CA Rouen, ch. soc., 23 octobre 2025, n° 24/04097
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/04097 - N° Portalis DBV2-V-B7I-J2HT
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 20 Novembre 2024
APPELANTE :
S.A.S. DEMOLIN NORMANDIE
[Adresse 4]
[Localité 8]
SELARL [J] [K], prise en la personne de Maître [J] [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentées par Me Margaux WURBEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [A] [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l'EURE
Association AGS - CGEA DE [Localité 11]
[Adresse 5]
[Adresse 9]
[Localité 7]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 09 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2025
ARRET :
REPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DE LARMINAT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
***
Rappel des faits constants
La SAS Demolin Normandie, dont le siège social était situé à [Localité 12] en Seine-Maritime, avait pour activité principale la maintenance industrielle et la mécanique générale et était spécialisée dans la fabrication, la vente, la location et la réparation de matériels industriels, moteurs et équipements professionnels pour les secteurs de l'industrie, des travaux publics et du transport. Elle appliquait la convention collective nationale de la métallurgie du 7 février 2022.
M. [A] [W], né le 20 décembre 1985, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 2 janvier 2023, en qualité de technicien de maintenance itinérant, statut ouvrier, moyennant une rémunération initiale de 2 799,93 euros pour 151,67 heures mensuelles, plus 200,07 euros pour 8,67 heures, outre une prime de présence mensuelle brute de 70 euros et des indemnités de repas.
M. [W] était basé sur le site d'[Localité 10] et effectuait des interventions de mécanique générale sur les machines de production des clients de la société Demolin Normandie.
M. [W] a été mis à pied à titre conservatoire à compter du 21 février 2024 puis, après un entretien préalable qui s'est tenu le 4 mars 2024, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 7 mars 2024, dans les termes suivants :
« Monsieur,
Par lettre remise en main propre le 21 février 2024, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 mars dernier.
Vous vous êtes présenté accompagné de M. [P] [M] à cet entretien.
Au cours de cet entretien, nous vous avons fait part des raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement pour faute grave et vous avez pu, de votre côté, être entendu et faire part de vos observations.
Les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous avons décidé de vous licencier en raison des faits suivants.
Le 15 février 2024, votre supérieur hiérarchique vous a demandé de travailler au sein du service nettoyeur afin de remettre des machines en état. Cette demande était parfaitement conforme à vos missions habituelles, telles qu'elles ont été définies depuis votre embauche par la société.
Pourtant, vous avez cru pouvoir répondre à votre manager, devant l'ensemble de vos collègues, qu'à compter de ce jour, vous ne prendriez plus votre poste au service nettoyeur. Non seulement vous avez adopté un ton inadéquat, mais vous avez également maintenu cette attitude en élevant la voix et en menaçant à plusieurs reprises de démissionner si vous étiez affecté à cette tâche. Vos propos ont confirmé votre ferme opposition à occuper ce poste.
Il ne vous appartient pas de décider unilatéralement des tâches qui peuvent ou non vous être attribuées ; cette fonction revenant exclusivement à votre supérieur hiérarchique, M. [T], qui seul connaît les priorités des clients et est ainsi en mesure d'organiser le service en conséquence.
Votre comportement caractérise une insubordination envers votre hiérarchie totalement inacceptable. Cette attitude a eu pour effet de remettre en question la légitimité de votre supérieur hiérarchique devant vos collègues et a nui à l'ambiance générale au sein du service.
Quelques jours plus tard, vous avez à nouveau commis une faute grave dans le cadre de vos fonctions. Le 21 février 2024, dans l'après-midi, M. [T] vous a demandé d'effectuer un prélèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec votre camion de service. Vous lui avez alors répondu « non je ne peux pas y aller, le camion est plein ».
Votre supérieur hiérarchique a alors découvert que votre véhicule de service était chargé par vos affaires personnelles que vous souhaitiez vraisemblablement porter à la déchetterie. Vous n'êtes pourtant pas sans savoir que ce véhicule de service est mis à votre disposition par notre entreprise à des fins exclusivement professionnelles et que toute utilisation personnelle doit faire l'objet d'un accord préalable de votre hiérarchie. Vous vous êtes affranchi de cette procédure en parfaite violation des dispositions en vigueur dans l'entreprise.
Pire, vous avez alors refusé d'accomplir la tâche assignée par votre responsable en prétextant que celui-ci aurait déjà dépassé la limite de poids total autorisée en charge (PTAC) avec vos affaires personnelles. Ce nouveau refus d'effectuer une mission confiée par votre supérieur hiérarchique constitue, là encore, une insubordination ne pouvant être tolérée par la société.
Votre comportement a entraîné une désorganisation du service, nécessitant de trouver une solution d'urgence en reportant au lendemain l'enlèvement des pièces chez le fournisseur. Cela a résulté en une perte de temps significative pour l'équipe.
Lors de votre entretien, vous avez reconnu que vos propos envers votre hiérarchie, tenus devant l'ensemble de vos collègues, étaient inappropriés et que vous aviez commis une erreur. Vous avez admis que vous étiez sous tension à ce moment-là, ce qui ne justifie cependant pas votre comportement. En outre, vous avez reconnu que votre camion était en effet chargé de vos effets personnels, sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'entreprise. Cette action constitue une violation flagrante de nos politiques internes/de votre contrat de travail/de notre règlement intérieur et justifie ainsi votre licenciement pour faute grave.
Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Par la présente, vous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période de mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 21 février 2024 ne sera pas rémunérée.
Nous vous adresserons par voie postale, à compter du 14 mars 2024, votre certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, et l'attestation Pôle emploi ».
La société Demolin Normandie a fait l'objet d'une procédure collective ouverte par jugement du tribunal de commerce de Rouen le 26 mars 2024. Dans un premier temps, la société a fait l'objet d'un redressement judiciaire, Me [R] ayant été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me [K], en qualité de mandataire judiciaire, puis, la société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 3 septembre 2024, Me [K] ayant alors été désignée liquidateur judiciaire.
M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 15 juillet 2024.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [W] a présenté les demandes suivantes :
- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit les sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 6 688,16 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l'équivalent de deux mois de salaire,
. 1 938,36 euros à titre de salaire sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
- fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document courant à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer le jugement opposable au CGEA.
La société Demolin Normandie n'a pas comparu devant le conseil de prud'hommes, ni ses représentants. L'AGS-CGEA de [Localité 11] n'a pas non plus comparu.
L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 16 octobre 2024.
En cours de délibéré, par courriel du 6 novembre 2024, la société Demolin Normandie et les organes de la procédure collective ont sollicité la réouverture des débats.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 novembre 2024, la section industrie du conseil de prud'hommes d'Evreux a :
- rejeté la demande de réouverture des débats formée par la partie défenderesse en cours de délibéré,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie les créances de M. [W] aux sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 6 688,16 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- ordonné à Me [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie, de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés,
- dit et jugé en tout état de cause que les dispositions du jugement à intervenir sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale, celle-ci étant plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un mois des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
- fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie.
Pour dire le licenciement de M. [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur, défaillant, ne rapportait pas la preuve des griefs allégués.
La procédure d'appel
La société [J] [K], ès qualités, a interjeté appel du jugement par déclaration du 2 décembre 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/04097.
Par ordonnance rendue le 26 août 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de la société [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie, appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 23 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société [J] [K], ès qualités, demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie, au profit de M. [W], les créances suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 6 688,16 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
en conséquence,
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [W] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 985 euros,
- apprécier dans de bien plus justes proportions les demandes formulées par M. [W],
- débouter M. [W] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- débouter M. [W] du surplus de ses demandes.
Prétentions de M. [W], intimé
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [W] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
. dit et jugé que son licenciement était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
. fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie à son profit les sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 6 688,16 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
. ordonné à Me [K] de remettre sans astreinte les documents de fin de contrat rectifiés,
. dit et jugé en tout état de cause que les dispositions du jugement à intervenir sont opposables à l'AGS CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale, celle-ci étant plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un mois des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
. fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie,
statuant à nouveau,
- débouter la société Demolin Normandie et Me [K], ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- fixer les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie.
Prétentions de l'AGS-CGEA de [Localité 11], intimée
L'AGS-CGEA de [Localité 11] n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel et les conclusions de la société [J] [K], ès qualités, lui ont été signifiées par acte de commissaire de justice du 27 février 2025, remis à une personne habilitée à recevoir l'acte.
L'arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile.
Par courrier du 28 février 2025, l'AGS-CGEA de [Localité 11] a transmis à la cour une fiche de renseignements relatives à l'identification de l'employeur et de la procédure collective, l'a informée qu'au vu de l'objet du litige, à savoir la contestation de la rupture du contrat de travail, elle ne serait ni présente, ni représentée lors de l'audience dans la mesure où il ne disposait d'aucun élément permettant d'éclairer utilement la cour.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le licenciement pour faute grave
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité d'un licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aux termes de la lettre de licenciement tels qu'ils ont été énoncés précédemment, lesquels fixent les limites du litige, il est reproché à M. [W] deux griefs :
- le refus d'effectuer une tâche demandée par son supérieur hiérarchique le 15 février 2024
- le refus d'effectuer une autre tâche et l'utilisation à des fins personnelles de son véhicule de service le 21 février 2024.
S'agissant des faits du 15 février 2024
La société Demolin Normandie expose que, ce jour-là, M. [T], supérieur hiérarchique de M. [W], a expressément demandé à celui-ci de travailler au sein du service nettoyeur afin de remettre des machines en état, que cette tâche correspondait à sa fiche de poste et à son contrat de travail, que pourtant, M. [W] a cru pouvoir répondre à son manager, devant l'ensemble de ses collègues, qu'à compter de ce jour, il ne prendrait plus son poste au service nettoyeur, que M. [T] a immédiatement échangé avec le salarié qui a alors menacé de démissionner de son poste si son manager refusait ses exigences.
Pour rapporter la preuve du grief, elle produit un courriel de M. [T] du 16 février 2024 adressé à [E] [B], son propre supérieur hiérarchique, intitulé « PB [A] [W] » dans lequel il indique :
« [E],
Suite à une situation compliquée hier.
C'est pour un refus d'organisation et de travail.
Après coup de pression et de la provoc.
Un peu de chantage sur sa démission rapide si je refuse ses exigences.
En présence de pas mal de monde.
C'est [A] [W].
Il a environ 14 mois d'ancienneté.
On se tient au courant sur ce dossier.
Comme il a changé d'avis lors de l'entretien sur sa démission.
Je veux marquer le coup étant donné que tout le monde était présent lors de ce problème.
Vois le message que je lui ai envoyé en PJ STP » (pièce 10 de l'employeur).
La société Demolin Normandie produit également le message adressé à M. [W] par M. [T] à 19h21 :
« Bonsoir [A], pour donner suite à la situation complexe de ce matin et de notre entretien qui en a découlé. Je reste sur ma position. Soit tu envoies ta lettre de démission comme tu l'as annoncé à une bonne partie de l'équipe d'[Localité 10], soit on trouve une solution constructive très rapide. Je ne suis pas à l'agence demain mais on se voit lundi pour solutionner impérativement ce point dans la journée. Bonne soirée. [X]. » (pièce 11 de l'employeur)
Certes, comme le soutient le salarié, ces écrits ne contiennent que la version de M. [T] et sont donc insuffisants à établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés.
Pour autant, M. [W] indique précisément, page 9 de ses conclusions, qu' « il est exact qu'il ne conteste pas avoir refusé d'exécuter sa mission sollicitée par son supérieur hiérarchique, ce refus s'explique par les conditions dans lesquelles il aurait été amené à l'accomplir ».
Ainsi, le refus d'exécuter la mission commandée est matériellement établie.
M. [W] explique à ce sujet que son supérieur hiérarchique lui a demandé d'aller travailler au service nettoyeur, ce qui consiste à nettoyer des machines au moyen d'un karcher, que ce service ne comporte qu'un seul poste de travail avec un table élévatrice, déjà occupé par une salariée, qu'il a donc dit à M. [T] qu'il ne pouvait pas travailler dans ce service dans ces conditions, puisque cela l'obligeait à travailler à même le sol, ce qui ne répondait pas aux exigences de sécurité.
Il soutient que son refus était parfaitement légitime et explicite mais ne produit aucun élément utile permettant de vérifier qu'il a effectivement opposé ce motif, ni sa pertinence.
Il sera en conséquence retenu que son refus était fautif.
La société Demolin Normandie reproche également à M. [W], au titre de ce premier grief, d'avoir adopté un ton inadéquat en élevant la voix et en menaçant à plusieurs reprises de démissionner si M. [T] persistait à l'affecter à cette tâche.
Elle ne produit toutefois aucun élément de preuve à ce sujet, se limitant à faire valoir, de façon inopérante, que le salarié aurait reconnu l'intégralité des faits lors de l'entretien préalable et se serait excusé, ce qui, en tout état de cause, ne résulte pas, de façon évidente, du compte rendu rédigé par M. [M].
Dans ces conditions, il ne sera pas retenu que M. [W] a élevé la voix, ni menacé son supérieur hiérarchique de démissionner s'il persistait à l'affecter à cette tâche, ce que le salarié nie résolument.
Il produit d'ailleurs les attestations de deux de ses collègues présents ce jour-là, qui confirment sa position.
Ainsi, M. [I] énonce : « Je soussigné, M. [D] [I], avoir été présent durant la discussion du 15 février 2024 entre M. [W] [A] et M. [T] [X] et j'atteste que M. [W] [A] n'a jamais refusé de travailler pour le nettoyeur haute pression. La discussion était fluide. M. [W] était courtois tout au long de la conversation et à aucun moment, n'a haussé le ton envers M. [T]. » (pièce 6 du salarié).
M. [M], quant à lui, témoigne en ces termes : « Je soussigné, [P] [M], avoir été présent durant la discussion du jeudi 15 février 2024 entre M. [X] [T] et M. [A] [W]. Durant cette discussion, M. [A] [W] n'a pas refusé de travailler au service du nettoyeur haute pression. M. [A] [W] n'a pas monté le ton et n'a pas été injurieux pendant la conversation » (pièce 7 du salarié).
Il sera observé que les attestants prétendent le contraire de ce que soutient M. [W], à savoir que ce dernier n'a pas refusé d'exécuter la tâche demandée, ce qui enlève nécessairement de la crédibilité à leur témoignage. Pour autant, ils soulignent le ton calme des protagonistes, ce qui n'est remis en cause par aucune pièce versée aux débats.
S'agissant des faits du 21 février 2024
La société Demolin Normandie expose que ce jour-là, dans l'après-midi, M. [T] a demandé à M. [W] d'effectuer un enlèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec son camion de service, dont celui-ci disposait dans le cadre de ses fonctions, que, de manière surprenante, M. [W] a répondu qu'il ne pouvait pas y aller car le camion était plein, que M. [T] a alors découvert que le camion était chargé d'affaires personnelles appartenant au salarié que celui-ci souhaitait vraisemblablement apporter à la déchetterie, que le salarié a alors refusé d'accomplir la tâche qui lui avait été assignée, au prétexte que celui-ci aurait déjà dépassé la limite du PTAC.
L'employeur, à qui en incombe la charge, ne produit aucun élément de preuve de ce grief.
De son côté et à titre surabondant, M. [W] explique, sans en justifier davantage, qu'il lui est reproché d'avoir refusé d'effectuer un prélèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec son camion de service comme cela lui a pourtant été demandé par M. [T], que suite à ce supposé refus, son supérieur hiérarchique aurait découvert que son véhicule de service était chargé de ses affaires personnelles, sans qu'il n'ait eu d'autorisation pour cela, qu'il aurait en outre refusé d'accomplir cette tâche en raison d'un dépassement du PTAC avec ses affaires personnelles, qu'en réalité, il n'a reçu aucune directive de la part de son supérieur hiérarchique mais de Mme [N], l'assistante de M. [T], qu'il lui a alors demandé, comme il est d'usage, quelle était la taille des pièces concernées pour vérifier s'il pouvait les transporter, que Mme [N] n'a pas obtenu de réponse de M. [T] à ce sujet, que faute des informations nécessaires au transport, il n'a pas procédé au chargement de ces pièces.
Il produit une nouvelle attestation de M. [I] en ces termes : « Je soussigné, M. [D] [I], avoir assisté à la conversation du lundi 19 février 2024 entre M. [A] [W] et Mme [V] [N]. Mme [V] [N] est venue voir M. [A] [W]. Lors de leur conversation, Mme [V] [N] a demandé à M. [A] [W] d'aller chercher des pièces mécaniques à 15h40. M. [A] [W] a informé Mme [V] [N] qu'il devait voir ce matin M. [X] [T] pour lui demander de partir plus tôt ce jour-là. Finalement, M. [A] [W] n'a pas vu M. [X] [T]. M. [A] [W] a dit à Mme [N], si M. [T] veut que j'aille chercher ces pièces mécaniques j'accepte mais j'aimerais avoir la taille des pièces car j'ai un objet personnel dans le camion. Plus tard, Mme [V] [N] (est revenu) voir M. [A] [W] et lui signale qu'elle n'a pas réussi à joindre M. [X] [T]. M. [A] [W] n'a eu aucune directive de la journée. » (pièce 8 du salarié).
La matérialité de ce second grief n'est pas établie.
M. [W] soutient qu'à supposer même la matérialité des deux griefs établie, la sanction qui lui a été infligée est manifestement disproportionnée, en l'absence de tout antécédent disciplinaire.
Le premier grief, seul retenu comme étant établi et seulement partiellement, ne justifie, en effet pas, une sanction aussi définitive que le licenciement, alors que l'employeur ne rapporte la preuve d'aucun antécédent disciplinaire.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement de Monsieur [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du salarié
M. [W] peut prétendre, ainsi qu'il le demande, à plusieurs indemnités au titre des conséquences de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. [W] base ses demandes sur un salaire de 3 344,08 euros, qui n'est pas remis en cause par l'employeur, et qui correspond aux bulletins de salaire d'avril 2023 à mars 2024 (pièce 6 de l'employeur et 10 du salarié).
Indemnité légale de licenciement
Celle-ci, prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail, a été fixée à la somme de 1 078,47 euros par le conseil de prud'hommes, conformément à la demande du salarié.
La société [J] [K], ès qualités, conteste ce montant, soutenant que l'indemnité aurait dû être calculée sur la base d'une ancienneté d'1 an et 2 mois, correspondant à la durée qui s'est écoulée entre le début du contrat de travail et le licenciement du salarié, sans prise en compte du préavis.
Cet argument doit toutefois être écarté dès lors qu'il est constant que, pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié doit s'apprécier à la date d'expiration du préavis, même non effectué.
En l'espèce, il doit donc être pris en compte, contrairement à ce que soutient l'employeur, la durée du préavis, lequel a pris fin le 15 mars 2024, de sorte M. [W] peut prétendre, sur la base d'un salaire de 3 344,08 euros, à une indemnité légale de licenciement de 1 078,47 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.
Indemnité compensatrice de préavis
Celle-ci, correspondant au mois de salaire que M. [W] aurait perçu s'il avait continué à travailler, doit être fixée à la somme de 3 344,08 euros outre les congés payés afférents, conformément à la décision du conseil de prud'hommes, qui sera confirmée de ce chef.
Rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire
Il est dû à ce titre, prorata temporis (du 22 février au 7 mars 2024) sur la base d'un salaire mensuel de 3 344,07 euros, une somme de 1 938,36 euros outre les congés payés afférents, conformément à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes qui sera confirmé sur ce point.
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il est rappelé que l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit au profit du salarié employé dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, « une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés » en fonction de l'ancienneté en années complètes dans l'entreprise.
Conformément à ces dispositions, pour 1 an d'ancienneté en années complètes, l'indemnité minimale est fixée à un mois de salaire brut et l'indemnité maximale est fixée à deux mois de salaire brut.
Poursuivant l'infirmation du jugement qui a accordé le montant maximal à M. [W], la société Demolin Normandie fait valoir que l'octroi de l'indemnité maximale du barème n'est pas automatique, qu'il appartient au salarié d'établir le préjudice qui justifierait d'un montant supérieur au plancher légal, ce que M. [W] ne fait pas, celui-ci justifiant au contraire avoir retrouvé un emploi d'abord à durée déterminée puis à durée indéterminée, dès le 10 avril 2024, soit un mois après son licenciement.
M. [W], pour sa part, fait valoir qu'il n'est parvenu à retrouver un emploi stable qu'à compter du 2 septembre 2024, que depuis cette date, il est employé par la société Redex mais ne perçoit qu'une rémunération de 2 600 euros alors qu'il percevait une rémunération de 3 000 euros auparavant, pour une même durée de travail, qu'avant ce contrat, il a été engagé en contrat à durée déterminée par la société Auto Distribution moyennent une rémunération mensuelle de 2 400 euros pour 37 heures de travail hebdomadaires. Il considère que son préjudice financier justifie qu'il soit indemnisé sur la base maximale de deux mois de salaire.
Au regard de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de l'entreprise, du salaire qui lui était versé et des conséquences du licenciement à son égard, l'indemnité qui est due à M. [W] en raison de la perte injustifiée de son emploi sera évaluée à la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la tardiveté de la remise des documents de fin de contrat de travail
M. [W] sollicite, conformément à sa demande et à ce qu'il a obtenu en première instance, l'allocation d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Au soutien de sa demande, il explique qu'il a été licencié par lettre datée du 7 mars 2024, que celle-ci précisait qu'il recevrait ses documents de fin de contrat à compter du 15 mars 2024, qu'il n'a toutefois rien reçu à cette date, qu'il les a réclamés à trois reprises, par un courriel du 27 mars 2024 et deux courriels du 8 avril 2024, sans résultats, qu'en définitive, il ne les a reçus que le 8 avril 2024.
Il prétend qu'il a été placé dans l'impossibilité de s'inscrire à Pôle emploi durant un mois et qu'il a été privé de tout revenu durant plusieurs semaines.
La société Demolin Normandie s'oppose à la demande. Elle rappelle que M. [W] a quitté les effectifs le 15 mars 2024, que ses documents de fin de contrat lui ont été délivrés le 8 avril 2024, soit 24 jours seulement après.
Elle rappelle également qu'elle a été placée en redressement judiciaire quelques jours à peine après le licenciement de M. [W], le 26 mars 2024, ce qui a perturbé les services des ressources humaines et de la paie, l'administrateur ayant alors dû vérifier l'ensemble des documents émis par la société et valider les paiements sortants.
Elle soutient, à titre principal, que le salarié ne justifie d'aucun préjudice. Il ne justifie pas d'un retard dans sa prise en charge par l'assurance chômage, étant rappelé qu'il a trouvé un emploi un mois après son licenciement.
Elle ajoute que les documents de fin de contrat sont en principe quérables et non portables, que la seule obligation de l'employeur est de les tenir à disposition du salarié, M. [W] ne justifiant pas s'être présenté dans les locaux de l'entreprise afin d'en obtenir la remise en mains propres.
Sur ce,
Il est constant que, lorsque le retard dans la remise des documents de fin de contrat de travail cause un préjudice au salarié, il peut en demander réparation, à condition d'établir la réalité du préjudice que ce retard lui cause.
Au cas d'espèce, il sera d'abord observé, qu'au regard du contexte de l'ouverture d'une procédure collective et de son incidence sur les différents services administratifs de la société Demolin Normandie, le délai d'un mois entre le licenciement et la remise des documents de fin de contrat de travail n'apparaît pas manifestement excessif.
En toute hypothèse, le salarié ne justifie pas, ainsi que le soutient l'employeur, d'un préjudice en lien avec cette tardiveté alléguée. Il ne produit notamment aucun élément émanant de France Travail de nature à corroborer ses dires.
En conséquence, il convient de débouter M. [W] de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la fixation au passif
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 11]
Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans la limite de sa garantie légale.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail rectifiés
La société [J] [K], ès qualités, demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés, tandis que M. [W] demande la confirmation du chef du jugement qui a ordonné la remise des documents sans astreinte.
La cour est dès lors saisie de la demande de remise des documents de fin de contrat de travail rectifiés mais non du prononcé d'une astreinte.
En l'espèce, M. [W] est bien fondé à solliciter la remise par la société [J] [K], ès qualités, des documents de fin de contrat, l'ensemble de ceux-ci devant être conformes aux termes du présent arrêt.
Sur les frais du procès
Tenant compte de la décision rendue, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé les dépens de première instance au passif de la société Demolin Normandie et en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront fixés au passif de la société Demolin Normandie en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et la société [J] [K], ès qualités, sera déboutée de sa demande présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evreux le 20 novembre 2024, excepté en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie les créances suivantes de M. [A] [W] :
. 6 688,16 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Demolin Normandie, au profit de M. [A] [W] :
. la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. les dépens d'appel,
DÉBOUTE M. [A] [W] de sa demande présentée au titre de la tardiveté de la remise des documents de fin de contrat de travail,
ENJOINT à la SELARL [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Demolin Normandie, de remettre à M. [A] [W] des documents de fin de contrat conformes aux termes du présent arrêt,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale,
DÉBOUTE la SELARL [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Demolin Normandie, de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Eva Werner, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 20 Novembre 2024
APPELANTE :
S.A.S. DEMOLIN NORMANDIE
[Adresse 4]
[Localité 8]
SELARL [J] [K], prise en la personne de Maître [J] [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentées par Me Margaux WURBEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [A] [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l'EURE
Association AGS - CGEA DE [Localité 11]
[Adresse 5]
[Adresse 9]
[Localité 7]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 09 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2025
ARRET :
REPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DE LARMINAT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
***
Rappel des faits constants
La SAS Demolin Normandie, dont le siège social était situé à [Localité 12] en Seine-Maritime, avait pour activité principale la maintenance industrielle et la mécanique générale et était spécialisée dans la fabrication, la vente, la location et la réparation de matériels industriels, moteurs et équipements professionnels pour les secteurs de l'industrie, des travaux publics et du transport. Elle appliquait la convention collective nationale de la métallurgie du 7 février 2022.
M. [A] [W], né le 20 décembre 1985, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 2 janvier 2023, en qualité de technicien de maintenance itinérant, statut ouvrier, moyennant une rémunération initiale de 2 799,93 euros pour 151,67 heures mensuelles, plus 200,07 euros pour 8,67 heures, outre une prime de présence mensuelle brute de 70 euros et des indemnités de repas.
M. [W] était basé sur le site d'[Localité 10] et effectuait des interventions de mécanique générale sur les machines de production des clients de la société Demolin Normandie.
M. [W] a été mis à pied à titre conservatoire à compter du 21 février 2024 puis, après un entretien préalable qui s'est tenu le 4 mars 2024, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 7 mars 2024, dans les termes suivants :
« Monsieur,
Par lettre remise en main propre le 21 février 2024, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 mars dernier.
Vous vous êtes présenté accompagné de M. [P] [M] à cet entretien.
Au cours de cet entretien, nous vous avons fait part des raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement pour faute grave et vous avez pu, de votre côté, être entendu et faire part de vos observations.
Les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous avons décidé de vous licencier en raison des faits suivants.
Le 15 février 2024, votre supérieur hiérarchique vous a demandé de travailler au sein du service nettoyeur afin de remettre des machines en état. Cette demande était parfaitement conforme à vos missions habituelles, telles qu'elles ont été définies depuis votre embauche par la société.
Pourtant, vous avez cru pouvoir répondre à votre manager, devant l'ensemble de vos collègues, qu'à compter de ce jour, vous ne prendriez plus votre poste au service nettoyeur. Non seulement vous avez adopté un ton inadéquat, mais vous avez également maintenu cette attitude en élevant la voix et en menaçant à plusieurs reprises de démissionner si vous étiez affecté à cette tâche. Vos propos ont confirmé votre ferme opposition à occuper ce poste.
Il ne vous appartient pas de décider unilatéralement des tâches qui peuvent ou non vous être attribuées ; cette fonction revenant exclusivement à votre supérieur hiérarchique, M. [T], qui seul connaît les priorités des clients et est ainsi en mesure d'organiser le service en conséquence.
Votre comportement caractérise une insubordination envers votre hiérarchie totalement inacceptable. Cette attitude a eu pour effet de remettre en question la légitimité de votre supérieur hiérarchique devant vos collègues et a nui à l'ambiance générale au sein du service.
Quelques jours plus tard, vous avez à nouveau commis une faute grave dans le cadre de vos fonctions. Le 21 février 2024, dans l'après-midi, M. [T] vous a demandé d'effectuer un prélèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec votre camion de service. Vous lui avez alors répondu « non je ne peux pas y aller, le camion est plein ».
Votre supérieur hiérarchique a alors découvert que votre véhicule de service était chargé par vos affaires personnelles que vous souhaitiez vraisemblablement porter à la déchetterie. Vous n'êtes pourtant pas sans savoir que ce véhicule de service est mis à votre disposition par notre entreprise à des fins exclusivement professionnelles et que toute utilisation personnelle doit faire l'objet d'un accord préalable de votre hiérarchie. Vous vous êtes affranchi de cette procédure en parfaite violation des dispositions en vigueur dans l'entreprise.
Pire, vous avez alors refusé d'accomplir la tâche assignée par votre responsable en prétextant que celui-ci aurait déjà dépassé la limite de poids total autorisée en charge (PTAC) avec vos affaires personnelles. Ce nouveau refus d'effectuer une mission confiée par votre supérieur hiérarchique constitue, là encore, une insubordination ne pouvant être tolérée par la société.
Votre comportement a entraîné une désorganisation du service, nécessitant de trouver une solution d'urgence en reportant au lendemain l'enlèvement des pièces chez le fournisseur. Cela a résulté en une perte de temps significative pour l'équipe.
Lors de votre entretien, vous avez reconnu que vos propos envers votre hiérarchie, tenus devant l'ensemble de vos collègues, étaient inappropriés et que vous aviez commis une erreur. Vous avez admis que vous étiez sous tension à ce moment-là, ce qui ne justifie cependant pas votre comportement. En outre, vous avez reconnu que votre camion était en effet chargé de vos effets personnels, sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'entreprise. Cette action constitue une violation flagrante de nos politiques internes/de votre contrat de travail/de notre règlement intérieur et justifie ainsi votre licenciement pour faute grave.
Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Par la présente, vous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période de mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 21 février 2024 ne sera pas rémunérée.
Nous vous adresserons par voie postale, à compter du 14 mars 2024, votre certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, et l'attestation Pôle emploi ».
La société Demolin Normandie a fait l'objet d'une procédure collective ouverte par jugement du tribunal de commerce de Rouen le 26 mars 2024. Dans un premier temps, la société a fait l'objet d'un redressement judiciaire, Me [R] ayant été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me [K], en qualité de mandataire judiciaire, puis, la société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 3 septembre 2024, Me [K] ayant alors été désignée liquidateur judiciaire.
M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 15 juillet 2024.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [W] a présenté les demandes suivantes :
- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit les sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 6 688,16 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l'équivalent de deux mois de salaire,
. 1 938,36 euros à titre de salaire sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
- fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document courant à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- fixer au passif de la procédure collective de la société Demolin Normandie à son profit la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer le jugement opposable au CGEA.
La société Demolin Normandie n'a pas comparu devant le conseil de prud'hommes, ni ses représentants. L'AGS-CGEA de [Localité 11] n'a pas non plus comparu.
L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 16 octobre 2024.
En cours de délibéré, par courriel du 6 novembre 2024, la société Demolin Normandie et les organes de la procédure collective ont sollicité la réouverture des débats.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 novembre 2024, la section industrie du conseil de prud'hommes d'Evreux a :
- rejeté la demande de réouverture des débats formée par la partie défenderesse en cours de délibéré,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie les créances de M. [W] aux sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 6 688,16 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- ordonné à Me [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie, de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés,
- dit et jugé en tout état de cause que les dispositions du jugement à intervenir sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale, celle-ci étant plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un mois des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
- fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie.
Pour dire le licenciement de M. [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur, défaillant, ne rapportait pas la preuve des griefs allégués.
La procédure d'appel
La société [J] [K], ès qualités, a interjeté appel du jugement par déclaration du 2 décembre 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/04097.
Par ordonnance rendue le 26 août 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de la société [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demolin Normandie, appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 23 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société [J] [K], ès qualités, demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie, au profit de M. [W], les créances suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 6 688,16 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
en conséquence,
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [W] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 985 euros,
- apprécier dans de bien plus justes proportions les demandes formulées par M. [W],
- débouter M. [W] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- débouter M. [W] du surplus de ses demandes.
Prétentions de M. [W], intimé
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [W] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
. dit et jugé que son licenciement était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
. fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie à son profit les sommes suivantes :
. 1 078,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 6 688,16 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 344,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 334,41 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 938,36 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied injustifiée,
. 193,84 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
. ordonné à Me [K] de remettre sans astreinte les documents de fin de contrat rectifiés,
. dit et jugé en tout état de cause que les dispositions du jugement à intervenir sont opposables à l'AGS CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale, celle-ci étant plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un mois des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
. fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie,
statuant à nouveau,
- débouter la société Demolin Normandie et Me [K], ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- fixer les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie.
Prétentions de l'AGS-CGEA de [Localité 11], intimée
L'AGS-CGEA de [Localité 11] n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel et les conclusions de la société [J] [K], ès qualités, lui ont été signifiées par acte de commissaire de justice du 27 février 2025, remis à une personne habilitée à recevoir l'acte.
L'arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile.
Par courrier du 28 février 2025, l'AGS-CGEA de [Localité 11] a transmis à la cour une fiche de renseignements relatives à l'identification de l'employeur et de la procédure collective, l'a informée qu'au vu de l'objet du litige, à savoir la contestation de la rupture du contrat de travail, elle ne serait ni présente, ni représentée lors de l'audience dans la mesure où il ne disposait d'aucun élément permettant d'éclairer utilement la cour.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le licenciement pour faute grave
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité d'un licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aux termes de la lettre de licenciement tels qu'ils ont été énoncés précédemment, lesquels fixent les limites du litige, il est reproché à M. [W] deux griefs :
- le refus d'effectuer une tâche demandée par son supérieur hiérarchique le 15 février 2024
- le refus d'effectuer une autre tâche et l'utilisation à des fins personnelles de son véhicule de service le 21 février 2024.
S'agissant des faits du 15 février 2024
La société Demolin Normandie expose que, ce jour-là, M. [T], supérieur hiérarchique de M. [W], a expressément demandé à celui-ci de travailler au sein du service nettoyeur afin de remettre des machines en état, que cette tâche correspondait à sa fiche de poste et à son contrat de travail, que pourtant, M. [W] a cru pouvoir répondre à son manager, devant l'ensemble de ses collègues, qu'à compter de ce jour, il ne prendrait plus son poste au service nettoyeur, que M. [T] a immédiatement échangé avec le salarié qui a alors menacé de démissionner de son poste si son manager refusait ses exigences.
Pour rapporter la preuve du grief, elle produit un courriel de M. [T] du 16 février 2024 adressé à [E] [B], son propre supérieur hiérarchique, intitulé « PB [A] [W] » dans lequel il indique :
« [E],
Suite à une situation compliquée hier.
C'est pour un refus d'organisation et de travail.
Après coup de pression et de la provoc.
Un peu de chantage sur sa démission rapide si je refuse ses exigences.
En présence de pas mal de monde.
C'est [A] [W].
Il a environ 14 mois d'ancienneté.
On se tient au courant sur ce dossier.
Comme il a changé d'avis lors de l'entretien sur sa démission.
Je veux marquer le coup étant donné que tout le monde était présent lors de ce problème.
Vois le message que je lui ai envoyé en PJ STP » (pièce 10 de l'employeur).
La société Demolin Normandie produit également le message adressé à M. [W] par M. [T] à 19h21 :
« Bonsoir [A], pour donner suite à la situation complexe de ce matin et de notre entretien qui en a découlé. Je reste sur ma position. Soit tu envoies ta lettre de démission comme tu l'as annoncé à une bonne partie de l'équipe d'[Localité 10], soit on trouve une solution constructive très rapide. Je ne suis pas à l'agence demain mais on se voit lundi pour solutionner impérativement ce point dans la journée. Bonne soirée. [X]. » (pièce 11 de l'employeur)
Certes, comme le soutient le salarié, ces écrits ne contiennent que la version de M. [T] et sont donc insuffisants à établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés.
Pour autant, M. [W] indique précisément, page 9 de ses conclusions, qu' « il est exact qu'il ne conteste pas avoir refusé d'exécuter sa mission sollicitée par son supérieur hiérarchique, ce refus s'explique par les conditions dans lesquelles il aurait été amené à l'accomplir ».
Ainsi, le refus d'exécuter la mission commandée est matériellement établie.
M. [W] explique à ce sujet que son supérieur hiérarchique lui a demandé d'aller travailler au service nettoyeur, ce qui consiste à nettoyer des machines au moyen d'un karcher, que ce service ne comporte qu'un seul poste de travail avec un table élévatrice, déjà occupé par une salariée, qu'il a donc dit à M. [T] qu'il ne pouvait pas travailler dans ce service dans ces conditions, puisque cela l'obligeait à travailler à même le sol, ce qui ne répondait pas aux exigences de sécurité.
Il soutient que son refus était parfaitement légitime et explicite mais ne produit aucun élément utile permettant de vérifier qu'il a effectivement opposé ce motif, ni sa pertinence.
Il sera en conséquence retenu que son refus était fautif.
La société Demolin Normandie reproche également à M. [W], au titre de ce premier grief, d'avoir adopté un ton inadéquat en élevant la voix et en menaçant à plusieurs reprises de démissionner si M. [T] persistait à l'affecter à cette tâche.
Elle ne produit toutefois aucun élément de preuve à ce sujet, se limitant à faire valoir, de façon inopérante, que le salarié aurait reconnu l'intégralité des faits lors de l'entretien préalable et se serait excusé, ce qui, en tout état de cause, ne résulte pas, de façon évidente, du compte rendu rédigé par M. [M].
Dans ces conditions, il ne sera pas retenu que M. [W] a élevé la voix, ni menacé son supérieur hiérarchique de démissionner s'il persistait à l'affecter à cette tâche, ce que le salarié nie résolument.
Il produit d'ailleurs les attestations de deux de ses collègues présents ce jour-là, qui confirment sa position.
Ainsi, M. [I] énonce : « Je soussigné, M. [D] [I], avoir été présent durant la discussion du 15 février 2024 entre M. [W] [A] et M. [T] [X] et j'atteste que M. [W] [A] n'a jamais refusé de travailler pour le nettoyeur haute pression. La discussion était fluide. M. [W] était courtois tout au long de la conversation et à aucun moment, n'a haussé le ton envers M. [T]. » (pièce 6 du salarié).
M. [M], quant à lui, témoigne en ces termes : « Je soussigné, [P] [M], avoir été présent durant la discussion du jeudi 15 février 2024 entre M. [X] [T] et M. [A] [W]. Durant cette discussion, M. [A] [W] n'a pas refusé de travailler au service du nettoyeur haute pression. M. [A] [W] n'a pas monté le ton et n'a pas été injurieux pendant la conversation » (pièce 7 du salarié).
Il sera observé que les attestants prétendent le contraire de ce que soutient M. [W], à savoir que ce dernier n'a pas refusé d'exécuter la tâche demandée, ce qui enlève nécessairement de la crédibilité à leur témoignage. Pour autant, ils soulignent le ton calme des protagonistes, ce qui n'est remis en cause par aucune pièce versée aux débats.
S'agissant des faits du 21 février 2024
La société Demolin Normandie expose que ce jour-là, dans l'après-midi, M. [T] a demandé à M. [W] d'effectuer un enlèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec son camion de service, dont celui-ci disposait dans le cadre de ses fonctions, que, de manière surprenante, M. [W] a répondu qu'il ne pouvait pas y aller car le camion était plein, que M. [T] a alors découvert que le camion était chargé d'affaires personnelles appartenant au salarié que celui-ci souhaitait vraisemblablement apporter à la déchetterie, que le salarié a alors refusé d'accomplir la tâche qui lui avait été assignée, au prétexte que celui-ci aurait déjà dépassé la limite du PTAC.
L'employeur, à qui en incombe la charge, ne produit aucun élément de preuve de ce grief.
De son côté et à titre surabondant, M. [W] explique, sans en justifier davantage, qu'il lui est reproché d'avoir refusé d'effectuer un prélèvement de trois pièces chez un fournisseur pour un client avec son camion de service comme cela lui a pourtant été demandé par M. [T], que suite à ce supposé refus, son supérieur hiérarchique aurait découvert que son véhicule de service était chargé de ses affaires personnelles, sans qu'il n'ait eu d'autorisation pour cela, qu'il aurait en outre refusé d'accomplir cette tâche en raison d'un dépassement du PTAC avec ses affaires personnelles, qu'en réalité, il n'a reçu aucune directive de la part de son supérieur hiérarchique mais de Mme [N], l'assistante de M. [T], qu'il lui a alors demandé, comme il est d'usage, quelle était la taille des pièces concernées pour vérifier s'il pouvait les transporter, que Mme [N] n'a pas obtenu de réponse de M. [T] à ce sujet, que faute des informations nécessaires au transport, il n'a pas procédé au chargement de ces pièces.
Il produit une nouvelle attestation de M. [I] en ces termes : « Je soussigné, M. [D] [I], avoir assisté à la conversation du lundi 19 février 2024 entre M. [A] [W] et Mme [V] [N]. Mme [V] [N] est venue voir M. [A] [W]. Lors de leur conversation, Mme [V] [N] a demandé à M. [A] [W] d'aller chercher des pièces mécaniques à 15h40. M. [A] [W] a informé Mme [V] [N] qu'il devait voir ce matin M. [X] [T] pour lui demander de partir plus tôt ce jour-là. Finalement, M. [A] [W] n'a pas vu M. [X] [T]. M. [A] [W] a dit à Mme [N], si M. [T] veut que j'aille chercher ces pièces mécaniques j'accepte mais j'aimerais avoir la taille des pièces car j'ai un objet personnel dans le camion. Plus tard, Mme [V] [N] (est revenu) voir M. [A] [W] et lui signale qu'elle n'a pas réussi à joindre M. [X] [T]. M. [A] [W] n'a eu aucune directive de la journée. » (pièce 8 du salarié).
La matérialité de ce second grief n'est pas établie.
M. [W] soutient qu'à supposer même la matérialité des deux griefs établie, la sanction qui lui a été infligée est manifestement disproportionnée, en l'absence de tout antécédent disciplinaire.
Le premier grief, seul retenu comme étant établi et seulement partiellement, ne justifie, en effet pas, une sanction aussi définitive que le licenciement, alors que l'employeur ne rapporte la preuve d'aucun antécédent disciplinaire.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement de Monsieur [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du salarié
M. [W] peut prétendre, ainsi qu'il le demande, à plusieurs indemnités au titre des conséquences de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. [W] base ses demandes sur un salaire de 3 344,08 euros, qui n'est pas remis en cause par l'employeur, et qui correspond aux bulletins de salaire d'avril 2023 à mars 2024 (pièce 6 de l'employeur et 10 du salarié).
Indemnité légale de licenciement
Celle-ci, prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail, a été fixée à la somme de 1 078,47 euros par le conseil de prud'hommes, conformément à la demande du salarié.
La société [J] [K], ès qualités, conteste ce montant, soutenant que l'indemnité aurait dû être calculée sur la base d'une ancienneté d'1 an et 2 mois, correspondant à la durée qui s'est écoulée entre le début du contrat de travail et le licenciement du salarié, sans prise en compte du préavis.
Cet argument doit toutefois être écarté dès lors qu'il est constant que, pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié doit s'apprécier à la date d'expiration du préavis, même non effectué.
En l'espèce, il doit donc être pris en compte, contrairement à ce que soutient l'employeur, la durée du préavis, lequel a pris fin le 15 mars 2024, de sorte M. [W] peut prétendre, sur la base d'un salaire de 3 344,08 euros, à une indemnité légale de licenciement de 1 078,47 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.
Indemnité compensatrice de préavis
Celle-ci, correspondant au mois de salaire que M. [W] aurait perçu s'il avait continué à travailler, doit être fixée à la somme de 3 344,08 euros outre les congés payés afférents, conformément à la décision du conseil de prud'hommes, qui sera confirmée de ce chef.
Rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire
Il est dû à ce titre, prorata temporis (du 22 février au 7 mars 2024) sur la base d'un salaire mensuel de 3 344,07 euros, une somme de 1 938,36 euros outre les congés payés afférents, conformément à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes qui sera confirmé sur ce point.
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il est rappelé que l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit au profit du salarié employé dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, « une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés » en fonction de l'ancienneté en années complètes dans l'entreprise.
Conformément à ces dispositions, pour 1 an d'ancienneté en années complètes, l'indemnité minimale est fixée à un mois de salaire brut et l'indemnité maximale est fixée à deux mois de salaire brut.
Poursuivant l'infirmation du jugement qui a accordé le montant maximal à M. [W], la société Demolin Normandie fait valoir que l'octroi de l'indemnité maximale du barème n'est pas automatique, qu'il appartient au salarié d'établir le préjudice qui justifierait d'un montant supérieur au plancher légal, ce que M. [W] ne fait pas, celui-ci justifiant au contraire avoir retrouvé un emploi d'abord à durée déterminée puis à durée indéterminée, dès le 10 avril 2024, soit un mois après son licenciement.
M. [W], pour sa part, fait valoir qu'il n'est parvenu à retrouver un emploi stable qu'à compter du 2 septembre 2024, que depuis cette date, il est employé par la société Redex mais ne perçoit qu'une rémunération de 2 600 euros alors qu'il percevait une rémunération de 3 000 euros auparavant, pour une même durée de travail, qu'avant ce contrat, il a été engagé en contrat à durée déterminée par la société Auto Distribution moyennent une rémunération mensuelle de 2 400 euros pour 37 heures de travail hebdomadaires. Il considère que son préjudice financier justifie qu'il soit indemnisé sur la base maximale de deux mois de salaire.
Au regard de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de l'entreprise, du salaire qui lui était versé et des conséquences du licenciement à son égard, l'indemnité qui est due à M. [W] en raison de la perte injustifiée de son emploi sera évaluée à la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la tardiveté de la remise des documents de fin de contrat de travail
M. [W] sollicite, conformément à sa demande et à ce qu'il a obtenu en première instance, l'allocation d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Au soutien de sa demande, il explique qu'il a été licencié par lettre datée du 7 mars 2024, que celle-ci précisait qu'il recevrait ses documents de fin de contrat à compter du 15 mars 2024, qu'il n'a toutefois rien reçu à cette date, qu'il les a réclamés à trois reprises, par un courriel du 27 mars 2024 et deux courriels du 8 avril 2024, sans résultats, qu'en définitive, il ne les a reçus que le 8 avril 2024.
Il prétend qu'il a été placé dans l'impossibilité de s'inscrire à Pôle emploi durant un mois et qu'il a été privé de tout revenu durant plusieurs semaines.
La société Demolin Normandie s'oppose à la demande. Elle rappelle que M. [W] a quitté les effectifs le 15 mars 2024, que ses documents de fin de contrat lui ont été délivrés le 8 avril 2024, soit 24 jours seulement après.
Elle rappelle également qu'elle a été placée en redressement judiciaire quelques jours à peine après le licenciement de M. [W], le 26 mars 2024, ce qui a perturbé les services des ressources humaines et de la paie, l'administrateur ayant alors dû vérifier l'ensemble des documents émis par la société et valider les paiements sortants.
Elle soutient, à titre principal, que le salarié ne justifie d'aucun préjudice. Il ne justifie pas d'un retard dans sa prise en charge par l'assurance chômage, étant rappelé qu'il a trouvé un emploi un mois après son licenciement.
Elle ajoute que les documents de fin de contrat sont en principe quérables et non portables, que la seule obligation de l'employeur est de les tenir à disposition du salarié, M. [W] ne justifiant pas s'être présenté dans les locaux de l'entreprise afin d'en obtenir la remise en mains propres.
Sur ce,
Il est constant que, lorsque le retard dans la remise des documents de fin de contrat de travail cause un préjudice au salarié, il peut en demander réparation, à condition d'établir la réalité du préjudice que ce retard lui cause.
Au cas d'espèce, il sera d'abord observé, qu'au regard du contexte de l'ouverture d'une procédure collective et de son incidence sur les différents services administratifs de la société Demolin Normandie, le délai d'un mois entre le licenciement et la remise des documents de fin de contrat de travail n'apparaît pas manifestement excessif.
En toute hypothèse, le salarié ne justifie pas, ainsi que le soutient l'employeur, d'un préjudice en lien avec cette tardiveté alléguée. Il ne produit notamment aucun élément émanant de France Travail de nature à corroborer ses dires.
En conséquence, il convient de débouter M. [W] de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la fixation au passif
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 11]
Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans la limite de sa garantie légale.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail rectifiés
La société [J] [K], ès qualités, demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné de remettre, sans astreinte, les documents de fin de contrat rectifiés, tandis que M. [W] demande la confirmation du chef du jugement qui a ordonné la remise des documents sans astreinte.
La cour est dès lors saisie de la demande de remise des documents de fin de contrat de travail rectifiés mais non du prononcé d'une astreinte.
En l'espèce, M. [W] est bien fondé à solliciter la remise par la société [J] [K], ès qualités, des documents de fin de contrat, l'ensemble de ceux-ci devant être conformes aux termes du présent arrêt.
Sur les frais du procès
Tenant compte de la décision rendue, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé les dépens de première instance au passif de la société Demolin Normandie et en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront fixés au passif de la société Demolin Normandie en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et la société [J] [K], ès qualités, sera déboutée de sa demande présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evreux le 20 novembre 2024, excepté en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Demolin Normandie les créances suivantes de M. [A] [W] :
. 6 688,16 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Demolin Normandie, au profit de M. [A] [W] :
. la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. les dépens d'appel,
DÉBOUTE M. [A] [W] de sa demande présentée au titre de la tardiveté de la remise des documents de fin de contrat de travail,
ENJOINT à la SELARL [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Demolin Normandie, de remettre à M. [A] [W] des documents de fin de contrat conformes aux termes du présent arrêt,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 11] dans les limites de sa garantie légale,
DÉBOUTE la SELARL [J] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Demolin Normandie, de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Eva Werner, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,