CA Lyon, ch. soc. c, 24 octobre 2025, n° 22/03773
LYON
Arrêt
Autre
AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 22/03773 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OKES
[R]
C/
S.A.S. [33]
SASU [43]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 05 Mai 2022
RG :
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRET DU 24 Octobre 2025
APPELANT :
[N] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. [33]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat plaidant du même barreau
Société [24] anciennement SASU [43]
[Adresse 3]
[Adresse 44]
[Localité 5]
représentée par Me Elodie LEGROS de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat plaidant du barreau de SAINT-ETIENNE et Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant du barreau de LYON
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Juillet 2025
Présidée par Agnès DELETANG, présidente et Yolande ROGNARD, conseilère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Agnès DELETANG, présidente
- Yolande ROGNARD, conseillère
- Régis DEVAUX, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 24 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Agnès DELETANG, présidente, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La société [33] (précédemment dénommée [16] puis [36]) exploite dans son établissement industriel de [Localité 40] des activités de construction automobile (production de véhicules lourds), de véhicules militaires, fonderie et usine de ponts et essieux.
La société [33] (alors dénommée [36]) a apporté à la société de [39] [Localité 17], désormais dénommée [23] [Localité 17] (anciennement [42] [Localité 17]), constituée par acte sous seing privé du 17 octobre 1997, les « biens et droits affectés à l'exploitation de l'activité de conception, de fabrication et de commercialisation, sous toutes ses formes, notamment de transmissions, destiné aux véhicules industriels ».
Au 31 décembre 1998, la société [33] (alors dénommée [36]) a procédé à un apport partiel de ses actifs de sa branche d'activité conception, fabrication, commercialisation d'autocars et d'autobus à la société [27] (anciennement dénommée [32] puis [26]).
Le 30 octobre 2004, la société [33] a cédé, par un apport partiel d'actif :
- sa branche d'activité de fonderie et moulages de faire à la société [25] [Localité 40] ayant son siège social et principal établissement [Adresse 15],
- sa branche d'activité de conception et fabrication de ponts et essieux à la société [30].
Le 1er juin 2011, la société [33] a cédé par un apport partiel d'actif sa branche de fabrication de véhicules et de matériel militaire à la société [34], désormais dénommée [13].
Le 29 janvier 2013, le ministre chargé du travail a rejeté la demande déposée par Messieurs [H] (salarié de la société [25] [Localité 40]) et [J] (salarié de la société [27]) d'inscription de l'établissement de [Localité 40] sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'[10] ([9]).
Le tribunal administratif de Lyon saisi par Messieurs [H] et [J] devait, par jugement du 28 avril 2015 confirmé par arrêt du 12 janvier 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon, enjoindre au ministre chargé du travail de procéder à l'inscription de l'établissement de Vénissieux de la société [16], devenue la société [36], puis la société [33].
Par arrêté du 25 octobre 2016 publié au journal officiel le 1er novembre 2016 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, l'établissement de [Localité 40] de la société [16] devenue la société [36] puis la société [33], sis [Adresse 1] [Adresse 14], a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATAA pour la période de 1964 à 1996.
Par acte du 31 octobre 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de demandes tendant à obtenir réparation de son préjudice d'anxiété incluant le bouleversement dans ces conditions d'existence dirigée contre les sociétés [33] et [43].
Par jugement de départage du 5 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- débouté les sociétés SAS [33] et [43] de leur demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [N] [R] aux dépens de la présente instance.
Par déclaration du 24 mai 2022, M. [R] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2025, M. [R] demande à la cour de :
- confirmer la décision du conseil des prud'hommes de [Localité 29], section départage, du 5 mai 2022 en ce qu'elle a débouté les sociétés SAS [33] et [43] devenue la SAS [24] de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- réformer la décision de première instance pour le surplus et, statuant de nouveau :
A titre principal :
- condamner la SAS [24], anciennement dénommée SAS [43] à verser une somme de 15.000 euros à M. [N] [R] en réparation du
préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'il subit ;
Subsidiairement :
- condamner in solidum les sociétés SAS [33] et [24], anciennement dénommée SAS [43], à verser une somme de 15.000 euros à M. [N] [R] en réparation du préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'il subit ;
En tout état de cause :
- condamner tout succombant à payer à M. [N] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 juin 2025, la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17], demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 5 mai 2022, en ce qu'il a :
* débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
* condamné M. [R] aux dépens de la présente instance ;
Y ajoutant :
A titre principal,
- déclarer M. [R] irrecevable à obtenir une réparation du préjudice spécifique d'anxiété à l'encontre de la Société [43] aujourd'hui dénommée société [24] ;
- ordonner la mise hors de cause de la société [43] aujourd'hui dénommée [24] ;
- rejeter toutes les demandes dirigées à l'encontre de la société [43] aujourd'hui dénommée [24] ;
A titre subsidiaire, si par impossible une condamnation était prononcée à l'encontre de la société [43] aujourd'hui dénommée [24],
- déclarer que la société [33] doit relever et garantir la société [43] dénommée aujourd'hui [24] de toutes les condamnations qui pourraient être ordonnées à son encontre et la condamner à cette fin ;
En tout état de cause,
- condamner la partie qui succombe à verser à la société [43] aujourd'hui dénommée société [24] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la partie qui succombe aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2025, la société [33] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, rendu par le Conseil de prud'hommes de Lyon, section départage, le 5 mai 2022, en ce qu'il a :
* débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
* condamné M. [N] [R] aux dépens de la présente instance ;
A titre subsidiaire, concernant les demandes formées subsidiairement à son encontre,
- la mettre hors de cause ;
- débouter la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17], de sa demande tendant à ce que la société [33] la relève et la garantisse de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
A titre plus subsidiaire, statuant à nouveau,
- réduire notablement la demande indemnitaire formulée par M. [N] [R] en réparation de son prétendu préjudice d'anxiété ;
- réduire notablement la demande formulée par M. [N] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réduire notablement la demande formulée par la société [24], anciennement dénommée [43], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [43], doit relever et garantir la société [33] de toutes les condamnations qui seront, le cas échéant, prononcées, à son encontre ;
En tout état de cause,
- condamner M. [N] [R] à lui verser la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de M. [R] à l'encontre de la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17]
La société [23] [Localité 17] prétend que M. [R] n'a ni qualité, ni intérêt à agir contre elle et sollicite donc sa mise hors de cause.
Elle souligne que le salarié ne peut obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété par une demande dirigée contre une société qui n'entrait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. Elle fait valoir que M. [R] sollicite l'indemnisation d'un préjudice subi sur le site de [Localité 40], à l'époque exploité par la société [31] et qu'il n'est fait état d'aucun grief concernant les conditions de travail du salarié sur le site d'[Localité 11], sur lequel la société [18] exerce son activité. Elle précise que la société [42] [Localité 17] n'a jamais repris le site de [Localité 40] ni les branches d'activité qui étaient pratiquées sur ce site et que son établissement d'[Localité 11] n'a pas été listé par arrêté ministériel pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998. Elle souligne également que M. [R] a fait valoir ses droits à la retraite « classique » à compter du 31 décembre 2006 et non pas dans le cadre du dispositif ACAATA. Elle en déduit que M. [R] ne saurait en conséquence diriger une quelconque demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété fondée sur le dispositif de la loi du 23 décembre 1998 (ACAATA), à l'encontre de la société [42] [Localité 17] qui ne rentre pas dans les prévisions de cette loi. Elle relève, de surcroît, que la société [43] n'a pas été l'employeur de M. [R] pendant la période visée dans l'arrêté du 25 octobre 2016 et que les fonctions exercées par ce dernier au sein de la société [33] ne sont même pas visées dans l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 29] du 12 janvier 2016
Enfin, la société [23] [Localité 17] précise que si le traité d'apport partiel d'actif indique que la « société [22] [Localité 17] sera substituée à la Société [35] dans les litiges et actions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant, devant toutes les juridictions », c'est uniquement au regard des «biens et droits apportés» et non du personnel.
M. [R] ne conteste pas solliciter l'indemnisation de son préjudice d'anxiété trouvant son origine dans les conditions de travail subies sur le site « RENAULT TRUCKS » de [Localité 40] durant la période de classement du site en ACAATA soit de 1964 à 1996 et non pour la période de travail au sein de l'établissement situé dans la [Localité 28], anciennement exploité par la société [37], sur la commune d'[Localité 12]. Il considère toutefois que la société [43] devenue la société [24] vient aux droits de la société [37] pour la période de travail incriminée, rappelant que le traité d'apport partiel d'actifs prévoit que « La [38] [Localité 17] reprendra, conformément à l'article L122-13 du Code du travail, la totalité du personnel affecté à la branche d'activité apportée en se substituant purement et simplement à la société [37] dans ses obligations à l'égard de ce personnel. Une liste du personnel repris figure en annexe V ». M. [R] affirme figurer sur cette annexe V dans la mesure où le certificat de travail à en-tête de la société [43] versé aux débats reprend l'ensemble de sa carrière tant sur le site d'[Localité 12] que sur les autres sites exploités par la société [37] notamment celui de [Localité 40]. M. [R] conclut donc au rejet de la demande de mise hors de cause formulée par la société [42] [Localité 17] devenue la société [23] [Localité 17].
Sur ce,
L'article 122 du code de procédure civile énonce que tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir.
L'article 123 du même code précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il résulte, en outre, des articles 30 et 32 du même code que l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
Il est admis que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que traité de cession du 17 avril 1998, la société [33] (alors dénommée [36]) a apporté à la société de [39] [Localité 17] (désormais dénommée [24], (anciennement [43]), les « biens et droits affectés à l'exploitation de l'activité de conception, de fabrication et de commercialisation, sous toutes ses formes, notamment de transmissions, destiné aux véhicules industriels ».
Cette opération a été placée sous le régime juridique des scissions.
La cour rappelle qu'il a été jugé (Com 16 février 1988 pourvoi n° 86-19.645P) qu'une scission entraîne la transmission universelle de la société qui disparaît au profit de ou des sociétés bénéficiaires, ces sociétés se substituant à elle dans tous ses droits, biens et obligations et que les mêmes conséquences sont attachées à l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport.
Dans le cadre d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, la société apporteuse reste, sauf dérogation prévue à l'article L. 236-1 du code de commerce, solidairement obligée avec la société bénéficiaire au paiement des dettes transmises à cette dernière (Cass. soc., 9 nov. 2017, n° 16-17.899).
Il ne ressort pas des termes du traité de cession que les parties ont entendu déroger expressément aux dispositions de l'article L. 236-1 précité.
En conséquence, l'ancien salarié dispose de la faculté d'agir indifféremment contre la société apporteuse ([33]) ou la société bénéficiaire ([43]) pour voir indemniser son préjudice d'anxiété. Dès lors, son action à l'encontre de la société [24], (anciennement [42] [Localité 17]), en sa qualité de cessionnaire, est donc recevable.
Les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir ne pourront donc qu'être rejetées.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété
Poursuivant la réformation de la décision entreprise, M. [R] rappelle qu'il a été employé sur le site de [Localité 40] anciennement exploité par la société [16] devenue [36] puis [33] du 6 avril 1964 au 14 novembre 1971 date à laquelle il a été muté sur le site de [Localité 17] exploité par la société [43], devenue la société [24], depuis la transmission de cette branche complète et autonome d'activité par accord partiel d'actif placé sous le régime des scissions du 18 juin 1998, jusqu'à son départ à la retraite le 30 avril 2006. Il explique qu'à l'époque ou l'établissement [31], à l'époque en cause, stockait 25 000 m² de plaques d'amiante au sein du bâtiment E8 qui était ensuite sciées, usinées et rivetées sur les véhicules dans les bâtiments DE4, CD4, et F10 et que la fabrication d'autocars et d'autobus nécessitaient le port de gants en amiante et l'utilisation de couvertures en amiante, les poussières étant en fin de ligne sans protection, certaines des pièces utilisées comportant de l'amiante ou étaient calorifugées avec de l'amiante. Il souligne que ses conditions de travail sur le site de [Localité 40] sont précisément décrites par les attestations de salariés qu'il produit ainsi que l'exposition à l'amiante à laquelle il a été soumis, résultant de l'inhalation de poussières d'amiante sans protection. Il fait valoir qu'il a conscience qu'il a été exposé pendant de nombreuses années à un agent cancérigène, cette situation ayant entraîné une inquiétude et un bouleversement de ses conditions d'existence. Il sollicite par conséquent la réparation de son préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence à hauteur de 15.000 euros.
En réplique, la société [23] [Localité 17] conteste le montant de l'indemnisation sollicité par M. [R], rappelant que ce dernier est parti du site de [Localité 40] depuis 52 ans et qu'il n'a pas, à ce jour, développé de maladie professionnelle. Elle souligne qu'il n'a travaillé qu'un peu plus de deux années sur le site de [Localité 40], sur un poste et un secteur qui ne comportait pas de calorifugeage à l'amiante, relevant au surplus qu'à la date de l'arrêt du 25 octobre 2016 inscrivant l'établissement de [Localité 40] sur la liste [8], cela faisait 46 ans qu'il avait quitté le site et qu'il avait donc cessé d'être exposé au risque. Elle ajoute que le M. [R] n'apporte aucun élément permettant de quantifier le préjudice résultant de « l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence » allégués par le salarié, aucun certificat médical faisant état d'une anxiété ou d'une quelconque inquiétude n'étant produit et plus généralement, aucun trouble dans les conditions d'existence en lien avec son activité professionnelle sur le site de [Localité 40] n'est justifié, ni même allégué. La société [23] [Localité 17] affirme donc qu'aucune indemnisation ne saurait être fixée au bénéfice de M. [R] et subsidiairement que le montant de l'indemnisation doit être ramené à de plus justes proportions.
Dans l'hypothèse où une condamnation serait mise à sa charge, la société [23] [Localité 17] demande à être relevée et garantie par la société [33].
Elle souligne ensuite que les pièces et attestations produites par l'appelant sont toutes relatives au seul site de [Localité 40] et que le salarié n'évoque aucun grief concernant ses conditions de travail sur le site d'[Localité 11], ni aucune exposition à l'amiante sur celui-ci. Elle considère que l'action de M. [R] étant exclusivement fondée sur le régime de l'indemnisation du préjudice spécifique d'anxiété des salariés ayant travaillé au sein d'un établissement figurant sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, aucune demande ne saurait prospérer contre elle dès lors qu'elle ne rentre pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et que l'établissement d'[Localité 12] n'est pas listé par arrêté ministériel pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
La société [33] conclut également au débouté de la demande d'indemnisation formulée par M. [R], faisant valoir, pour l'essentiel, que la présentation générale faite par le salarié de ses conditions de travail est excessive, ce dernier ayant exercé les fonctions d'ouvrier spécialisé au sein du secteur ferrures [21] pendant la période classée, ce secteur ne faisant pas partie des secteurs qui ont fait l'objet de l'arrêté de classement. Elle fait valoir que l'exposition au risque a cessé il y a plus de 53 ans et que le salarié n'a pas développé de maladies prises en charge au titre de la législation professionnelle par la [20] et que l'anxiété alléguée n'est pas prouvée par des éléments objectifs, ni même la réalité d'un bouleversement dans les conditions de vie de M. [R].
Subsidiairement, la société [33] demande que le montant de l'indemnisation accordée au salarié soit ramené à de plus justes proportions et conclut au rejet de l'appel en garantie formé par la société [24], anciennement dénommée [43], soutenant que le traité d'apport partiel d'actifs ne contient pas de clause de garantie de passif.
Très subsidiairement, la société [33] demande à être relevée et garantie par la société [24], anciennement dénommée [43] des sommes qui seraient, le cas échéant, mises à la charge.
Sur ce,
Il est de principe que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.
Au cas présent, par arrêté du 25 octobre 2016, publié le 1er novembre 2016, pris en application de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, l'établissement de [Localité 40] de la société [16], devenue la société [36] puis la société [33], a été inscrit sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, pour la période de 1964 à 1996.
L'arrêté de classement concerne l'établissement de [Localité 41], dont les opérations liées à l'amiante ont ainsi été considérées comme représentant une part significative de l'activité de l'établissement, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion des salariés qui étaient affectés, sans qu'aucune distinction n'y soit faite selon les secteurs d'activités de cet établissement ou restriction selon les métiers ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
Le fait générateur du préjudice étant l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux éligibles à l'ACAATA et non l'exposition à l'amiante, il importe peu que les salariés n'aient pas été personnellement exposés au risque.
Il en résulte que tous les salariés qui ont été affectés dans cet établissement entre 1964 et 1996, période visée par l'arrêté de classement, peuvent prétendre à obtenir l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété réparant l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, induits par l'exposition à l'amiante, sans avoir à justifier d'une exposition personnelle à l'amiante, d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, dont l'existence est présumée du fait de l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, ni d'un préjudice propre en lien avec ce manquement.
Il s'ensuit que, dès lors qu'il est établi que M. [R] a travaillé du 22 janvier 1968 au 18 octobre 1970, pour le compte de la société [33], sur le site de [Localité 40] classé sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, dans les fonctions d'ouvrier spécialisé régleur au secteur ferrures, lesquelles ne sont pas exclues de l'arrêté de classement, le salarié s'est trouvé par le fait de son employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante caractérisant l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.
Dès lors que l'arrêté ministériel d'inscription est postérieur au transfert des contrats de travail des salariés qui travaillaient au sein de l'établissement classé, la société cessionnaire doit répondre du préjudice d'anxiété dont ceux-ci se prévalent.
Au vu de ce qui précède, compte tenu notamment de la nature des fonctions de l'intéressé et des circonstances particulières de leur exercice, la cour est en mesure d'évaluer à 3.000 euros la somme que la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [43] doit payer au salarié à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice spécifique d'anxiété, réparant l'ensemble des troubles psychologiques, y compris les troubles liés au bouleversement dans les conditions d'existence.
La société [23] [Localité 17] demande à être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge, faisant valoir que le salarié a été exposé à un risque uniquement sur le site exploité par la société [33] et non sur le site d'[Localité 12] sur lequel elle a transféré la branche d'activité, objet du traité de cession.
En l'espèce, il est établi par les pièces produites qu'à la suite du traité de cession du 17 avril 1998, la branche d'activité cédée par la société [33] a été transférée sur le site d'[Localité 12], lequel ne figure pas sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.
Seul le site de [Localité 40] a été classé sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA.
Le danger lié à l'inhalation des poussières d'amiante étant connu depuis la fin du XIXe siècle et la réglementation issue notamment du décret n°77-949 du 17 août 1977, marquant le début des contrôles sanitaires de l'exposition des travailleurs à l'amiante et imposant à tous les établissements utilisant de l'amiante de procéder à des prélèvements d'atmosphère, au conditionnement des déchets susceptibles de dégager des fibres d'amiante, à la vérification régulière des installations de protection collective de captage, de filtration et de ventilation.
Pour ce qui concerne la période postérieure à la publication du décret de 1977 spécifique à l'amiante, la société [33] je justifie pas avoir fait procéder à des prélèvements réguliers dans les ateliers exigés par ce texte, ni avoir pris des mesures de protections individuelles censés pallier les défaillances des moyens collectifs, notamment la mise à disposition effective de masque pour chaque salarié appelant.
En définitive, la société [33] n'apporte pas la preuve qu'elle a pris au regard des mesures réglementaires en vigueur l'ensemble des mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité découlant de l'exposition de ses salariés au risque de l'amiante.
L'existence du préjudice d'anxiété résulte de l'inscription du site sur l'arrêté ministériel ouvrant droit à l'ACAATA et de l'emploi exercé au sein de cet établissement pendant la période concernée.
La cour retient donc que la société [33] pour laquelle le salarié a travaillé sur le site de [Localité 40] est la seule à avoir concouru à son dommage.
Par conséquent, la société [33] sera condamnée à relever et garantir en intégralité la société [24] au titre de la condamnation prononcée à son encontre.
Le jugement est réformé en ce sens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la charge des dépens et de le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, les sociétés [23] [Adresse 19] et [33] seront condamnées in solidum les dépens de première instance et d'appel et déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
La société [23] [Adresse 19] sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés [23] [Adresse 19] et [33] de leurs demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société [24] (anciennement dénommée [43]) à verser à M. [N] [R] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,
Condamne la société [33] à garantir la société [24] de cette condamnation,
Condamne la société [24] (anciennement dénommée [43]) à verser à M. [N] [R] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,
Rejette les demandes des sociétés [33] et [24] (anciennement dénommée [43]) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés [24] (anciennement dénommée [43]) et [33] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 22/03773 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OKES
[R]
C/
S.A.S. [33]
SASU [43]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 05 Mai 2022
RG :
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRET DU 24 Octobre 2025
APPELANT :
[N] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. [33]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat plaidant du même barreau
Société [24] anciennement SASU [43]
[Adresse 3]
[Adresse 44]
[Localité 5]
représentée par Me Elodie LEGROS de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat plaidant du barreau de SAINT-ETIENNE et Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant du barreau de LYON
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Juillet 2025
Présidée par Agnès DELETANG, présidente et Yolande ROGNARD, conseilère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Agnès DELETANG, présidente
- Yolande ROGNARD, conseillère
- Régis DEVAUX, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 24 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Agnès DELETANG, présidente, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La société [33] (précédemment dénommée [16] puis [36]) exploite dans son établissement industriel de [Localité 40] des activités de construction automobile (production de véhicules lourds), de véhicules militaires, fonderie et usine de ponts et essieux.
La société [33] (alors dénommée [36]) a apporté à la société de [39] [Localité 17], désormais dénommée [23] [Localité 17] (anciennement [42] [Localité 17]), constituée par acte sous seing privé du 17 octobre 1997, les « biens et droits affectés à l'exploitation de l'activité de conception, de fabrication et de commercialisation, sous toutes ses formes, notamment de transmissions, destiné aux véhicules industriels ».
Au 31 décembre 1998, la société [33] (alors dénommée [36]) a procédé à un apport partiel de ses actifs de sa branche d'activité conception, fabrication, commercialisation d'autocars et d'autobus à la société [27] (anciennement dénommée [32] puis [26]).
Le 30 octobre 2004, la société [33] a cédé, par un apport partiel d'actif :
- sa branche d'activité de fonderie et moulages de faire à la société [25] [Localité 40] ayant son siège social et principal établissement [Adresse 15],
- sa branche d'activité de conception et fabrication de ponts et essieux à la société [30].
Le 1er juin 2011, la société [33] a cédé par un apport partiel d'actif sa branche de fabrication de véhicules et de matériel militaire à la société [34], désormais dénommée [13].
Le 29 janvier 2013, le ministre chargé du travail a rejeté la demande déposée par Messieurs [H] (salarié de la société [25] [Localité 40]) et [J] (salarié de la société [27]) d'inscription de l'établissement de [Localité 40] sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'[10] ([9]).
Le tribunal administratif de Lyon saisi par Messieurs [H] et [J] devait, par jugement du 28 avril 2015 confirmé par arrêt du 12 janvier 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon, enjoindre au ministre chargé du travail de procéder à l'inscription de l'établissement de Vénissieux de la société [16], devenue la société [36], puis la société [33].
Par arrêté du 25 octobre 2016 publié au journal officiel le 1er novembre 2016 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, l'établissement de [Localité 40] de la société [16] devenue la société [36] puis la société [33], sis [Adresse 1] [Adresse 14], a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATAA pour la période de 1964 à 1996.
Par acte du 31 octobre 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de demandes tendant à obtenir réparation de son préjudice d'anxiété incluant le bouleversement dans ces conditions d'existence dirigée contre les sociétés [33] et [43].
Par jugement de départage du 5 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- débouté les sociétés SAS [33] et [43] de leur demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [N] [R] aux dépens de la présente instance.
Par déclaration du 24 mai 2022, M. [R] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2025, M. [R] demande à la cour de :
- confirmer la décision du conseil des prud'hommes de [Localité 29], section départage, du 5 mai 2022 en ce qu'elle a débouté les sociétés SAS [33] et [43] devenue la SAS [24] de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- réformer la décision de première instance pour le surplus et, statuant de nouveau :
A titre principal :
- condamner la SAS [24], anciennement dénommée SAS [43] à verser une somme de 15.000 euros à M. [N] [R] en réparation du
préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'il subit ;
Subsidiairement :
- condamner in solidum les sociétés SAS [33] et [24], anciennement dénommée SAS [43], à verser une somme de 15.000 euros à M. [N] [R] en réparation du préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'il subit ;
En tout état de cause :
- condamner tout succombant à payer à M. [N] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 juin 2025, la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17], demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 5 mai 2022, en ce qu'il a :
* débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
* condamné M. [R] aux dépens de la présente instance ;
Y ajoutant :
A titre principal,
- déclarer M. [R] irrecevable à obtenir une réparation du préjudice spécifique d'anxiété à l'encontre de la Société [43] aujourd'hui dénommée société [24] ;
- ordonner la mise hors de cause de la société [43] aujourd'hui dénommée [24] ;
- rejeter toutes les demandes dirigées à l'encontre de la société [43] aujourd'hui dénommée [24] ;
A titre subsidiaire, si par impossible une condamnation était prononcée à l'encontre de la société [43] aujourd'hui dénommée [24],
- déclarer que la société [33] doit relever et garantir la société [43] dénommée aujourd'hui [24] de toutes les condamnations qui pourraient être ordonnées à son encontre et la condamner à cette fin ;
En tout état de cause,
- condamner la partie qui succombe à verser à la société [43] aujourd'hui dénommée société [24] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la partie qui succombe aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2025, la société [33] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, rendu par le Conseil de prud'hommes de Lyon, section départage, le 5 mai 2022, en ce qu'il a :
* débouté M. [N] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
* condamné M. [N] [R] aux dépens de la présente instance ;
A titre subsidiaire, concernant les demandes formées subsidiairement à son encontre,
- la mettre hors de cause ;
- débouter la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17], de sa demande tendant à ce que la société [33] la relève et la garantisse de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
A titre plus subsidiaire, statuant à nouveau,
- réduire notablement la demande indemnitaire formulée par M. [N] [R] en réparation de son prétendu préjudice d'anxiété ;
- réduire notablement la demande formulée par M. [N] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réduire notablement la demande formulée par la société [24], anciennement dénommée [43], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [43], doit relever et garantir la société [33] de toutes les condamnations qui seront, le cas échéant, prononcées, à son encontre ;
En tout état de cause,
- condamner M. [N] [R] à lui verser la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de M. [R] à l'encontre de la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [42] [Localité 17]
La société [23] [Localité 17] prétend que M. [R] n'a ni qualité, ni intérêt à agir contre elle et sollicite donc sa mise hors de cause.
Elle souligne que le salarié ne peut obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété par une demande dirigée contre une société qui n'entrait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. Elle fait valoir que M. [R] sollicite l'indemnisation d'un préjudice subi sur le site de [Localité 40], à l'époque exploité par la société [31] et qu'il n'est fait état d'aucun grief concernant les conditions de travail du salarié sur le site d'[Localité 11], sur lequel la société [18] exerce son activité. Elle précise que la société [42] [Localité 17] n'a jamais repris le site de [Localité 40] ni les branches d'activité qui étaient pratiquées sur ce site et que son établissement d'[Localité 11] n'a pas été listé par arrêté ministériel pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998. Elle souligne également que M. [R] a fait valoir ses droits à la retraite « classique » à compter du 31 décembre 2006 et non pas dans le cadre du dispositif ACAATA. Elle en déduit que M. [R] ne saurait en conséquence diriger une quelconque demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété fondée sur le dispositif de la loi du 23 décembre 1998 (ACAATA), à l'encontre de la société [42] [Localité 17] qui ne rentre pas dans les prévisions de cette loi. Elle relève, de surcroît, que la société [43] n'a pas été l'employeur de M. [R] pendant la période visée dans l'arrêté du 25 octobre 2016 et que les fonctions exercées par ce dernier au sein de la société [33] ne sont même pas visées dans l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 29] du 12 janvier 2016
Enfin, la société [23] [Localité 17] précise que si le traité d'apport partiel d'actif indique que la « société [22] [Localité 17] sera substituée à la Société [35] dans les litiges et actions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant, devant toutes les juridictions », c'est uniquement au regard des «biens et droits apportés» et non du personnel.
M. [R] ne conteste pas solliciter l'indemnisation de son préjudice d'anxiété trouvant son origine dans les conditions de travail subies sur le site « RENAULT TRUCKS » de [Localité 40] durant la période de classement du site en ACAATA soit de 1964 à 1996 et non pour la période de travail au sein de l'établissement situé dans la [Localité 28], anciennement exploité par la société [37], sur la commune d'[Localité 12]. Il considère toutefois que la société [43] devenue la société [24] vient aux droits de la société [37] pour la période de travail incriminée, rappelant que le traité d'apport partiel d'actifs prévoit que « La [38] [Localité 17] reprendra, conformément à l'article L122-13 du Code du travail, la totalité du personnel affecté à la branche d'activité apportée en se substituant purement et simplement à la société [37] dans ses obligations à l'égard de ce personnel. Une liste du personnel repris figure en annexe V ». M. [R] affirme figurer sur cette annexe V dans la mesure où le certificat de travail à en-tête de la société [43] versé aux débats reprend l'ensemble de sa carrière tant sur le site d'[Localité 12] que sur les autres sites exploités par la société [37] notamment celui de [Localité 40]. M. [R] conclut donc au rejet de la demande de mise hors de cause formulée par la société [42] [Localité 17] devenue la société [23] [Localité 17].
Sur ce,
L'article 122 du code de procédure civile énonce que tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir.
L'article 123 du même code précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il résulte, en outre, des articles 30 et 32 du même code que l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
Il est admis que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que traité de cession du 17 avril 1998, la société [33] (alors dénommée [36]) a apporté à la société de [39] [Localité 17] (désormais dénommée [24], (anciennement [43]), les « biens et droits affectés à l'exploitation de l'activité de conception, de fabrication et de commercialisation, sous toutes ses formes, notamment de transmissions, destiné aux véhicules industriels ».
Cette opération a été placée sous le régime juridique des scissions.
La cour rappelle qu'il a été jugé (Com 16 février 1988 pourvoi n° 86-19.645P) qu'une scission entraîne la transmission universelle de la société qui disparaît au profit de ou des sociétés bénéficiaires, ces sociétés se substituant à elle dans tous ses droits, biens et obligations et que les mêmes conséquences sont attachées à l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport.
Dans le cadre d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, la société apporteuse reste, sauf dérogation prévue à l'article L. 236-1 du code de commerce, solidairement obligée avec la société bénéficiaire au paiement des dettes transmises à cette dernière (Cass. soc., 9 nov. 2017, n° 16-17.899).
Il ne ressort pas des termes du traité de cession que les parties ont entendu déroger expressément aux dispositions de l'article L. 236-1 précité.
En conséquence, l'ancien salarié dispose de la faculté d'agir indifféremment contre la société apporteuse ([33]) ou la société bénéficiaire ([43]) pour voir indemniser son préjudice d'anxiété. Dès lors, son action à l'encontre de la société [24], (anciennement [42] [Localité 17]), en sa qualité de cessionnaire, est donc recevable.
Les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir ne pourront donc qu'être rejetées.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété
Poursuivant la réformation de la décision entreprise, M. [R] rappelle qu'il a été employé sur le site de [Localité 40] anciennement exploité par la société [16] devenue [36] puis [33] du 6 avril 1964 au 14 novembre 1971 date à laquelle il a été muté sur le site de [Localité 17] exploité par la société [43], devenue la société [24], depuis la transmission de cette branche complète et autonome d'activité par accord partiel d'actif placé sous le régime des scissions du 18 juin 1998, jusqu'à son départ à la retraite le 30 avril 2006. Il explique qu'à l'époque ou l'établissement [31], à l'époque en cause, stockait 25 000 m² de plaques d'amiante au sein du bâtiment E8 qui était ensuite sciées, usinées et rivetées sur les véhicules dans les bâtiments DE4, CD4, et F10 et que la fabrication d'autocars et d'autobus nécessitaient le port de gants en amiante et l'utilisation de couvertures en amiante, les poussières étant en fin de ligne sans protection, certaines des pièces utilisées comportant de l'amiante ou étaient calorifugées avec de l'amiante. Il souligne que ses conditions de travail sur le site de [Localité 40] sont précisément décrites par les attestations de salariés qu'il produit ainsi que l'exposition à l'amiante à laquelle il a été soumis, résultant de l'inhalation de poussières d'amiante sans protection. Il fait valoir qu'il a conscience qu'il a été exposé pendant de nombreuses années à un agent cancérigène, cette situation ayant entraîné une inquiétude et un bouleversement de ses conditions d'existence. Il sollicite par conséquent la réparation de son préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence à hauteur de 15.000 euros.
En réplique, la société [23] [Localité 17] conteste le montant de l'indemnisation sollicité par M. [R], rappelant que ce dernier est parti du site de [Localité 40] depuis 52 ans et qu'il n'a pas, à ce jour, développé de maladie professionnelle. Elle souligne qu'il n'a travaillé qu'un peu plus de deux années sur le site de [Localité 40], sur un poste et un secteur qui ne comportait pas de calorifugeage à l'amiante, relevant au surplus qu'à la date de l'arrêt du 25 octobre 2016 inscrivant l'établissement de [Localité 40] sur la liste [8], cela faisait 46 ans qu'il avait quitté le site et qu'il avait donc cessé d'être exposé au risque. Elle ajoute que le M. [R] n'apporte aucun élément permettant de quantifier le préjudice résultant de « l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence » allégués par le salarié, aucun certificat médical faisant état d'une anxiété ou d'une quelconque inquiétude n'étant produit et plus généralement, aucun trouble dans les conditions d'existence en lien avec son activité professionnelle sur le site de [Localité 40] n'est justifié, ni même allégué. La société [23] [Localité 17] affirme donc qu'aucune indemnisation ne saurait être fixée au bénéfice de M. [R] et subsidiairement que le montant de l'indemnisation doit être ramené à de plus justes proportions.
Dans l'hypothèse où une condamnation serait mise à sa charge, la société [23] [Localité 17] demande à être relevée et garantie par la société [33].
Elle souligne ensuite que les pièces et attestations produites par l'appelant sont toutes relatives au seul site de [Localité 40] et que le salarié n'évoque aucun grief concernant ses conditions de travail sur le site d'[Localité 11], ni aucune exposition à l'amiante sur celui-ci. Elle considère que l'action de M. [R] étant exclusivement fondée sur le régime de l'indemnisation du préjudice spécifique d'anxiété des salariés ayant travaillé au sein d'un établissement figurant sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, aucune demande ne saurait prospérer contre elle dès lors qu'elle ne rentre pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et que l'établissement d'[Localité 12] n'est pas listé par arrêté ministériel pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
La société [33] conclut également au débouté de la demande d'indemnisation formulée par M. [R], faisant valoir, pour l'essentiel, que la présentation générale faite par le salarié de ses conditions de travail est excessive, ce dernier ayant exercé les fonctions d'ouvrier spécialisé au sein du secteur ferrures [21] pendant la période classée, ce secteur ne faisant pas partie des secteurs qui ont fait l'objet de l'arrêté de classement. Elle fait valoir que l'exposition au risque a cessé il y a plus de 53 ans et que le salarié n'a pas développé de maladies prises en charge au titre de la législation professionnelle par la [20] et que l'anxiété alléguée n'est pas prouvée par des éléments objectifs, ni même la réalité d'un bouleversement dans les conditions de vie de M. [R].
Subsidiairement, la société [33] demande que le montant de l'indemnisation accordée au salarié soit ramené à de plus justes proportions et conclut au rejet de l'appel en garantie formé par la société [24], anciennement dénommée [43], soutenant que le traité d'apport partiel d'actifs ne contient pas de clause de garantie de passif.
Très subsidiairement, la société [33] demande à être relevée et garantie par la société [24], anciennement dénommée [43] des sommes qui seraient, le cas échéant, mises à la charge.
Sur ce,
Il est de principe que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.
Au cas présent, par arrêté du 25 octobre 2016, publié le 1er novembre 2016, pris en application de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, l'établissement de [Localité 40] de la société [16], devenue la société [36] puis la société [33], a été inscrit sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, pour la période de 1964 à 1996.
L'arrêté de classement concerne l'établissement de [Localité 41], dont les opérations liées à l'amiante ont ainsi été considérées comme représentant une part significative de l'activité de l'établissement, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion des salariés qui étaient affectés, sans qu'aucune distinction n'y soit faite selon les secteurs d'activités de cet établissement ou restriction selon les métiers ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
Le fait générateur du préjudice étant l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux éligibles à l'ACAATA et non l'exposition à l'amiante, il importe peu que les salariés n'aient pas été personnellement exposés au risque.
Il en résulte que tous les salariés qui ont été affectés dans cet établissement entre 1964 et 1996, période visée par l'arrêté de classement, peuvent prétendre à obtenir l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété réparant l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, induits par l'exposition à l'amiante, sans avoir à justifier d'une exposition personnelle à l'amiante, d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, dont l'existence est présumée du fait de l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, ni d'un préjudice propre en lien avec ce manquement.
Il s'ensuit que, dès lors qu'il est établi que M. [R] a travaillé du 22 janvier 1968 au 18 octobre 1970, pour le compte de la société [33], sur le site de [Localité 40] classé sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, dans les fonctions d'ouvrier spécialisé régleur au secteur ferrures, lesquelles ne sont pas exclues de l'arrêté de classement, le salarié s'est trouvé par le fait de son employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante caractérisant l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.
Dès lors que l'arrêté ministériel d'inscription est postérieur au transfert des contrats de travail des salariés qui travaillaient au sein de l'établissement classé, la société cessionnaire doit répondre du préjudice d'anxiété dont ceux-ci se prévalent.
Au vu de ce qui précède, compte tenu notamment de la nature des fonctions de l'intéressé et des circonstances particulières de leur exercice, la cour est en mesure d'évaluer à 3.000 euros la somme que la société [23] [Localité 17], anciennement dénommée [43] doit payer au salarié à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice spécifique d'anxiété, réparant l'ensemble des troubles psychologiques, y compris les troubles liés au bouleversement dans les conditions d'existence.
La société [23] [Localité 17] demande à être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge, faisant valoir que le salarié a été exposé à un risque uniquement sur le site exploité par la société [33] et non sur le site d'[Localité 12] sur lequel elle a transféré la branche d'activité, objet du traité de cession.
En l'espèce, il est établi par les pièces produites qu'à la suite du traité de cession du 17 avril 1998, la branche d'activité cédée par la société [33] a été transférée sur le site d'[Localité 12], lequel ne figure pas sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.
Seul le site de [Localité 40] a été classé sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA.
Le danger lié à l'inhalation des poussières d'amiante étant connu depuis la fin du XIXe siècle et la réglementation issue notamment du décret n°77-949 du 17 août 1977, marquant le début des contrôles sanitaires de l'exposition des travailleurs à l'amiante et imposant à tous les établissements utilisant de l'amiante de procéder à des prélèvements d'atmosphère, au conditionnement des déchets susceptibles de dégager des fibres d'amiante, à la vérification régulière des installations de protection collective de captage, de filtration et de ventilation.
Pour ce qui concerne la période postérieure à la publication du décret de 1977 spécifique à l'amiante, la société [33] je justifie pas avoir fait procéder à des prélèvements réguliers dans les ateliers exigés par ce texte, ni avoir pris des mesures de protections individuelles censés pallier les défaillances des moyens collectifs, notamment la mise à disposition effective de masque pour chaque salarié appelant.
En définitive, la société [33] n'apporte pas la preuve qu'elle a pris au regard des mesures réglementaires en vigueur l'ensemble des mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité découlant de l'exposition de ses salariés au risque de l'amiante.
L'existence du préjudice d'anxiété résulte de l'inscription du site sur l'arrêté ministériel ouvrant droit à l'ACAATA et de l'emploi exercé au sein de cet établissement pendant la période concernée.
La cour retient donc que la société [33] pour laquelle le salarié a travaillé sur le site de [Localité 40] est la seule à avoir concouru à son dommage.
Par conséquent, la société [33] sera condamnée à relever et garantir en intégralité la société [24] au titre de la condamnation prononcée à son encontre.
Le jugement est réformé en ce sens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la charge des dépens et de le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, les sociétés [23] [Adresse 19] et [33] seront condamnées in solidum les dépens de première instance et d'appel et déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
La société [23] [Adresse 19] sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés [23] [Adresse 19] et [33] de leurs demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société [24] (anciennement dénommée [43]) à verser à M. [N] [R] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,
Condamne la société [33] à garantir la société [24] de cette condamnation,
Condamne la société [24] (anciennement dénommée [43]) à verser à M. [N] [R] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,
Rejette les demandes des sociétés [33] et [24] (anciennement dénommée [43]) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés [24] (anciennement dénommée [43]) et [33] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente