CA Aix-en-Provence, retention administrative, 23 octobre 2025, n° 25/02049
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 25/02049 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPIP7
Copie conforme
délivrée le 23 Octobre 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 22 octobre 2025 à 12h35.
APPELANT
Monsieur [F] [N], alias [E] [J]
né le 11 août 1989 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité algérienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.
Assisté de Maître Gaëlle LABBE, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.
INTIMÉE
PREFET DES BOUCHES DU RHONE
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 23 octobre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Madame Laura D'AIMÉ, Greffière,
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 à 12h20,
Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Madame Laura D'AIMÉ, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu la condamnation prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 26 décembre 2024 à une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;
Vu la décision prise le 8 août 2025 par la préfecture des Bouches-du-Rhône portant à exécution l'interdiction judiciaire du territoire national, notifiée le même jour ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 8 août 2025 par la PREFET DES BOUCHES DU RHONE notifiée le même jour à 9h30 ;
Vu l'ordonnance du 22 octobre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [F] [N] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 22 octobre 2025 à 15h19 par Monsieur [F] [N] ;
Monsieur [F] [N] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'la première fois que j'étais en France en 2011 j'ai donné le nom de [O] [D] [J]. Je suis de nationalité algérienne. J'ai fait appel pour sortir. Je n'ai rien à ajouter. Dès que j'ai la décision je quitte le territoire, j'ai des enfants. Après 2012, j'ai donné mon permis et j'ai été expulsé en 2013. Je suis resté six ans ou sept ans, et je suis revenu là, je suis revenu en 2019 ou 2020. Je suis venu avec ma femme et mon fils. Je suis passé par l'Espagne, je suis resté deux jours à [Localité 7], et je suis allé en Allemagne. Je suis revenu parce que j'avais beaucoup de problèmes familiaux. J'ai pas été condamné en 2020, j'étais en Allemagne, je n'étais pas là. Je suis venu chercher ma femme et mon fils, j'avais un document à signer, mais je ne l'ai pas signé. J'ai été condamné pour des faits de transports et détention non autorisée de stupéfiants, mais ce n'était pas moi. Je veux sortir, je veux rentrer chez ma soeur récupérer mes affaires, j'ai un avocat, je vais chercher mes enfants, j'ai divorcé avec la mère de mon enfant donc je ne sais pas où il se trouve. J'ai un passeport mais pas d'argent.'
Son avocate, régulièrement entendue, reprend les termes de la déclaration d'appel, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle fait notamment valoir que l'irrégularité de la requête de prolongation est fondée sur le fait que la dernière décision de prolongation de la cour du 9 octobre 2025 et sa notification, qui sont des pièces justificatives utiles, n'accompagnaient pas la requête préfectorale . C'est une irrégularité qui doit entraîner la mise en liberté de son client. Le juge de [Localité 7] a jugé que c'était bien une pièce justificative mais a considéré que le retenu n'avait pas eu de grief car il avait exercé la voie de recours, et qu'il n'avait pas besoin de la notification. Or, au moment de la saisine le dossier doit être complet, il ne peut être complété par la suite. Le juge a couvert cette absence de manière différente de ce que prévoient les textes. Cette absence de pièces justificatives utiles est donc également soulevée en appel. Dans la déclaration d'appel il est question de l'article R743-2 du CESEDA et du registre de rétention mais seule l'absence de pièces justificatives utiles est visée, cela a été discuté en première instance et la cour peut examiner ce point en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.
Le représentant de la préfecture ne comparaît pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.
En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.
Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.
1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
L'article 561 du même code énonce que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du même code.
Par ailleurs l'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 9] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
La loi ne précise pas le contenu de ces pièces justificatives : il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.
L'appelant soulève l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation au motif que l'administration n'a pas joint à sa saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant confirmé la troisième prolongation le 9 octobre 2025 et soutient que le premier juge ne pouvait rejeter cette fin de non recevoir au motif que l'intéressé n'avait subi aucun grief.
Toutefois le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille a écarté la fin de non recevoir soulevée devant lui car elle portait non pas sur le défaut de production de la dernière prolongation validée par la cour mais sur une décision antérieure de celle-ci dont l'absence était nécessairement purgée ainsi qu'il l'a justement indiqué. En conséquence, et contrairement aux affirmations de son conseil à l'audience, le premier juge n'a jamais écrit, pour rejeter cette fin de non recevoir, que M. [N] n'avait subi aucun grief.
De plus, indépendamment de la question de savoir si la requête préfectorale en quatrième prolongation est effectivement affectée d'une irrégularité, force est de constater que l'idée d'un 'appel balai' par l'association Forum Réfugiés, telle que développée à l'audience et qui permettrait de faire entrer dans un moyen d'appel ce qui n'y figure pas, ne saurait en aucun cas justifier une atteinte, grave en l'occurrence, au principe du contradictoire dans la mesure où ni la préfecture, ni le parquet général n'ont été destinataires de cette nouvelle fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autorisant la troisième prolongation de la mesure de rétention. Contrairement aux observations faites devant la cour le moyen tiré de l'irrégularité de la requête en prolongation, dans la déclaration d'appel, ne vise dans son titre comme dans son contenu que le registre de rétention qui ne serait pas actualisé en l'absence d'éléments liés aux diligences consulaires. Or l'appelant ne peut se contenter de mentionner, incidemment, que 'en l'espèce, la requête Préfectorale n'est pas accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles et de la copie du registre actualisée' pour s'affranchir des principes essentiels de la procédure civile, ceux du contradictoire et de la motivation de son recours en vertu des textes susvisés.
Enfin, ainsi qu'en dispose expressément l'article 561 précité, l'effet dévolutif permet à la juridiction d'appel de statuer à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile et ne permet donc nullement aux parties de se dispenser du respect du principe du contradictoire.
Dans ces conditions la fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sera déclarée irrecevable.
2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement
L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 12 août 2025 le consul général d'Algérie de la situation de l'intéressé aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire et l'a relancé les 5 septembre, 6 et 20 octobre 2025.
Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.
Enfin l'absence prétendue de perspectives d'éloignement au regard d'un contexte diplomatique présenté comme difficile entre l'Algérie et la France, sur lequel il n'appartient d'ailleurs pas à l'autorité judiciaire de se prononcer, repose sur des motifs purement hypothétiques et ne constitue pas un moyen sérieux.
L'attitude de l'intéressé qui consiste à revenir sur le territoire national après en avoir été éloigné en 2013, dépourvu de tout document de voyage ou d'identité, et d'y résider de façon irrégulière pendant plusieurs années alors qu'il a déjà été condamné à une interdiction du territoire national pendant deux ans par tribunal correctionnel de Marseille le 7 novembre 2012 laissent craindre l'existence d'un risque de fuite ou d'obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera écarté.
3) - Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA
L'article L742-5 du CESEDA prévoit que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4 (soixante jours), lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le même texte, dans son alinéa 7, permet également la saisine du juge en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'alinéa 9 précise que la nouvelle prolongation de la rétention court alors à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
L'alinéa 10 dispose enfin que, si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa de l'article L742-5 survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
En l'espèce la requête préfectorale en quatrième prolongation est fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé.
Condamné les 6 juillet 2012 et 7 novembre 2012 par le tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de vol avec violence et extorsion, et le 5 octobre 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits de transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants M. [N] constitue assurément une menace certaine, grave et actuelle à l'ordre public par la permanence et la gavité de ses agissements qui témoignent de surcroît du peu de considération de l'intéressé pour les différents avertissements judiciaires reçus.
La requête préfectorale en quatrième prolongation est par conséquent justifiée au regard des critères légaux.
4) - Sur la demande d'assignation à résidence
Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de remise préalable d'un passeport en cours de validité aux autorités administratives.
Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 22 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Déclarons irrecevable la fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 22 octobre 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [F] [N]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 8]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 6]
Aix-en-Provence, le 23 octobre 2025
À
- PREFET DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 7]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 7]
- Maître Gaëlle LABBE
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 octobre 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [F] [N]
né le 11 Août 1989 à [Localité 5]
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 25/02049 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPIP7
Copie conforme
délivrée le 23 Octobre 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 22 octobre 2025 à 12h35.
APPELANT
Monsieur [F] [N], alias [E] [J]
né le 11 août 1989 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité algérienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.
Assisté de Maître Gaëlle LABBE, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.
INTIMÉE
PREFET DES BOUCHES DU RHONE
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 23 octobre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Madame Laura D'AIMÉ, Greffière,
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 à 12h20,
Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Madame Laura D'AIMÉ, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu la condamnation prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 26 décembre 2024 à une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;
Vu la décision prise le 8 août 2025 par la préfecture des Bouches-du-Rhône portant à exécution l'interdiction judiciaire du territoire national, notifiée le même jour ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 8 août 2025 par la PREFET DES BOUCHES DU RHONE notifiée le même jour à 9h30 ;
Vu l'ordonnance du 22 octobre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [F] [N] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 22 octobre 2025 à 15h19 par Monsieur [F] [N] ;
Monsieur [F] [N] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'la première fois que j'étais en France en 2011 j'ai donné le nom de [O] [D] [J]. Je suis de nationalité algérienne. J'ai fait appel pour sortir. Je n'ai rien à ajouter. Dès que j'ai la décision je quitte le territoire, j'ai des enfants. Après 2012, j'ai donné mon permis et j'ai été expulsé en 2013. Je suis resté six ans ou sept ans, et je suis revenu là, je suis revenu en 2019 ou 2020. Je suis venu avec ma femme et mon fils. Je suis passé par l'Espagne, je suis resté deux jours à [Localité 7], et je suis allé en Allemagne. Je suis revenu parce que j'avais beaucoup de problèmes familiaux. J'ai pas été condamné en 2020, j'étais en Allemagne, je n'étais pas là. Je suis venu chercher ma femme et mon fils, j'avais un document à signer, mais je ne l'ai pas signé. J'ai été condamné pour des faits de transports et détention non autorisée de stupéfiants, mais ce n'était pas moi. Je veux sortir, je veux rentrer chez ma soeur récupérer mes affaires, j'ai un avocat, je vais chercher mes enfants, j'ai divorcé avec la mère de mon enfant donc je ne sais pas où il se trouve. J'ai un passeport mais pas d'argent.'
Son avocate, régulièrement entendue, reprend les termes de la déclaration d'appel, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle fait notamment valoir que l'irrégularité de la requête de prolongation est fondée sur le fait que la dernière décision de prolongation de la cour du 9 octobre 2025 et sa notification, qui sont des pièces justificatives utiles, n'accompagnaient pas la requête préfectorale . C'est une irrégularité qui doit entraîner la mise en liberté de son client. Le juge de [Localité 7] a jugé que c'était bien une pièce justificative mais a considéré que le retenu n'avait pas eu de grief car il avait exercé la voie de recours, et qu'il n'avait pas besoin de la notification. Or, au moment de la saisine le dossier doit être complet, il ne peut être complété par la suite. Le juge a couvert cette absence de manière différente de ce que prévoient les textes. Cette absence de pièces justificatives utiles est donc également soulevée en appel. Dans la déclaration d'appel il est question de l'article R743-2 du CESEDA et du registre de rétention mais seule l'absence de pièces justificatives utiles est visée, cela a été discuté en première instance et la cour peut examiner ce point en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.
Le représentant de la préfecture ne comparaît pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.
En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.
Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.
1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
L'article 561 du même code énonce que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du même code.
Par ailleurs l'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 9] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
La loi ne précise pas le contenu de ces pièces justificatives : il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.
L'appelant soulève l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation au motif que l'administration n'a pas joint à sa saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant confirmé la troisième prolongation le 9 octobre 2025 et soutient que le premier juge ne pouvait rejeter cette fin de non recevoir au motif que l'intéressé n'avait subi aucun grief.
Toutefois le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille a écarté la fin de non recevoir soulevée devant lui car elle portait non pas sur le défaut de production de la dernière prolongation validée par la cour mais sur une décision antérieure de celle-ci dont l'absence était nécessairement purgée ainsi qu'il l'a justement indiqué. En conséquence, et contrairement aux affirmations de son conseil à l'audience, le premier juge n'a jamais écrit, pour rejeter cette fin de non recevoir, que M. [N] n'avait subi aucun grief.
De plus, indépendamment de la question de savoir si la requête préfectorale en quatrième prolongation est effectivement affectée d'une irrégularité, force est de constater que l'idée d'un 'appel balai' par l'association Forum Réfugiés, telle que développée à l'audience et qui permettrait de faire entrer dans un moyen d'appel ce qui n'y figure pas, ne saurait en aucun cas justifier une atteinte, grave en l'occurrence, au principe du contradictoire dans la mesure où ni la préfecture, ni le parquet général n'ont été destinataires de cette nouvelle fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autorisant la troisième prolongation de la mesure de rétention. Contrairement aux observations faites devant la cour le moyen tiré de l'irrégularité de la requête en prolongation, dans la déclaration d'appel, ne vise dans son titre comme dans son contenu que le registre de rétention qui ne serait pas actualisé en l'absence d'éléments liés aux diligences consulaires. Or l'appelant ne peut se contenter de mentionner, incidemment, que 'en l'espèce, la requête Préfectorale n'est pas accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles et de la copie du registre actualisée' pour s'affranchir des principes essentiels de la procédure civile, ceux du contradictoire et de la motivation de son recours en vertu des textes susvisés.
Enfin, ainsi qu'en dispose expressément l'article 561 précité, l'effet dévolutif permet à la juridiction d'appel de statuer à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile et ne permet donc nullement aux parties de se dispenser du respect du principe du contradictoire.
Dans ces conditions la fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sera déclarée irrecevable.
2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement
L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 12 août 2025 le consul général d'Algérie de la situation de l'intéressé aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire et l'a relancé les 5 septembre, 6 et 20 octobre 2025.
Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.
Enfin l'absence prétendue de perspectives d'éloignement au regard d'un contexte diplomatique présenté comme difficile entre l'Algérie et la France, sur lequel il n'appartient d'ailleurs pas à l'autorité judiciaire de se prononcer, repose sur des motifs purement hypothétiques et ne constitue pas un moyen sérieux.
L'attitude de l'intéressé qui consiste à revenir sur le territoire national après en avoir été éloigné en 2013, dépourvu de tout document de voyage ou d'identité, et d'y résider de façon irrégulière pendant plusieurs années alors qu'il a déjà été condamné à une interdiction du territoire national pendant deux ans par tribunal correctionnel de Marseille le 7 novembre 2012 laissent craindre l'existence d'un risque de fuite ou d'obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera écarté.
3) - Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA
L'article L742-5 du CESEDA prévoit que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4 (soixante jours), lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le même texte, dans son alinéa 7, permet également la saisine du juge en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'alinéa 9 précise que la nouvelle prolongation de la rétention court alors à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
L'alinéa 10 dispose enfin que, si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa de l'article L742-5 survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
En l'espèce la requête préfectorale en quatrième prolongation est fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé.
Condamné les 6 juillet 2012 et 7 novembre 2012 par le tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de vol avec violence et extorsion, et le 5 octobre 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits de transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants M. [N] constitue assurément une menace certaine, grave et actuelle à l'ordre public par la permanence et la gavité de ses agissements qui témoignent de surcroît du peu de considération de l'intéressé pour les différents avertissements judiciaires reçus.
La requête préfectorale en quatrième prolongation est par conséquent justifiée au regard des critères légaux.
4) - Sur la demande d'assignation à résidence
Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de remise préalable d'un passeport en cours de validité aux autorités administratives.
Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 22 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Déclarons irrecevable la fin de non recevoir tirée du défaut de production de la dernière ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 22 octobre 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [F] [N]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 8]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 6]
Aix-en-Provence, le 23 octobre 2025
À
- PREFET DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 7]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 7]
- Maître Gaëlle LABBE
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 octobre 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [F] [N]
né le 11 Août 1989 à [Localité 5]
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.