CA Versailles, ch. civ. 1-6, 23 octobre 2025, n° 24/06911
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre civile 1-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 24/06911 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W3GQ
AFFAIRE :
SCI AVNER.A
C/
S.A.S. MAIN TENDUE HABITAT [Localité 10]-MTHS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Octobre 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11]
N° RG : 24/03799
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.10.2025
à :
Me Anne-Laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCI AVNER.A
N° Siret : 512 350 877 (RCS [Localité 8])
[Adresse 1]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 43420 - Représentant : Me Jean-daniel SIMONET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0803
APPELANTE
****************
S.A.S. MAIN TENDUE HABITAT [Localité 10]-MTHS
N° Siret : 429 773 336 (RCS [Localité 11])
[Adresse 4]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 21324 - Représentant : Me Alain RAPAPORT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0122
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2025, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
Greffier, lors du prononcé de la décision : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 07 juillet 2004 la société civile immobilière 182 Schumann a consenti à la société West Hôtel - devenue la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS, pour une durée de 9 années, un bail commercial portant sur un immeuble situé à [Localité 10] (78), [Adresse 3].
' aux termes de son article 3 relatif aux activités autorisées 'Le preneur déclare qu'il utilisera les locaux objet du présent bail, savoir : exploitation de tous hôtels, restaurants, bars; organisation et mise à disposition de services de prestations diverses pour séminaires, congrès, réunions publiques, noces, banquets ... ; ventes à emporter, rôtisserie, vin, liqueur ...; location de salles. La destination ci-dessus est stipulée à l'exclusion de toute autre (...).'
' l'article 8 relatif à la sous-location stipulait par ailleurs : 'Toute sous-location, même temporaire ou partielle, ou simple occupation des lieux par un tiers à quelque titre que ce soit (location gratuite, domiciliation, etc.) est interdite sous peine de résiliation immédiate du présent contrat de location, à la simple constatation de l'infraction et sans qu'il soit besoin de mise en demeure du preneur.'
' son article 5.4 prévoyait que le preneur 'devra exercer dans les lieux loués son activité de façon continue.'
' il était enfin stipulé aux articles 5.2 et 5.3 que ' Le preneur s'engage :
2 - A entretenir les lieux loués en parfait état de réparation et les rendre en fin de bail en bon état de toutes réparations locatives, d'entretien et de gros entretien.
Le preneur sera tenu de toutes les réparations, petites ou grosses, affectant ou non le clos et le couvert, y compris le ravalement.
3 - A maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté l'ensemble des locaux loués et à remplacer, s'il y a lieu, ce qui pourrait être réparé.'
Ce bail a fait l'objet d'un renouvellement le 04 mars 2014, pour une durée de 9 années à compter rétroactivement du 1er janvier 2014 et pour venir à expiration le 31 décembre 2022, par la société civile immobilière Avner.A, devenue propriétaire de l'immeuble en 2009.
Selon courrier recommandé du 15 juillet 2022, la société MTHS a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er janvier '2024".
Mais la société Avern.A - à la suite de la réception d'un courriel de la preneuse faisant état de l'assurance de sa 'locataire' et d'un constat d'un commissaire de justice du 1er décembre 2023 - se prévalant d'un défaut d'exploitation effective des locaux depuis la mi-octobre 2016, en violation de l'article L 145-8 du code de commerce, de la délivrance, le 09 février 2024, d'une sommation de déguerpir puis d'une sommation interpellative du 02 avril 2024 ainsi que de la remise, sur sommation interpellative du 07 mars 2024 délivrée à l'association La [Localité 7] [Localité 9] Française, d'une convention d'occupation datée du 13 février 2021, a estimé que la société MTHS ne pouvait se prévaloir du statut des baux commerciaux et avait perdu tout droit au renouvellement du bail.
Et c'est dans ce contexte que par acte du 24 juin 2024, elle a assigné la preneuse à jour fixe en résiliation du bail et aux fins d'expulsion sans délai et sous astreinte, sollicitant en outre la désignation d'un expert ayant pour mission de donner son avis sur l'état des lieux libérés par les occupants et d'évaluer le coût des réparations.
Par jugement contradictoire rendu le 24 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Versailles, rappelant que l'exécution provisoire de sa décision est de droit, a :
débouté la SCI Avner.A de l'ensemble de ses prétentions,
débouté la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
condamné la SCI Avner.A aux dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de maître Chantal de Carfort pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile (et) à payer à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 25 juin 2025 la société civile immobilière Avner.A, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 04 novembre 2024, demande à la cour :
d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a :
débouté la SCI Avner.A de l'ensemble de ses prétentions et notamment de sa demande tendant à voir : prononcer la résiliation sans délai du bail commercial du 7 juillet 2004 aux torts et griefs exclusifs de la société MTHS // ordonner l'expulsion sans délai de la société MTHS et de tous occupants de son chef de l'immeuble à usage d'hôtel-bar-restaurant situé à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2], et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 30 jours qui suivra la date de signification du jugement à intervenir // nommer un technicien avec mission de constater et décrire l'état des lieux libérés, de donner son avis sur les mesures propres à assureur leur remise en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité et de propreté, d'en chiffrer le coût et de donner tous les éléments techniques qui permettront à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues // condamner la société MTHS au paiement d'une provision sur dommages et intérêts de 10.000 euros // condamner la société MTHS au paiement d'une somme de 12.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
condamné la SCI Avner.A aux dépens de l'instance (et) à payer à la société Main Tendue Habitat-[Localité 10]-MTHS la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y faisant droit et statuant de nouveau
en vertu de l'article 8 du bail commercial du 7 juillet 2004 interdisant la "sous-location"ou la 'simple occupation par un tiers à quelque titre que ce soit', sous peine de 'résiliation immédiate du présent contrat de location' (et) des articles L145-1 et L 145-8 du code de commerce prescrivant l'exploitation effective du fonds de commerce,
de constater, voire de prononcer la résiliation sans délai du bail commercial du 7 juillet 2004 aux torts et griefs exclusifs de la société MTHS aux motifs, d'une part, de la présence dans les lieux d'un 'sous-locataire' ou d'un 'occupant des lieux à quelque titre que ce soit', d'autre part, de l'inexploitation du fonds de commerce par la société MTHS depuis la mi-octobre 2016 et de la perte corrélative du bénéfice du statut des baux commerciaux et du droit au renouvellement à partir du 1er janvier 2023 et, en outre, de l'absence totale d'entretien de l'ensemble de l'immeuble depuis des années,
d'ordonner l'expulsion sans délai de la société MTHS et de tous occupants de son chef, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est, de l'immeuble à usage d'hôtel-bar- restaurant situé à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2], et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 30 jours qui suivra la date de signification du 'jugement' à intervenir,
de se réserver la liquidation de l'astreinte,
en vertu des articles 232 et suivants du code de procédure civile,
- de nommer un technicien expert avec mission de : constater et décrire l'état des lieux (parties communes et parties privatives) libérés par les occupants de l'immeuble à usage d'hôtel-bar-restaurant situés à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2] // donner son avis sur les mesures techniques propres à assurer leur remise 'en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté, l'ensemble des locaux loués, et à remplacer, s'il y a lieu, ce qui ne pourrait être réparé'// en chiffrer le coût // donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction qui sera éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis,
de dire que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et déposera son rapport dans le délai imparti après en avoir soumis le projet aux parties pour recueillir leurs observations dans le respect du principe de la contradiction,
de fixer le délai dans lequel l'expert devra exécuter sa mission et déposer son rapport,
en vertu de l'article 269 du code de procédure civile, de fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et de désigner la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe dans le délai imparti,
de condamner la société MTHS au paiement d'une provision sur dommages-intérêts de 20.000 euros dans l'attente des conclusions de l'expert judiciaire, pour faire face au coût des travaux les plus urgents,
Y ajoutant
de condamner la société MTHS au paiement d'une somme de 20.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire (pièces n° 13, 14, 21, 22, 25 : note de frais de honoraires de maître [T] [K]) et, en outre, en tous les dépens de première instance, d'appel et de l'expertise par application de l'article 696 du code de procédure civile dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
de débouter la société par actions simplifiée MTHS de l'ensemble de ses demandes abusives formées par ses conclusions reconventionnelles des 19 août 2024 et 23 décembre 2024.
Par dernières conclusions (n°3) notifiées le 25 février 2025, la société par actions simplifiée Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS prie la cour :
de déclarer l'appel de la société Avner.A particulièrement mal fondé et de l'en débouter,
de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
de débouter la société Avner.A de ses demandes, fins et conclusions et, en particulier, de sa demande de condamnation à paiement de loyers indûment qualifiés d'indemnités d'occupation,
Y ajoutant
de condamner la société Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
de condamner la société Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens dont le recouvrement s'opérera au profit de maître Véronique Buquet-Roussel, avocat à la cour, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
Par 'conclusions de rejet de conclusions et de pièces' notifiées le 03 juillet 2025, l'intimée, visant les articles 15 et 135 du code de procédure civile, a saisi la cour d'une demande tendant à voir rejeter des débats les conclusions (n°2) de la société Avner.A signifiées le 25 juin 2025 et écarter des débats les trois nouvelles pièces qui ont été communiquées le 30 juin 2025.
Elle expose qu'il s'agit de conclusions n°3, un premier jeu ayant été notifié le matin le second l'après-midi, et de trois nouvelles pièces communiquées le 30 juin 2025, qu'elle a immédiatement sollicité le report de la clôture, que celle-ci a cependant été prononcée le 1er juillet, qu'elle ne disposait pas du délai nécessaire pour étudier ces pièces et répliquer aux dernières écritures de l'appelante et que, du fait du non-respect du principe du contradictoire, il convient de faire droit à ses demandes.
Selon conclusions 'en réponse sur demande de rejet des débats' notifiées le 19 juillet 2025, l'appelante sollicite le débouté de son adversaire en sa demande de rejet de ses conclusions du 25 juin 2025.
Elle fait valoir que celles-ci, notifiées plus de 48 heures avant la clôture, ne comportaient que des modifications formelles, coquilles et mise en forme sans apport de nouveaux moyens, que son adversaire disposait d'un délai suffisant de sept jours pour répliquer et qu'en outre, selon la Cour de cassation, la partie qui poursuit le rejet de conclusions doit justifier de ce qu'il aurait été impératif, pour elle, de répliquer à un moyen nouveau de fait ou de droit.
Ceci étant rappelé, il convient de se reporter aux éléments ressortant de la consultation du réseau privé virtuel des avocats de laquelle il ressort que l'appelante a notifié le mercredi 25 juin 2025 (à 11h48) des conclusions avec un message indiquant qu'elles 'n'apportent que quelques corrections sans incident (sic) sur le fond de l'affaire', que par message du même jour (à 14h42) l'intimée écrivait : 'je sollicite le report de la clôture venant de recevoir ce jour des conclusions de l'intimée (sic) non émargées' et que l'intimée a transmis (à 17h23) des conclusions n°3 identiques à ses écritures n°2 mais matérialisant l'introduction d'éléments nouveaux en regard de ses premières conclusions du 21 janvier 2025 par l'apposition d'un trait en leur marge.
Force est de considérer qu'il ne s'agit pas de conclusions tardives dès lors qu'elles ont été notifiées antérieurement à la clôture fixée au mardi 1er juillet 2025 (à 10h).
Si, effectivement, il appartient à toute partie de faire connaître 'en temps utile' à la partie adverse les moyens en fait et en droit au fondement de ses prétentions afin de lui permettre d'organiser sa défense, l'intimée qui ne reprochait à son adversaire, dans son message du 25 juin précité, qu'un défaut dans leur présentation matérielle auquel il a été remédié sans retard, se borne à invoquer le principe de la contradiction sans présenter précisément les éléments nouveaux des dernières conclusions adverses appelant une réplique alors qu'au surplus, à l'examen, ceux-ci se révèlent particulièrement mineurs (références à un texte, à des pièces déjà dans le débat,...), comme le fait valoir l'appelante, et que la seule modification du dispositif porte sur le montant de la somme indemnitaire sollicitée par provision.
L'intimée n'explique pas, non plus, ce qui a fait obstacle à une réplique à ces points mineurs alors qu'elle disposait d'un temps utile de cinq jours ouvrables pour ce faire.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables ces dernières conclusions de l'appelante.
De même qu'il ne saurait être fait droit à la demande de mise à l'écart des pièces n° 30 à 32 communiquées le 30 juin 2025 (que l'intimée s'abstient d'ailleurs d'expliciter, voire de désigner) dès lors qu'il s'agit d'actes et d'une facture des 27 et 30 juin 2025 qui ne pouvaient être communiqués avant cette date et que, surtout, aucune conclusion de l'appelante n'en est le support dans le cadre de la présente procédure écrite.
Sur la demande de résiliation du bail
Il convient de relater que, pour statuer comme il l'a fait, le tribunal, portant son appréciation sur les articles 3 et 8 du contrat de bail comme sur la convention du 13 juillet 2021liant la preneuse à l'association la [Localité 7] [Localité 9] Française, a d'abord retenu que la qualification de sous-location est exclue lorsque le locataire met à la disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.
Et aux griefs de la bailleresse fondés sur les articles 3 et 5.4 du bail relatifs à l'obligation d'exploitation du fonds de commerce, ceci de façon continue, il a considéré que les manquements invoqués n'étaient pas fondés en regard, d'une part, des termes de cet article 3 qui n'imposait pas l'obligation d'exploiter l'ensemble des activités autorisées et, d'autre part, des éléments du contrat de mise à disposition en cause qui prévoyait la fourniture, par la société MTHS, d'un hébergement ainsi que de prestations relevant d'une activité hôtelière.
L'appelante reproche au tribunal d'avoir méconnu la loi et son droit de propriété 'qui est encore un droit fondamental de valeur constitutionnelle et qui est aujourd'hui en péril'.
Elle estime que lui ont, tout à la fois, échappé la destination du bail, l'article 8 du contrat, l'inexploitation du fonds depuis 2016, la reconnaissance par la preneuse de l'occupation des lieux dans leur intégralité par des associations sous-locataires, le défaut de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2023 rendant la société MTHS occupante sans droit ni titre en vertu de l'article L 145-8 du code de commerce, la reconnaissance par celle-ci de la qualité de 'locataire' de la [Localité 7] [Localité 9] Française, l'article 7 de leur convention d'occupation mentionnant un 'loyer' mensuel de 41.000 euros TTC pour mise à disposition des locaux, le gardiennage et l'accueil ainsi que la fausse qualité de 'propriétaire-bailleur' alors prise par la société MTHS, le défaut total d'entretien de l'ensemble des locaux depuis des années relevé par son propre expert le 09 novembre 2023, l'absence de demande d'autorisation pour supprimer l'espace restaurant qui n'est plus exploité et encore le fait qu'ont été payées avec retard, comme de manière permanente, les indemnités d'occupation d'octobre et novembre 2024.
Invoquant, d'abord, l'existence de sous-location, comme elle l'a découvert à la suite d'une sommation interpellative d'un associé de la holding MTH du 02 avril 2024 indiquant que depuis mi-octobre 2016 trois associations (le groupe SOS, Equalis puis la [Localité 7] [Localité 9] Française) occupaient les lieux - à la suite de laquelle elle a fait délivrer une sommation de déguerpir en lui déniant son droit au statut des baux commerciaux - elle oppose à la preneuse le fait qu'elle ne peut se prévaloir d'aucune autorisation du propriétaire de consentir à cette association la convention d'occupation du 13 juillet 2021 produite, laquelle, selon les termes employés, implique nécessairement, à son sens, un abus du titre de bailleur et une sous-location ou occupation contractuellement prohibées, et ceci d'autant que cette association n'exerce aucune activité commerciale (pièces n° 9 et 6).
Elle précise que, contrairement à ce qui est prétendu, elle n'a pas accepté le renouvellement du bail par courrier du 10 novembre 2023, celui-ci étant subordonné à diverses conditions qui n'ont été ni acceptées ni exécutées et à une exploitation effective faisant défaut depuis la mi-octobre 2016.
Elle lui fait ensuite grief, sur le fondement de l'article L 145-8 du code de commerce, de ne plus exploiter le fonds de commerce d'hôtel-bar-restaurant depuis la mi-octobre 2016, comme elle en a eu la confirmation à la faveur d'une sommation interpellative du 07 mars 2024 délivrée à la [Localité 7] [Localité 9] Française (pièce n° 7).
Elle se prévaut enfin d'un troisième manquement, par la preneuse, aux obligations contractuelles convenues tenant à un défaut de réparations à caractère locatif ainsi qu'à l'inexécution des grosses réparations, en produisant une note technique du 09 novembre 2023 et en se référant à la sommation interpellative du 02 avril 2024 précitée (pièces n° 12 et 9).
L'intimée approuve, quant à elle, le tribunal en ce qu'il a restitué à la convention signée avec la [Localité 7] [Localité 9] Française sa véritable qualification juridique et s'approprie sa motivation en soulignant que l'activité litigieuse est tout à fait classique et s'exerce identiquement lorsqu'il s'agit d'un hôtel social, d'autant que l'activité d'hôtelier est contraire aux statuts et à l'activité caritative de l'association en cause qui ne se présente que comme un intermédiaire.
Elle soutient également que la bailleresse a reçu sa demande de renouvellement en connaissance de l'exercice de cette activité, le 15 juillet 2022, et ne l'a pas refusée pour motif grave et légitime; se réclamant de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point (Cass 3ème civ, 20 mai 2021, n° 19-26021), elle fait valoir qu'elle est donc réputée avoir renoncé à invoquer cette infraction et qu'elle a même accepté ce renouvellement sous certaines conditions par courrier officiel de son conseil daté 'bizarrement du 11 juillet et 10 novembre 2023" en proposant un loyer de renouvellement.
S'agissant des travaux, elle observe que le rapport produit n'émane pas d'un expert judiciaire et qu'en outre, elle n'a jamais été mise en demeure d'en réaliser.
Sur le manquement à l'interdiction de sous-louer (article 8 du bail)
Il convient de rappeler que pour écarter la qualification de contrat de sous-location qui ne fait l'objet d'aucune définition légale, la Cour de cassation, s'attachant aux circonstances entourant la mise à disposition des lieux par le locataire commercial et à un faisceau d'indices, a jugé que 'les limitations à la jouissance des lieux dans le temps, les nombreuses prestations relatives à l'équipement et à l'entretien des locaux assurées par la société locataire, ainsi que le contrôle de l'accueil et de la sécurité conservés par cette dernière démontraient que le contrat passé avec l'occupante ne pouvait se réduire à une sous-location' (Cass civ 3ème, 13 février 2002, pourvoi n° 00-17.994, publié au bulletin).
L'appelante ne saurait donc tirer argument de la terminologie employée ('locataire', 'loyer mensuel', désignation du président comme 'propriétaire-bailleur') dans divers documents produits (message par téléphone mobile ou convention d'occupation) pour caractériser un contrat de sous-location et il lui appartient de démontrer concrètement l'existence d'une sous-location déguisée.
C'est par conséquent vainement qu'elle s'attache, en cause d'appel, à la formulation de l'article 7 de la convention d'occupation, à savoir : 'la facturation émise par le propriétaire-bailleur est calculée sur la base d'un loyer mensuel de 41.000 euros TTC pour la mise à disposition des locaux, le gardiennage et l'accueil', dès lors qu'elle ne peut en déduire que l'emploi de ces termes, pour inappropriés qu'ils soient, implique 'nécessairement' la conclusion d'un contrat de sous-location.
Pas plus qu'elle ne saurait se prévaloir d'une atteinte à son droit de propriété que ni la présente espèce ni la motivation ou la solution du tribunal ne remettent en cause.
Force est de constater qu'elle ne combat pas l'argumentation des premiers juges s'attachant justement à ce faisceau d'indices, sauf à dire que des éléments présentés sous forme de liste leur ont 'échappé', alors que par motifs pertinents que la cour fait siens, étayés par l'énoncé d'une récente décision de la Cour de cassation (Cass civ 3ème, 27 juin 2024, pourvoi n° 22-22823, publié au bulletin), ils se sont prononcés selon une motivation tendant à considérer que toute mise à disposition ne s'analyse pas en une sous-location.
Le tribunal a, en effet, pertinemment pris en considération le fait que, par le contrat en cause, la société MTHS mettait à la disposition 32 des 33 chambres de l'hôtel (dont l'une à usage de bureau) mais que, par delà une obligation de délivrance, elle conservait le service de multiples prestations accessoires ou étrangères à cette mise à disposition des locaux comme celui du gardiennage 24 heures sur 24, de la fourniture de mobilier, de l'accueil, du changement de linge tous les 15 jours, outre la mise à disposition d'une buanderie, d'une cuisine collective et l'entretien des parties communes ; s'attachant, de plus, à la redevance mensuelle de 41.000 euros TTC convenue, il a retenu qu'aux termes de l'article 7 de la convention, elle englobait tant la mise à disposition des locaux que ces prestations de service spécifiques.
Et, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, il s'est prononcé sur 'la simple occupation des lieux par un tiers à quelque titre que ce soit', prohibée en ces termes par l'article 8 du contrat précité, en lui opposant le fait que cette stipulation ne peut viser les tiers hébergés dans l'hôtel, eu égard à la destination du bail commercial, et que l'objet du contrat de mise à disposition est précisément de permettre l'hébergement de personnes en difficulté dans les chambres de cet hôtel.
Par suite, il convient d'approuver la tribunal en son appréciation sur ce point.
Sur le manquement à l'obligation d'exploiter le fonds de commerce (articles 3 et 5.4 du bail)
Il échet de rappeler la doctrine de la Cour de cassation énonçant, au visa des articles 1184 du code civil et L 145-1 du code de commerce, que 'l'obligation d'exploiter est une condition d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués' (Cass civ 3ème, 10 juin 2009, pourvoi n° 07-18618, publié au bulletin).
Au cas particulier, l'article 5.4 du contrat de bail sus-repris n'exige qu'une exploitation continue, laquelle ne saurait se confondre avec une exploitation effective, la première supposant un défaut d'interruption dans le temps alors que la seconde exige la démonstration d'une traduction de l'exploitation par des actes tangibles et suppose, en matière de baux commerciaux, qu'elle soit à la fois réelle, régulière et conforme à la destination du bail.
Or les éléments factuels soumis à l'appréciation de la cour ne permettent pas de retenir un quelconque manquement à l'obligation d'exploiter le fonds de commerce.
S'agissant, en effet, de l'exploitation continue convenue, il résulte de ce qui précède que la société MTHS a, non point sous-loué les locaux à usage d'hôtel mais les a mis à disposition de diverses associations caritatives aux fins d'hébergement d'occupants, ceci sans rupture dans l'exploitation depuis au moins 2016.
S'agissant de l'exploitation effective, aucune clause du contrat n'y oblige expressément la preneuse et, dans le cadre d'une action en résiliation fondée sur un défaut d'exploitation, la bailleresse ne saurait se fonder sur les dispositions des articles L 145-1 et L 145-8 du code de commerce desquels il ressort seulement que le statut des baux commerciaux, partant le droit au renouvellement du bail ou à une indemnité d'éviction, est subordonné à l'exploitation du fonds de commerce, comme cela résulte de l'arrêt du 10 juin 2009 sus-mentionné.
En toute hypothèse, la société MTHS peut se prévaloir d'une exploitation effective, la procédure et les débats permettant de retenir, d'abord, une réelle sollicitation de la clientèle, ensuite, une exploitation régulière en ce qu'elle est conforme aux stipulations du bail et enfin respectueuse de la clause de destination, étant précisé qu'il n'est pas exigé d'un preneur à bail qu'il exerce toutes les activités visées dans ladite clause.
En conséquence, pas plus que le premier, ce grief n'est pas fondé.
Sur le défaut d'entretien (articles 5.2 et 5.3)
Il convient d'observer sur ce point que le bail renouvelé a été conclu le 04 mars 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel et de son décret d'application du 03 novembre suivant qui ont introduit des règles contraignantes et impératives de répartition des charges.
Les articles 5.2 et 5.3 précités ayant par conséquent vocation à recevoir application en l'état du droit positif antérieur à cette réforme, la cour relève que la note technique invoquée a été rédigée par un technicien mandaté par la bailleresse (lequel se croit autorisé à porter une appréciation juridique en concluant que 'le bail précise bien cependant que les grosses réparations incombent au locataire') et que les déclarations relatives à l'aveu d'une absence d'exécution des travaux n'a été recueilli qu'auprès d'un associé de la holding MTH et non point d'un représentant de la société par actions simplifiée preneuse (simplement convoquée pour assister à cette réunion) sans que la bailleresse ne débatte du principe d'autonomie des personnes morales, tous éléments de nature à fragiliser les éléments de preuve produits.
A cela s'ajoute le fait, peut-il être relevé, que le bail de renouvellement succède à un premier bail consenti le 07 juillet 2004, de sorte que les constatations de ce technicien du 09 novembre 2024 dont il est fait état sont postérieures de vingt ans à l'entrée dans les lieux.
Par application de l'article 1720 du code civil, le bailleur s'oblige à délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces ; or, au cas présent, la SCI Avner.A s'abstient de produire un état des lieux d'entrée des locaux donnés à bail et il est patent que nonobstant la clause du bail selon laquelle le preneur a pris les lieux loués dans leur état au moment de l'entrée en jouissance, les travaux rendus nécessaires par la vétusté sont à la charge du bailleur (Cass civ 3ème, 22 février 2005, pourvoi n° 03-19715 //9 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.762).
De même qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le vice affectant l'immeuble concernant sa structure-même est constitutif d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et il est tenu d'en répondre contractuellement quelles que soient les clauses du bail (Cass civ 3ème, 6 juillet 2011, pourvoi n° 10-18.694).
Surtout, doit être interprétée restrictivement la clause du bail transférant au preneur la charge des grosses réparations et celle du clos et du couvert (Cass civ 3ème , 29 septembre 2010, pourvoi n° 09-69337, publié au bulletin) ; elle ne peut être efficace que si elle répond aux exigences de clarté et de limpidité nécessaires à une bonne compréhension des obligations réciproques.
Tel n'est pas le cas des articles 5.2 et 5.3 en cause qui introduisent des notions insuffisamment précises comme l'obligation pour la preneuse d'assumer, sans nuance ni identification ni référence à l'article 606 du code civil susceptible de renvoyer la preneuse à son application prétorienne 'toutes les réparations, petites ou grosses, affectant ou non le clos et le couvert, y compris le ravalement' ; leur rédaction en des termes par trop généraux ne répond pas à la nécessaire rigueur requise, de sorte que la société Avner.A ne peut s'en prévaloir.
Au surplus, il n'est pas fait la démonstration d'un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation contractuelle, de sorte que ne saurait prospérer la demande fondée sur cet autre grief tenant au manquement à l'obligation d'entretien et de réparation (dont les premiers juges relevaient qu'il n'était pas expressément présenté au soutien de la demande).
Il s'évince par conséquent de tout ce qui précède que l'appelante échoue en sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société MTHS, qu'elle en sera déboutée à l'instar des demandes subséquentes (expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation, ..) comme elle le sera de sa demande d'expertise tendant à déterminer et voir évaluer, selon ses termes, les frais de remise en état après libération des lieux par les occupants ainsi qu'en sa prétention au paiement d'une indemnité à titre provisionnel 'dans l'attente des conclusions de l'expert judiciaire pour faire face aux travaux les plus urgents'.
Le jugement qui en dispose ainsi mérite donc confirmation.
Sur la demande indemnitaire formée par l'intimée
La société MTHS sollicite la condamnation de son adversaire à lui verser une somme de 10.000 euros en réparation d'une procédure qu'elle qualifie d'abusive et injustifiée.
Force est cependant de constater qu'en dépit de la motivation du tribunal, cette demande est formée de manière lapidaire au seul motif que cet abus de procédure est 'manifeste', sans nulle autre caractérisation, pourtant nécessaire, d'une faute et d'un préjudice corrélatif alors qu'en dépit de la solution apportée au présent litige, l'appelante a pu, sans faute, exercer les voies de recours auxquelles elle pouvait prétendre en développant des moyens de fait et de droit au soutien de ses prétentions.
Par suite, comme en première instance, l'intimée sera déboutée de cette prétention.
Sur les frais de procédure et les dépens
L'équité commande d'allouer à la société MTHS la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante qui succombe sera déboutée de ce dernier chef et condamnée à supporter les entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
Rejette la demande de la société par actions simplifiée Main Tendue Habitat [Localité 10] - MTHS tendant au 'rejet de conclusions et de pièces' de son adversaire ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;
Condamne la société civile immobilière Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10] - MTHS la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre civile 1-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 24/06911 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W3GQ
AFFAIRE :
SCI AVNER.A
C/
S.A.S. MAIN TENDUE HABITAT [Localité 10]-MTHS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Octobre 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11]
N° RG : 24/03799
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.10.2025
à :
Me Anne-Laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCI AVNER.A
N° Siret : 512 350 877 (RCS [Localité 8])
[Adresse 1]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 43420 - Représentant : Me Jean-daniel SIMONET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0803
APPELANTE
****************
S.A.S. MAIN TENDUE HABITAT [Localité 10]-MTHS
N° Siret : 429 773 336 (RCS [Localité 11])
[Adresse 4]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 21324 - Représentant : Me Alain RAPAPORT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0122
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2025, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
Greffier, lors du prononcé de la décision : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 07 juillet 2004 la société civile immobilière 182 Schumann a consenti à la société West Hôtel - devenue la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS, pour une durée de 9 années, un bail commercial portant sur un immeuble situé à [Localité 10] (78), [Adresse 3].
' aux termes de son article 3 relatif aux activités autorisées 'Le preneur déclare qu'il utilisera les locaux objet du présent bail, savoir : exploitation de tous hôtels, restaurants, bars; organisation et mise à disposition de services de prestations diverses pour séminaires, congrès, réunions publiques, noces, banquets ... ; ventes à emporter, rôtisserie, vin, liqueur ...; location de salles. La destination ci-dessus est stipulée à l'exclusion de toute autre (...).'
' l'article 8 relatif à la sous-location stipulait par ailleurs : 'Toute sous-location, même temporaire ou partielle, ou simple occupation des lieux par un tiers à quelque titre que ce soit (location gratuite, domiciliation, etc.) est interdite sous peine de résiliation immédiate du présent contrat de location, à la simple constatation de l'infraction et sans qu'il soit besoin de mise en demeure du preneur.'
' son article 5.4 prévoyait que le preneur 'devra exercer dans les lieux loués son activité de façon continue.'
' il était enfin stipulé aux articles 5.2 et 5.3 que ' Le preneur s'engage :
2 - A entretenir les lieux loués en parfait état de réparation et les rendre en fin de bail en bon état de toutes réparations locatives, d'entretien et de gros entretien.
Le preneur sera tenu de toutes les réparations, petites ou grosses, affectant ou non le clos et le couvert, y compris le ravalement.
3 - A maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté l'ensemble des locaux loués et à remplacer, s'il y a lieu, ce qui pourrait être réparé.'
Ce bail a fait l'objet d'un renouvellement le 04 mars 2014, pour une durée de 9 années à compter rétroactivement du 1er janvier 2014 et pour venir à expiration le 31 décembre 2022, par la société civile immobilière Avner.A, devenue propriétaire de l'immeuble en 2009.
Selon courrier recommandé du 15 juillet 2022, la société MTHS a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er janvier '2024".
Mais la société Avern.A - à la suite de la réception d'un courriel de la preneuse faisant état de l'assurance de sa 'locataire' et d'un constat d'un commissaire de justice du 1er décembre 2023 - se prévalant d'un défaut d'exploitation effective des locaux depuis la mi-octobre 2016, en violation de l'article L 145-8 du code de commerce, de la délivrance, le 09 février 2024, d'une sommation de déguerpir puis d'une sommation interpellative du 02 avril 2024 ainsi que de la remise, sur sommation interpellative du 07 mars 2024 délivrée à l'association La [Localité 7] [Localité 9] Française, d'une convention d'occupation datée du 13 février 2021, a estimé que la société MTHS ne pouvait se prévaloir du statut des baux commerciaux et avait perdu tout droit au renouvellement du bail.
Et c'est dans ce contexte que par acte du 24 juin 2024, elle a assigné la preneuse à jour fixe en résiliation du bail et aux fins d'expulsion sans délai et sous astreinte, sollicitant en outre la désignation d'un expert ayant pour mission de donner son avis sur l'état des lieux libérés par les occupants et d'évaluer le coût des réparations.
Par jugement contradictoire rendu le 24 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Versailles, rappelant que l'exécution provisoire de sa décision est de droit, a :
débouté la SCI Avner.A de l'ensemble de ses prétentions,
débouté la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
condamné la SCI Avner.A aux dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de maître Chantal de Carfort pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile (et) à payer à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 25 juin 2025 la société civile immobilière Avner.A, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 04 novembre 2024, demande à la cour :
d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a :
débouté la SCI Avner.A de l'ensemble de ses prétentions et notamment de sa demande tendant à voir : prononcer la résiliation sans délai du bail commercial du 7 juillet 2004 aux torts et griefs exclusifs de la société MTHS // ordonner l'expulsion sans délai de la société MTHS et de tous occupants de son chef de l'immeuble à usage d'hôtel-bar-restaurant situé à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2], et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 30 jours qui suivra la date de signification du jugement à intervenir // nommer un technicien avec mission de constater et décrire l'état des lieux libérés, de donner son avis sur les mesures propres à assureur leur remise en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité et de propreté, d'en chiffrer le coût et de donner tous les éléments techniques qui permettront à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues // condamner la société MTHS au paiement d'une provision sur dommages et intérêts de 10.000 euros // condamner la société MTHS au paiement d'une somme de 12.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
condamné la SCI Avner.A aux dépens de l'instance (et) à payer à la société Main Tendue Habitat-[Localité 10]-MTHS la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y faisant droit et statuant de nouveau
en vertu de l'article 8 du bail commercial du 7 juillet 2004 interdisant la "sous-location"ou la 'simple occupation par un tiers à quelque titre que ce soit', sous peine de 'résiliation immédiate du présent contrat de location' (et) des articles L145-1 et L 145-8 du code de commerce prescrivant l'exploitation effective du fonds de commerce,
de constater, voire de prononcer la résiliation sans délai du bail commercial du 7 juillet 2004 aux torts et griefs exclusifs de la société MTHS aux motifs, d'une part, de la présence dans les lieux d'un 'sous-locataire' ou d'un 'occupant des lieux à quelque titre que ce soit', d'autre part, de l'inexploitation du fonds de commerce par la société MTHS depuis la mi-octobre 2016 et de la perte corrélative du bénéfice du statut des baux commerciaux et du droit au renouvellement à partir du 1er janvier 2023 et, en outre, de l'absence totale d'entretien de l'ensemble de l'immeuble depuis des années,
d'ordonner l'expulsion sans délai de la société MTHS et de tous occupants de son chef, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est, de l'immeuble à usage d'hôtel-bar- restaurant situé à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2], et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 30 jours qui suivra la date de signification du 'jugement' à intervenir,
de se réserver la liquidation de l'astreinte,
en vertu des articles 232 et suivants du code de procédure civile,
- de nommer un technicien expert avec mission de : constater et décrire l'état des lieux (parties communes et parties privatives) libérés par les occupants de l'immeuble à usage d'hôtel-bar-restaurant situés à [Localité 10] (Yvelines), [Adresse 2] // donner son avis sur les mesures techniques propres à assurer leur remise 'en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté, l'ensemble des locaux loués, et à remplacer, s'il y a lieu, ce qui ne pourrait être réparé'// en chiffrer le coût // donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction qui sera éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis,
de dire que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et déposera son rapport dans le délai imparti après en avoir soumis le projet aux parties pour recueillir leurs observations dans le respect du principe de la contradiction,
de fixer le délai dans lequel l'expert devra exécuter sa mission et déposer son rapport,
en vertu de l'article 269 du code de procédure civile, de fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et de désigner la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe dans le délai imparti,
de condamner la société MTHS au paiement d'une provision sur dommages-intérêts de 20.000 euros dans l'attente des conclusions de l'expert judiciaire, pour faire face au coût des travaux les plus urgents,
Y ajoutant
de condamner la société MTHS au paiement d'une somme de 20.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire (pièces n° 13, 14, 21, 22, 25 : note de frais de honoraires de maître [T] [K]) et, en outre, en tous les dépens de première instance, d'appel et de l'expertise par application de l'article 696 du code de procédure civile dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
de débouter la société par actions simplifiée MTHS de l'ensemble de ses demandes abusives formées par ses conclusions reconventionnelles des 19 août 2024 et 23 décembre 2024.
Par dernières conclusions (n°3) notifiées le 25 février 2025, la société par actions simplifiée Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS prie la cour :
de déclarer l'appel de la société Avner.A particulièrement mal fondé et de l'en débouter,
de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
de débouter la société Avner.A de ses demandes, fins et conclusions et, en particulier, de sa demande de condamnation à paiement de loyers indûment qualifiés d'indemnités d'occupation,
Y ajoutant
de condamner la société Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
de condamner la société Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10]-MTHS la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens dont le recouvrement s'opérera au profit de maître Véronique Buquet-Roussel, avocat à la cour, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
Par 'conclusions de rejet de conclusions et de pièces' notifiées le 03 juillet 2025, l'intimée, visant les articles 15 et 135 du code de procédure civile, a saisi la cour d'une demande tendant à voir rejeter des débats les conclusions (n°2) de la société Avner.A signifiées le 25 juin 2025 et écarter des débats les trois nouvelles pièces qui ont été communiquées le 30 juin 2025.
Elle expose qu'il s'agit de conclusions n°3, un premier jeu ayant été notifié le matin le second l'après-midi, et de trois nouvelles pièces communiquées le 30 juin 2025, qu'elle a immédiatement sollicité le report de la clôture, que celle-ci a cependant été prononcée le 1er juillet, qu'elle ne disposait pas du délai nécessaire pour étudier ces pièces et répliquer aux dernières écritures de l'appelante et que, du fait du non-respect du principe du contradictoire, il convient de faire droit à ses demandes.
Selon conclusions 'en réponse sur demande de rejet des débats' notifiées le 19 juillet 2025, l'appelante sollicite le débouté de son adversaire en sa demande de rejet de ses conclusions du 25 juin 2025.
Elle fait valoir que celles-ci, notifiées plus de 48 heures avant la clôture, ne comportaient que des modifications formelles, coquilles et mise en forme sans apport de nouveaux moyens, que son adversaire disposait d'un délai suffisant de sept jours pour répliquer et qu'en outre, selon la Cour de cassation, la partie qui poursuit le rejet de conclusions doit justifier de ce qu'il aurait été impératif, pour elle, de répliquer à un moyen nouveau de fait ou de droit.
Ceci étant rappelé, il convient de se reporter aux éléments ressortant de la consultation du réseau privé virtuel des avocats de laquelle il ressort que l'appelante a notifié le mercredi 25 juin 2025 (à 11h48) des conclusions avec un message indiquant qu'elles 'n'apportent que quelques corrections sans incident (sic) sur le fond de l'affaire', que par message du même jour (à 14h42) l'intimée écrivait : 'je sollicite le report de la clôture venant de recevoir ce jour des conclusions de l'intimée (sic) non émargées' et que l'intimée a transmis (à 17h23) des conclusions n°3 identiques à ses écritures n°2 mais matérialisant l'introduction d'éléments nouveaux en regard de ses premières conclusions du 21 janvier 2025 par l'apposition d'un trait en leur marge.
Force est de considérer qu'il ne s'agit pas de conclusions tardives dès lors qu'elles ont été notifiées antérieurement à la clôture fixée au mardi 1er juillet 2025 (à 10h).
Si, effectivement, il appartient à toute partie de faire connaître 'en temps utile' à la partie adverse les moyens en fait et en droit au fondement de ses prétentions afin de lui permettre d'organiser sa défense, l'intimée qui ne reprochait à son adversaire, dans son message du 25 juin précité, qu'un défaut dans leur présentation matérielle auquel il a été remédié sans retard, se borne à invoquer le principe de la contradiction sans présenter précisément les éléments nouveaux des dernières conclusions adverses appelant une réplique alors qu'au surplus, à l'examen, ceux-ci se révèlent particulièrement mineurs (références à un texte, à des pièces déjà dans le débat,...), comme le fait valoir l'appelante, et que la seule modification du dispositif porte sur le montant de la somme indemnitaire sollicitée par provision.
L'intimée n'explique pas, non plus, ce qui a fait obstacle à une réplique à ces points mineurs alors qu'elle disposait d'un temps utile de cinq jours ouvrables pour ce faire.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables ces dernières conclusions de l'appelante.
De même qu'il ne saurait être fait droit à la demande de mise à l'écart des pièces n° 30 à 32 communiquées le 30 juin 2025 (que l'intimée s'abstient d'ailleurs d'expliciter, voire de désigner) dès lors qu'il s'agit d'actes et d'une facture des 27 et 30 juin 2025 qui ne pouvaient être communiqués avant cette date et que, surtout, aucune conclusion de l'appelante n'en est le support dans le cadre de la présente procédure écrite.
Sur la demande de résiliation du bail
Il convient de relater que, pour statuer comme il l'a fait, le tribunal, portant son appréciation sur les articles 3 et 8 du contrat de bail comme sur la convention du 13 juillet 2021liant la preneuse à l'association la [Localité 7] [Localité 9] Française, a d'abord retenu que la qualification de sous-location est exclue lorsque le locataire met à la disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.
Et aux griefs de la bailleresse fondés sur les articles 3 et 5.4 du bail relatifs à l'obligation d'exploitation du fonds de commerce, ceci de façon continue, il a considéré que les manquements invoqués n'étaient pas fondés en regard, d'une part, des termes de cet article 3 qui n'imposait pas l'obligation d'exploiter l'ensemble des activités autorisées et, d'autre part, des éléments du contrat de mise à disposition en cause qui prévoyait la fourniture, par la société MTHS, d'un hébergement ainsi que de prestations relevant d'une activité hôtelière.
L'appelante reproche au tribunal d'avoir méconnu la loi et son droit de propriété 'qui est encore un droit fondamental de valeur constitutionnelle et qui est aujourd'hui en péril'.
Elle estime que lui ont, tout à la fois, échappé la destination du bail, l'article 8 du contrat, l'inexploitation du fonds depuis 2016, la reconnaissance par la preneuse de l'occupation des lieux dans leur intégralité par des associations sous-locataires, le défaut de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2023 rendant la société MTHS occupante sans droit ni titre en vertu de l'article L 145-8 du code de commerce, la reconnaissance par celle-ci de la qualité de 'locataire' de la [Localité 7] [Localité 9] Française, l'article 7 de leur convention d'occupation mentionnant un 'loyer' mensuel de 41.000 euros TTC pour mise à disposition des locaux, le gardiennage et l'accueil ainsi que la fausse qualité de 'propriétaire-bailleur' alors prise par la société MTHS, le défaut total d'entretien de l'ensemble des locaux depuis des années relevé par son propre expert le 09 novembre 2023, l'absence de demande d'autorisation pour supprimer l'espace restaurant qui n'est plus exploité et encore le fait qu'ont été payées avec retard, comme de manière permanente, les indemnités d'occupation d'octobre et novembre 2024.
Invoquant, d'abord, l'existence de sous-location, comme elle l'a découvert à la suite d'une sommation interpellative d'un associé de la holding MTH du 02 avril 2024 indiquant que depuis mi-octobre 2016 trois associations (le groupe SOS, Equalis puis la [Localité 7] [Localité 9] Française) occupaient les lieux - à la suite de laquelle elle a fait délivrer une sommation de déguerpir en lui déniant son droit au statut des baux commerciaux - elle oppose à la preneuse le fait qu'elle ne peut se prévaloir d'aucune autorisation du propriétaire de consentir à cette association la convention d'occupation du 13 juillet 2021 produite, laquelle, selon les termes employés, implique nécessairement, à son sens, un abus du titre de bailleur et une sous-location ou occupation contractuellement prohibées, et ceci d'autant que cette association n'exerce aucune activité commerciale (pièces n° 9 et 6).
Elle précise que, contrairement à ce qui est prétendu, elle n'a pas accepté le renouvellement du bail par courrier du 10 novembre 2023, celui-ci étant subordonné à diverses conditions qui n'ont été ni acceptées ni exécutées et à une exploitation effective faisant défaut depuis la mi-octobre 2016.
Elle lui fait ensuite grief, sur le fondement de l'article L 145-8 du code de commerce, de ne plus exploiter le fonds de commerce d'hôtel-bar-restaurant depuis la mi-octobre 2016, comme elle en a eu la confirmation à la faveur d'une sommation interpellative du 07 mars 2024 délivrée à la [Localité 7] [Localité 9] Française (pièce n° 7).
Elle se prévaut enfin d'un troisième manquement, par la preneuse, aux obligations contractuelles convenues tenant à un défaut de réparations à caractère locatif ainsi qu'à l'inexécution des grosses réparations, en produisant une note technique du 09 novembre 2023 et en se référant à la sommation interpellative du 02 avril 2024 précitée (pièces n° 12 et 9).
L'intimée approuve, quant à elle, le tribunal en ce qu'il a restitué à la convention signée avec la [Localité 7] [Localité 9] Française sa véritable qualification juridique et s'approprie sa motivation en soulignant que l'activité litigieuse est tout à fait classique et s'exerce identiquement lorsqu'il s'agit d'un hôtel social, d'autant que l'activité d'hôtelier est contraire aux statuts et à l'activité caritative de l'association en cause qui ne se présente que comme un intermédiaire.
Elle soutient également que la bailleresse a reçu sa demande de renouvellement en connaissance de l'exercice de cette activité, le 15 juillet 2022, et ne l'a pas refusée pour motif grave et légitime; se réclamant de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point (Cass 3ème civ, 20 mai 2021, n° 19-26021), elle fait valoir qu'elle est donc réputée avoir renoncé à invoquer cette infraction et qu'elle a même accepté ce renouvellement sous certaines conditions par courrier officiel de son conseil daté 'bizarrement du 11 juillet et 10 novembre 2023" en proposant un loyer de renouvellement.
S'agissant des travaux, elle observe que le rapport produit n'émane pas d'un expert judiciaire et qu'en outre, elle n'a jamais été mise en demeure d'en réaliser.
Sur le manquement à l'interdiction de sous-louer (article 8 du bail)
Il convient de rappeler que pour écarter la qualification de contrat de sous-location qui ne fait l'objet d'aucune définition légale, la Cour de cassation, s'attachant aux circonstances entourant la mise à disposition des lieux par le locataire commercial et à un faisceau d'indices, a jugé que 'les limitations à la jouissance des lieux dans le temps, les nombreuses prestations relatives à l'équipement et à l'entretien des locaux assurées par la société locataire, ainsi que le contrôle de l'accueil et de la sécurité conservés par cette dernière démontraient que le contrat passé avec l'occupante ne pouvait se réduire à une sous-location' (Cass civ 3ème, 13 février 2002, pourvoi n° 00-17.994, publié au bulletin).
L'appelante ne saurait donc tirer argument de la terminologie employée ('locataire', 'loyer mensuel', désignation du président comme 'propriétaire-bailleur') dans divers documents produits (message par téléphone mobile ou convention d'occupation) pour caractériser un contrat de sous-location et il lui appartient de démontrer concrètement l'existence d'une sous-location déguisée.
C'est par conséquent vainement qu'elle s'attache, en cause d'appel, à la formulation de l'article 7 de la convention d'occupation, à savoir : 'la facturation émise par le propriétaire-bailleur est calculée sur la base d'un loyer mensuel de 41.000 euros TTC pour la mise à disposition des locaux, le gardiennage et l'accueil', dès lors qu'elle ne peut en déduire que l'emploi de ces termes, pour inappropriés qu'ils soient, implique 'nécessairement' la conclusion d'un contrat de sous-location.
Pas plus qu'elle ne saurait se prévaloir d'une atteinte à son droit de propriété que ni la présente espèce ni la motivation ou la solution du tribunal ne remettent en cause.
Force est de constater qu'elle ne combat pas l'argumentation des premiers juges s'attachant justement à ce faisceau d'indices, sauf à dire que des éléments présentés sous forme de liste leur ont 'échappé', alors que par motifs pertinents que la cour fait siens, étayés par l'énoncé d'une récente décision de la Cour de cassation (Cass civ 3ème, 27 juin 2024, pourvoi n° 22-22823, publié au bulletin), ils se sont prononcés selon une motivation tendant à considérer que toute mise à disposition ne s'analyse pas en une sous-location.
Le tribunal a, en effet, pertinemment pris en considération le fait que, par le contrat en cause, la société MTHS mettait à la disposition 32 des 33 chambres de l'hôtel (dont l'une à usage de bureau) mais que, par delà une obligation de délivrance, elle conservait le service de multiples prestations accessoires ou étrangères à cette mise à disposition des locaux comme celui du gardiennage 24 heures sur 24, de la fourniture de mobilier, de l'accueil, du changement de linge tous les 15 jours, outre la mise à disposition d'une buanderie, d'une cuisine collective et l'entretien des parties communes ; s'attachant, de plus, à la redevance mensuelle de 41.000 euros TTC convenue, il a retenu qu'aux termes de l'article 7 de la convention, elle englobait tant la mise à disposition des locaux que ces prestations de service spécifiques.
Et, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, il s'est prononcé sur 'la simple occupation des lieux par un tiers à quelque titre que ce soit', prohibée en ces termes par l'article 8 du contrat précité, en lui opposant le fait que cette stipulation ne peut viser les tiers hébergés dans l'hôtel, eu égard à la destination du bail commercial, et que l'objet du contrat de mise à disposition est précisément de permettre l'hébergement de personnes en difficulté dans les chambres de cet hôtel.
Par suite, il convient d'approuver la tribunal en son appréciation sur ce point.
Sur le manquement à l'obligation d'exploiter le fonds de commerce (articles 3 et 5.4 du bail)
Il échet de rappeler la doctrine de la Cour de cassation énonçant, au visa des articles 1184 du code civil et L 145-1 du code de commerce, que 'l'obligation d'exploiter est une condition d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués' (Cass civ 3ème, 10 juin 2009, pourvoi n° 07-18618, publié au bulletin).
Au cas particulier, l'article 5.4 du contrat de bail sus-repris n'exige qu'une exploitation continue, laquelle ne saurait se confondre avec une exploitation effective, la première supposant un défaut d'interruption dans le temps alors que la seconde exige la démonstration d'une traduction de l'exploitation par des actes tangibles et suppose, en matière de baux commerciaux, qu'elle soit à la fois réelle, régulière et conforme à la destination du bail.
Or les éléments factuels soumis à l'appréciation de la cour ne permettent pas de retenir un quelconque manquement à l'obligation d'exploiter le fonds de commerce.
S'agissant, en effet, de l'exploitation continue convenue, il résulte de ce qui précède que la société MTHS a, non point sous-loué les locaux à usage d'hôtel mais les a mis à disposition de diverses associations caritatives aux fins d'hébergement d'occupants, ceci sans rupture dans l'exploitation depuis au moins 2016.
S'agissant de l'exploitation effective, aucune clause du contrat n'y oblige expressément la preneuse et, dans le cadre d'une action en résiliation fondée sur un défaut d'exploitation, la bailleresse ne saurait se fonder sur les dispositions des articles L 145-1 et L 145-8 du code de commerce desquels il ressort seulement que le statut des baux commerciaux, partant le droit au renouvellement du bail ou à une indemnité d'éviction, est subordonné à l'exploitation du fonds de commerce, comme cela résulte de l'arrêt du 10 juin 2009 sus-mentionné.
En toute hypothèse, la société MTHS peut se prévaloir d'une exploitation effective, la procédure et les débats permettant de retenir, d'abord, une réelle sollicitation de la clientèle, ensuite, une exploitation régulière en ce qu'elle est conforme aux stipulations du bail et enfin respectueuse de la clause de destination, étant précisé qu'il n'est pas exigé d'un preneur à bail qu'il exerce toutes les activités visées dans ladite clause.
En conséquence, pas plus que le premier, ce grief n'est pas fondé.
Sur le défaut d'entretien (articles 5.2 et 5.3)
Il convient d'observer sur ce point que le bail renouvelé a été conclu le 04 mars 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel et de son décret d'application du 03 novembre suivant qui ont introduit des règles contraignantes et impératives de répartition des charges.
Les articles 5.2 et 5.3 précités ayant par conséquent vocation à recevoir application en l'état du droit positif antérieur à cette réforme, la cour relève que la note technique invoquée a été rédigée par un technicien mandaté par la bailleresse (lequel se croit autorisé à porter une appréciation juridique en concluant que 'le bail précise bien cependant que les grosses réparations incombent au locataire') et que les déclarations relatives à l'aveu d'une absence d'exécution des travaux n'a été recueilli qu'auprès d'un associé de la holding MTH et non point d'un représentant de la société par actions simplifiée preneuse (simplement convoquée pour assister à cette réunion) sans que la bailleresse ne débatte du principe d'autonomie des personnes morales, tous éléments de nature à fragiliser les éléments de preuve produits.
A cela s'ajoute le fait, peut-il être relevé, que le bail de renouvellement succède à un premier bail consenti le 07 juillet 2004, de sorte que les constatations de ce technicien du 09 novembre 2024 dont il est fait état sont postérieures de vingt ans à l'entrée dans les lieux.
Par application de l'article 1720 du code civil, le bailleur s'oblige à délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces ; or, au cas présent, la SCI Avner.A s'abstient de produire un état des lieux d'entrée des locaux donnés à bail et il est patent que nonobstant la clause du bail selon laquelle le preneur a pris les lieux loués dans leur état au moment de l'entrée en jouissance, les travaux rendus nécessaires par la vétusté sont à la charge du bailleur (Cass civ 3ème, 22 février 2005, pourvoi n° 03-19715 //9 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.762).
De même qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le vice affectant l'immeuble concernant sa structure-même est constitutif d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et il est tenu d'en répondre contractuellement quelles que soient les clauses du bail (Cass civ 3ème, 6 juillet 2011, pourvoi n° 10-18.694).
Surtout, doit être interprétée restrictivement la clause du bail transférant au preneur la charge des grosses réparations et celle du clos et du couvert (Cass civ 3ème , 29 septembre 2010, pourvoi n° 09-69337, publié au bulletin) ; elle ne peut être efficace que si elle répond aux exigences de clarté et de limpidité nécessaires à une bonne compréhension des obligations réciproques.
Tel n'est pas le cas des articles 5.2 et 5.3 en cause qui introduisent des notions insuffisamment précises comme l'obligation pour la preneuse d'assumer, sans nuance ni identification ni référence à l'article 606 du code civil susceptible de renvoyer la preneuse à son application prétorienne 'toutes les réparations, petites ou grosses, affectant ou non le clos et le couvert, y compris le ravalement' ; leur rédaction en des termes par trop généraux ne répond pas à la nécessaire rigueur requise, de sorte que la société Avner.A ne peut s'en prévaloir.
Au surplus, il n'est pas fait la démonstration d'un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation contractuelle, de sorte que ne saurait prospérer la demande fondée sur cet autre grief tenant au manquement à l'obligation d'entretien et de réparation (dont les premiers juges relevaient qu'il n'était pas expressément présenté au soutien de la demande).
Il s'évince par conséquent de tout ce qui précède que l'appelante échoue en sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société MTHS, qu'elle en sera déboutée à l'instar des demandes subséquentes (expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation, ..) comme elle le sera de sa demande d'expertise tendant à déterminer et voir évaluer, selon ses termes, les frais de remise en état après libération des lieux par les occupants ainsi qu'en sa prétention au paiement d'une indemnité à titre provisionnel 'dans l'attente des conclusions de l'expert judiciaire pour faire face aux travaux les plus urgents'.
Le jugement qui en dispose ainsi mérite donc confirmation.
Sur la demande indemnitaire formée par l'intimée
La société MTHS sollicite la condamnation de son adversaire à lui verser une somme de 10.000 euros en réparation d'une procédure qu'elle qualifie d'abusive et injustifiée.
Force est cependant de constater qu'en dépit de la motivation du tribunal, cette demande est formée de manière lapidaire au seul motif que cet abus de procédure est 'manifeste', sans nulle autre caractérisation, pourtant nécessaire, d'une faute et d'un préjudice corrélatif alors qu'en dépit de la solution apportée au présent litige, l'appelante a pu, sans faute, exercer les voies de recours auxquelles elle pouvait prétendre en développant des moyens de fait et de droit au soutien de ses prétentions.
Par suite, comme en première instance, l'intimée sera déboutée de cette prétention.
Sur les frais de procédure et les dépens
L'équité commande d'allouer à la société MTHS la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante qui succombe sera déboutée de ce dernier chef et condamnée à supporter les entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
Rejette la demande de la société par actions simplifiée Main Tendue Habitat [Localité 10] - MTHS tendant au 'rejet de conclusions et de pièces' de son adversaire ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;
Condamne la société civile immobilière Avner.A à verser à la société Main Tendue Habitat [Localité 10] - MTHS la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente