CA Amiens, ch. économique, 23 octobre 2025, n° 21/00277
AMIENS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Société De Maintenance Construction De Bâtiments (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grevin
Conseiller :
Mme Dubaele
Avocats :
Me Lefevre, Me Karila, Me Quinton, Me Andre, Me Fretel
La SA [Adresse 8], organisme de logement social à loyer modéré, a entrepris la réalisation à [Localité 6] d'environ 78 logements sociaux par phases successives :
- Une tranche ferme pour la construction de 36 logements collectifs répartis en 3 bâtiments(A/B/C) à l'angle de la [Adresse 14][Adresse 12], et de 14 logements individuels,
- Une deuxième tranche conditionnelle, qui a été confirmée, d'environ 28 logements répartis en 4 bâtiments de logements intermédiaires (A/B/C/D) à l'angle de la [Adresse 15] et de la [Adresse 13].
Suivant acte du 10 février 2011, la SAS HLM ICF Nord Est a conclu un marché négocié de conception-réalisation (en démarche CQFD) passé en application des articles 75, 37, 69 du code des marchés publics avec un groupement momentané d'entreprises réputées solidaires, dont la SAS MCP Ingénierie, mandataire du groupement.
Le montant total du marché s'élevait à la somme de 8.050.553,34 euros HT, avec un délai d'exécution de 20 mois, dont 6 pour la phase de conception et 14 pour la phase de réalisation.
Suivant avenant n°2 au marché en date du 26 septembre 2012, la société SYNER Ingénierie a substitué la SAS MCP Ingénierie dans tous ses droits et toutes ses obligations de mandataire du groupement. Une augmentation des surfaces des bâtiments collectifs a été prévue ainsi que la reprise des fondations par puits et micro-pieux pour les bâtiments collectifs, moyennant des plus-values du marché de base.
En application de l'article 3.2 dudit avenant, la société SYNER Ingéniérie s'est substituée à l'ensemble des membres du groupement, devant de ce fait assumer seule la réalisation du chantier en tant que contractant général et maître d'oeuvre.
La société SYNER Ingénierie a sous-traité l'ensemble du marché, notamment le lot gros-oeuvre qu'elle a confié à la SAS Société de Maintenance Construction de Bâtiments (ci-après "SMCB") pour un montant de 897.000 euros TTC pour chacune des deux tranches.
Invoquant des problèmes de sécurité, des malfaçons, des non façons, des non conformités, notamment des problèmes de jonctions de refend entre panneau bois et béton sur les façades, problèmes de sécurité, constatés sur les travaux de construction en cours des 36 logements collectifs (phase 1), le maître de l'ouvrage a adressé à Syner Ingéniérie un ordre de service n°2 le 21 novembre 2013 d'arrêt de chantier immédiat compte tenu des risques encourus et des non conformités et malfaçons graves relevées.
Cette dernière a admis par courrier du 25 novembre 2013 que la décision d'interruption du chantier était justifiée et a proposé des mesures correctives par renforcement de l'encadrement du chantier, reconnaissant avoir sous-estimé la reprise de la maîtrise d'oeuvre.
Le 20 décembre 2013, le maître de l'ouvrage a adressé à Syner Ingenierie un ordre de service n°3 d'arrêt de chantier immédiat concernant les logements intermédiaires (phase 2) motivé par une dérive financière globale et des malfaçons.
La société SYNER Ingénierie a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon le 26 février 2014.
Suivant acte d'huissier délivré le 9 avril 2014 la société SMCB a fait assigner la SA [Adresse 8] devant le président du tribunal de commerce de Compiègne statuant en référé aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 248.670,49 euros à titre de provision à valoir sur des situations impayées.
Le liquidateur a résilié le marché le 24 mars 2024, ce que le maître d'ouvrage a accepté le 28 mars 2014.
Ce dernier a, par lettre recommandée avec avis de réception du 7 mai 2014, déclaré sa créance à hauteur de 3.579.887 euros au titre du montant des travaux de reprise des ouvrages mal réalisés, le montant des surcoûts de finition des travaux non terminés, le montant des frais annexes, le montant des pertes de loyers sur deux ans.
Le maître de l'ouvrage a fait constater et analyser les désordres par le cabinet [D] experts qui a émis son rapport le 17 juin 2014 y relevant notamment des défauts importants du lot gros oeuvre (manque de ferraillage, ....) tant sur les logements intermédiaires que sur les logements collectifs.
Par ordonnance de référé en date du 1er juillet 2014, le tribunal de commerce de Compiègne a rejeté les demandes de la SA SMCB, estimant que l'examen du litige relevait des attributions du juge du fond.
Par acte en date du 10 novembre 2014, la SA SMCB a fait assigner la SA [Adresse 8] devant le tribunal de commerce de Compiègne.
Parallèlement à cette procédure, la SA HLM ICF Nord Est a le 29 juin 2015 saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre en référé d'heure à heure aux fins d'expertise judiciaire au contradictoire des entreprises intervenantes à la construction, dont la société SMCB, après que le président du tribunal administratif d'Amiens saisi le 14 novembre 2014 ait décliné sa compétence d'attribution le 7 mai 2015 au motif que les travaux litigieux n'étaient pas des travaux publics.
Par ordonnance en date du 1er septembre 2015, le président du TGI de Nanterre a ordonné une expertise des constructions litigieuses et a désigné Monsieur [S] [O] expert judiciaire près la cour d'appel de Versailles.
Par jugement en date du 8 septembre 2015, le tribunal de commerce de Compiègne a sursis à statuer le temps que le rapport d'expertise soit établi, tout en condamnant la SA [Adresse 8] au paiement de la somme de 67.851,68 euros à titre provisionnel correspondant aux retenues de garantie de 5% restées impayées sur les factures précédant les deux situations de travaux objet du présent litige.
L'expert judiciaire a autorisé le maître de l'ouvrage à reprendre le chantier le 4 décembre 2017.
Il a déposé son rapport le 16 avril 2019, permettant à la procédure devant le tribunal de commerce de Compiègne de reprendre son cours.
A titre principal, la SA SMCB a excipé de la nullité du rapport d'expertise et a sollicité la condamnation de la SA [Adresse 8] au paiement de la somme de 193.317,11 euros TTC avec capitalisation des intérêts au titre des dernières situations de travaux des deux tranches.
En réponse, la SA HLM ICF Nord Est a demandé le débouté des demandes de la SA SMCB et la condamnation de celle-ci au paiement de dommages et intérêts au titre de la réparation de divers préjudices subis du fait de malfaçons.
Par un jugement en date du 27 octobre 2020, le tribunal de commerce de Compiègne :
- Dit la SA SMCB recevable mais mal fondée en sa demande de nullité du rapport d'expertise du 16 avril 2019, l'en déboute ;
- Dit la SA SMCB recevable et bien fondée en sa demande en règlement des situations n°6 du 25 janvier 2014 et n°4 du 20 décembre 2013.
En conséquence,
- Condamne la SA [Adresse 8] à payer à la SA SMCB la somme de 193.317,11 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014 et de la capitalisation des intérêts ;
- Dit la SA SMCB recevable mais mal fondée en le surplus de ces demandes, l'en déboute ;
- Dit la SA [Adresse 8] recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle au titre des dommages et intérêts, l'en déboute ;
- Condamne la SA HLM ICF Nord Est aux dépens et à verser à la SA SMCB la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonne l'exécution provisoire ;
- Liquide les dépens du greffe à la somme de 81,12 euros TTC dont TVA à 20%.
Par une déclaration en date du 6 janvier 2021, la SA [Adresse 8] a interjeté appel de cette décision.
Au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué, la SA HLM ICF Nord Est a réglé à la SA SMCB la somme de 206.508,36 euros le 15 décembre 2020.
Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 4 octobre 2021, la SA [Adresse 8] demande à la cour de :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III , Vu l'article 75 du code de procédure civile, Vu le « CCAG travaux » approuvé par le décret n°76-87 du 21 janvier 1976, Vu l'article 1382 du code civil dans sa version ancienne applicable aux faits de l'espèce, Vu l'article 1147 du code civil, Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Vu les pièces produites à l'appui des présentes écritures,
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 27 octobre 2020 en tant qu'il a :
' Dit la SA SMCB recevable et bien fondée en sa demande en règlement des situations n°6 du 25 janvier 2014 et n°4 du 20 décembre 2013.
En conséquence,
' Condamné la SA [Adresse 8] à payer à la SA SMCB la somme de 193.317,11 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014 et de la capitalisation des intérêts ;
' Dit la SA [Adresse 8] recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle au titre des dommages et intérêts, l'en déboute ;
' Condamné la SA HLM ICF Nord Est aux dépens et à verser à la SA SMCB la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Ordonné l'exécution provisoire.
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 27 octobre 2020 en tant qu'il a débouté la SA SMCB de sa demande en annulation du rapport d'expertise de Monsieur [S] [O] du 16 avril 2019 ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 27 octobre 2020 en tant qu'il a débouté la SA SCMB de sa demande en paiement d'une indemnité de 70.000 euros de dommages et intérêts ;
- Débouter la SA SMCB de son appel incident.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déclarer la SA SMCB irrecevable en son action en paiement direct des sommes de 181.169,39 euros TTC et 12.147,72 euros TTC, soit au total 193.317,11 euros TTC ;
- Débouter à titre subsidiaire la SA SMCB de sa demande en paiement de la somme de 193.317,11 euros TTC comme s'avérant injustifiée, notamment en considération de l'état d'avancement des travaux ;
- Condamner la SA SMCB à verser, en application de l'article 1382 du code civil dans sa version ancienne applicable, à la SA [Adresse 8], à titre de dommages et intérêts :
' 78.470,80 euros TTC en réparation du préjudice financier afférent aux reprises des travaux de gros oeuvre (52.970,80 euros TTC + 25.500 euros TTC) à la SA SMCB arrêtés par l'expert judiciaire) ;
' 5.400 euros TTC en réparation du préjudice financier afférent au règlement des honoraires de Monsieur [J] ;
' 7.700 euros TTC en réparation du préjudice financier afférent au règlement de la mission de reconnaissance des ferraillages ;
' 6.732 euros TTC en réparation du préjudice financier afférent au règlement des frais de reconnaissance des ferraillages ;
' 143.058 euros TTC en réparation du préjudice financier afférent aux travaux de reprise des flèches des rives de dalles et les manquements d'acier (reprises de gros oeuvre postes 1 à 6, 11 à 24, 30, 32, 33, 36) ;
' 190.000 euros en réparation du préjudice financier afférent à la perte des subventions induite par les arrêts des chantiers ;
' 1.705.091 euros en réparation du préjudice financier afférent aux pertes de loyers ;
' 144.655 euros en réparation du préjudice financier consécutif afférent aux frais de sécurisation et de gardiennage du chantier depuis 2013 ;
' Assortir lesdites sommes des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2019 (date du dépôt du rapport d'expertise), sinon à compter du 7 juillet 2020 (dépôt des conclusions n°5 de la SA [Adresse 8]) et à titre plus encore subsidiaire celle du 8 septembre 2020 (date de l'audience des plaidoiries devant le tribunal de commerce de Compiègne).
- Ordonner la compensation des créances connexes en application des articles 1347, 1348 et suivants du code civil ;
- Condamner la SA SMCB à verser à la SA [Adresse 8] une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais qu'il a été contraint d'exposer pour les besoins de la présente instance ;
- Débouter la SA SMCB de sa demande de fixation des intérêts dus sur les sommes allouées à la SA SMCB au 27 octobre 2020 (date du prononcé du jugement) ;
- Débouter la SA SMCB de sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 14 février 2014, la capitalisation ne pouvant être requise qu'à compter de la demande en justice et pour les intérêts courus depuis plus d'un an ;
- Débouter la SA SMCB de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SA SMCB aux entiers dépens, y inclus les frais d'expertise et les frais de procédure de référé devant le TGI de [Localité 11];
- A titre subsidiaire, condamner la SA SMCB aux entiers dépens, y inclus les frais d'expertise judiciaire, les frais des procédures de référé devant le TGI de [Localité 11] et le remboursement des honoraires de Monsieur [J] d'un montant de 5.400 euros TTC, des factures de la société Stonovax d'une montant de 7.700 euros TTC et de la société Outlabs Structure de 6.732 euros TTC ;
- Rejeter tous moyens, prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 29 novembre 2024 formant appel incident, la SA SMCB demande à la cour de :
Vu l'article L.721-3 du code de commerce, Vu l'article L.433-1 du code de la construction et de l'habitation, Vu les articles 237 et 238 du code de procédure civile, Vu l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, Vu l'article 1 de la loi du 16 juillet 1971, Vu les articles 1779-3, 1147 et 1382 du code civil,
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en ce qu'il a :
' Débouté la SA SMCB en sa demande de nullité du rapport d'expertise du 16 avril 2019 ;
' Débouté la SA SMCB de sa demande indemnitaire.
Et statuant à nouveau,
- Dire nul le rapport d'expertise du 16 avril 2019 ;
- En tout état de cause, dire que ce rapport ne revêt aucune force probante ;
- Condamner la SA [Adresse 8] à payer à la SA SMCB la somme de 70.000 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de la rétentio arbitraire des sommes dues ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en ce qu'il a :
' Condamné la SA [Adresse 10] à payer à la SA SMCB la somme de 193.317,11 euros TTC majoré des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014 et de la capitalisation des intérêts ;
' Débouté la SA [Adresse 8] en sa demande reconventionnelle ;
' Condamné la SA HLM ICF Nord Est aux dépens et à verser à la SA SMCB la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
- La condamner à payer à la ICF Nord Est à payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter, en conséquence, la SA [Adresse 8] de ses demandes plus amples ou contraires.
La clôture est intervenue par ordonnance au 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire :
Visant les articles 237 et 238 du code de procédure civile, le sous-traitant se prévaut de la nullité du rapport d'expertise judiciaire aux motifs que l'expert n'a pas procédé aux constats de tous les désordres allégués pour lesquels il a été missionnés, qu'il a raisonné à partir d'un tableau synthétique fait par le maître de l'ouvrage, en classant les désordres par catégories et par lots, qu'il n'a pas distingué les désordres qu'il a vus de ceux qu'il n'a pas vus et qu'Axio a fait un chiffrage au m² sans regarder les désordres.
Il ajoute que la méthode utilisée a fait l'objet de contestations au cours des opérations tant celle-ci a favorisé la SA [Adresse 9] qui n'a pas eu à supporter la charge de la preuve qui était la sienne, et ce d'autant plus que l'expert n'a pas appliqué le coefficient correcteur qu'il avait lui-même proposé pour compenser le biais défavorable aux entreprises de la méthodologie retenue.
Il fait valoir que le rapport est insuffisamment motivé quant à la détermination des responsabilités encourues, tandis qu'il reprend des éléments incohérents et erronés pour évaluer les préjudices et fait une erreur grossière de raisonnement lorsqu'il indique qu'il y a lieu d'imputer le chiffrage des désordres sur les montants des chantiers déjà versés par ICF et correspondant à l'avancement du chantier en 2013 (qu'il estime à 70% pour le gros-oeuvre des logements intermédiaires et 97% pour le gros-oeuvre des logements collectifs, alors même qu'il indiquait lors de la visite des lieux que "le gros oeuvre est largement avancé" en ce qui concerne les logements intermédiaires et que "le gros-oeuvre est terminé" en ce qui concerne les logements collectifs) alors qu'il avait demandé à la société ICF de chiffrer, à programme constant, le coût de terminaison du chantier (soit 100%).
Enfin, il déplore une absence de réponse à son dire récapitulatif qui sollicitait des explications sur certaines imputations des désordres, l'évaluation de l'état d'avancement du chantier et les comptes entre les parties que l'expert n'a mentionnés que dans son pré-rapport, violant ainsi le principe du contradictoire puisque le rapport est strictement identique au pré-rapport, ce qui démontre sa partialité en faveur du maître de l'ouvrage.
La société maître de l'ouvrage réplique que la société sous-traitante a activement participé aux opérations d'expertise qui ont été menées régulièrement, qu'elle ne développe aucun manquement au contradictoire, ni manquement à une règle de procédure lui faisant grief, et ce d'autant plus qu'elle n'a jamais saisi le juge du contrôle des expertises.
Elle ajoute qu'à supposer l'existence d'erreurs matérielles ou de non respect des missions confiées à l'expert, la nullité ne se justifierait pas puisque la cour pourrait si elle ne s'estimait pas assez éclairée entendre l'expert par application de l'article 283 du code de procédure civile, l'expert n'étant pas tenu de répondre exhaustivement à tous les points de l'argumentation technique des parties qu'il n'est pas obligé de suivre.
Elle indique que l'expert a bien enlevé certains travaux réparatoires (notamment isolation...) qui étaient sollicités, en réponse aux dires du sous-traitant et explique bien qu'il fait des différences entre malfaçons qui ne peuvent être reprises sans démolition et des non façons ou mineures malfaçons qui auraient pu être finies ou reprises si le chantier n'avait pas été arrêté.
La cour rappelle qu'aux termes des articles 237 et 238 du code de procédure civile, l'expert judiciaire doit "accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité, et doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis" et aux termes de l'article 246 du même code "Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien".
Si la demande d'annulation d'une expertise, en elle-même, constitue une défense au fond, elle demeure soumise en application de l'article 175 du code de procédure civile aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure (Civ.1ère 30 avril 2014- n°2014-008549).
Or aux termes de l'article 114 du code de procédure civile,
"Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité susbtantielle ou d'ordre public."
La société sous-traitante fait état du non respect, par l'expert, de la réalisation complète de sa mission par défaut de constat exhaustif des désordres, d'erreurs grossières d'appréciation et d'insuffisance de motivation des avis qu'il émet sur les imputations et les chiffrages, et de la violation du principe de la contradiction en ne répondant pas à tous ses dires. Elle en déduit qu'il a rendu un rapport partial au profit du maître de l'ouvrage.
Il ressort du rapport définitif du 16 avril 2019 que l'expert a :
- convoqué les parties à chaque réunion d'expertise,
- tenu 11 réunions sur place en rédigeant à la suite de chacune une note aux parties, du 8 décembre 2015 au 23 mars 2018,
- tenu 2 réunions en salle les 14 septembre et 13 décembre 2018,
- rendu un pré-rapport le 18 février 2019,
- rendu son rapport définitif le 16 avril 2019 en répondant à toutes les questions de la mission d'expertise telle que fixée dans l'ordonnance le désignant et en répondant aux dires récapitulatifs qui lui étaient soumis, sauf au dire additif au récapitulatif de la SMCB du 5 avril 2019 adressé hors délai.
Force est de constater au vu du rapport d'expertise que l'expert, qui a visité tous les immeubles plusieurs fois, a choisi de ne pas procéder à un constat exhaustif des désordres allégués par la société ICF et listés par le cabinet d'expertise [D] concernant les deux phases de chantier. S'il reconnaît ainsi avoir procédé par extrapolation relativement aux désordres redondants, estimant impossible d'examiner les 1500 désordres listés par le cabinet d'expertise [D], il s'en est expliqué en indiquant qu'il aurait fallu y passer une semaine sur place ce que les parties ne souhaitaient pas, y compris la société SMCB qui ne conteste pas son indisponibilité et qui dès lors est mal fondée à discuter la méthode de l'expert qui s'est heurté de fait à une impossibilité de faire.
L'expert a tout d'abord dressé le constat de certains désordres apparents, notamment les plus importants relatifs au gros-oeuvre (pour ces derniers concernant les bâtiments collectifs, défauts de contacts entre la structure béton et les panneaux de bois de façade dus soit à la pose des panneaux soit à un défaut de la structure béton, entraînant un manque d'étanchéité à l'air; concernant les logements intermédiaires du fait de l'arrêt de chantier beaucoup de désordres restaient comme les fers en attente, les défauts de coulage des trous de banche à boucher, les défauts de niveau devant être piochés à la reprise du chantier, les défauts d'aplomp n'étaient pas évidents et devaient faire l'objet de mesure, les pieds de poteaux étant destinés à être noyés dans la chape de 14 cm qui enrobera les aciers), mais également relatifs à la charpente et menuiserie comme le désafleurement des panneaux de bois préfabriqués de façade déjà signalé par la société Veritas, bureau de contrôle du chantier. Puis il a notamment fait réaliser des sondages du gros oeuvre pour vérifier le manque de ferraillage dans les dalles, les poutres et les trémies allégué par le cabinet [D]. Compte tenu du défaut d'exécution du gros-oeuvre révélé par analyse radiographique et sondage sur le bâtiment collectif C (défaut de mise en oeuvre des ferraillages et du béton), il s'est entouré d'un sapiteur, M. [J] ingénieur béton, pour faire une analyse objective du rapport [D], vérifier les éléments litigieux par le calcul et des constatations sur place et proposer des solutions réparatoires, afin de déterminer si les structures étaient réparables, pouvaient tenir avec le ferraillage en place ou si une démolition devait être envisagée. Une note du sapiteur [J] a été diffusée le 4 juillet 2016 qui soulignait des anomalies dans la structure béton (poutres noyées trop souples, risque de fissures dans les revêtements) nécessitant un renfort par poutre métallique, ainsi que le défaut d'armement des trémies d'escaliers. Sa note de calcul a été diffusée aux parties le 22 septembre 2016. Après examen des calculs utilisant d'autres logiciels présentés par les deux bureaux d'étude béton des deux chantiers mis en cause par la société SMCB (BET ETIC pour les collectifs, BET ACR pour les logements intermédiaires), M. [J] indiquait que les calculs de vérification des bandes noyées étaient acceptables bien que très limites dans les bâtiments de logements intermédiaires ABCD et ceux des bâtiments collectifs étaient acceptables, mais que deux questions restaient en suspens : vérification de l'utilisation du béton B45 (bâtiment B poutres 4, 5 et 6) et trémies dont les aciers coupés ne sont pas repris par une armature de renfort (risque de fissuration dans les angles) dans les 4 bâtiments de logements intermédiaires et les logements collectifs et dans les logements intermédiaires un manque de chapeaux autour du fût d'escalier au plancher bas du rez-de-chaussée. M. [J] confronté à de graves problèmes personnels a dû abandonner la mission et a été remplacé par M. [M] qui a, dans sa note transmise aux parties le 28 février 2018, consolidé les affirmations du cabinet [D] et du précédent sapiteur en soulignant l'absence de ferraillage autour des trémies, l'absence de chapeau (aciers supérieurs), des cisaillement de dalles, des problèmes de flèches.
Dans l'attente du chiffrage des travaux des malfaçons et des travaux à terminer par le nouveau maître d'oeuvre chargé par le maître de l'ouvrage de piloter la suite du chantier, le classement des désordres listés par le cabinet [D] a été produit lors de la réunion 29 septembre 2016 dans un tableau Excel par lots et par catégories (malfaçons, non façons, dégradations après arrêt du chantier) sur proposition de l'expert qui a donné 6 semaines aux parties pour présenter leurs remarques sous forme d'une colonne ajoutée aux tableaux Excel du cabinet [D]. Lors de la réunion du 15 décembre 2016, l'expert a noté qu'aucune réaction n'avait été produite dans le délai sur les tableaux du cabinet [D] dont il a indiqué qu'ils répertorient de façon synthétique et logique les divers désordres souvent répétitifs. Le sous-traitant gros-oeuvre ne peut donc se plaindre d'une violation du principe du contradictoire par l'expert au motif qu'il n'aurait pas répondu à son dire non numéroté du 1er septembre 2017, soit hors délai, lui demandant de vérifier la réalité des désordres allégués. Au demeurant compte tenu des critiques relatives aux imputations retenues dans le tableau E1 qu'il a diffusé en annexe de sa note n°8 du 10 avril 2017, l'expert a accepté lors de la réunion du 12 septembre 2017 d'examiner 27 désordres dans le bâtiment A représentatif des désordres des autres bâtiments ainsi que 6 désordres dans le bâtiment C, ce qui lui a pris une matinée, confirmant l'impossibilité d'examiner les 1500 désordres allégués et la nécessité de regrouper des désordres qui étaient pour la plupart redondants. Il a en conséquence corrigé le tableau pour tenir compte de ses constats et des regroupements nécessaires à l'issue de la réunion d'expertise du 12 septembre 2017 ce qui a abouti au tableau de synthèse E3. Il complétait son projet de synthèse en indiquant certaines imputations. Ainsi en ce qui concerne le gros oeuvre, il indiquait, concernant les logements intermédiaires, être en attente des notes de calcul des dalles et poutres approuvées par Veritas et de l'avis du sapiteur, précisait que les défauts d'aplomb n'étaient pas constatés et que des trous étaient à boucher du fait de l'arrêt de chantier. Pour les logements intermédiaires il écrivait être en attente de la note du sapiteur pour la structure et pointait plusieurs malfaçons à savoir le défaut de jonction entre dalles et panneaux de façade, entre murs, refends et panneaux de façade, entraînant un défaut d'étanchéité à l'air, conséquence à la fois de défauts de coulage de béton et de non finitions, ainsi qu'une pose aléatoire des équerres de façade due aux défauts de gros oeuvre, observant à cet égard que la reprise aurait été possible sans l'arrêt de chantier par renfort des équerres et bourrage pour assurer le coupe-feu.
L'expert a demandé à l'architecte désigné par le maître de l'ouvrage pour reprendre la suite du chantier de chiffrer, à programme constant, le coût de terminaison du chantier. Pour la fin août 2017 l'expert sollicitait le chiffrage des travaux conformes aux marchés, le coût réel de la finition compte tenu des modifications de réglementation depuis l'arrêt de chantier, précisant que des chiffrages contradictoires des parties seraient les bienvenus. Il sollicitait la réaction des parties sur la note de M. [M], le sapiteur, transmise le 28 février 2018, pour la fin avril 2018 délai de rigueur. Lors de la réunion du 7 mars 2018 il répondait au dire non numéroté de la société SMBC daté du 16 novembre 2017 (annexé au rapport en D49 et non en D24 comme indiqué par erreur) en indiquant que le désordre 1168 ("répartition aléatoire des équerres à justifier" bâtiment collectif C, imputé par ICF au lot charpente) ne concernait effectivement pas le gros-oeuvre, mais que les désordres de défauts de ferraillage ne pouvaient être considérés comme des non-finitions puisque les finitions ne consistent pas à cacher des malfaçons, l'enrobage des acier étant fondamental pour la tenue du bâtiment, et que les défauts de synthèse gros-oeuvre/façades étaient bien à classer dans les malfaçons mais auraient pu être reprises si le chantier n'avait pas été arrêté si bien qu'il les avait déclassées en non finitions. L'expert attendait les réactions des parties avant la fin avril 2018 sur le chiffrage des reprises et finitions par le cabinet Axio architectes, réalisé à programme constant. Les dires de la société SMBC étant postérieurs (datés du 6 juillet et 12 septembre 2018) elle ne peut donc pas se plaindre que l'expert n'y ait pas répondu. Lors de l'avant-dernière réunion l'expert déplorait que les tableaux qui lui étaient soumis par les parties étaient difficilement comparables avec le tableau des désordres et des chiffrages de réparations qui leur avait soumis pour observations. La dernière réunion du 13 décembre 2018 avant le pré-rapport du 18 février 2019 avait pour objet d'examiner les réactions des parties sur les tableaux des désordres commentés par l'expert et les chiffrages de réparations produits par Axio Architectes assistant du maître d'oeuvre (synthétisés dans le tableau E4). Il notait que des précisions étaient encore nécessaires de la part d'Axio pour pouvoir différencier le chiffrage des reprises entre les poutres et les trémies.
Il ressort in fine de la lecture du rapport définitif que l'expert a accompli sa mission avec conscience, objectivité et impartialité, et qu'il a bien respecté le principe de la contradiction. Il a procédé aux visites et constats des immeubles et s'il s'est heurté à des difficultés techniques qu'il relate, du fait notamment de l'écoulement du temps ayant entraîné une détérioration et/ou selon le cas une aggravation de la détérioration de certains éléments des ouvrages (essentiellement panneaux de façade en bois et IPE) et de l'importante quantité et la récurrence des désordres allégués qui lui ont fait utiliser une méthode de classement par catégories et lots critiquée par certaines parties qui n'ont cependant pas cru bon d'en saisir le juge du contrôle des expertises. Il n'en a pas moins mené à bien sa mission, pour le moins difficile face à la multiplicité des parties et de leurs dires, en répondant aux questions qui lui étaient posées, en supprimant la plupart des désordres contestés par les parties dès lors qu'il y avait un doute, n'étant au demeurant pas tenu de suivre les parties dans leurs demandes et réclamations ni de répondre aux dires adressés hors délai. Les éventuelles erreurs de calcul pointées par les parties qui les corrigent d'ailleurs chacune à leur façon dans leurs conclusions, et les éventuelles erreurs d'appréciation sur les imputations, comptes entre les parties ou insuffisance de motivation de son avis dénoncées par le sous-traitant, qui ne sont au demeurant bien souvent que de simples divergences d'appréciation, relèvent de l'appréciation souveraine de la force probante du rapport par la cour mais ne sont pas de nature à entraîner son annulation pour défaut d'impartialité de l'expert.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise.
Sur la condamnation du maître de l'ouvrage à verser au sous-traitant 193.317,11 euros outre les intérêts moratoires et capitalisation, en paiement de deux situations de travaux (la situation n°6 du 25 janvier 2014 de 12.147,72 euros pour la tranche 1 et la situation n°4 du 20 décembre 2013 de 181.169,39 euros pour la tranche 2) :
La société maître de l'ouvrage oppose l'irrecevabilité de la demande en paiement direct en soutenant pour l'essentiel que :
- un sous-traitant agréé par le maître de l'ouvrage doit justifier qu'il a respecté la procédure idoine pour pouvoir bénéficier du paiement direct par le maître de l'ouvrage des prestations qu'il a réalisées, et ce pour chacune des situations et factures, ce que ne fait pas la société SMCB,
- en effet cette dernière ne justifie pas avoir scrupuleusement respecté les formalités imposées non seulement par la loi du 31 décembre 1975 mais également par les anciens articles 115 et 116 du code des marchés publics applicables à l'espèce, le fait que le marché ne soit pas un contrat administratif comme a pu le retenir le président du tribunal administratif d'Amiens pour décliner sa compétence n'empêchant pas que les anciennes dispositions du code des marchés publics relatives à la sous-traitance doivent être appliquées s'agissant de travaux exécutés par une SA d'HLM qui sont soumis au principe de publicité de mise en concurrence et d'exécution prévus par le code des marchés publics,
- pour prétendre au paiement direct des prestations réalisées il faut en effet que la société sous-traitante, sous peine d'irrecevabilité, transmette sa demande préalablement à l'entrepreneur principal avant de pouvoir formuler une demande de paiement direct au maître de l'ouvrage, cette obligation n'étant pas écartée en cas de liquidation de la société titulaire du marché (CE 19 avril 2017, n°39614); il ne peut donc présenter directement sa demande au maître d'ouvrage, et il ne peut prétendre au paiement direct qu'après avoir adressé sa demande de paiement au maître de l'ouvrage assortie de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire du marché a bien reçu la demande de paiement, cette exigence permettant de vérifier la date de réception par le titulaire du marché de la demande du sous-traitant et d'apprécier le cas échéant le respect des délais ;
- or ses courriers (produits en pièces 27 et 28) relatifs à la situation n°6 sont ambigus puisqu'ils ne se réfèrent pas à la procédure de paiement direct; quant à la situation n°4, les pièces 50 et 51 s'y rapportant ne se réfèrent aucunement à la procédure de paiement direct ni à l'envoi au maître de l'ouvrage de l'accusé de réception du premier courrier adressé à Syner Ingenierie,
- au demeurant l'agrément de la société SMCB rappelait expressément que les situations devaient être adressées au contractant général même si elles étaient libellées à l'ordre du maître de l'ouvrage,
- le maître de l'ouvrage n'a jamais validé le paiement de la situation de travaux n°4 du 20 décembre 2013 laquelle n'a pas été vérifiée par Syner Ingenierie; au demeurant il a formulé des demandes de rectification et de pièces justificatives, ces demandes témoignant de sa volonté de procéder à des vérifications concernant les travaux de SMCB.
Sur le bien fondé de la demande en paiement direct, le maître de l'ouvrage fait valoir que :
- la demande est de toute façon mal fondée compte tenu de l'état d'avancement des travaux constatés dans le cadre de l'expertise judiciaire,
- le juge administratif reconnait que les dispositions relatives au paiement direct au profit du sous-traitant ne privent pas le maître de l'ouvrage de la possibilité de vérifier que le montant réclamé par le sous-traitant correspond bien aux travaux effectués et même de refuser de régler les prestations s'il estime qu'elles n'ont pas été exécutées de manière satisfaisante, ce qui lui permet d'opposer la compensation de sa dette avec le coût de la reprise des malfaçons en ce qu'il s'agit de créances connexes ;
- selon l'expert judiciaire qui a visité plusieurs fois le chantier et chacun des bâtiments, les situations réglées au jour de l'arrêt du chantier correspondaient bien à l'état d'avancement du gros oeuvre, et le sous-traitant ne démontre pas l'état d'avancement tel que présenté dans ses situations litigieuses.
Sur la recevabilité de l'action en paiement direct la société sous-traitante fait valoir pour l'essentiel que :
- seul le titre II (articles 6 à 10) de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est applicable, non les dispositions du code des marchés publics,
- le maître de l'ouvrage lui a payé directement par virement, déduction faite à chaque fois d'une retenue de garantie de 5%, ses premières situations de travaux conformément aux actes d'engagement, mais a refusé de régler ses deux dernières situations relatives aux deux phases du chantier, correspondant à l'avancement des travaux à la date d'arrêt du chantier,
- elle a pourtant respecté les dispositions de l'article 8 de la loi susvisée en :
* adressant sa situation n°6 (logements collectifs) qui constate l'avancement du chantier à la date de son arrêt en novembre 2013, par lettre recommandée avec avis de réception du 24 janvier 2014 à la société Syner Ingéniérie et à la société ICF Nord Est (pièce 27) ;
* adressant sa situation n°4 (logements intermédiaires) qui constate l'avancement du chantier à la date du 20 décembre 2013 (étant rappelé que la situation antérieure, validée et payée, était arrêtée au mois de novembre 2013), par lettre recommandée avec avis de réception du 20 décembre 2013 à la société Syner Ingéniérie et à la société ICF Nord Est (pièces 17 et 50),
- ces courriers, qui font expressément référence au délai de 15 jours de l'article susvisé, et aux conséquences de l'absence de réponse, ne comportent aucune ambiguïté,
- la situation n°4 a été vérifiée par la société Syner Ingéniérie qui a émis une attestation de paiement direct (pièce 22), et après transmission des bons de livraison de béton le maître de l'ouvrage a validé le paiement de cette situation après rectification de la facture (pièces 29 à 31 et 21, 22, 23 et 51),
- la procédure de vérification de la situation n°6 n'a pu être menée à son terme du fait de la liquidation judiciaire de l'entreprise générale,
- le maître de l'ouvrage qui avait parfaitement connaissance de l'avancement du chantier pour avoir assisté aux réunions de chantier entre juillet et novembre 2013 en particulier les 7 et 14 novembre 2013 (piece 46.a) n'a pas fait dresser de constat contradictoire des travaux à la date de la résiliation en raison de la liquidation de l'entreprise générale,
- il y a donc lieu de considérer que le maître de l'ouvrage a reçu les situations et les a acceptées.
Elle soutient le bien-fondé de sa demande dans la mesure où :
- elle a chiffré et sollicité le paiement seulement de l'avancement du gros-oeuvre au moment de l'arrêt du chantier (882.910,07 euros sur 897.000 euros pour la première tranche, 811.593,73 euros sur 897.000 euros pour la deuxième tranche) et ne l'a donc pas facturé à 100% ;
- le maître de l'ouvrage n'avait pas mis en cause les prestations avant qu'elle ne l'assigne en paiement de ses situations, bien plus il lui avait témoigné sa satisfaction dans son courrier du 6 mars 2014 ;
- il ne justifie pas de la preuve des malfaçons et en tout état de cause et contrairement à l'avis de l'expert le coût des reprises ne pourrait être imputé que sur le coût total du marché de gros-oeuvre et non sur les paiements réalisés par le maître de l'ouvrage puisque le chiffrage des reprises par ce dernier est celui de la finition du chantier à programme constant.
Au vu des pièces versées aux débats, la cour constate qu'il résulte de l'acte d'engagement qu'il s'agit d'un marché négocié de conception réalisation passé en application des articles 75, 37, 69 du code des marchés publics alors en vigueur, étant rappelé que l'ordonnance 2005/649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics régissant les marchés passés par les SA d'HLM les autorisait cependant à appliquer volontairement le code des marchés publics (article 3, II : "Les dispositions de la présente ordonnance ne font pas obstacle à la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics.").
Le cahier des clauses administratives particulières adopté par les parties mentionnait notamment au titre des modalités de règlement des comptes que les travaux seraient réglés au prix ferme, global et forfaitaire, que les travaux exécutés et arrêtés le 25 du mois N, seraient payables sous forme d'acomptes mensuels, selon un récapitulatif des sommes dues au titre du marché établi par l'entrepreneur, à faire parvenir au maître d'oeuvre au plus tard le 31 du mois N, sous la forme exigée par les pièces du marché et devraient être approuvés par celui-ci dans un délai de 15 jours à compter de la réception, sous conditions que l'entrepreneur soit à jour de ses obligations résultant du CCAP, tout projet de décompte remis après le 31 du mois N sera retourné à l'entreprise et reporté au 31 du mois suivant. Le versement de l'acompte aura lieu à 60 jours à la date d'établissement du certificat de paiement du maître d'oeuvre. Il ne pourra être payé plus d'un acompte par mois.
Concernant les situations mensuelles, le CCAP mentionnait notamment que les travaux seraient réglés à l'entrepreneur, après vérifications et arrêt définitif de ses projets de situations par le maître d'oeuvre après agrément du contractant général, par versements d'acomptes mensuels calculés par le maître d'oeuvre à partir des projets de situation acceptés ou rectifiés par ce dernier. Cet acompte est arrêté sous déduction des retenues provisoires, de la retenue de garantie, des pénalités et indemnités et généralement de toutes les sommes à la charge de l'entrepreneur.
Il ressort des deux actes spéciaux portant acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement des 4 février 2013 (pour la première tranche de travaux) et 26 août 2013 (pour la seconde tranche) que le maître de l'ouvrage a accepté la société SMCB comme sous-traitante du gros-oeuvre et a agréé ses conditions de paiement avec le bénéfice du paiement direct conformément à l'article 115 du code des marchés public. Le titulaire du marché y a déclaré expressément qu'aucune cession ni aucun nantissement de créances résultant du marché public ne faisait obstacle au paiement direct du sous-traitant dans les conditions prévues à l'article 116 du code des marchés publics. Ces actes étant signés de la société SMCB lui sont donc opposables. Il lui était également rappelé que "Le sous-traitant est payé directement par le maître de l'ouvrage. L'attention est attirée sur le fait que toutes les demandes de paiement du sous-traitant, libellées au nom du maître de l'ouvrage, ne doivent pas parvenir directement à ce dernier mais doivent impérativement être adressées à l'entrepreneur principal qui les transmet alors, à l'appui de son décompte de paiement, revêtues de son acceptation, au SERVICE DE COMPTABILITE [Adresse 2]."
Dès lors il s'agit bien d'un marché public de travaux et les dispositions du code des marchés publics relatives à la sous-traitance des marchés publics de travaux sont applicables à l'espèce.
Aux termes de l'article 6 alinéa de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, "Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.
Toutefois les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l'ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros ; ce seuil peut être relevé par décret en Conseil d'Etat en fonction des variations des circonstances économiques. En-deçà de ce seuil, les dispositions du titre III de la présente loi sont applicables.
Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l'article 14."
L'article 8 de cette même loi dispose que :
"L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation.
Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées.
Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception."
Il ressort des articles 115 et 116 du code des marchés publics, dans leur version applicable au jour de la notification du marché, pris en application des articles susvisés, que :
"Lorsque le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à 600 euros TTC, le sous-traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le pouvoir adjudicateur, est payé directement, pour la partie du marché dont il assure l'exécution."
Et "Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé.
Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché.
Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé.
Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant.
Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa.
Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant."
Il résulte donc de la combinaison de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics en vigueur lors de la notification du marché qu'à l'issue de la procédure ci-dessus décrite qui a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct (Conseil d'Etat du 19 avril 2017- 396174), le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct.
La méconnaissance de cette procédure par le sous-traitant fait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit au paiement direct des travaux exécutés.
Sur la situation n°6 d'avancement des travaux de gros oeuvre de la tranche n° 1 (logements collectifs) :
Cette phase de chantier s'est arrêtée le 21 novembre 2013.
A l'appui de sa demande de paiement de sa situation n°6 de la phase 1 à hauteur de 12.147,72 euros TTC, le sous-traitant produit :
- un courrier recommandé du 24 janvier 2014 adressé à la société Syner Ingénierie visant une facture n°14-008 (situation n°6 arrêtée au 25 janvier 2014), lui demandant de lui retourner un exemplaire signé pour approbation sous deux semaines, faute de quoi cette facture serait considérée comme acceptée, et lui demandant de la renvoyer au maître de l'ouvrage le plus rapidement possible ;
- l'avis de réception de ce courrier par la société Syner Ingenierie le 28 janvier 2014,
- un courrier recommandé du 24 janvier 2014, reçu par la société ICF Habitat Nord Est le 27 janvier 2014, par lequel la société SMCA lui adresse copie du courrier adressé à la société Syner Ingenierie quant à sa situation n°6 arrêtée au 25 janvier 2014,
- une situation de l'avancement des travaux de gros oeuvre de la tranche 1 éditée le 26 mars 2014 faisant état d'une situation mensuelle de 10.123,10 euros HT,
- un récapitulatif de la situation n°6 au 31 janvier 2014 faisant état d'une situation du mois de janvier de 10.123,10 euros HT soit 12.147,72 euros TTC.
Du fait de l'incohérence des dates des documents ainsi produits et de l'absence de production aux débats tant de la facture dont le sous-traitant réclame le paiement que du projet de la situation d'avancement des travaux arrêtée au 25 janvier 2014 qui devrait s'y rapporter, la société sous-traitante ne met pas en mesure la cour de vérifier quelle facture et quelle situation elle a adressées au maître d'oeuvre titulaire du marché le 24 janvier 2014 et si elle a bien respecté la procédure de paiement direct susvisée concernant la situation dont elle réclame le paiement. Le silence du titulaire du marché dans la quinzaine suivant le 28 janvier 2014 ne saurait donc valoir acceptation de sa part, étant observé que sa mise en liquidation judiciaire ne date pas du 2 février 2014 comme le soutient à tort le sous-traitant mais du 26 février 2014.
Au demeurant, il est pour le moins curieux sinon incohérent que le sous-traitant n'ait pas adressé au maître d'oeuvre de situation mensuelle entre le 25 juillet 2013 (situation n°5) et le 21 novembre 2013 (date d'arrêt du chantier), alors qu'il en avait adressé une chaque 25 des mois de mars, avril mai, juin et juillet conformément au marché, qui ont reçu réglements, et qu'il attende le 28 janvier 2014 pour solliciter le règlement d'une dernière situation avant arrêt du chantier.
Sa demande de paiement direct doit par conséquent être déclarée irrecevable en ce qui concerne la situation n°6 relative à la première phase du chantier (collectifs) et le jugement réformé de ce chef.
Sur la situation n°4 d'avancement des travaux de la tranche n° 2 (logements intermédiaires) :
Cette tranche a fait l'objet d'un arrêt de chantier le 20 décembre 2013.
A l'appui de sa demande de paiement de sa situation n°4 de la phase 2 à hauteur de 181.169,39 euros TTC, le sous-traitant produit :
- un extrait de son projet de situation de travaux arrêtée au 20 décembre 2023 à 182.669,88 euros déduction faite des situations antérieures,
- un courrier recommandé du 20 décembre 2013 adressé par le sous-traitant à la société Syner Ingénierie visant une facture n°4227 (situation n°4/décembre 2013) en lui demandant de lui retourner un exemplaire signé pour approbation sous deux semaines, faute de quoi elle serait considérée comme acceptée, et lui demandant de la renvoyer au maître de l'ouvrage le plus rapidement possible, ainsi que l'avis de réception signé la société Syner Ingenierie le 24 décembre 2013,
- la facture n°4227 du 20 décembre 2013 relative à la situation de travaux n°4, pour un montant mensuel de 182.669,88 euros,
- la situation d'avancement des travaux du 20 décembre 2013, de 182.669,88 euros, corrigée et visée par Syner Ingénierie qui l'a ramenée à 181.169,39 euros,
- une attestation de paiement direct datée du 24 décembre 2013 signée de Syner Ingenierie pour un montant de 181.169,39 euros correspondant aux travaux du mois de décembre 2013, la situation mensuelle n°4 ayant été ramenée de 182.669,88 euros à 181.169,39 euros,
- une lettre d'ICF Habitat Nord-Est du 14 février 2014 indiquant que la situation n°3 de fin novembre 2013 serait régléesous huitaine mais que le règlement de la situation n°4 à fin décembre 2013 d'un montant de 172.110,93 euros (sic) était suspendu, un doute sur la qualité du béton mis en oeuvre devant être levé par le sous-traitant après prélèvements et essais complémentaires en application des clauses administratives générales ; la réponse de la SMCB le 18 février 2014 transmettant les résultats des contrôles effectués sur les bétons sur le chantier de [Localité 6] ; la réponse le 6 mars 2014 du maître de l'ouvrage demandant, pour vérifier la mise en oeuvre du béton sur le chantier, les bons de livraison sur lesquels les dates de livraison sont indiquées, et indiquant qu'elle allait vérifier les dispositions constructives mises en oeuvre et les aciers intégrés aux ouvrages par un cabinet d'experts, compte tenu des malfaçons constatées; la transmission par le sous-traitant le 10 mars 2014 des bons de livraison ;
- un mail du maître de l'ouvrage du 2 avril 2014 demandant au sous-traitant qu'en vue du règlement de sa situation de travaux du mois de décembre 2013 il devait refaire la facture en supprimant le montant en règlement direct à son propre sous-traitant CBM et en corrigeant le montant des travaux soit 181.69,39 euros au lieu de 182.669,88 euros. Il lui demandait également le plan de ferraillage des logements collectifs et intermédiaires.
- un courrier recommandé du 7 avril 2014, reçu par la société ICF Habitat Nord Est le 8 avril 2014, par lequel la société SMCA lui adresse sa facture n°4227 dûment modifiée quant à sa situation n°4 de décembre 2013.
La cour considère au vu de ces éléments que le sous-traitant a bien observé la procédure susvisée pour pouvoir bénéficier du paiement direct puisqu'il a bien transmis sa facture et sa situation de travaux correspondante au titulaire du marché qui l'a visée et corrigée et l'a à son tour transmise au service de comptabilité de la société ICF à l'appui de son décompte de paiement du 24 décembre 2013 concernant la situation mensuelle arrêtée au 20 décembre 2013 pour une somme de 181.169,39 euros.
Le service de comptabilité a reçu l'attestation de paiement direct du titulaire du marché avant le 2 avril 2014 date à laquelle il a demandé au sous-traitant de rectifier sa facture pour la mettre en conformité avec le montant retenu in fine par le titulaire du marché.
L'ensemble de ces éléments démontre que ces travaux ont bien été exécutés et le maître de l'ouvrage ne rapporte pas la preuve contraire dans la mesure où,
- d'une part, il n'a pas fait réaliser de constat contradictoire lors de l'arrêt de chantier ni même lors de la résiliation du marché en février 2014 comme prévu par l'article 22.4.1 de la norme NF P 03-001 applicable au marché qui prévoit que "Dans tous les cas de résiliation (...) il est établi un constat contradictoire des travaux exécutés à la date de la résiliation",
- d'autre part, l'affirmation générale de l'expert qui considère in fine, sans étayer son affirmation et sans analyse de la situation litigieuse, que la tranche n°2 était, lors de l'arrêt de chantier, avancée de 90% ne peut suffire à le démontrer dès lors qu'elle ne repose que sur le montant des situations qui avaient été d'ores et déjà acquittées par le maître de l'ouvrage,
- enfin, le maître de l'ouvrage ne prétend pas ni ne démontre que les non-finitions de gros-oeuvre telles que définies par l'expert auraient en tout ou partie été d'ores et déjà facturées par le sous-traitant (qui a appelé au titre de l'exécution de la seconde tranche, y compris la situation n°4 litigieuse, la somme totale de 811.593,73 euros sur 897.000 euros).
La demande en paiement direct de la situation n°4 relative à la tranche n°2 (logements intermédiaires) est donc fondée à hauteur de 181.169,39 euros et le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation :
Le maître de l'ouvrage estime que les intérêts moratoires ne peuvent pas courir à compter du 10 février 2014 alors que le sous-traitant n'a pas respecté la procédure prévue par l'article 116 du code des marchés publics si bien que le cas échéant les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter du jugement. Il ajoute que la capitalisation ne peut être ordonnée à compter du 14 février 2014 dès lors qu'elle ne peut être requise qu'à compter de la demande en justice et pour les intérêts courus depuis plus d'un an.
La cour constate que le sous-traitant fixe comme point de départ des intérêts moratoires qu'il réclame une mise en demeure du 10 février 2014. Cependant il s'agit d'une mise en demeure de régler la situation n°3 du 26 novembre 2013 pour 125.578,86 euros relative à l'avancement de la tranche 2, et s'il y écrit également espérer que sa situation à fin décembre ( numéro 4) serait régulièrement payée cela ne vaut cependant pas mise en demeure concernant cette dernière situation.
Au des actes spéciaux le maître de l'ouvrage a agréé les conditions de paiement du sous-traitant, à savoir 45 jours de la date de situation.
La situation n°4 a été rectifiée le 24 décembre 2013 par le titulaire du marché si bien qu'en application de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur, le délai ne peut courir qu'à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, sans qu'il soit besoin de mise en demeure préalable.
Le sous-traitant ne justifie pas que le maître de l'ouvrage a reçu l'attestation de paiement direct avant le 2 avril 2014 date à laquelle il lui demande de rectifier sa facture pour la mettre en conformité avec le montant retenu par le titulaire du marché.
Il y a donc lieu de fixer le point de départ des intérêts moratoires au taux légal 45 jours plus tard soit au 18 mai 2014 et en conséquence de réformer le jugement de ce chef.
Aux termes de l'article 1154 ancien du code civil en vigueur au jour de la saisine du premier juge, "Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière."
La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera donc ordonnée pour les intérêts ayant couru à compter de l'assignation du 10 novembre 2014, dans la mesure où une demande de capitalisation des intérêts échus a été faite devant le premier juge, peu importe à cet égard que les intérêts n'aient pas encore été échus pour une année entière à la date de sa saisine. Le jugement sera donc complété sur ce point.
Sur la demande du sous-traitant de condamner le maître de l'ouvrage au paiement de 70.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rétention abusive des sommes dues :
Le sous-traitant fait appel incident de ce chef sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, au motif que la rétention indue d'un paiement au préjudice du créancier constitue une faute indemnisable, que le maître de l'ouvrage lui a fait supporter son défaut de diligence dans l'engagement des opérations d'expertise et dans le suivi des opérations d'expertise, que sa trésorerie en a pâti, qu'en 2015 il a dû réduire ses effectifs, ce que l'allocation des intérêts au taux légal ne compense pas, et qu'il a dû mobiliser son dirigeant et son chef de chantier lors des opérations d'expertise, soit 60 heures et 20 heures, outre le temps consacré par son personnel administratif qui n'a pas pu l'être à la croissance et l'activité de l'entreprise.
Le maître de l'ouvrage sollicite la confirmation du jugement de ce chef en en approuvant ses motifs et faisant valoir en outre le défaut de preuve de préjudice et de sa faute en lien avec ce préjudice, que les sommes retenues n'étaient pas dues et qu'en tout état de cause les travaux de gros-oeuvre présentaient des malfaçons et qu'il n'a pas attendu le 29 juin 2015 pour agir en justice et pour faire constater les malfaçons.
La cour rappelle qu'aux termes de l'ancien article 1382 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par lequel il est arrivé, à le réparer."
Il résulte de l'ancien article 1153-1 alinéa 4 du code civil que "Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance."
C'est à juste titre que le premier juge a débouté la société sous-traitante de cette demande indemnitaire dans la mesure où elle ne justifie pas du préjudice économique invoqué à savoir une réduction du personnel du fait du manque à gagner. Par ailleurs, le fait que le personnel du sous-traitant ait été mobilisé pour les besoins de la procédure notamment les opérations d'expertise n'est pas la conséquence du défaut de paiement des factures d'acompte. Enfin au vu de la chronologie des faits le sous-traitant ne démontre un comportement dilatoire du maître de l'ouvrage et donc la mauvaise foi qu'il invoque.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande du maître de l'ouvrage de condamner le sous-traitant à lui verser, à titre de dommages et intérêts délictuels, diverses sommes du fait de malfaçons et non finitions sur le gros-oeuvre :
La société ICF Nord Habitat fait valoir que l'arrêt du chantier est survenu à la fin de l'année 2013 du fait de l'incurie des entreprises intervenantes entre autres de la SA SMCB, ce qui est confirmé par le rapport d'expertise, que ses préjudices sont constitués par le coût de reprise des désordres, les frais d'investigations techniques engagés à la demande de l'expert judiciaire dans le cadre de son expertise outre les préjudices immatériels, que la responsabilité quasi-délictuelle de la société SMCB est engagée et qu'elle doit par conséquent réparer tous les préjudices résultant directement de son fait dommageable en application de la responsabilité in solidum et de la réparation intégrale.
La SA SMCB rétorque qu'elle a tout autant été victime de l'arrêt brutal du chantier dont elle n'est nullement à l'origine. En outre, aucune faute de sa part n'est à l'origine d'un quelconque préjudice subi par la SA [Adresse 8], qui est défaillante à supporter la charge de la preuve qui est la sienne que ce soit de l'existence de ces prétendus chefs de préjudice, ou de leur quantum pour certains, voire encore de l'imputabilité à la SA SMCB pour d'autres.
La cour rappelle que le sous-traitant répond à l'égard du maître de l'ouvrage de son fait dommageable en vertu des articles 1382 et suivants du code civil, et que la victime a droit à la réparation intégrale des préjudices résultant directement et certainement de son fait dommageable, chaque coresponsable étant tenu pour le tout, à charge pour lui ensuite de se retourner contre les autres personnes ayant concouru aux mêmes préjudices.
Sur la demande de 78.470,80 euros de dommages et intérêts au titre de la part imputable à la société SMCB des travaux de reprise du gros-oeuvre évalués par l'expert au vu des chiffrages Axio :
Le maître de l'ouvrage demande l'indemnisation d'une quote-part du coût de la reprise des malfaçons affectant les travaux réalisés par la société SMCB, faisant valoir que cette indemnisation doit venir en déduction de la demande de la société SMCB au titre du paiement du solde de ses situations de travaux puisqu'il ne s'agit pas d'un coût d'achèvement à 100% du chantier comme veut le faire croire l'intimé. Il s'appuie sur le rapport d'expertise (page 39) et les annexes E3 et E4 qui l'éclairent, aux termes duquel l'expert indique que la structure béton présente des malfaçons importantes, que ces malfaçons existaient à l'arrêt du chantier et n'ont pas été réparées par la sous-traitante chargée du gros-oeuvre. L'expert a relevé ainsi lors des visites de chaque bâtiment du chantier des défauts d'étanchéité à l'air dû à des défauts répétitifs de jonction entre le béton, les panneaux de façade et les menuiserie (pages 21, 24 et 32 du rapport) du fait en partie de défauts de réalisation du gros-oeuvre, des défauts de niveau (page 23), des défauts de mise en oeuvre et d'insuffisance des aciers de ferraillage (page 25 et 37) nécessitant la mise en oeuvre de renforts autour des trémies et de renforts des dalles autour des poteaux.
Il souligne que des malfaçons ou non finitions du gros-oeuvre ont entraîné des malfaçons sur le lot charpente en particulier le décalage des équerres et des panneaux de façade et que contrairement à ce que prétend la société SMBC la catégorie "non finition de l'ITE (=isolation thermique par l'extérieur") a toujours inclus des défauts du gros-oeuvre.
Il ajoute que l'acceptation tacite du support par les autres entreprises n'est pas opposable au maître de l'ouvrage, que la société SMCB n'a pas apporté d'élément technique et de fond permettant de critiquer les malfaçons de gros-oeuvre retenues par l'expert judiciaire et n'a pas discuté le chiffrage de manière pertinente n'ayant soumis aucun devis au soutien de ses critiques.
Il précise enfin que :
- l'expert a évalué le coût des reprises imputables à la société SMCB aux sommes de 52.970,80 euros TTC (et non 53.270 euros TTC) et 25.500 euros TTC (imputable au BET ETIC au titre des études), soit un total de 78.470,80 euros qui correspond à environ 5% des 1.335.617 euros TTC du coût total des reprises (après correction de l'erreur matérielle d'addition des différents postes de l'annexe E4 totalisés par erreur à 1.272.857 euros TTC par l'expert),
- l'expert n'impute à la société SMCB qu'une quote-part des reprises du gros-oeuvre (16% du total).
Le sous-traitant qui discute chaque poste de reprise ou finition fait valoir que :
- l'expert lui impute une partie du coût de la reprise des désordres à programme constant à hauteur de la somme erronée de 78.770 euros, en fait 78.406,70 euros (48.935,82 euros au titre des bâtiments collectifs et 29.470,88 euros au titre des logements intermédiaires),
- il se trompe en disant que cette somme doit être imputée sur les acomptes déjà versés par ICF correspondant à l'état d'avancement du chantier lors de son arrêt fin 2013 dès lors que le chiffrage est celui de la finition du chantier à programme constant alors qu'elle n'a pas facturé la totalité de son marché, si bien que les reprises doivent s'imputer sur le coût total du marché soit 897.000 euros X2 pour les deux tranches.
La cour constate que l'expert a classé les désordres en malfaçons, non finitions et dégradations dans le temps. Il précise que les malfaçons correspondent à des erreurs de réalisation, certaines auraient pu être corrigées si le chantier avait continué et si la maîtrise d'oeuvre avait joué son rôle (calfeutrement, reprise des nez de dalle, reprise des équerres de fixation de la façade), et que les non finitions correspondent à des travaux qui auraient été réalisés si le chantier n'avait pas été arrêté.
Il a évalué le coût des travaux de reprise à un total de 1.272.857 euros TTC à programme constant, en utilisant les chiffrages effectués par Axio, désignée par ICF pour reprendre et finir le chantier, et en les ventilant en fonction des intervenants :
- SMCB, gros-oeuvre : 78.770 euros (dont 25.500 euros imputables au BET ETIC au titre des études)
- Aménager et Bâtir, façade bois et charpente : 111.971 euros TTC
- CRK, peinture : 4.870 euros TTC
- Serodon et associés, menuiseries extérieures : 1.590 euros TTC
- Maître d'oeuvre (Syner Ingénierie) : 1.075.656 euros TTC.
L'expert précise que ces chiffrages ne comportent que la reprise à programme constant et non la finition du chantier dans sa nouvelle configuration puisqu'ICF a indiqué vouloir modifier le programme à l'occasion de la reprise des travaux.
La cour constate qu'à l'arrêt des chantiers certains désordres étaient visibles et ont été notamment dénoncés par le bureau de contrôle Veritas le 21 novembre 2013, concernant la couverture les menuiseries extérieures et la façade ITE de la phase 1.
L'expertise révèle la nécessité de renfort autour des trémies où le ferraillage est insuffisant et la nécessité de renfort des dalles autour des poteaux périphériques, l'expert expliquant que ce dernier poste a continué, par erreur, à apparaître sous la rubrique de "flèches".
L'expert conclut, sans être contredit par le sous-traitant, que les malfaçons sur le béton compromettent la solidité de l'ouvrage et doivent être corrigées. Il explique également, sans être critiqué sur ce point, avoir imputé une forte quote-part des désordres au maître d'oeuvre, chargé de la conception et de la réalisation qui a été mal suivie, du fait de l'arrêt du chantier qui n'a pas permis la reprise des malfaçons et non-finitions de gros-oeuvre, et que les divers défauts de jonction entre les dalles et les façades (qui n'existeraient pas si la maîtrise d'oeuvre avait coordonné correctement le chantier si bien que les chapes auraient été réalisées avant la pose des doublages) auraient pu être corrigés si le chantier ne s'était pas arrêté.
Les désordres imputés partiellement à la société SMCB sous-traitant gros-oeuvre par l'expert sont les suivants :
* Sur la reprise des défauts de ferraillage des trémies (concernant tant les bâtiments collectifs que les logements intermédiaires) constatés lors des réunions : il s'agit de malfaçons nécessitant la reprise des armatures périphériques des trémies évaluée à 20.700 euros par l'expert, au vu du chiffrage Axio. L'expert en impute seulement 50% soit 10.350 euros à la société SMCB. Cette dernière fait valoir que ce chiffrage est excessif s'agissant de trémies de gaines non portantes mais ne justifie pas de ce caractère excessif. Le chiffrage de l'expert sera en conséquence retenu par la cour.
* Sur la reprise des défauts de ferraillage des poteaux (efforts tranchants au droit des poteaux) qui concerne également les deux tranches de travaux : il s'agit de malfaçons nécessitant la mise en oeuvre de poutres périphériques, évaluée à 30.300 euros par l'expert qui en impute seulement 50% soit 15.150 euros à la société SMCB. Cette dernière fait valoir que le défaut de flèche de dalles n'a pas été retenu par le sapiteur. Cependant l'expert explique qu'il retient sous cet intitulé les défauts de ferraillage des poteaux ce qu'il a dit plusieurs fois aux parties et il indique bien en commentaire dans le tableau "non finitions et mal façons pour le ferraillage des trémies et des efforts tranchants au droit des poteaux". Il n'y a donc aucune ambiguïté sur ce point et le chiffrage de l'expert sera retenu par la cour.
* Sur la reprise des défauts de synthèse gros-oeuvre/façade (défaut d'étanchéité et de jonction, non compris les défauts de synthèse façade relevant du lot façade) qui ne concerne que les bâtiments collectifs : l'expert évalue les travaux de reprise à 44.340 euros qu'il n'impute qu'à 20% soit 8.868 euros à la société SMCB.
Il retient in fine des non finitions et une détérioration depuis l'arrêt de chantier, après l'avoir analysé en malfaçons. Il indique en réponse au dire récapitulatif de Me [L] que l'absence de coordination sur le chantier par le maître d'oeuvre a conduit à la réalisation des doublages avant les chappes, entraînant un problème de calfeutrement.
Il s'agit donc bien de non façons existantes avant l'arrêt de chantier, qui auraient dû être réalisées avant cet arrêt et avant la pose des panneaux de bois de façade ce qui aurait évité des défauts d'étanchéité à l'air et de jonction avec les panneaux de bois de façade, l'expert ayant bien constaté ces désordres en indiquant que les cloisons sur les bâtiments collectifs étaient partiellement posées, que les rails étaient en place sur les murs de façade et qu'il aurait été logique de réaliser les chapes avant de poser les cloisons. Dès lors il y a lieu de considérer que la société SMCB doit réparer les désordres en résultant, étant précisé que dans la situation n°5 arrêtée fin juillet 2013 elle indiquait déjà que les planchers étaient finis à 98%.
Le sous-traitant récuse sa responsabilité du fait de l'acceptation du support béton par l'entreprise chargée du lot façade. Cependant cette acceptation tacite n'est pas opposable au maître de l'ouvrage en l'absence d'une réception sans réserve. Le chiffrage de l'expert sera donc retenu par la cour.*
Sur la reprise des 7 défauts d'aplomb du gros-oeuvre des bâtiments collectifs : la société SMCB fait remarquer à juste titre que l'expert dans le tableau de synthèse E4 a indiqué que ces défauts d'aplomb n'avaient pas été constatés avec certitude. Aucun préjudice de ce chef ne sera donc retenu par la cour.
* Sur la non finition de l'ITE : il s'agit de l'isolation thermique par l'extérieur qui ne relève pas du gros-oeuvre mais du lot façades. Au demeurant un seul défaut sur 4 ("défaut de l'isolant en pied") avait été imputé par le maître de l'ouvrage au lot gros-oeuvre, sans plus d'explication sur le lien avec le travail de gros-oeuvre, . Aucun préjudice de ce chef ne sera donc retenu à la charge du sous-traitant gros-oeuvre.
* Sur les postes "absence de couvertines et pièces d'habillage", "absence de finitions suite à bétonnage" (y compris postes "aciers en visible en attente bétonnage" et "défauts de planéité de la dalle en attente de chape"), "calfeutrements et réservations non fini" et "non réparation des éclats de béton", qui concernent les deux tranches du marché : il s'agit selon le classement par le maître de l'ouvrage de non finitions, c'est-à-dire selon l'expert de travaux qui auraient été réalisés après l'arrêt de chantier s'il ne s'était pas arrêté. Il ne s'agit donc pas de mal façons ni de non façons imputables au sous-traitant mais de travaux restant à réaliser dans le cadre de la finalisation du chantier (à programme constant). Aucun chiffrage ne sera donc retenu concernant ces postes. Seul l'éventuel surcoût de tels travaux pourrait être mis à sa charge au cas où sa responsabilité dans l'arrêt du chantier était retenu, mais le maître de l'ouvrage ne fait pas de telle demande.
En définitif il y a donc lieu de condamner le sous-traitant à verser au maître de l'ouvrage, au titre de la reprise des malfaçons, une indemnisation de 34.368 euros TTC (10.350 + 15.150 + 8.868).
Sur la demande en paiement de 143.058 euros de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise des flèches des rives de dalles et manquements d'acier (postes 1 à 6, 11 à 24, 30, 32, 33 et 36) :
La SA [Adresse 7] sollicite l'indemnisation de ces travaux de reprise. Elle précise que l'expert n'a pas comptabilisé ce surcoût mais ne remet pas en cause l'existence de ces malfaçons à propos desquelles il note dans sa réponse à son dire récapitulatif que "les défauts allégués ont une logique au vu de l'analyse des plans de ferraillage" (page 42).
Le maître de l'ouvrage indique que les problèmes de flèches dénoncés sur les logements intermédiaires ont certes été reconnus comme acceptables bien que très limites par M. [J] dans sa note n°3 mais que cette appréciation repose uniquement sur l'optimisation faite par le logiciel Arche (de Graitex) par rapport au logiciel utilisé par le bureau d'études du sapiteur (Acapulco) sans reprise des calculs par l'expert sous le logiciel Arche. Or la société Cobat chargée de la poursuite du chantier sous la maîtrise d'oeuvre d'un groupement constitué de la société Archetude, architecte, et de la société Becip, bureau d'études structure, a relevé l'apparition de fissures dans le gros-oeuvre peu avant la clôture des opérations d'expertise ayant justifié des sondages qui ont mis en évidence des problèmes de ferraillage par rapport aux plans du BET ACR chargé des logements intermédiaires (mail Cobat du 21 janvier 2019- annexe au rapport D78 pièce 236) et le bureau d'études Becip qui travaille également sur Arche (de Graitec) arrive à des résultats préjudiciables pour les flèches sur les logements intermédiaires. Ainsi le BET Becip relève plusieurs problèmatiques de flèches et de ferraillages sur les intermédiaires (notamment sur les rives de dalles des niveaux Rdc et R+1) au vu des calculs effectués sur Arche qui confirment la première note de M. [J] qui écrivait que "la flèche théorique est en effet supérieure à la norme" sur les rives des dalles des niveaux Rdc et R+1 (page 4 de la note 1 de M. [J] du 4 juillet 2016) et qui in fine les jugeait acceptables quoique très limites (note n°3 annexe S3 du rapport).
Il ajoute que dans le cadre des travaux réparatoires pour les logements intermédiaires, il a dû supporter le coût du renforcement de la structure béton pour compenser les problèmes de flèches des rives de dalles et les manquements d'acier, qu'il fallait reprendre même à programme constant pour un coût total de 143.058 euros TTC du fait des malfaçons imputables à la société SMCB.
Le sous-traitant réplique que le maître de l'ouvrage allègue des désordres relatifs aux flèches de dalles qui n'ont pas été constatés durant l'expertise, que le sapiteur avait accepté les calculs du BET ACR qu'il qualifiait d'acceptables et que le devis présenté n'est pas un devis de reprise mais un devis pour la réalisation du nouveau projet qui n'est pas à programme constant, si bien que l'appelant ne fait pas la démonstration de sa responsabilité dans le préjudice qu'il invoque.
La cour constate que l'expert judiciaire n'a pas retenu de préjudices concernant les logements intermédiaires relatifs à la reprise de flèche des dalles du fait de manque d'acier. L'expert s'est en effet fondé sur les notes du sapiteur qui s'il avait dans un premier temps confirmé les analyses du cabinet [D] en soulignant que les poutres noyées étaient trop souples entraînant un risque de fissures dans les revêtements et nécessitant un renfort, avait finalement retenu, après étude des calculs faits par le BET ACR avec le logiciel Arche qui optimisait plus les résultats que le logiciel utilisé par son bureau (Acapulco), que les bandes noyées des bâtiments A,B,C,D étaient acceptables bien que très limites.
La société ICF a dans son dire récapitulatif du 29 mars 2019 sollicité l'indemnisation des postes 1 à 6, 11 à 24, 30, 32, 33 et 36) pour un total de 143.058 euros TTC au vu d'un devis Cobat de reprise du gros-oeuvre (fondations, poteaux...) à la suite de constat de fissures sur certains planchers par la société Cobat suivant courrier du 4 décembre 2018 et des sondages réalisés fin décembre 2018.
L'expert a indiqué dans son rapport définitif que si les défauts allégués avaient une logique au vu de l'analyse des plans de ferraillage, ils n'avaient cependant pas été constatés contradictoirement et leur coût n'avait pas été communiqué aux parties avant le dernier jour de la clôture des dires récapitulatifs si bien qu'il ne pouvait les prendre en compte.
La cour estime que les éléments produits par le maître de l'ouvrage juste avant la clôture de l'expertise non seulement n'ont pas pu être discutés dans le cadre des opérations d'expertise ni étudiés le cas échéant par le sapiteur béton puisque transmis trop tardivement, mais surtout qu'ils ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du sapiteur béton sur l'acceptabilité des flèches des dalles.
En tout état de cause la cour relève que le maître de l'ouvrage ne précise pas en quoi consistent les postes 1 à 6, 11 à 24, 30, 32, 33 et 36 qui ne se retrouvent pas dans les numéros des désordres portés sous les rubriques "défaut de ferraillage" et "défaut de flèche" ni même dans les numéros des autres désordres imputés au lot gros-oeuvre par le maître de l'ouvrage dans les tableaux soumis à l'expert, si bien que la cour ne peut comme le premier juge que débouter le maître de l'ouvrage de sa demande d'indemnisation et confirmer le jugement de ce chef.
Sur les demandes d'indemnisation de préjudices résultant des arrêts de chantier :
Le maître de l'ouvrage fait valoir que l'arrêt de chantier est dû à l'incurie de certains locateurs d'ouvrage dont la société SMCB dans la conduite de chantier et la réalisation des travaux, que la société SMBC est responsable des malfaçons importantes sur la structure béton et par répercussion sur les malfaçons importantes relevées dans la pose des façades que le bureau de contrôle Veritas avait signalées dans son courriel du 21 novembre 2013 faisant suite à sa visite du 13 novembre 2013 et ayant entraîné l'arrêt du chantier de la tranche n°1 (logements collectifs) sur la couverture, les menuiseries extérieures et la façade ITE pour laquelle elle indiquait "Nous avons constaté de nombreux désaffleurements entre panneaux bois de façade qui selon M. [G] doivent être repris par l'entreprise avant la pose de l'ITE (NDR=isolation thermique par l'extérieur); nous avons constaté visuellement une humidité importante des panneaux exposés aux intempéries." et que la suspicion sur les défauts de ferraillage justifiait également les arrêts de chantier ce dont le maître d'oeuvre n'a jamais disconvenu.
Le sous-traitant rétorque que l'arrêt du chantier ne lui est pas imputable aucun manquement ne lui étant reproché dans les différents courriers précédant l'arrêt de chantier dans lesquels les désordres du gros-oeuvre ne sont pas évoqués notamment par le bureau de contrôle Veritas.
La cour constate que face aux notamment aux désordres graves relevés par le bureau Veritas dès le 21 novembre 2021 sur la tranche n°1 du marché (logements collectifs), comprenant les problèmes sur les façades y compris les jonctions de refend entre panneau bois et béton, le maître d'oeuvre a dû arrêter le chantier afin de rechercher la cause des désordres et leurs remèdes et s'est entouré d'un expert amiable le cabinet [D]; qu'entre-temps le maître d'oeuvre est tombé en déconfiture entraînant la résiliation du marché; que l'expertise judiciaire ordonnée à la demande du maître de l'ouvrage a montré des désordres importants dans l'exécution du gros-oeuvre, des façades et des charpentes, que le maître de l'ouvrage accepte cependant ne devoir imputer que dans une partie aux sous-traitants dans la mesure où la défaillance de la maîtrise d'oeuvre dans l'organisation du chantier et la coordination des entreprise a participé de façon prépondérante aux désordres (l'expert a imputé plus de 85% du coût total des reprises sur le maître d'oeuvre).
Face notamment aux désordres relevés sur la tranche n°2 (logements intermédiaires), à savoir des suspicions sur la mise en oeuvre du béton relevant du gros-oeuvre, le maître de l'ouvrage a ordonné l'arrêt de chantier par ordre de service n°3 notifié le 20 décembre 2013 expressément motivé par des dérives financières sur la globalité de l'opération et de la mauvaise exécution des travaux d'ores et déjà réalisés pour lesquels il a au demeurant sollicité du sous-traitant des éléments complémentaires sur la mise en oeuvre du béton.
Le sous-traitant chargé du gros oeuvre est responsable de malfaçons du gros oeuvre telles que retenues ci-dessus par la cour, ayant participé à la nécessité pour le maître de l'ouvrage d'arrêter le chantier pour déterminer les causes des désordres et leurs remèdes grâce à une expertise amiable puis une expertise judiciaire.
Toutefois il ne peut être tenu pour responsable de la résiliation du marché à la suite de la mise en liquidation judiciaire du maître d'oeuvre tombé en déconfiture financière, ni des conséquences en résultant pour le maître de l'ouvrage en terme de retard et de surcoût de reprise du marché à compter d'octobre 2017.
Sur la demande de paiement de 144.655 euros de dommages et intérêts en réparation des frais de sécurisation et de gardiennage des chantiers depuis novembre 2013 :
Le maître de l'ouvrage sollicite à ce titre 144.655 euros se décomposant en :
- frais de gardiennage du site de juin 2014 à octobre 2017 : 82.187,04 euros
- clôture : 29.566,80 euros
- mise en sécurité du chantier : 1.553 euros
- fourniture et pose de bloc porte : 13.401,42 euros
- protection collective : 17.947,18 euros,
justifiés par des factures produites en cours d'expertise (annexes 51 et 78 pièces 220 et 221), chiffrages entérinés par l'expert et non contestés sérieusement par la société SMCB qui se borne à dénoncer le défaut de diligence du maître de l'ouvrage pour solliciter une expertise.
La cour constate que ces frais ont été engagés postérieurement à la résiliation du marché dont la société SMCB ne peut être tenue pour responsable, étant précisé à cet égard que la sécurisation du chantier était assumée par la maîtrise d'oeuvre jusqu'à cette résiliation. Le maître de l'ouvrage doit par conséquent être débouté de ce poste de demande et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de paiement de 1.705.091 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier afférent aux pertes de loyers :
Le maître de l'ouvrage a estimé (estimation faite en novembre 2017) à 970.646 euros pour les logements collectifs et à 734.446 euros pour les logements intermédiaires, la perte des loyers qui lui auraient été versés depuis la date contractuelle de fin des travaux, soit le 21 février 2014 pour les logements collectifs et le 24 juillet 2014 pour les logements intermédiaires, jusqu'à l'achèvement des travaux de reprise s'ils avaient pu débuter dès l'autorisation donnée à cet effet par l'expert judiciaire en décembre 2017, soit le 1er avril 2019 pour les logements collectifs et le 1er avril 2019 pour les logements intermédiaires.
Cette évaluation a été établie conformément aux règles fixées par l'avis du 17 février 2017 du ministère du logement et de l'habitat durable qui fixe les loyers et redevances maximums des conventions conclues en application de l'article L.351-2 du code de la construction et de l'habitation, étant précisé que les logements relèvent du parc social si bien qu'il n'y a aucune incertitude quant à leur occupation effective dès leur livraison.
La cour constate que ce chiffrage a été entériné par l'expert qui détaille la méthode de calcul employée. Il n'est pas utilement critiqué par la SMCB qui se contente de se référer aux motifs du rejet par le premier juge à savoir qu'il s'agirait d'une perte de chance qu'il convient donc d'évaluer à proportion de la chance perdue sur laquelle la société ICF Nord-Est est taisante.
Que ce soit une perte de chance de gain ou d'un manque à gagner dans la mesure où les logements relevant du parc social lequel obéissent à des règles d'attribution à des personnes en attente de logement qui n'entraîne a priori aucune vacance dès lors que les logements neufs sont réceptionnés et les éventuelles réserves levées, ce préjudice résulte en tout état de cause de la résiliation du marché dont la société SMCB n'est pas tenue pour responsable, cette résiliation ayant contraint le maître d'oeuvre à engager de nombreuses démarches pour le nouveau marché ayant retardé la reprise des chantiers, notamment trouver un nouveau maître d'oeuvre et contracter avec les nouvelles entreprises intervant sur le chantier, rechercher de nouveaux financements et déclarer l'ouverture de chantier.
Dès lors c'est à juste titre que le maître de l'ouvrage a été débouté de ce chef de demande par le jugement qui sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation de 190.000 euros au titre des pertes de subventions induites par les arrêts de chantier :
Le maître de l'ouvrage demande encore réparation des pertes de subventions dues au changement des conditions de financement entre 2011 et 2017 des logements PLS et PLAI, entraînant le refus par le conseil général de lui accorder de nouvelles subventions après l'annulation de celles précédemment accordées et non versées (pièces 244 à 250).
Le sous-traitant fait valoir que ce préjudice est en partie lié à l'absence de diligence sde la société ICF pour faire valoir ses droits.
La cour considère au vu des pièces versées aux débats d'une part que le maître de l'ouvrage ne démontre pas ne pas pouvoir bénéficier de nouvelles subventions complémentaires à l'acompte versé le 24 octobre 2013 pour un montant de 53.000 euros que le conseil départemental l'a autorisé à ne pas rembourser, d'autre part que la perte de subvention est liée à la résiliation du marché dont le sous-traitant n'est pas responsable, dès lors que le marché n'a pu aller à son terme et qu'une nouvelle déclaration d'ouverture de chantier a dû être réalisée. L'appelante sera de plus fort en appel déboutée de cette demande, le jugement devant être confirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation des frais avancés à la demande de l'expert pour les besoins des opérations d'expertise :
Le maître de l'ouvrage sollicite à ce titre l'indemnisation des 5.400 euros d'honoraires versés à M. [J] (sapiteur), 7.700 euros versés à la société Stonovax pour la mission de reconnaissance des ferraillages et 6.732 euros versés à la société Outlabs Structure pour la réalisation des opérations de reconnaissance des ferraillages (annexe n°D78, pièces 251). Il fait valoir que c'est à la demande de l'expert que ces investigations ont été entreprises du fait de l'insuffisance du ferraillage dans les dalles et les poutres dont la société SMCB était responsable, et qu'elle en a avancé le coût pour le compte de qui il appartiendra.
Le sous-traitant réplique que les frais d'intervention de techniciens dont un sapiteur, doivent être qualifiés de dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile et ne constituent donc pas un préjudice réparable. Il ajoute que la société ICF Habitat Nord-Est ne produit pas les rapports relatifs aux ferraillages des sociétés Stonovax et Outlab structure et ne démontre pas que leurs interventions auraient mis en évidence une quelconque faute ou manquement de la société SMCB.
La cour considère que les dépens liés à la présente instance ne comprennent pas les coûts des honoraires du sapiteur béton et des techniciens sollicités par l'expert pour mener à bien sa mission.
Ces frais représentent bien un préjudice indemnisable qui doit être mis à la charge de la société SMCB dès lors qu'ils ont permis d'explorer et de mettre en évidence un manque de ferraillage de certaines parties bétonnées notamment les poteaux, les trémis et les dalles.
Elle sera donc condamnée à verser au maître de l'ouvrage une somme de 19.832 euros de ce chef.
Sur la demande en paiement des intérêts moratoires des créances indemnitaires à compter du 16 avril 2019 (date du dépôt du rapport d'expertise), subsidiairement à compter du 7 juillet 2020 (conclusions n°5) et plus subsidiairement le 8 septembre 2020 (date audience devant le premier juge) :
Aux termes de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil,
"En toutes matières, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement."
La cour décide de faire courir les intérêts moratoires des indemnités ordonnées au profit du maître de l'ouvrage à partir de ses demandes devant le premier juge formalisées par conclusions n°5 notifiées le 7 juillet 2020.
Sur la demande de compensation des créances connexes :
Le maître de l'ouvrage est condamné à verser au sous-traitant 181.169,39 euros au titre d'une situation de travaux de gros-oeuvre non réglée, outre les intérêts moratoires.
Le sous-traitant est condamné à verser au maître de l'ouvrage la somme totale de 54.200 euros (34.368+19.832) à titre de dommages et intérêts en compensation des malfaçons de gros-oeuvre.
Ces deux créances qui intéressent le même chantier sont connexes.
Par application de l'article 1348 du code civil, la cour prononce la compensation desdeux créances réciproques et connexes, à effet à la date de la présente décision.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile la société SMCB, succombante en appel, sera condamnée à en supporter les dépens et frais hors dépens et déboutée de ces chefs.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- dit la SA SMCB recevable en sa demande en règlement de la situation n°6 du 25 janvier 2014 relative à la première tranche du chantier (logements collectifs) ;
- condamné la SA [Adresse 8] à payer à la SA SMCB la somme de 193.317,11 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014 et de la capitalisation des intérêts au titre des deux tranches ;
- débouté la SA [Adresse 8] de ses demandes de dommages et intérêts relatives aux malfaçons et aux frais d'investigations techniques avancés pour les besoins de l'expertise judiciaire ;
Et,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la SA SMCB en paiement direct de la situation n°6 relative à la première phase du chantier,
Condamne la SA [Adresse 8] à payer à la SA SMCB la somme de 181.169,39 euros au titre de la situation n°4 du 20 décembre 2013 afférente à la seconde tranche du marché (logements intermédiaires), outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 18 mai 2014,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de l'assignation du 10 novembre 2014,
Condamne la SA SMCB à régler à la SA [Adresse 8], à titre de dommages et intérêts, la somme de 54.200 euros, outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 7 juillet 2020,
Ordonne la compensation des deux créances réciproques et connexes, à effet à la date de la présente décision,
Condamne la SA SMCB à régler à la SA [Adresse 8] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne la SA SMCB aux dépens d'appel.