en date du 24 juin 2020, ainsi qu'au paiement au profit des requérantes d'une indemnité de 4500 euros sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de leur action, les demanderesses ont notamment produit la mise en demeure adressée le 7 mai 2020 à la requise, ainsi que le procès-verbal de constat dressé par Maître [Y], huissier de justice, le 24 juin 2020, faisant état de nuisances olfactives, visuelles et sonores provoquées par les va-et-vient des commerçants de la halle gourmande venant déposer leurs ordures dans le local poubelles, le débordement des déchets ou leur stockage devant le local lorsqu'il est saturé et les nuisances occasionnées par le camion benne chargé d' enlever les ordures.
La société Urban Renaissance Développement, aux termes de ses conclusions en réponse a demandé au tribunal de la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, de déclarer la société Ipanema irrecevable en son action, subsidiairement de déclarer la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] irrecevable en son action ; en tout état de cause de déclarer mal fondées les requérantes en leurs demandes, de les en débouter et de les condamner solidairement à lui payer les sommes de 10 000 euros pour procédure abusive, 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance avec exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement du 7 octobre 2020, le tribunal judiciaire de NICE a :
REJETÉ les fins de non-recevoir soulevées par la SAS Urban Renaissance Développement ;
DÉCLARÉ recevables en leur action la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema ;
LES A DÉCLARÉES mal fondées en leur action et les a déboutées de l' ensemble de leurs demandes ;
DÉBOUTÉ la SAS Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNÉ solidairement la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema à payer à la SAS Urban Renaissance Développement la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNÉ solidairement la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema aux dépens.
Pour statuer en ce sens , le tribunal a considéré que :
- La société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9], en qualité de propriétaire du fonds troublé, même si elle ne l' occupe pas, est recevable à demander qu'il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage invoqués provenant d' un fonds voisin. Elle est donc recevable à agir en réparation du trouble anormal de voisinage allégué.
- La SARL Ipanema a versé au débat le bail commercial consenti par la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] à la SARL Ipanema le 21 février 2020 du lot 43059, dans lequel celle-ci exploite une boutique et dispose d' une terrasse extérieure sur l' esplanade piétonne. La société Ipanema est recevable à agir en réparation du trouble anormal de voisinage allégué.
- Il est de principe que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Le juge saisi d'une demande sur ce fondement se doit de rechercher le caractère excessif du trouble invoqué par rapport aux inconvénients normaux du voisinage, même en l'absence de toute infraction aux dispositions légales ou réglementaires, et indépendamment de toute faute. Le caractère excessif du trouble s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu.
- Le procès-verbal de constat relate la situation décrite par 1' huissier entre 14 et 15 heures le 24 juin 2020, puis le passage du camion benne SUEZ à 15h30.
Ce seul constat ne saurait donc justifier du trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage invoqué par les demanderesses, qui n'établissent pas que le local n' est pas correctement entretenu habituellement et fermé, s'agissant au surplus d' un local comportant des parois opaques.
- Par courrier électronique du 27 avril 2020 , le représentant de la défenderesse a justifié avoir effectué des démarches auprès de la société responsable de la collecte des déchets afin que le passage du camion benne soit limité à une fois par jour le matin à 8 heures et par courrier électronique du 2 septembre 2020, la société SUEZ a informé la direction de la Gare du Sud des modifications effectives de ses prestations, soit un passage par jour excepté le samedi soit six passages par semaine.
- Si l`auteur d'un trouble ne peut se retrancher derrière l'antériorité de son exploitation , il convient cependant de considérer que l'installation dudit local est inscrite dans le projet global, qu'il est indispensable à 1' activité des commerçants et obéit donc à une préoccupation collective et aux normes d'hygiène et de sécurité.
- Si le constat d' huissier du 24 juin 2020 atteste de quelques nuisances dans un créneau horaire limité, il ne saurait suffisamment établir le caractère excessif du trouble de voisinage invoqué, alors au surplus que la défenderesse a effectué des diligences pour y remédier.
Par déclaration du 23 octobre 2020, la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema ont relevé appel de cette décision .
L'affaire a été fixée dans un premier temps à l'audience du 12 mars 2024, puis renvoyée à la mise en état. En effet, après une première sommation de communiquer en date du 15 février 2024, il a été communiqué aux appelantes un acte de cession en date du 29 novembre 2022 du bail emphytéotique à l'époque consenti par la Ville de [Localité 10] à la société Urban Renaissance Développement, dans le cadre du projet de revalorisation de la halle de la Gare du [14], à la société SAS IR, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 912 634 540.
Une assignation en intervention forcée a été délivrée à cette dernière le 19 avril 2024 par acte d'huissier délivré à personne morale.
La société IR a constitué avocat le 14 mai 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2025.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions récapitulatives du 29 juillet 2025 la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema demandent à la cour de :
JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par la CMC [Localité 9] et la société Ipanema à l'encontre du jugement rendu le 7 octobre 2020.
CONFIRMER le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de NICE en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la CMC [Localité 9] et de la société Ipanema et débouté la société Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
INFIRMER le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de NICE en ce qu'il a :
' déclaré les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema mal fondées en leur action et les a déboutées de leurs demandes tendant notamment à voir condamner la société Urban Renaissance Développement sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à cesser d'utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la CMC [Localité 9] sis [Adresse 4] [Localité 10] en tant que local-poubelles, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
' débouté les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema de leur demande de condamnation de la société Urban Renaissance Développement à payer à la société Ipanema la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 4] [Localité 10] ;
' débouté les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema de leur demande de condamnation de la société Urban Renaissance Développement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement la CMC [Localité 9] et la société Ipanema à payer à la société Urban Renaissance Développement la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Statuant à nouveau,
Vu l'article 544 du code civil,
Vu le procès-verbal de constat dressé par Maître [N] [Y] le 24 juin 2020,
Vu le trouble généré par la présence du local-poubelles litigieux pour la commercialité de l'établissement exploité par la société Ipanema dans le local appartenant à la CMC [Localité 9] au rez-de-chaussée de l'immeuble Solea,
CONDAMNER la société IR à cesser d'utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la CMC [Localité 9] sis [Adresse 6]) en tant que local-poubelles, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
DÉBOUTER la société Urban Renaissance Développement de sa demande de mise hors de cause.
CONDAMNER solidairement les sociétés Urban Renaissance Développement et IR à payer à la société Ipanema la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 3] à [Localité 10].
DÉBOUTER les sociétés Urban Renaissance Développement et IR de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema .
CONDAMNER solidairement les sociétés Urban Renaissance Développement et IR aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître [Y] en date du 24 juin 2020, ainsi qu'au paiement au profit des appelantes d'une indemnité de 4.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les demanderesses font valoir que l'anormalité du trouble s' apprécie par rapport au trouble prévisible auquel une personne placée en situation de voisinage doit s'attendre et que ce trouble anormal de voisinage peut être causé par l' exercice normal de ses droits par le responsable.
Elles versent aux débats le bail commercial liant la Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et sa filiale Ipanema, qui exploite un fonds de commerce à l' enseigne [Localité 9] Café,
et qui dispose en conséquence d' un intérêt légitime aux côtés de sa bailleresse pour faire cesser le trouble invoqué.
Elles invoquent l' anormalité du trouble subi dans la mesure où le local poubelles est intensivement utilisé par tous les commerçants de la halle gourmande de la Gare du [14] soit 33 enseignes dont 28 alimentaires, outre le passage du camion benne de la société SUEZ chaque jour.
Elles rappellent, en réponse aux arguments adverses, que l' existence d' un trouble anormal de voisinage peut être caractérisée alors même que des dispositions légales, conventionnelles ou réglementaires sont respectées, soutiennent que la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] a découvert la présence du local poubelles litigieux après avoir acquis ses propres locaux, qu'il existait des solutions de remplacement et que le droit de propriété peut être restreint lorsque son exercice cause à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Elles entendent être indemnisées de leur préjudice.
Vu les conclusions récapitulatives du 17 octobre 2024 de la société Urban Renaissance Développement qui demande à la cour de :
Vu l'article 31 du Code de procédure civile,
Vu l'article 122 du Code de procédure civile,
Vu l'article L.112-16 du Code de la construction et de l'habitation,
Vu l'article 544 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
JUGER la société Urban Renaissance Développement recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
A TITRE PRINCIPAL
METTRE hors de cause la société Urban Renaissance Développement au regard de la cession intervenue le 29 novembre 2022 au profit de la société IR ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONFIRMER le jugement en date du 7 octobre 2020 entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] recevable, et débouté la SAS Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
EN CONSEQUENCE :
DÉCLARER la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] irrecevable en son action ;
CONDAMNER les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema, solidairement entre elles à payer la somme de 10.000 euros à la société Urban Renaissance Développement en raison de la procédure abusive initiée à titre de dommages et intérêt;
A TITRE SUBSIDIAIRE
DÉBOUTER la société IR de sa demande visant à voir garantir la société Urban Renaissance Développement ;
CONDAMNER la société IR à garantir la société Urban Renaissance développement de toutes condamnations.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DÉCLARER mal fondées les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema en leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter,
CONDAMNER les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema, solidairement entre elles, à payer la somme de 10.000 euros à la société Urban Renaissance Développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Urban Renaissance Développement fait valoir les moyens et arguments suivants :
Elle considère que sa mise hors de cause doit être prononcée au motif qu'elle a cédé le bail emphytéotique et les volumes dont celui concerné par le local poubelle litigieux à la société IR, par acte notarié du 29 novembre 2022, qu'elle n'a plus qualité à défendre sur l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage. Elle ajoute que selon l'article 13-1 de l'acte notarié du 29 novembre 2022, la société IR est subrogée dans l'intégralité des droits et obligations de la concluante , sans recours possible à son égard dans la mesure où elle avait parfaitement connaissance du litige en cours.
Elle invoque le défaut d' intérêt à agir de la société bailleresse, sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile, n' exp1oitant pas personnellement les locaux, elle ne peut selon elle invoquer un éventuel préjudice lié aux nuisances invoquées.
Elle soutient que c'est en pleine connaissance de cause que la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] a acquis les murs du local voisin, qu'elle ne pouvait ignorer les nuisances que pouvait générer ce type de local.
Elle estime que le droit de propriété est un droit absolu, que l' utilisation du local litigieux ne contrevient à aucune disposition légale ou réglementaire, alors que le local commercial accessoire aménagé en local poubelles est indispensable à l'activité des commerçants de la halle gourmande, sans quoi le projet n' aurait pu aboutir, puisqu' il permet d'assurer la conformité de la Halle aux normes en vigueur en matière d' hygiène et de sécurité.
Elle ajoute que pour être sanctionné, le trouble doit excéder les inconvénients ordinaires du voisinage, que tel n'est pas le cas en l' espèce puisque le local est réservé aux déchets des occupants de la Halle, qu' il n'est à aucun moment démontré par les demanderesses que le local soit détourné de son utilisation initiale, que les nuisances avancées sont normales, habituelles et inhérentes à ce type de local.
Elle fait valoir l' antériorité de la situation et considère qu' en tant que professionnel commerçant la société CMC [Localité 9] ne pouvait ignorer les nuisances habituelles que pouvait générer ce type de local ; que pour autant elle a décidé d`exploiter un fonds de commerce juste en face.
Elle conteste une atteinte à l'image subie par la société Ipanema, indique que cette dernière exploite également un local [Adresse 7] à [Localité 10], situé juste en face de poubelles, ce dont elle ne s'est pas plaint.
Concernant le local litigieux, elle souligne qu' il s'agit d' un local fermé sans mauvais aspect esthétique ni entreposage extérieur, ce qui résulte des photographies prises, le local étant lui-même à l'intérieur parfaitement rangé et entretenu et muni d'un sas qui évite d'avoir une vue sur les containers poubelles , lorsque les portes sont ouvertes. .
Enfin , elle s'est rapprochée du prestataire SUEZ pour une autre organisation de la tournée d'enlèvement des déchets, et a obtenu la réduction du nombre de passages du camion benne à un par jour sauf le samedi.
Vu les conclusions notifiées le 18 août 2025 par la société IR qui sollicite :
Vu l'article 1253 du code civil,
Vu les pièces versées au débat,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 7 octobre 2020 ,
REJETER l'ensemble des demandes des sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema à l'encontre de la société IR,
CONDAMNER la société Urban Renaissance Développement à garantir la société IR de l'ensemble des condamnations éventuellement mises à sa charge,
CONDAMNER solidairement les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema au paiement de la somme de 5.000 € à la société IR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens , ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre associé de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat aux offres de droit.
Elle fait valoir notamment les moyens et arguments suivants :
- L ' existence du local poubelles ne constitue pas un trouble anormal de voisinage car les nuisances n'excèdent pas les inconvénients normaux de voisinage. L'exploitation du local de stockage des déchets est normale et conforme à sa destination.
- Les sociétés IR et MEDITERANNEO ont mis en 'uvre tous les moyens qu' elles avaient à disposition afin d'assurer une jouissance paisible à l'ensemble des occupants de la Halle, qui sont au nombre de 2 utilisateurs du local à déchets aujourd'hui.
- Le local est propre et rangé et aucune gêne visuelle n'est perceptible, les vitres du local étant opaques et aucun déchet n'est entreposé devant le local poubelles.
- Le local poubelles permet ainsi d'entreposer les déchets provenant de l'exploitation des commerces de bouche de la halle dans les meilleures conditions d'hygiène .
- Dans ce contexte, il s'agit d'une gestion des déchets justifiée par l'activité des commerces de la Halle sans quoi ces derniers ne sauraient fonctionner. Elle ne génère aucun trouble anormal du voisinage.
- D'ailleurs, les appelantes ont choisi cette localisation pour profiter de la clientèle et du trafic de la Halle Gare du [14], dont le projet est dès l'origine l'exploitation d'une halle gourmande « food » avec plusieurs types de restauration proposés au même endroit.
- En tant que professionnels, les appelantes ne pouvaient ignorer que dans un milieu piéton à forte commercialité avec une « food court », il existerait un passage de camion poubelle pour le ramassage des déchets des restaurants.
- Les nuisances, si elles existent, sont donc très limitées, comme le relève le tribunal, normales et habituelles et relèvent d'un service de ramassage de déchets normal en milieu urbain dans une zone très commerciale à dominante alimentaire et piétonne.
- Les appelantes évaluent aujourd'hui à 25.000 € de dommages et intérêts la réparation de l'atteinte à l'image de l' établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café, alors que les commentaires de la clientèle ne contiennent aucune plainte à ce sujet.
- Le local poubelles litigieux est prévu au permis de construire n°0608811S0043 M04 II.3.Les appelantes produisent un permis de construire n°006 038 11 50043 et des extraits de la notice décrivant le terrain et le projet datant de 2011, lesquels sont obsolètes car bien antérieurs au projet litigieux prévu par l'arrêté de permis de construire du 31 janvier 2018.
- L'affirmation des appelantes selon laquelle le permis de construire n'a jamais prévu ni autorisé l'aménagement de l'échoppe en local poubelles est inopérante.
- Les locaux poubelles ne constituent pas un établissement recevant du public (ERP) comme tentent pourtant de le faire croire les appelantes de sorte que la législation applicable aux ERP est inopposable en l'espèce.
- La société Urban Renaissance Développement verse aux débats l'extrait de la notice architecturale annexée au permis de construire mentionnant « qu'un local pour le recueil des déchets des exploitants sera aménagé dans l'un des deux pavillons réalisés par Icade sur le [Adresse 12]. »
- Le local poubelles préexistait à l'achat des lots n° n°43059 et n°44074 par la société CMC [Localité 9] .
- En droit, selon l'alinéa 2 de l'article 1253 du code civil « Sous réserve de l'article L. 311 -1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »
La responsabilité de la société IR ne peut être engagée au titre du trouble anormal de voisinage résultant du local poubelles car le local poubelles était existant au jour de l'acquisition des lots n°43059 et n°44074 par la société CMC [Localité 9], outre le fait qu'il n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage comme précédemment démontré.
La société IR est titulaire du bail administratif emphytéotique depuis le 29 novembre 2022 et elle n'est pas à l'origine des aménagements mis en cause par les appelants., ni de l'organisation de la gestion des déchets de la Halle.
En conséquence, la société Urban Renaissance Développement doit donc garantir la société IR des éventuelles condamnations que la cour prononcerait à son encontre et de l'ensemble des frais exposés par la société IR au titre de la présente procédure .
MOTIVATION :
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] :
Selon l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
L' article 31 du même code dispose que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
La société SAS Urban Renaissance Développement invoque le défaut d' intérêt à agir de la société bailleresse, sur le fondement de l' article 31 du code de procédure civile, au motif que n' exp1oitant pas personnellement les locaux donnés à bail, elle ne peut invoquer un éventuel préjudice lié aux nuisances invoquées.
Cependant, le bailleur commercial est tenu de garantir au preneur la jouissance paisible du bien loué. Le preneur doit pouvoir jouir du local commercial sans être troublé par le bailleur ou par des tiers. Cela implique l'absence de nuisances sonores, d'odeurs ou d'autres facteurs pouvant entraver l'activité du preneur. En cas de trouble de jouissance, le preneur peut engager une action en cessation du trouble ou demander des dommages-intérêts au bailleur.
Le bailleur a ainsi intérêt à agir aux côtés du preneur en cessation du trouble de voisinage susceptible de perturber l'exploitation du fonds donné à bail.
Cette fin de non-recevoir est en conséquence rejetée.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société Urban Renaissance Développement et sur sa demande de mise hors de cause.
L'article 31 du Code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, les appelants forment des demandes principales tendant à la cessation du trouble anormal de voisinage par le déplacement du local poubelle et à la réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à l' image de l'établissement à l'enseigne [Localité 9]. La demande indemnitaire est dirigée à la fois contre la société Urban Renaissance Développement, ancien emphytéote exploitant le local poubelle litigieux jusqu' à la cession du bail emphytéotique, et contre la société IR nouvel emphytéote.
La qualité à défendre doit s'apprécier à la date de l'introduction de l' instance . Il s'avère qu' à la date de l'assignation et à la date de la déclaration d'appel, la société Urban Renaissance Développement était bien l'exploitant du local poubelles attaché à la Halle Gourmande de l'ancienne gare du [14] et qu'elle conserve une qualité à défendre sur la demande indemnitaire formée à son encontre, le partage éventuel de responsabilité entre elle et le cessionnaire du bail emphytéotique, prorata temporis , relevant de l'appréciation du fond de la demande et non de sa recevabilité.
Cette fin de non-recevoir est en conséquence rejetée et la société Urban Renaissance Développement est déboutée de sa demande de mise hors de cause.
Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage :
Aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.
La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.
L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.
En l'espèce, par courrier du 6 février 2020, la CMC [Localité 9] a écrit à la société Icade Promotion, gérante de la SCCV [Localité 10] Gare du Sud, pour lui rappeler qu'elle a acquis, par acte du 7 mars 2019 , modifié le 29 avril 2019, le lot n° 43059 correspondant à un local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble Solea, lequel figure sous le numéro 10 du plan de vente ; que ce lot fait face à un bâtiment également commercialisé par la SCCV [Localité 10] Gare du Sud composé de deux échoppes, n°s 1 et 2, qui étaient censées accueillir, sur les plans présentés, des locaux commerciaux ; qu'il se trouve que l'échoppe n°1 située en face du local acquis par la CMC [Localité 9] a été transformée en local poubelles .
Par ce même courrier, la CMC [Localité 9] a demandé à la société Icade de rétablir la destination initiale des locaux en question situés face à son établissement dont il n'a jamais été question qu' ils soient occupés autrement qu'à titre commercial aux motifs suivants :
- les poubelles sont enlevées deux fois par jour par les camions de l'entreprise SUEZ qui s'arrêtent au droit de la terrasse de l'établissement de la société CMC [Localité 9],
- cette situation est hautement préjudiciable pour la commercialité du lieu,
- le changement d'usage de l'échoppe n° 1 n'a jamais été notifié à la requérante,
- si elle l'avait su, elle aurait renoncé à l'acquisition du lot n° 43059.
En réponse à ce courrier, la société Icade Promotion a fait savoir que son permis de construire prévoyait une surface commerciale vendue brute de béton tout comme pour le local acquis par la CMC [Localité 9] ; que pour tous les commerces de l'opération, il appartenait à chaque acquéreur de faire les déclarations administratives adaptées à l'utilisation finale de chaque local acquis.
La société Icade a communiqué par ce même courrier la copie de la déclaration d'achèvement des travaux du 27 septembre 2018 et l'attestation de conformité délivrée par la ville de [Localité 10] le 22 février 2019, pour le pavillon abritant le local poubelles, la conformité étant délivrée pour des locaux commerciaux sans enseigne ni aménagements intérieurs.
La société ICADE indiquait que les échoppes avaient été vendues à la société Urban Renaissance Développement titulaire d'un bail emphytéotique sur la Halle ( l'ancienne gare du [14]), afin de compléter l'animation commerciale de celle-ci.
La société Icade ajoutait avoir alerté la ville de [Localité 10] dès qu'elle avait eu connaissance de l'aménagement du local poubelles dans les échoppes.
Par courrier recommandé du 9 avril 2020, adressé à la société Urban Renaissance, la société CMC [Localité 9] lui a demandé de prendre les dispositions nécessaires pour que la situation découlant de la transformation de l'échoppe n° 1 en local poubelles, qui s'apparente à un trouble anormal, cesse , en rétablissant la destination initiale des locaux.
Par courrier en réponse du 28 avril 2020, la société Urban Renaissance a fait savoir à la CMC [Localité 9] que le pavillon contenant le local poubelles avait fait l'objet d'une promesse de vente le 22 mai 2018, réitérée le 1er octobre 2018, 7 mois avant l'acquisition de son lot par la société CMC [Localité 9] ; que les deux volumes lotis dans ce pavillon étaient bien à destination de commerces, mais qu'ils pouvaient également être aménagés en locaux annexes attachés à des commerces, notamment pour accueillir le stockage des déchets, ce qui était le cas d'une partie du pavillon n° 1, le reliquat étant en cours de commercialisation ; que l'aménagement d'un local poubelles indispensable à l'activité des commerces de la halle gourmande , sans lequel ces derniers ne sauraient fonctionner, était prévu dès la genèse de l'opération en 2017 et ne pouvait constituer un trouble anormal.
En conclusion de ce courrier , la société Urban Renaissance s'engageait à se rapprocher de son prestataire la société Suez afin que ses passages soient optimisés au mieux.
Par courrier de son conseil du 7 mai 2020 , la société CMC [Localité 9] a réitéré sa demande de déplacement du local poubelles, en rappelant notamment à la société Urban Renaissance que l'antériorité de son titre de propriété ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité et qu'un trouble anormal de voisinage pouvait être causé dans l'exercice normal de ses droits par le responsable, le fait de se conformer à une réglementation n'exonérant pas l'auteur de la nuisance, de sa responsabilité.
C'est dans ce contexte que la société CMC [Localité 9] a requis Maître [N] [Y], membre de la SCP [H] [Y], Rémy Ripoll, [P] [W] , [N] [Y] , huissiers de justice, pour établir un procès-verbal de constat.
Aux termes de ce procès-verbal de constat dressé le 24 juin 2020, entre 14 heure et 15 heure 45, l' huissier indique:
- ce local est situé dans l' angle Sud-Est, faisant face à l'Est au bâtiment pavillon attenant au Sud à la Halle Gare du [14], lequel est situé à environ une quinzaine de mètres de la terrasse du Café Malongo.
- dans la partie Sud de ce bâtiment, faisant face au local de la requérante, se trouve un local vitré dont les vitrages sont couverts de parois opaques.
- au droit de la porte vitrée et des vitrines, de part et d'autre de la porte, le sol est très encrassé. Les montants aluminium d'aspect récent sont également très encrassés en partie inférieure à la limite avec le trottoir.
- L'huissier poursuit :
« quelques minutes après mon arrivée, une personne se présente en provenance de la Halle Gare du [14] avec un sac poubelles. Ce local étant fermé à clé, la personne dépose le sac devant la porte, pendant plusieurs minutes. Quelques minutes plus tard, une seconde personne en provenance de la Halle Gare du [14] dépose également deux sacs poubelles devant la porte.
Après que cette personne ait jeté les deux sacs poubelles à l'intérieur du local, celui-ci reste ouvert. Entre 14 et 15 heures une dizaine d'allées et venues de commerçants vidant leurs sacs poubelles dans ce local a été réalisée ».
-à 15h30, un camion benne SUEZ accède sur l'esplanade piétonne entre le local poubelles et la terrasse MALONGO CAFE. Les containers situés à I 'intérieur du local poubelles sont vidés à I' aide de ce camion benne. L 'opération de vídage d'une dizaine de containers dure environ huit minutes. Pendant ce temps-là, d'importants désordres olfactifs, visuels et sonores sont existants.
De son côté, la société Urban Renaissance Développement verse aux débats un extrait de la notice architecturale établie par les cabinets BANIMMO-ENIA ARCHITECTES/REICHEN et ROBERT & Associés-ARTELIA, dont elle indique qu'elle a été annexée au permis de construire, sans toutefois en justifier. Cette notice indique qu'un local pour le recueil des déchets des exploitants sera aménagé dans l'un des deux pavillons réalisés par Icade sur le parvis Sud de la Halle.
A noter toutefois que cette notice ne correspond pas à celles produites par les sociétés appelantes qui ne mentionnent pas l'aménagement d'un local poubelles dans l'un des deux pavillons désignés « 8 - ECHOPPES » sur le plan figurant en page 14 de la notice annexée au dossier de permis de construire initial ( pièce 16 des sociétés appelantes).
Quoi qu'il en soit, il n'est pas établi que le local en question ne respecterait pas les autorisations de construire délivrées et le règlement de la ville de [Localité 10] sur le stockage et l'enlèvement des déchets.
Il ressort par ailleurs des échanges de courriels versés aux débats que le 27 avril et le 15 mai 2020, le représentant de la société Urban Renaissance Développement a effectué des démarches auprès du responsable de la société Suez en charge de l'enlèvement des déchets, afin d'obtenir le passage du camion benne , une fois par jour au lieu de deux , le matin à 8 heure.
Par courriel du 2 septembre 2020, la société Suez a informé la direction de la gare du [14] des modifications effectives finalement arrêtées, concernant les collectes, à savoir :
« -un passage par jour au lieu de deux pour la collecte des bacs roulants 660 litres « DIB » et verre ( excepté le maintien de 2 passages le samedi dont un après le service du midi) soit 7 passages par semaine ,
- la suppression des collectes des bacs roulants « carton » à remplacer par un passage en camion hayon en planning automatique une fois par semaine ( jour à définir...) des balles carton sur palettes ( nombre à définir selon capacité de stockage dans votre local ; la fréquence de collecte sera peut-être à ajuster selon le volume) ».
Sur ce , il ressort du procès-verbal de constat établi à la demande de la CMC [Localité 9] que des nuisances très ponctuelles ont été constatées dans un créneau horaire bien précis et en trois temps.
Dans un premier temps, l'huissier a constaté le dépôt de sacs poubelles devant le local, par des personnes ne disposant manifestement pas des clefs pour pénétrer à l'intérieur, ce qui ne caractérise pas une pratique habituelle. Puis , après que la porte du local eut été déverrouillée, le constat qu'elle était restée ouverte et que dans un créneau d' une heure, entre 14 et 15 H, une dizaine d'allées et venues de commerçants venant déposer leurs sacs poubelles dans le local avaient été observées. Là encore, cette observation ne caractérise pas une pratique habituelle laissant penser que la porte du local poubelles, lequel est aménagé de telle façon qu' un sas masque la vue sur les containers stockés à l'intérieur, serait systématiquement laissée ouverte. Puis, à 15H30, le camion benne de la société Suez a, pendant 8 minutes, vidé une dizaine de containers , provoquant, selon l'appréciation de l' huissier, d'importantes nuisances sonores, visuelles et olfactives.
Ceci étant, comme peuvent le faire tous les camions bennes parcourant, plusieurs fois par jour, une grande métropole fortement urbanisée, pour accomplir ce type de mission de service public.
Ce seul constat, ne saurait dans ces conditions établir l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, alors que le local poubelles litigieux, spécialement dédié aux déchets des occupants de la Halle de la Gare du [14] est ceinturé de vitres opaques et que son accès se fait au travers d'une porte vitrée à double battants elle aussi opaque, habituellement fermée ; alors également que le retentissement de la proximité de ce local sur l'exploitation de la terrasse du Café Malongo n'est pas démontré.
Il convient à cet égard de relever que selon la photographie intégrée dans les conclusions de la société Urban Renaissance Développement, un autre café à l'enseigne [Localité 9] est exploité un peu plus au Sud, à l'angle de l' [Adresse 7] et de la [Adresse 13], offrant une vue sur des containers poubelles, cette fois non dissimulés ou remisés dans un local dédié ( en l'occurrence déposés le long de la Basilique [11] ).
Au demeurant, le stockage des sacs poubelles dans des containers mobiles déposés à demeure ou occasionnellement sur la voie publique reste un mode de stockage courant , quand bien même il a tendance à être remplacé progressivement par l' aménagement de containers enterrés sous la voie publique. De ce point de vue , l'aménagement d'un local dédié dissimulant ces containers constitue une amélioration de nature à réduire les nuisances inhérentes à leur usage ( odeurs, débordements, vandalisme, notamment).
Il résulte de cette analyse que l'installation du local poubelles litigieux et son exploitation ne constituent pas un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, de sorte qu'il convient de débouter les sociétés appelantes de leurs prétentions et de confirmer le jugement.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Urban Renaissance Développement pour procédure abusive :
Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.
En l'espèce, il n'est pas démontré que les appelantes ont abusé de leur droit d'agir en justice comme de leur droit d'interjeter appel, dans une intention de nuire à la société Urban Renaissance Développement, ou de mauvaise foi ou en faisant preuve d' une légèreté particulièrement blâmable.
Sur l'appel en garantie de la SAS IR :
Compte tenu de l' issue du litige , cet appel en garantie est sans objet.
Sur les demandes accessoires :
Parties perdantes , les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema sont condamnées aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix en Provence, avocat associé, de ceux des dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision.
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des sociétés URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT et SAS IR , contraintes d' exposer des frais pour assurer leur représentation à la présente procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Déboute la société Urban Renaissance Développement de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre et de sa demande de mise hors de cause,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix en Provence, avocat associé, de ceux des dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision,
Condamne la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema à payer à la société Urban Renaissance Développement et à la société SAS IR, et à chacune, une somme de 5000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , au titre des frais non compris dans les dépens d'appel,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
mm
N° 2025/ 343
Rôle N° RG 20/10249 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGNY2
S.A. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE DES CAFES [Localité 9]
S.A.R.L. IPANEMA
C/
S.A.S. UBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT
SOCIETE IR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elie MUSACCHIA
SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
SELARL LX AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 07 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 20/02678.
APPELANTES
S.A. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE DES CAFES [Localité 9], dont le siège social est [Adresse 15], agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR, avocat au barreau de NICE, plaidant
S.A.R.L. IPANEMA , dont le siège social est [Adresse 15], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Giovanna NINO, avocat au barreau de PARIS, plaidant
PARTIE INTERVENANTE
SOCIETE IR, SAS, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
assignation en intervention forcée remise le 19.04.2024 à personne habilitée
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marie-Charlotte TOUZET de la SELARL MCT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Mme Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
La société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] ( ci-après CMC [Localité 9]) a acquis de la Société Civile de Construction Vente (SCCV) [Localité 10] Gare du Sud-Icade, suivant acte notarié du 7 mars 2019 et acte modificatif du 29 avril 2019, les lots 43059 et 44074 au sein de l' immeuble Solea sis [Adresse 3] à [Localité 10], moyennant le prix de 1 132 000 euros.
L'immeuble se situe dans le périmètre de l' opération de réhabilitation de l'ancienne Gare du [14] transformée en halle gourmande, dont la commercialisation a été confiée à la société Urban Renaissance Développement, dans le cadre d'un bail emphytéotique consenti par la ville de [Localité 10] .
Le lot 43059 est un local commercial exploité par la société Ipanema en vertu du bail commercial qui lui a été consenti par la société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] le 21 février 2020.
Il consiste en une boutique au rez de chaussée et une terrasse extérieure ouvrant sur une esplanade piétonne, à laquelle fait face un local poubelles aménagé dans le pavillon numéro1, édifié parallèlement à la Halle de la Gare du [14] et propriété de la société Urban Renaissance Développement.
Se plaignant de nuisances constitutives d' un trouble anormal de voisinage généré par la présence du local poubelles, la société Compagnie Méditerranéenne des cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema, ont fait délivrer assignation en date du 14 août 2020 à la SAS Urban Renaissance Développement devant le tribunal judiciaire de Nice, sur le fondement de l'article 544 du Code civil, aux fins d' entendre:
- condamner la société Urban Renaissance Développement à cesser d' utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] sis [Adresse 3] à [Localité 10] en tant que local poubelles, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,
- condamner la société Urban Renaissance Développement à payer à la société IPANEMA la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l' image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 5] à [Localité 10],
- condamner la société Urban Renaissance développement aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître [Y] en date du 24 juin 2020, ainsi qu'au paiement au profit des requérantes d'une indemnité de 4500 euros sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de leur action, les demanderesses ont notamment produit la mise en demeure adressée le 7 mai 2020 à la requise, ainsi que le procès-verbal de constat dressé par Maître [Y], huissier de justice, le 24 juin 2020, faisant état de nuisances olfactives, visuelles et sonores provoquées par les va-et-vient des commerçants de la halle gourmande venant déposer leurs ordures dans le local poubelles, le débordement des déchets ou leur stockage devant le local lorsqu'il est saturé et les nuisances occasionnées par le camion benne chargé d' enlever les ordures.
La société Urban Renaissance Développement, aux termes de ses conclusions en réponse a demandé au tribunal de la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, de déclarer la société Ipanema irrecevable en son action, subsidiairement de déclarer la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] irrecevable en son action ; en tout état de cause de déclarer mal fondées les requérantes en leurs demandes, de les en débouter et de les condamner solidairement à lui payer les sommes de 10 000 euros pour procédure abusive, 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance avec exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement du 7 octobre 2020, le tribunal judiciaire de NICE a :
REJETÉ les fins de non-recevoir soulevées par la SAS Urban Renaissance Développement ;
DÉCLARÉ recevables en leur action la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema ;
LES A DÉCLARÉES mal fondées en leur action et les a déboutées de l' ensemble de leurs demandes ;
DÉBOUTÉ la SAS Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNÉ solidairement la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema à payer à la SAS Urban Renaissance Développement la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNÉ solidairement la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema aux dépens.
Pour statuer en ce sens , le tribunal a considéré que :
- La société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9], en qualité de propriétaire du fonds troublé, même si elle ne l' occupe pas, est recevable à demander qu'il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage invoqués provenant d' un fonds voisin. Elle est donc recevable à agir en réparation du trouble anormal de voisinage allégué.
- La SARL Ipanema a versé au débat le bail commercial consenti par la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] à la SARL Ipanema le 21 février 2020 du lot 43059, dans lequel celle-ci exploite une boutique et dispose d' une terrasse extérieure sur l' esplanade piétonne. La société Ipanema est recevable à agir en réparation du trouble anormal de voisinage allégué.
- Il est de principe que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Le juge saisi d'une demande sur ce fondement se doit de rechercher le caractère excessif du trouble invoqué par rapport aux inconvénients normaux du voisinage, même en l'absence de toute infraction aux dispositions légales ou réglementaires, et indépendamment de toute faute. Le caractère excessif du trouble s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu.
- Le procès-verbal de constat relate la situation décrite par 1' huissier entre 14 et 15 heures le 24 juin 2020, puis le passage du camion benne SUEZ à 15h30.
Ce seul constat ne saurait donc justifier du trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage invoqué par les demanderesses, qui n'établissent pas que le local n' est pas correctement entretenu habituellement et fermé, s'agissant au surplus d' un local comportant des parois opaques.
- Par courrier électronique du 27 avril 2020 , le représentant de la défenderesse a justifié avoir effectué des démarches auprès de la société responsable de la collecte des déchets afin que le passage du camion benne soit limité à une fois par jour le matin à 8 heures et par courrier électronique du 2 septembre 2020, la société SUEZ a informé la direction de la Gare du Sud des modifications effectives de ses prestations, soit un passage par jour excepté le samedi soit six passages par semaine.
- Si l`auteur d'un trouble ne peut se retrancher derrière l'antériorité de son exploitation , il convient cependant de considérer que l'installation dudit local est inscrite dans le projet global, qu'il est indispensable à 1' activité des commerçants et obéit donc à une préoccupation collective et aux normes d'hygiène et de sécurité.
- Si le constat d' huissier du 24 juin 2020 atteste de quelques nuisances dans un créneau horaire limité, il ne saurait suffisamment établir le caractère excessif du trouble de voisinage invoqué, alors au surplus que la défenderesse a effectué des diligences pour y remédier.
Par déclaration du 23 octobre 2020, la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema ont relevé appel de cette décision .
L'affaire a été fixée dans un premier temps à l'audience du 12 mars 2024, puis renvoyée à la mise en état. En effet, après une première sommation de communiquer en date du 15 février 2024, il a été communiqué aux appelantes un acte de cession en date du 29 novembre 2022 du bail emphytéotique à l'époque consenti par la Ville de [Localité 10] à la société Urban Renaissance Développement, dans le cadre du projet de revalorisation de la halle de la Gare du [14], à la société SAS IR, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 912 634 540.
Une assignation en intervention forcée a été délivrée à cette dernière le 19 avril 2024 par acte d'huissier délivré à personne morale.
La société IR a constitué avocat le 14 mai 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2025.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions récapitulatives du 29 juillet 2025 la SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema demandent à la cour de :
JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par la CMC [Localité 9] et la société Ipanema à l'encontre du jugement rendu le 7 octobre 2020.
CONFIRMER le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de NICE en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la CMC [Localité 9] et de la société Ipanema et débouté la société Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
INFIRMER le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de NICE en ce qu'il a :
' déclaré les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema mal fondées en leur action et les a déboutées de leurs demandes tendant notamment à voir condamner la société Urban Renaissance Développement sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à cesser d'utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la CMC [Localité 9] sis [Adresse 4] [Localité 10] en tant que local-poubelles, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
' débouté les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema de leur demande de condamnation de la société Urban Renaissance Développement à payer à la société Ipanema la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 4] [Localité 10] ;
' débouté les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema de leur demande de condamnation de la société Urban Renaissance Développement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement la CMC [Localité 9] et la société Ipanema à payer à la société Urban Renaissance Développement la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Statuant à nouveau,
Vu l'article 544 du code civil,
Vu le procès-verbal de constat dressé par Maître [N] [Y] le 24 juin 2020,
Vu le trouble généré par la présence du local-poubelles litigieux pour la commercialité de l'établissement exploité par la société Ipanema dans le local appartenant à la CMC [Localité 9] au rez-de-chaussée de l'immeuble Solea,
CONDAMNER la société IR à cesser d'utiliser la partie du pavillon faisant face au local commercial appartenant à la CMC [Localité 9] sis [Adresse 6]) en tant que local-poubelles, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
DÉBOUTER la société Urban Renaissance Développement de sa demande de mise hors de cause.
CONDAMNER solidairement les sociétés Urban Renaissance Développement et IR à payer à la société Ipanema la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de son établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café sis [Adresse 3] à [Localité 10].
DÉBOUTER les sociétés Urban Renaissance Développement et IR de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema .
CONDAMNER solidairement les sociétés Urban Renaissance Développement et IR aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître [Y] en date du 24 juin 2020, ainsi qu'au paiement au profit des appelantes d'une indemnité de 4.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les demanderesses font valoir que l'anormalité du trouble s' apprécie par rapport au trouble prévisible auquel une personne placée en situation de voisinage doit s'attendre et que ce trouble anormal de voisinage peut être causé par l' exercice normal de ses droits par le responsable.
Elles versent aux débats le bail commercial liant la Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et sa filiale Ipanema, qui exploite un fonds de commerce à l' enseigne [Localité 9] Café,
et qui dispose en conséquence d' un intérêt légitime aux côtés de sa bailleresse pour faire cesser le trouble invoqué.
Elles invoquent l' anormalité du trouble subi dans la mesure où le local poubelles est intensivement utilisé par tous les commerçants de la halle gourmande de la Gare du [14] soit 33 enseignes dont 28 alimentaires, outre le passage du camion benne de la société SUEZ chaque jour.
Elles rappellent, en réponse aux arguments adverses, que l' existence d' un trouble anormal de voisinage peut être caractérisée alors même que des dispositions légales, conventionnelles ou réglementaires sont respectées, soutiennent que la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] a découvert la présence du local poubelles litigieux après avoir acquis ses propres locaux, qu'il existait des solutions de remplacement et que le droit de propriété peut être restreint lorsque son exercice cause à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Elles entendent être indemnisées de leur préjudice.
Vu les conclusions récapitulatives du 17 octobre 2024 de la société Urban Renaissance Développement qui demande à la cour de :
Vu l'article 31 du Code de procédure civile,
Vu l'article 122 du Code de procédure civile,
Vu l'article L.112-16 du Code de la construction et de l'habitation,
Vu l'article 544 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
JUGER la société Urban Renaissance Développement recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
A TITRE PRINCIPAL
METTRE hors de cause la société Urban Renaissance Développement au regard de la cession intervenue le 29 novembre 2022 au profit de la société IR ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONFIRMER le jugement en date du 7 octobre 2020 entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] recevable, et débouté la SAS Urban Renaissance Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
EN CONSEQUENCE :
DÉCLARER la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] irrecevable en son action ;
CONDAMNER les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema, solidairement entre elles à payer la somme de 10.000 euros à la société Urban Renaissance Développement en raison de la procédure abusive initiée à titre de dommages et intérêt;
A TITRE SUBSIDIAIRE
DÉBOUTER la société IR de sa demande visant à voir garantir la société Urban Renaissance Développement ;
CONDAMNER la société IR à garantir la société Urban Renaissance développement de toutes condamnations.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DÉCLARER mal fondées les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema en leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter,
CONDAMNER les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema, solidairement entre elles, à payer la somme de 10.000 euros à la société Urban Renaissance Développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Urban Renaissance Développement fait valoir les moyens et arguments suivants :
Elle considère que sa mise hors de cause doit être prononcée au motif qu'elle a cédé le bail emphytéotique et les volumes dont celui concerné par le local poubelle litigieux à la société IR, par acte notarié du 29 novembre 2022, qu'elle n'a plus qualité à défendre sur l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage. Elle ajoute que selon l'article 13-1 de l'acte notarié du 29 novembre 2022, la société IR est subrogée dans l'intégralité des droits et obligations de la concluante , sans recours possible à son égard dans la mesure où elle avait parfaitement connaissance du litige en cours.
Elle invoque le défaut d' intérêt à agir de la société bailleresse, sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile, n' exp1oitant pas personnellement les locaux, elle ne peut selon elle invoquer un éventuel préjudice lié aux nuisances invoquées.
Elle soutient que c'est en pleine connaissance de cause que la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] a acquis les murs du local voisin, qu'elle ne pouvait ignorer les nuisances que pouvait générer ce type de local.
Elle estime que le droit de propriété est un droit absolu, que l' utilisation du local litigieux ne contrevient à aucune disposition légale ou réglementaire, alors que le local commercial accessoire aménagé en local poubelles est indispensable à l'activité des commerçants de la halle gourmande, sans quoi le projet n' aurait pu aboutir, puisqu' il permet d'assurer la conformité de la Halle aux normes en vigueur en matière d' hygiène et de sécurité.
Elle ajoute que pour être sanctionné, le trouble doit excéder les inconvénients ordinaires du voisinage, que tel n'est pas le cas en l' espèce puisque le local est réservé aux déchets des occupants de la Halle, qu' il n'est à aucun moment démontré par les demanderesses que le local soit détourné de son utilisation initiale, que les nuisances avancées sont normales, habituelles et inhérentes à ce type de local.
Elle fait valoir l' antériorité de la situation et considère qu' en tant que professionnel commerçant la société CMC [Localité 9] ne pouvait ignorer les nuisances habituelles que pouvait générer ce type de local ; que pour autant elle a décidé d`exploiter un fonds de commerce juste en face.
Elle conteste une atteinte à l'image subie par la société Ipanema, indique que cette dernière exploite également un local [Adresse 7] à [Localité 10], situé juste en face de poubelles, ce dont elle ne s'est pas plaint.
Concernant le local litigieux, elle souligne qu' il s'agit d' un local fermé sans mauvais aspect esthétique ni entreposage extérieur, ce qui résulte des photographies prises, le local étant lui-même à l'intérieur parfaitement rangé et entretenu et muni d'un sas qui évite d'avoir une vue sur les containers poubelles , lorsque les portes sont ouvertes. .
Enfin , elle s'est rapprochée du prestataire SUEZ pour une autre organisation de la tournée d'enlèvement des déchets, et a obtenu la réduction du nombre de passages du camion benne à un par jour sauf le samedi.
Vu les conclusions notifiées le 18 août 2025 par la société IR qui sollicite :
Vu l'article 1253 du code civil,
Vu les pièces versées au débat,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 7 octobre 2020 ,
REJETER l'ensemble des demandes des sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema à l'encontre de la société IR,
CONDAMNER la société Urban Renaissance Développement à garantir la société IR de l'ensemble des condamnations éventuellement mises à sa charge,
CONDAMNER solidairement les sociétés Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et Ipanema au paiement de la somme de 5.000 € à la société IR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens , ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre associé de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat aux offres de droit.
Elle fait valoir notamment les moyens et arguments suivants :
- L ' existence du local poubelles ne constitue pas un trouble anormal de voisinage car les nuisances n'excèdent pas les inconvénients normaux de voisinage. L'exploitation du local de stockage des déchets est normale et conforme à sa destination.
- Les sociétés IR et MEDITERANNEO ont mis en 'uvre tous les moyens qu' elles avaient à disposition afin d'assurer une jouissance paisible à l'ensemble des occupants de la Halle, qui sont au nombre de 2 utilisateurs du local à déchets aujourd'hui.
- Le local est propre et rangé et aucune gêne visuelle n'est perceptible, les vitres du local étant opaques et aucun déchet n'est entreposé devant le local poubelles.
- Le local poubelles permet ainsi d'entreposer les déchets provenant de l'exploitation des commerces de bouche de la halle dans les meilleures conditions d'hygiène .
- Dans ce contexte, il s'agit d'une gestion des déchets justifiée par l'activité des commerces de la Halle sans quoi ces derniers ne sauraient fonctionner. Elle ne génère aucun trouble anormal du voisinage.
- D'ailleurs, les appelantes ont choisi cette localisation pour profiter de la clientèle et du trafic de la Halle Gare du [14], dont le projet est dès l'origine l'exploitation d'une halle gourmande « food » avec plusieurs types de restauration proposés au même endroit.
- En tant que professionnels, les appelantes ne pouvaient ignorer que dans un milieu piéton à forte commercialité avec une « food court », il existerait un passage de camion poubelle pour le ramassage des déchets des restaurants.
- Les nuisances, si elles existent, sont donc très limitées, comme le relève le tribunal, normales et habituelles et relèvent d'un service de ramassage de déchets normal en milieu urbain dans une zone très commerciale à dominante alimentaire et piétonne.
- Les appelantes évaluent aujourd'hui à 25.000 € de dommages et intérêts la réparation de l'atteinte à l'image de l' établissement exploité sous l'enseigne [Localité 9] Café, alors que les commentaires de la clientèle ne contiennent aucune plainte à ce sujet.
- Le local poubelles litigieux est prévu au permis de construire n°0608811S0043 M04 II.3.Les appelantes produisent un permis de construire n°006 038 11 50043 et des extraits de la notice décrivant le terrain et le projet datant de 2011, lesquels sont obsolètes car bien antérieurs au projet litigieux prévu par l'arrêté de permis de construire du 31 janvier 2018.
- L'affirmation des appelantes selon laquelle le permis de construire n'a jamais prévu ni autorisé l'aménagement de l'échoppe en local poubelles est inopérante.
- Les locaux poubelles ne constituent pas un établissement recevant du public (ERP) comme tentent pourtant de le faire croire les appelantes de sorte que la législation applicable aux ERP est inopposable en l'espèce.
- La société Urban Renaissance Développement verse aux débats l'extrait de la notice architecturale annexée au permis de construire mentionnant « qu'un local pour le recueil des déchets des exploitants sera aménagé dans l'un des deux pavillons réalisés par Icade sur le [Adresse 12]. »
- Le local poubelles préexistait à l'achat des lots n° n°43059 et n°44074 par la société CMC [Localité 9] .
- En droit, selon l'alinéa 2 de l'article 1253 du code civil « Sous réserve de l'article L. 311 -1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »
La responsabilité de la société IR ne peut être engagée au titre du trouble anormal de voisinage résultant du local poubelles car le local poubelles était existant au jour de l'acquisition des lots n°43059 et n°44074 par la société CMC [Localité 9], outre le fait qu'il n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage comme précédemment démontré.
La société IR est titulaire du bail administratif emphytéotique depuis le 29 novembre 2022 et elle n'est pas à l'origine des aménagements mis en cause par les appelants., ni de l'organisation de la gestion des déchets de la Halle.
En conséquence, la société Urban Renaissance Développement doit donc garantir la société IR des éventuelles condamnations que la cour prononcerait à son encontre et de l'ensemble des frais exposés par la société IR au titre de la présente procédure .
MOTIVATION :
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] :
Selon l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
L' article 31 du même code dispose que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
La société SAS Urban Renaissance Développement invoque le défaut d' intérêt à agir de la société bailleresse, sur le fondement de l' article 31 du code de procédure civile, au motif que n' exp1oitant pas personnellement les locaux donnés à bail, elle ne peut invoquer un éventuel préjudice lié aux nuisances invoquées.
Cependant, le bailleur commercial est tenu de garantir au preneur la jouissance paisible du bien loué. Le preneur doit pouvoir jouir du local commercial sans être troublé par le bailleur ou par des tiers. Cela implique l'absence de nuisances sonores, d'odeurs ou d'autres facteurs pouvant entraver l'activité du preneur. En cas de trouble de jouissance, le preneur peut engager une action en cessation du trouble ou demander des dommages-intérêts au bailleur.
Le bailleur a ainsi intérêt à agir aux côtés du preneur en cessation du trouble de voisinage susceptible de perturber l'exploitation du fonds donné à bail.
Cette fin de non-recevoir est en conséquence rejetée.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société Urban Renaissance Développement et sur sa demande de mise hors de cause.
L'article 31 du Code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, les appelants forment des demandes principales tendant à la cessation du trouble anormal de voisinage par le déplacement du local poubelle et à la réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à l' image de l'établissement à l'enseigne [Localité 9]. La demande indemnitaire est dirigée à la fois contre la société Urban Renaissance Développement, ancien emphytéote exploitant le local poubelle litigieux jusqu' à la cession du bail emphytéotique, et contre la société IR nouvel emphytéote.
La qualité à défendre doit s'apprécier à la date de l'introduction de l' instance . Il s'avère qu' à la date de l'assignation et à la date de la déclaration d'appel, la société Urban Renaissance Développement était bien l'exploitant du local poubelles attaché à la Halle Gourmande de l'ancienne gare du [14] et qu'elle conserve une qualité à défendre sur la demande indemnitaire formée à son encontre, le partage éventuel de responsabilité entre elle et le cessionnaire du bail emphytéotique, prorata temporis , relevant de l'appréciation du fond de la demande et non de sa recevabilité.
Cette fin de non-recevoir est en conséquence rejetée et la société Urban Renaissance Développement est déboutée de sa demande de mise hors de cause.
Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage :
Aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.
La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.
L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.
En l'espèce, par courrier du 6 février 2020, la CMC [Localité 9] a écrit à la société Icade Promotion, gérante de la SCCV [Localité 10] Gare du Sud, pour lui rappeler qu'elle a acquis, par acte du 7 mars 2019 , modifié le 29 avril 2019, le lot n° 43059 correspondant à un local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble Solea, lequel figure sous le numéro 10 du plan de vente ; que ce lot fait face à un bâtiment également commercialisé par la SCCV [Localité 10] Gare du Sud composé de deux échoppes, n°s 1 et 2, qui étaient censées accueillir, sur les plans présentés, des locaux commerciaux ; qu'il se trouve que l'échoppe n°1 située en face du local acquis par la CMC [Localité 9] a été transformée en local poubelles .
Par ce même courrier, la CMC [Localité 9] a demandé à la société Icade de rétablir la destination initiale des locaux en question situés face à son établissement dont il n'a jamais été question qu' ils soient occupés autrement qu'à titre commercial aux motifs suivants :
- les poubelles sont enlevées deux fois par jour par les camions de l'entreprise SUEZ qui s'arrêtent au droit de la terrasse de l'établissement de la société CMC [Localité 9],
- cette situation est hautement préjudiciable pour la commercialité du lieu,
- le changement d'usage de l'échoppe n° 1 n'a jamais été notifié à la requérante,
- si elle l'avait su, elle aurait renoncé à l'acquisition du lot n° 43059.
En réponse à ce courrier, la société Icade Promotion a fait savoir que son permis de construire prévoyait une surface commerciale vendue brute de béton tout comme pour le local acquis par la CMC [Localité 9] ; que pour tous les commerces de l'opération, il appartenait à chaque acquéreur de faire les déclarations administratives adaptées à l'utilisation finale de chaque local acquis.
La société Icade a communiqué par ce même courrier la copie de la déclaration d'achèvement des travaux du 27 septembre 2018 et l'attestation de conformité délivrée par la ville de [Localité 10] le 22 février 2019, pour le pavillon abritant le local poubelles, la conformité étant délivrée pour des locaux commerciaux sans enseigne ni aménagements intérieurs.
La société ICADE indiquait que les échoppes avaient été vendues à la société Urban Renaissance Développement titulaire d'un bail emphytéotique sur la Halle ( l'ancienne gare du [14]), afin de compléter l'animation commerciale de celle-ci.
La société Icade ajoutait avoir alerté la ville de [Localité 10] dès qu'elle avait eu connaissance de l'aménagement du local poubelles dans les échoppes.
Par courrier recommandé du 9 avril 2020, adressé à la société Urban Renaissance, la société CMC [Localité 9] lui a demandé de prendre les dispositions nécessaires pour que la situation découlant de la transformation de l'échoppe n° 1 en local poubelles, qui s'apparente à un trouble anormal, cesse , en rétablissant la destination initiale des locaux.
Par courrier en réponse du 28 avril 2020, la société Urban Renaissance a fait savoir à la CMC [Localité 9] que le pavillon contenant le local poubelles avait fait l'objet d'une promesse de vente le 22 mai 2018, réitérée le 1er octobre 2018, 7 mois avant l'acquisition de son lot par la société CMC [Localité 9] ; que les deux volumes lotis dans ce pavillon étaient bien à destination de commerces, mais qu'ils pouvaient également être aménagés en locaux annexes attachés à des commerces, notamment pour accueillir le stockage des déchets, ce qui était le cas d'une partie du pavillon n° 1, le reliquat étant en cours de commercialisation ; que l'aménagement d'un local poubelles indispensable à l'activité des commerces de la halle gourmande , sans lequel ces derniers ne sauraient fonctionner, était prévu dès la genèse de l'opération en 2017 et ne pouvait constituer un trouble anormal.
En conclusion de ce courrier , la société Urban Renaissance s'engageait à se rapprocher de son prestataire la société Suez afin que ses passages soient optimisés au mieux.
Par courrier de son conseil du 7 mai 2020 , la société CMC [Localité 9] a réitéré sa demande de déplacement du local poubelles, en rappelant notamment à la société Urban Renaissance que l'antériorité de son titre de propriété ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité et qu'un trouble anormal de voisinage pouvait être causé dans l'exercice normal de ses droits par le responsable, le fait de se conformer à une réglementation n'exonérant pas l'auteur de la nuisance, de sa responsabilité.
C'est dans ce contexte que la société CMC [Localité 9] a requis Maître [N] [Y], membre de la SCP [H] [Y], Rémy Ripoll, [P] [W] , [N] [Y] , huissiers de justice, pour établir un procès-verbal de constat.
Aux termes de ce procès-verbal de constat dressé le 24 juin 2020, entre 14 heure et 15 heure 45, l' huissier indique:
- ce local est situé dans l' angle Sud-Est, faisant face à l'Est au bâtiment pavillon attenant au Sud à la Halle Gare du [14], lequel est situé à environ une quinzaine de mètres de la terrasse du Café Malongo.
- dans la partie Sud de ce bâtiment, faisant face au local de la requérante, se trouve un local vitré dont les vitrages sont couverts de parois opaques.
- au droit de la porte vitrée et des vitrines, de part et d'autre de la porte, le sol est très encrassé. Les montants aluminium d'aspect récent sont également très encrassés en partie inférieure à la limite avec le trottoir.
- L'huissier poursuit :
« quelques minutes après mon arrivée, une personne se présente en provenance de la Halle Gare du [14] avec un sac poubelles. Ce local étant fermé à clé, la personne dépose le sac devant la porte, pendant plusieurs minutes. Quelques minutes plus tard, une seconde personne en provenance de la Halle Gare du [14] dépose également deux sacs poubelles devant la porte.
Après que cette personne ait jeté les deux sacs poubelles à l'intérieur du local, celui-ci reste ouvert. Entre 14 et 15 heures une dizaine d'allées et venues de commerçants vidant leurs sacs poubelles dans ce local a été réalisée ».
-à 15h30, un camion benne SUEZ accède sur l'esplanade piétonne entre le local poubelles et la terrasse MALONGO CAFE. Les containers situés à I 'intérieur du local poubelles sont vidés à I' aide de ce camion benne. L 'opération de vídage d'une dizaine de containers dure environ huit minutes. Pendant ce temps-là, d'importants désordres olfactifs, visuels et sonores sont existants.
De son côté, la société Urban Renaissance Développement verse aux débats un extrait de la notice architecturale établie par les cabinets BANIMMO-ENIA ARCHITECTES/REICHEN et ROBERT & Associés-ARTELIA, dont elle indique qu'elle a été annexée au permis de construire, sans toutefois en justifier. Cette notice indique qu'un local pour le recueil des déchets des exploitants sera aménagé dans l'un des deux pavillons réalisés par Icade sur le parvis Sud de la Halle.
A noter toutefois que cette notice ne correspond pas à celles produites par les sociétés appelantes qui ne mentionnent pas l'aménagement d'un local poubelles dans l'un des deux pavillons désignés « 8 - ECHOPPES » sur le plan figurant en page 14 de la notice annexée au dossier de permis de construire initial ( pièce 16 des sociétés appelantes).
Quoi qu'il en soit, il n'est pas établi que le local en question ne respecterait pas les autorisations de construire délivrées et le règlement de la ville de [Localité 10] sur le stockage et l'enlèvement des déchets.
Il ressort par ailleurs des échanges de courriels versés aux débats que le 27 avril et le 15 mai 2020, le représentant de la société Urban Renaissance Développement a effectué des démarches auprès du responsable de la société Suez en charge de l'enlèvement des déchets, afin d'obtenir le passage du camion benne , une fois par jour au lieu de deux , le matin à 8 heure.
Par courriel du 2 septembre 2020, la société Suez a informé la direction de la gare du [14] des modifications effectives finalement arrêtées, concernant les collectes, à savoir :
« -un passage par jour au lieu de deux pour la collecte des bacs roulants 660 litres « DIB » et verre ( excepté le maintien de 2 passages le samedi dont un après le service du midi) soit 7 passages par semaine ,
- la suppression des collectes des bacs roulants « carton » à remplacer par un passage en camion hayon en planning automatique une fois par semaine ( jour à définir...) des balles carton sur palettes ( nombre à définir selon capacité de stockage dans votre local ; la fréquence de collecte sera peut-être à ajuster selon le volume) ».
Sur ce , il ressort du procès-verbal de constat établi à la demande de la CMC [Localité 9] que des nuisances très ponctuelles ont été constatées dans un créneau horaire bien précis et en trois temps.
Dans un premier temps, l'huissier a constaté le dépôt de sacs poubelles devant le local, par des personnes ne disposant manifestement pas des clefs pour pénétrer à l'intérieur, ce qui ne caractérise pas une pratique habituelle. Puis , après que la porte du local eut été déverrouillée, le constat qu'elle était restée ouverte et que dans un créneau d' une heure, entre 14 et 15 H, une dizaine d'allées et venues de commerçants venant déposer leurs sacs poubelles dans le local avaient été observées. Là encore, cette observation ne caractérise pas une pratique habituelle laissant penser que la porte du local poubelles, lequel est aménagé de telle façon qu' un sas masque la vue sur les containers stockés à l'intérieur, serait systématiquement laissée ouverte. Puis, à 15H30, le camion benne de la société Suez a, pendant 8 minutes, vidé une dizaine de containers , provoquant, selon l'appréciation de l' huissier, d'importantes nuisances sonores, visuelles et olfactives.
Ceci étant, comme peuvent le faire tous les camions bennes parcourant, plusieurs fois par jour, une grande métropole fortement urbanisée, pour accomplir ce type de mission de service public.
Ce seul constat, ne saurait dans ces conditions établir l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, alors que le local poubelles litigieux, spécialement dédié aux déchets des occupants de la Halle de la Gare du [14] est ceinturé de vitres opaques et que son accès se fait au travers d'une porte vitrée à double battants elle aussi opaque, habituellement fermée ; alors également que le retentissement de la proximité de ce local sur l'exploitation de la terrasse du Café Malongo n'est pas démontré.
Il convient à cet égard de relever que selon la photographie intégrée dans les conclusions de la société Urban Renaissance Développement, un autre café à l'enseigne [Localité 9] est exploité un peu plus au Sud, à l'angle de l' [Adresse 7] et de la [Adresse 13], offrant une vue sur des containers poubelles, cette fois non dissimulés ou remisés dans un local dédié ( en l'occurrence déposés le long de la Basilique [11] ).
Au demeurant, le stockage des sacs poubelles dans des containers mobiles déposés à demeure ou occasionnellement sur la voie publique reste un mode de stockage courant , quand bien même il a tendance à être remplacé progressivement par l' aménagement de containers enterrés sous la voie publique. De ce point de vue , l'aménagement d'un local dédié dissimulant ces containers constitue une amélioration de nature à réduire les nuisances inhérentes à leur usage ( odeurs, débordements, vandalisme, notamment).
Il résulte de cette analyse que l'installation du local poubelles litigieux et son exploitation ne constituent pas un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, de sorte qu'il convient de débouter les sociétés appelantes de leurs prétentions et de confirmer le jugement.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Urban Renaissance Développement pour procédure abusive :
Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.
En l'espèce, il n'est pas démontré que les appelantes ont abusé de leur droit d'agir en justice comme de leur droit d'interjeter appel, dans une intention de nuire à la société Urban Renaissance Développement, ou de mauvaise foi ou en faisant preuve d' une légèreté particulièrement blâmable.
Sur l'appel en garantie de la SAS IR :
Compte tenu de l' issue du litige , cet appel en garantie est sans objet.
Sur les demandes accessoires :
Parties perdantes , les sociétés CMC [Localité 9] et Ipanema sont condamnées aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix en Provence, avocat associé, de ceux des dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision.
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des sociétés URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT et SAS IR , contraintes d' exposer des frais pour assurer leur représentation à la présente procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Déboute la société Urban Renaissance Développement de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre et de sa demande de mise hors de cause,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix en Provence, avocat associé, de ceux des dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision,
Condamne la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés [Localité 9] et la SARL Ipanema à payer à la société Urban Renaissance Développement et à la société SAS IR, et à chacune, une somme de 5000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , au titre des frais non compris dans les dépens d'appel,
LE GREFFIER LE PRESIDENT