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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 23 octobre 2025, n° 24/07462

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/07462

23 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 OCTOBRE 2025

N° RG 24/07462 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W4U5

AFFAIRE :

[P] [N]

C/

S.C.I. SOCIETE CIVILE DBL

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Octobre 2024 par le Président du TJ de [Localité 13]

N° RG : 23/03010

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées le : 23/10/25

à :

Me Nadia CHEHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, 88

Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, E754

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [N], exerçant sous le nom commercial « [Adresse 12] », ayant son domicile personnel situé [Adresse 5], dont le siège est situé [Adresse 2] et à l'angle du [Adresse 6], pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

N° RCS de [Localité 13] : 351 368 188

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Nadia CHEHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88

Plaidant : Me Johann PETITFILS-LAMURIA, avocat au barreau de PARIS,

APPELANT

****************

S.C.I. SOCIETE CIVILE DBL

Prise en la personne de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège

N° RCS de [Localité 13] : 753 625 573

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentant : Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0754 - N° du dossier E000898E

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice-Président faisant fonction de Conseiller,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller,

L'adjointe faisant fonction de Greffière, lors des débats : Madame Marion SEUS,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé des 7 et 22 mars 2016, la SCI Dbl a donné à bail commercial à la société [B] des locaux situés [Adresse 3] à Courbevoie (92400), pour une durée de neuf années entières et consécutives, à compter du 15 mai 2016 pour se terminer le 14 mai 2025, moyennant un loyer annuel de 24 000 euros, hors charges, payable trimestriellement d'avance, pour une activité de vente de toutes boissons alcoolisées ou non, sur place ou à emporter, brasserie, restaurant - ventes à emporter, jeux de la française des jeux, débit de tabac, tabletterie.

Par acte du 17 août 2017, la société [B] a vendu son fonds de commerce à M. [P] [N].

Des loyers et charges sont demeurés impayés.

Par acte de commissaire de justice du 1er août 2023, la société Dbl a fait délivrer à M. [N] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 6 989,34 euros au titre de la dette locative due au 7 juin 2023 (deuxième trimestre 2023 inclus). Celui-ci est demeuré infructueux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 13 décembre 2023, la société Dbl a fait assigner en référé M. [N] aux fins d'obtenir principalement :

- la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire visée dans le commandement de payer du 1er août 2023 au bénéfice de la société Dbl et en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial la liant à M. [N], à compter du 2 septembre 2023,

- l'expulsion sans délai de M. [N] ainsi que celle de tous les occupants de son chef et ce avec le concours de la force publique et d'un serrurier si nécessaire, des locaux qu'il occupe situés [Adresse 2] à l'angle [Adresse 7] à [Localité 11], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance de référé,

- le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meuble au choix du commissaire de justice, aux frais et risques du locataire, et ce, en conformité avec les dispositions combinées des articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- la condamnation de M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 13 978,68 euros arrêtée à la date du 30 septembre 2023 à parfaire le jour de l'audience à titre de provision à valoir sur l'arriéré de loyers et charges, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du commandement de payer,

- la condamnation de M. [N] au paiement d'une indemnité d'occupation de 4 409,56 euros à compter du 2 septembre 2023, date d'acquisition de la clause résolutoire, jusqu'à la libération des lieux et restitution des clés,

- la condamnation de M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 1 397,68 euros au titre de la clause pénale,

- la condamnation de M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamnation de M. [N] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 1er août 2023,

- le rappel, en tant que de besoin, de l'exécution provisoire de droit attachée à l'ordonnance de référé.

Par ordonnance contradictoire rendue le 2 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond, mais dès à présent, par provision ;

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 2 septembre 2023 ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de M. [N] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 4] à l'angle [Adresse 7] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit que le sort des meubles et autres objets garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné M. [N] à verser à titre provisionnel à la société Dbl, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamné par provision M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 13 936,04 euros, au titre de l'arriéré locatif, indemnité d'occupation incluse, arrêté au 30 août 2024 (troisième trimestre 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2023, date du commandement de payer, à hauteur de 6 989,34 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes relatives à la majoration de l'indemnité d'occupation et à la pénalité forfaitaire ;

- rejeté la demande de délais formulée par M. [N] ;

- condamné M. [N] aux dépens y compris le coût du commandement ;

- condamné M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de la chose jugée provisoire ;

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2024, M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir au fond.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 février 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [N] demande à la cour, au visa de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, de :

" - juger que le commandement de payer est nul faute de présenter les mentions relatives au logement privé d'une personne physique et en se cantonnant aux mentions destinées à une personne morale ; par conséquent :

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 octobre 2024 ;

- accorder au profit de l'appelant les plus larges délais afin qu'il puisse se maintenir dans les lieux et honorer l'intégralité de sa dette à l'encontre de son bailleur. "

Au soutien de ses demandes, il fait valoir :

- à titre principal, que le commandement est irrégulier, dans la mesure où le local loué comporte, outre son activité commerciale, son logement personnel, alors que c'est seulement en sa qualité de représentant légal de sa société qu'il s'est vu notifier le commandement de payer ainsi que l'ensemble de la procédure afin d'expulsion ;

- que conformément aux règles de procédure civile, le bailleur aurait dû également mener l'ensemble de la procédure à l'encontre de son locataire personne physique ;

- à titre subsidiaire, qu'il présente les garanties financières suffisantes pour assurer au bailleur, à terme, le paiement intégral de sa créance, ce qui justifie de lui accorder les plus larges délais de paiement afin qu'il puisse se maintenir dans les lieux.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 août 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Dbl demande à la cour, au visa des articles 1728 et 1741 du code civil, L. 145-41 du commerce de commerce, 834 à 836 du code de procédure civile, de :

" - confirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2024 par le juge des référés de [Localité 13] des chefs suivants :

* constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 2 septembre 2023 ;

* ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de Monsieur [P] [N] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 4] à l'angle [Adresse 8] à [Localité 11] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

* dire que le sort des meubles et autres objets garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

* débouter Monsieur [P] [N] de sa demande de délais,

sur l'appel de Monsieur [P] [N],

- débouter Monsieur [P] [N] de sa demande de nullité du commandement et de délais et de ses plus amples demandes, fins et conclusions,

sur l'appel incident de la SCI Dbl,

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation et le rejet de la clause pénale,

statuant à nouveau,

- condamner Monsieur [P] [N] à verser à titre provisionnel à la SCI Dbl, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une indemnité d'occupation égale au double du loyer, soit 4 409,56 euros outre les taxes, charges et accessoires à compter du 2 septembre 2023, date d'acquisition de la clause résolutoire, jusqu'à la libération des lieux et restitution des clefs,

- condamner Monsieur [P] [N] à payer à la SCI Dbl la somme de 1 397,68 euros à titre de clause pénale,

- condamner par provision Monsieur [P] [N] à payer à la SCI Dbl la somme de 41 353,99 euros arrêtée à la date du 27 août 2025 à parfaire au titre de l'arriéré locatif à valoir sur l'arriéré de loyers et charges, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du commandement de payer,

- condamner Monsieur [P] [N] à payer à la SCI Dbl la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens, en ce compris le cout du commandement de payer du 1er août 2023. "

A cet effet, elle fait valoir :

- qu'elle est une nouvelle fois confrontée aux impayés de son locataire, qui s'était déjà acquitté de ses impayés dans le cadre d'une précédente procédure engagée en 2022 ; que la nullité du commandement de payer n'a été soulevée ni à la suite du premier commandement de payer, délivré en mars 2022, ni en première instance s'agissant du commandement de payer objet du présent litige, délivré le 1er août 2023 ;

- qu'il ne peut être considéré que le bail litigieux serait un bail à usage mixte commercial et d'habitation ; qu'il s'agit d'un bail commercial soumis en tant que tel aux dispositions des baux commerciaux ; qu'il n'était aucunement précisé, s'agissant de l'appartement au premier étage, qu'il devait constituer l'habitation du locataire ;

- que M. [N] ne peut se prévaloir de l'usage personnel qu'il a fait de l'appartement, qui n'est nullement contractuel, pour invoquer la nullité du commandement ;

- qu'à supposer même que l'appartement soit considéré comme un logement d'habitation, la jurisprudence consacre le principe selon lequel un bail mixte à usage commercial et d'habitation est considéré comme indivisible, de sorte qu'il est soumis pour l'ensemble des locaux au statut des baux commerciaux, sauf stipulation contraire expresse, absente en l'espèce ;

- que les causes du commandement de payer n'ayant pas été réglées, et la dette ne cessant d'augmenter, il y a lieu de condamner M. [N] à lui verser à titre de provision la somme de 41 353, 99 euros ;

- que le montant de l'indemnité d'occupation doit être supérieur au montant du loyer afin de conserver son caractère coercitif ; qu'il convient d'appliquer l'article 13 du bail qui stipule que l'indemnité due par le preneur est égale au double du loyer en vigueur, soit 4 409,56 euros ;

- qu'il y a lieu de faire application de la clause pénale qui s'élève selon l'article 10-3 du bail à 10 % du montant total des sommes dues, et condamner M. [N] à lui verser la somme de 1397,68 euros à ce titre ;

- que M. [N] ne justifie par aucune pièce des garanties financières qu'il invoque au soutien de sa demande de délai de paiement ; qu'il est de mauvaise foi, son appel ne visant qu'à retarder son expulsion.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour relève que l'appelant n'a pas communiqué au greffe de la cour son dossier de plaidoirie, de sorte qu'il sera statué sans ses pièces.

Sur la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

En application des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, la juridiction des référés, sans nécessité de caractériser l'urgence, peut constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail, en l'absence de contestation sérieuse.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

M. [N] sollicite l'annulation du commandement de payer au motif que le local comporte sa résidence personnelle et que les mentions imposées au profit des personnes physiques auraient dû figurer dans l'acte, soutenant ainsi qu'il existerait un bail d'usage mixte commercial et d'habitation.

Cependant, outre que l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution que M. [N] vise dans ses conclusions est inapplicable en l'espèce, comme s'appliquant au commandement de payer valant saisie, il doit être rappelé qu'il n'entre pas dans les attributions du juge des référés de prononcer la nullité d'un commandement de payer. En revanche, l'examen des irrégularités alléguées par l'une des parties participe de l'appréciation de l'existence d'une contestation sérieuse de nature à remettre en cause les effets du commandement de payer.

A cet égard, il ressort du bail litigieux (article 4-1), qualifié de "bail commercial ", que le seul locataire désigné est la société [B] représentée par son gérant, M. [B]. Les lieux loués sont exclusivement destinés à l'exercice d'activités commerciales précisément énumérées, toute extension étant exclue sans l'accord écrit du bailleur.

Les pièces produites ne démontrent ni un usage mixte ni une affectation convenue entre les parties de l'appartement à l'usage d'habitation personnelle de M. [N] ou, avant lui, de M. [B]. L'invocation tardive de cet usage, non prévu par le bail initial et non reconnu par le bailleur, ne saurait dès lors constituer une contestation sérieuse.

Par ailleurs, aucune contestation sérieuse n'est soulevée sur la nature ou le montant de la dette locative, qui résulte, selon les décomptes produits, d'arriérés de loyers et de charges, ni sur l'existence de la clause résolutoire et la délivrance d'un commandement demeuré sans effet. La contestation ne porte que sur la régularité du commandement (cf. ci-dessus) délivré le 1er août 2023 ; aucune exception d'inexécution, compensation, prescription n'est invoquée concernant l'arriéré lui-même.

Dès lors qu'aucune contestation sérieuse n'empêche son application, il y a lieu, à la suite du premier juge, de constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 2 septembre 2023, d'ordonner l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef et de régler le sort des meubles selon les articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution.

L'ordonnance est confirmée de ces chefs.

Sur la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement

L'article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce dispose : " Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ".

Si le premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil permet au juge d'accorder des délais de paiement au débiteur, c'est notamment à la condition que ce dernier justifie de sa demande ainsi que de sa capacité à les respecter.

Or, comme peut en attester son bordereau de communication de pièces, l'appelant ne produit aucune pièce propre à justifier de ses capacités financières. Il ne démontre pas, en particulier, se trouver en situation de régler sa dette par mensualités en sus du loyer courant, étant souligné que la dette n'a cessé d'augmenter en cours d'instance.

Dans ces conditions, la demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire ne peut qu'être rejetée.

Sur le doublement de l'indemnité d'occupation et la majoration des sommes dues

En vertu de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Une indemnité d'occupation due au titre de l'occupation illicite d'un bien a pour objet de réparer le préjudice causé au propriétaire par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers.

En l'espèce, la société Dbl prétend qu'il est prévu à l'article 13 du bail commercial que l'indemnité d'occupation due par le preneur sera égale au double du loyer en vigueur.

Outre que l'intimé produit un contrat de bail dont il manque les pages 20 et 21 seules à même de contenir l'article invoqué et de convaincre la cour de l'existence des stipulations qu'il renferme, une telle clause visant à sanctionner le maintien dans les lieux de l'occupant sans droit ni titre, ne peut s'analyser que comme une clause pénale.

Il en va de même, à plus forte raison, de la clause contenue à l'article 10-3 (page 19 du bail), expressément dénommée " clause pénale ", aux termes de laquelle " En cas de non-paiement de toute somme due à son échéance et dès le premier acte extra-judiciaire, le preneur devra, de plein droit, payer en sus, outre les frais de recouvrement, y compris la totalité du droit proportionnel dû à l'huissier de justice, dix pour cent (10 %) du montant des sommes dues, pour couvrir le bailleur tant des dommages pouvant résulter du retard dans le paiement que des frais, diligences et honoraires exposés pour le recouvrement des sommes dues ".

L'application de ces clauses étant susceptible d'être modérée par le juge du fond, dès lors que la bailleresse ne justifie d'aucun préjudice particulier justifiant que le montant de l'indemnité d'occupation soit doublé ou que les sommes dues soient majorées de 10 %, elle échappe en l'espèce aux pouvoirs du juge des référés et de la cour statuant à sa suite.

L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes relatives à la majoration de l'indemnité d'occupation et à la pénalité forfaitaire, et fixé le montant de l'indemnité d'immobilisation à hauteur du loyer contractuellement prévu.

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Selon l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Dans la mesure où M. [N] ne conteste pas l'encours de la dette au titre des arriérés de loyers, charges, taxes et indemnité d'occupation, le décompte au 27 août 2025 (pièce Dbl n° 14) n'apparaît pas sérieusement contestable dans la limite de la somme de 41 353,99 euros qui n'inclut pas le montant de la condamnation à l'article 700 du code de procédure civile (1 500 euros) décidée par le premier juge.

Cette somme produira intérêts au taux légal, non pas à compter du commandement de payer, alors qu'à la date de celui-ci était due une somme inférieure (cf. Civ. 2e, 14 févr. 2002, n° 00-18.172) mais, en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, à compter du 1er août 2023, date du commandement de payer, sur la seule somme de 6 989, 34 euros, à compter de l'ordonnance querellée sur la somme de 13 936,04 euros et à compter du présent arrêt sur la totalité de la somme.

Sur les demandes accessoires

Partie essentiellement perdante, M. [N] devra supporter les dépens de l'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Dbl la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Compte tenu de l'équité, l'appelant sera en conséquence condamné à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'elle a condamné par provision M. [N] à payer à la société Dbl la somme de 13 936,04 euros, au titre de l'arriéré locatif, indemnité d'occupation incluse, arrêté au 30 août 2024 (troisième trimestre 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2023, date du commandement de payer, à hauteur de 6 989,34 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne M. [P] [N] à payer à la société Dbl la somme provisionnelle de 41 353, 99 euros, au titre des loyers et charges échus et indemnité d'occupation échus au 27 août 2025, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er août 2023 sur la somme de 6 989, 34 euros, à compter de l'ordonnance querellée sur la somme de 13 936,04 euros et à compter du présent arrêt sur la totalité de la somme ;

Y ajoutant,

Déboute M. [P] [N] de ses demandes de suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement,

Condamne M. [P] [N] aux dépens d'appel,

Condamne M. [P] [N] à régler à la société Dbl la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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