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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 22 octobre 2025, n° 24/06921

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/06921

22 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06921 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJIBC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2024 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 202301431

APPELANT

M. [Z] [W]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Gaël AIRIEAU de l'ASSOCIATION K130 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0130

INTIMÉS

M. LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 1]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Caroline TABOUROT, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Caroline TABOUROT, Conseillère pour la présidente empêchée, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société par actions simplifiée [29], créée le 13 octobre 2009, exerçait aux termes de son Kbis une activité de génie climatique, climatisation, plomberie, chauffage, dépannage, achat-vente, et maintenance.

Son président était Monsieur [Z] [W].

Par jugement du 9 mars 2020, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société [29], fixant la date de cessation des paiements au 31 décembre 2019.

Sur requête du ministère public, le même tribunal a été saisi et a fait citer à comparaître M. [W], par acte extrajudiciaire du 5 juin 2023 remis en étude, aux fins que soit prononcée à son encontre une faillite personnelle ou, à défaut, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, une personne morale.

M. [W] n'a pas comparu et son avocat n'était pas présent à l'audience publique du 26 février 2024, contrairement à la SELARL [U] [25], ès-qualités de liquidateur de la société [29].

Par jugement réputé contradictoire du 19 mars 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la faillite personnelle de M. [W] pour une durée de quinze ans.

Par déclaration du 7 juin 2024, M. [W] a interjeté appel de ce jugement, intimant ainsi M. le procureur général.

Par acte du 5 février 2025, M. [W] a assigné en intervention forcée la SELARL [U] [25] ès-qualités d'avoir à comparaître devant la cour d'appel de Paris à l'audience du 6 mars 2025.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 5 février 2025, M. [W] demande à la cour d'appel de Paris de :

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

Prononcé la faillite personnelle pour une durée de quinze ans de M. [W] ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Dit que la publicité du jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours.

Et statuant à nouveau,

A titre principal, déclarer que les infractions reprochées à M. [W] ne sont pas constituées ;

A titre subsidiaire, ne prononcer aucune sanction à l'encontre de M. [W] ;

En tout état de cause, confirmer la décision déférée en ce qu'elle met les dépens du jugement à la charge du Trésor public à charge par celui-ci d'en assurer le recouvrement.

Par conclusions notifiées par RPVA le 7 octobre 2024, le Ministère public considère que le jugement du 19 mars 2024 doit être confirmé dans son principe en ce qu'il a prononcé une sanction personnelle à l'encontre de M. [W], mais qu'il doit être infirmé quant à la nature et au quantum de la sanction, en prononçant une interdiction de gérer pour une durée de six ans.

La SELARL [U] [25], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [29], bien que régulièrement touchée suivant signification de l'assignation en intervention forcée le 5 février 2025, n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le défaut de motivation en s'abstenant de prendre en compte des documents produits par M. [W]

M. [W] soutient que, s'il lui est reproché de ne pas avoir participé à la procédure et que seuls la citation et le rapport du liquidateur ont été pris en compte dans le jugement dont appel, son conseil, était présent aux audiences du 25 septembre 2023, 27 novembre 2023, date de remise des conclusions et des pièces, et à l'audience du 5 février 2024 où l'affaire, n'ayant pu être plaidée pour un problème d'attribution de chambre, a été renvoyée au 26 février 2024, que son conseil n'a pas pu être présent à cette dernière audience; que cependant, les éléments de défense avaient bien été communiqués à la juridiction ; qu'en conséquence, ces éléments de défense auraient dû être pris en compte par le tribunal, qui n'a alors pas motivé sa décision.

Sur ce,

Il ressort des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile que le jugement doit être motivé.

La cour souligne cependant qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, M. [W] soutient que le jugement n'a pas été assez motivé mais n'en tire aucune conséquence d'annulation dans le dispositif de ses conclusions.

Il en résulte que la cour n'a pas à se prononcer sur ce moyen.

Sur le retard dans la déclaration de cessation des paiements

M. [W] soutient que, s'il ressort un retard de cinquante-deux jours dans le dépôt de la déclaration de cessation des paiements du 21 février 2020 au regard de la date de déclaration de cessation des paiements fixée par le tribunal au 31 décembre 2019, un échéancier avait été convenu avec le Trésor public en vue du remboursement de la dette de la société [29] à son égard suite à un contrôle fiscal après lequel le Trésor public avait effectué une saisie bancaire sur les comptes de ladite société et inscrit des privilèges sur le fonds de commerce pour un montant d'environ 475 000 euros et que, même si cet échéancier a été résilié en novembre 2019, provoquant l'exigibilité de la dette au 13 janvier 2020, c'est donc sans aucune justification que le tribunal a retenu comme date de cessation des paiements la date du 31 décembre 2019 en lieu et place du 13 janvier 2020. Elle il en conclut qu'aucun retard dans la déclaration de cessation des paiements ne peut par conséquent être constaté.

Le ministère public soutient que la résiliation par le Trésor public de l'échéancier convenu a mis la société en difficultés dès novembre 2019 ; qu'un écart de cinquante-deux jours est constaté entre le dépôt de la déclaration de l'état de cessation des paiements et la date de cessation des paiements fixée par le tribunal, et qu'ainsi le retard dans la déclaration de cessation des paiements est de sept jours ; que M. [W] avait dès lors connaissance des difficultés de la société [29] dès novembre 2019 et qu'il a, partant, sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours ; qu'en conséquence, le grief tiré du retard dans la déclaration de cessation des paiements est caractérisé.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 653-8, alinéa 3 du code de commerce, une interdiction de gérer « peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »

Il en résulte que M. [W] ne peut être condamnée à une mesure de faillite personnelle en raison de ce motif puisque le retard dans la déclaration de cessation des paiements est un cas d'interdiction de gérer si cette omission a été faite sciemment.

En l'espèce, M. [W] a dépose une déclaration de cessation des paiements le 21 février 2020.

Par jugement du 9 mars 2020, la date de cessation retenue est le 31 décembre 2019, date aujourd'hui définitive à défaut de recours.

M. [W] avait par conséquent 45 jours pour déclarer son état de cessation des paiements à partir du 31 décembre 2010.

Il en résulte un retard de déclaration d'environ une semaine.

Cet écart n'est pas significatif pour retenir ce grief à l'encontre de M. [W].

Le Ministère Public sera débouté de ce chef.

Sur la comptabilité incomplète ou irrégulière

M. [W] soutient que la comptabilité de la société [29] était assurée par un cabinet d'expertise comptable extérieur et que les comptes ont été tenus, certifiés et publiés jusqu'en 2017 ; que, le 6 décembre 2022, la société a transmis au liquidateur, entre autres, les éléments de comptabilité pour 2018 et notamment la liasse fiscale et le grand livre ; que les éléments de comptabilité pour 2019 ont été versés aux débats par l'appelant dans la présente procédure ; que le bilan définitif et les trois premiers mois de 2020 n'ont pas pu être finalisés en raison de la crise du covid qui est intervenue seulement quelques semaines après la déclaration de cessation des paiements et qui a, avec l'ouverture de la procédure collective visant la société [29], entraîné la perte de possession des locaux et des archives administratives de ladite société ; qu'en conséquence des effets de la crise sanitaire et de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, la société [29] a fait face à un cas de force majeure ; que, dès lors, aucune absence de comptabilité fautive ne saurait être relevée, de même qu'il n'est pas établi que le dirigeant se soit soustrait à ses obligations comptables.

Le ministère public rappelle que la tenue d'une comptabilité complète est obligatoire ; que, selon le rapport établi par le liquidateur, « malgré les demandes aucune comptabilité n'a été remise à l'exception du bilan 2018 » ; que les éléments de comptabilité relatifs à l'exercice 2019 ont été communiqués a posteriori ; qu'aucun bilan définitif n'a été établi pour les trois premiers mois de l'année 2020, ce que M. [W] confirme. Le ministère public en conclut que la comptabilité de la société [29] est incomplète et que le grief issu de l'article L. 653-5, 6° doit être retenu.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.653-5 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : [']

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables. »

Selon l'article L. 123-12 du code de commerce, « Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable. »

En l'espèce, M. [W] dit que la comptabilité de la société a été publiée au registre du commerce jusqu'en 2017 mais n'en apporte pas la preuve. Concernant, les éléments comptables des années postérieures, il ressort des pièces versées au débat et notamment de la pièce 7 et 8 de l'appelant, que seul le bilan 2018 et un état préparatoire du grand livre général 2018 ont été transmis au liquidateur le 6 décembre 2022 soit près de trois ans après l'ouverture de la liquidation judiciaire; qu'un état préparatoire à la balance générale 2019 a été éditée le 19 septembre 2023 et qu'aucun élément comptable n'a été transmis pour 2020.

La comptabilité visée par l'article L.653-5 du code de commerce doit être complète et la production d'un bilan et de quelques éléments préparatoires de la balance générale ne suffisent pas à caractériser le fait que la comptabilité de la société ait été tenue régulièrement et surtout conformément aux textes applicables puisqu'elle est partielle

Il en résulte que la comptabilité était irrégulière et manifestement incomplète au regard des dispositions applicables.

Aussi, le grief tenant au caractère irrégulier et incomplet de la comptabilité au sens de l'article L.653-5, 6° du Code de commerce est caractérisé.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif ou augmentation frauduleuse du passif

M. [W] soutient que les véhicules de prestige loués par la société ont été restitués, comme en atteste l'absence de déclaration de créances pour ces véhicules ; que ces véhicules étaient nécessaires à l'activité de [29] au regard de la nécessité, dans le milieu du bâtiment et des travaux, d'avoir une image de solidité, justifiant que les commerciaux et chargés d'affaires se présentent avec des véhicules de prestige ; que, concernant le véhicule Porsche [Immatriculation 15] entré dans la société suivant contrat de crédit-bail conclu avec la société [14], ce véhicule a été remis à son bailleur par remise à la concession [27], et que la société [13], qui n'a pas déclaré de créance au titre de ce véhicule, n'a pas répondu à M. [W] qui l'avait sollicitée pour obtenir un justificatif de restitution ; que, concernant le scooter Honda [Immatriculation 22], celui-ci a été revendu pour quelques centaines d'euros à un technicien ; que, concernant les véhicules Audi [Immatriculation 20] et Audi [Immatriculation 21] entrés dans la société suivant contrat de crédit-bail conclu avec la société [32], ces véhicules ont été restitués à la concession [10] [Localité 28] à l'issue du contrat en 2018, et que la société [32], qui n'a pas déclaré de créance au titre de ces deux véhicules, n'a pas répondu à M. [W] qui l'avait sollicitée pour obtenir un justificatif de restitution ; que, concernant le véhicule Porsche [Localité 12] [Immatriculation 19] entré dans la société suivant crédit-bail conclu avec la société [13] pour un loyer mensuel de 1 984 euros, ce véhicule a été restitué le 25 janvier 2019 auprès du garagiste [31] à Roissy suivant attestation de remise de véhicule et que la société [32] n'a pas déclaré de créance au titre de ce véhicule ; que, concernant le véhicule Audi Q3 [Immatriculation 23] qui était loué par la société pour un montant mensuel de 630 euros, ce véhicule a été restitué auprès de [8], ce qui est confirmé par un courrier du 18 juin 2020 du liquidateur ayant donné son accord en vue de la restitution du véhicule, ainsi que par la déclaration de créance réalisée par [8] de 86 215 euros au titre des contrats de location longue durée de trois véhicules comme en atteste le rapport du liquidateur, étant précisé que ladite créance correspond au manque à gagner du fait de la résiliation des contrats et que, à titre superfétatoire, M. [W] a sollicité la société [9] en vue d'obtenir un justificatif mais celle-ci n'a pas répondu ; que, concernant les deux véhicules Mercedes Benz achetés par la société suivant contrat de location avec option d'achat, ces véhicules ont été restitués à la société [24] comme en atteste le rapport du liquidateur, ce dont il résulte que la créance déclarée par la société [24] d'un montant de 77 384 euros n'aurait pas dû être admise au passif ; que, concernant le véhicule Ferrari [Immatriculation 16], ce véhicule a été loué par un ancien codirigeant pendant deux ans et la société [29] a estimé qu'il ne lui appartenait pas de financer l'utilisation du véhicule, qui était effectuée par l'ancien codirigeant susmentionné, mais qu'elle pouvait prendre en charge l'assurance du véhicule d'un montant de 5 430 euros hors taxes par an, et qu'il n'en résultait donc aucune charge financière importante pour la société [29] ; qu'en conséquence, il n'a ni détourné, ni dissimulé tout ou partie de l'actif de sa société et n'a pas frauduleusement augmenté son passif.

M. [W] rappelle en outre, concernant les chèques [11], que, [29] ayant perdu le soutien de ses banques du fait du nantissement du Trésor public, elle a ouvert un compte à la [11] en 2019, permettant de faire fonctionner la société jusqu'en novembre 2019 et sur lequel de nombreux chèques ont été tirés pour assurer l'activité, notamment aux fins de régler les salaires dus, les sommes dues aux sous-traitants, aux fournisseurs, et le remboursement du prêt accordé par la société [18]. L'appelant soutient que, s'agissant du prêt, la société prêteuse avait accordé les sommes de 60 000 euros et 48 000 euros par chèques à la société [29], qui ont été partiellement remboursées par deux chèques du 8 octobre 2019 d'un montant de 50 000 euros et de 42 000 euros. M. [W] en conclut qu'aucune infraction ne peut lui être reprochée pour ces faits.

Le ministère public soutient des moyens analogues à ceux développés par M. [W], mais s'en rapporte à justice concernant la restitution des véhicules Mercedes Benz et Audi Q3 [Immatriculation 23], en précisant que, concernant les véhicules Mercedes Benz, une déclaration de créance a été déposée par la société [24] mais que le mandataire expose dans son rapport qu'il ressort de cette déclaration de créance que les véhicules ont été récupérés par la société [24] puis revendus, et que, concernant le véhicule Audi Q3 [Immatriculation 23], celui-ci a été revendiqué par la société [8], que le liquidateur avait donné son accord pour sa restitution, mais que le commissaire-priseur n'a pas pu appréhender et restituer ledit véhicule car il était en la possession du dirigeant, lequel n'a pas souhaité le remettre, ni sa carte grise. Le ministère public en conclut qu'il ne semble pas que la preuve d'un détournement d'actif de la part de M. [W] soit rapportée.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : [']

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société [29] louait plusieurs véhicules de prestige comme :

Un véhicule Porsche [Immatriculation 15] ;

Un véhicule Audi [Immatriculation 20]

Un véhicule Audi [Immatriculation 21]

Un véhicule Porsche [Localité 12] [Immatriculation 19]

Un véhicule Audi Q3 [Immatriculation 23]

Et deux véhicules Mercedes Benz dont l'immatriculation n'a pas été transmise à la cour.

Concernant le véhicule Ferrari [Immatriculation 16], il n'est pas contesté que ce véhicule n'était pas loué par la société.

Les détournements visés par le Ministère Public porte sur la restitution des véhicules Mercedes Benz et Audi Q3 [Immatriculation 23].

Concernant les véhicules Mercedes Benz, il est établi qu'une déclaration de créance a été déposée par la société [24]. Cependant, le mandataire a indiqué dans son rapport, que les véhicules ont été récupérés par la société [24] puis revendus, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir le grief de détournement d'actif.

Concernant le véhicule Audi Q3 [Immatriculation 23], celui-ci a été revendiqué par la société [8] et le liquidateur avait donné son accord pour sa restitution. Cependant, il est établi que le commissaire-priseur n'a pas pu appréhender et restituer ledit véhicule car il était en la possession du dirigeant, lequel n'a pas souhaité le remettre, ni sa carte grise. M. [W] produit une copie d'un courrier du 19 septembre 2023 qu'il aurait envoyé à la société [7] dans lequel, il indique « sauf erreur de notre part, nous avons restitué les véhicules suivants : AUDI Q3 -Immatriculée EJ 800 ST. Par retour de courrier, nous vous prions de bien vouloir nous confirmer qu'aucun litige n'existe sur les véhicules en objet ». Ce courrier émanant de M. [W] constitue une preuve à soi-même qui ne peut être retenue par la cour et qui par ailleurs, laisse planer un doute sur la restitution du véhicule par l'utilisation de la formule « sauf erreur de notre part ». Il en résulte que M. [W] échoue à rapporter la preuve que le véhicule qui était en sa possession a été restitué. Le grief de détournement d'actif est caractérisé.

Quant aux nombreux chèques d'un montant très importants tirés sur le compte de la société [29], ils ne sont justifiés par aucune facture. M. [W] affirme qu'ils étaient nécessaires pour l'activité de l'entreprise et produit un tableau non établi par un expert-comptable ou un professionnel du chiffre, dont on comprend qu'il s'agit d'un tableau établi pour les besoins de la cause par M. [W] qui n'a aucun caractère probant. Le grief de détournement d'actif est caractérisé.

Concernant les sommes versées à une SCI [17] - dont il n'est relevé aucun lien avec la société [30] , M. [W] soutient qu'il s'agissait d'un remboursement d'un prêt et produit photocopie d'un chèque de 60 000 euros tiré sur la SCI [18] au bénéfice de la société [29] et photocopie d'un relevé de compte de la société [29] où il écrit de sa main à coté de la colonne « remises chèques » prêt [18] avec un montant différent. Il dit que ce prêt a été partiellement remboursé par deux chèques en produisant un tableau. Il en ressort qu'il n'est pas établi d'une part que la SCI [18] a prêté de l'argent à la société [29], et d'autre part, que les sommes versées à la SCI [18] étaient justifiées par l'activité de la société. Le grief de détournement d'actif est caractérisé.

Il en résulte que M. [W] a commis plusieurs actes de détournement d'actif à l'encontre de la société [29] qu'il dirigeait.

Sur l'utilisation des biens de la personne morale comme des siens propres

Selon l'article L. 653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ».

M. [W] soutient que, s'il ressort du rapport du liquidateur que les contrats de location portant sur des véhicules haut de gamme signés par les anciens associés n'entraient pas dans l'objet social, au vu du milieu dans lequel exerçait la société [29] et des marchés qu'elle décrochait, il était nécessaire que les véhicules des commerciaux et dirigeants soient des voitures de marque réputées haut de gamme ; qu'en outre, ces véhicules n'ont jamais constitué une charge financière significative pour la société [29] ; qu'en conséquence, il ne peut être retenu que M. [W] aurait utilisé les biens de la personne morale comme des siens propres.

L'appelant rappelle en outre, concernant les chèques postaux, que ceux-ci correspondaient à l'activité de la société et que les montants les plus élevés étaient affectés au remboursement du prêt qui avait été consenti à la société [29] et qu'il n'en résulte, par conséquent, aucune utilisation des biens de la personne morale comme des siens propres.

Le ministère public soutient que la société [29] a loué des véhicules de fonction, principalement des véhicules de prestige, au bénéfice de ses cadres et dirigeants ; qu'il ressort du rapport du liquidateur que les anciens associés ont signé des contrats de location de véhicules haut de gamme, n'ayant aucun lien avec l'objet social de la société ; qu'ainsi, il apparaît que la location de ces véhicules ne rentre pas dans l'objet social de la société, laquelle exerce une activité de génie climatique, climatisation, plomberie, chauffage, dépannage, achat-revente et maintenance ; qu'en conséquence, M. [W] a utilisé les biens de la société comme les siens propres et que le grief tiré de l'article L. 653-4, 3° semble caractérisé.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ».

En l'espèce, la société [29] avait pour principale activité la commercialisation et la pose de climatisation. Il est établi que dans le cadre de son activité, la société a loué des véhicules de fonction au bénéfice de ses cadres et de ses dirigeants. M. [W] prétend que l'utilisation de tels véhicules étaient nécessaires pour l'image de la société.

Il n'apporte cependant pas la preuve que l'utilisation de tels véhicules était dans l'intérêt social de la société [29] qui était en difficulté.

La cour souligne par ailleurs que le véhicule FERRARI qui n'appartenait pas à la société [29] était assurée directement par elle, ce qui constitue un usage abusif des biens de l'entreprise.

Quant aux nombreux chèques d'un montant très importants tirés sur le compte de la société [29], il a été établi qu'ils n'étaient pas justifiés pour les besoins de l'entreprise, tout comme les sommes versées à la SCI [18]. M. [W], président de la société, est à l'origine de ces débits.

Il en résulte que le grief de l'article L. 653-4, 1° est caractérisé.

Sur le quantum de la sanction personnelle

M. [W] soutient, à titre subsidiaire, que, même en retenant la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal au 31 décembre 2019, la déclaration de cessation des paiements ne serait intervenue qu'avec sept jours de retard, et qu'en conséquence, la sanction de l'interdiction de gérer serait excessive et disproportionnée.

Le ministère public soutient qu'en l'espèce, trois griefs peuvent être retenus à l'encontre de M. [W], à savoir le retard dans la déclaration de cessation des paiements, le caractère incomplet de la comptabilité et l'utilisation des biens de la société comme les siens, et qu'en conséquence, afin de retenir le grief tenant au retard dans la déclaration de cessation des paiements, une interdiction de gérer d'une durée de six ans pourra être prononcée.

Sur ce,

La cour a retenu trois griefs à l'égard de M. [W] :

Le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière ;

Le fait d'avoir détourné plusieurs sommes d'argent importantes qui appartenaient à la société ;

Le fait d'avoir disposé de biens de la société comme les siens.

Au regard de la gravité de son comportement, la cour prononcera la faillite personnelle de M. [Z] [W] pour une durée de 6 ans.

Il y a lieu de mettre les dépens à la charge de M. [W].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 19 mars 2024 sauf sur le quantum de la sanction de faillite personnelle ;

Statuant à nouveau de ce seul chef

Prononce la faillite personnelle de M. [Z] [W], né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 26] (Cambodge), de nationalité française, au [Adresse 3], pour une durée de 6 ans ;

Dit que les dépens de la présente instance seront à la charge de M. [Z] [W].

LA GREFFIERE LA CONSEILLERE POUR LA PRESIDENTE EMPECHEE

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