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Décisions

CA Nouméa, ch. civ., 23 octobre 2025, n° 24/00060

NOUMÉA

Autre

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CA Nouméa n° 24/00060

22 octobre 2025

N° de minute : 2025/251

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 23 Octobre 2025

chambre civile

N° RG 24/00060 - N° Portalis DBWF-V-B7I-URX

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 janvier 2024 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 23/517)

Saisine de la cour : 19 février 2024

APPELANT

M. [T] [P], exerçant sous l'enseigne GARAGE 2 TR,

demeurant [Adresse 2]

Assisté par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.C.I. DELONIX, prise en la personne de son représentant légal,

Siège social : [Adresse 1]

Assistée par Me Nicolas MILLION de la SARL NICOLAS MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

Substitué lors des débats par Me Audrey NOYON, avocate du même barreau

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 août 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Conseiller, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

M. Luc BRIAND, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.

23/10/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me MILLION ;

Expéditions - Me [Localité 3] ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Procédure de première instance :

La SCI DELONIX est propriétaire d'un bien immobilier, lot n° 374 section industrielle de Ducos d'une surface de 19a 97ca, soit un bâtiment construit pour partie en maçonnerie, et pour partie en fibro-ciment, composé de deux docks dont un avec sanitaires, un local professionnel, deux bureaux et l'autre avec des sanitaires communs.

Par contrat de bail, conclu le 1er janvier 2019, elle a donné à bail à M. [P], exerçant sous l'enseigne 2TR, une activité de mécanique automobile pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, moyennant un loyer mensuel de 100.000 F CFP.

Le 5 septembre 2023 un commandement à locataire défaillant portant sur les loyers arrêtés au 3 août 2023, pour un total de 450.000 FCFP, non réglés a été délivré à M. [P].

M. [P] ne s'étant pas acquitté des sommes dues dans le délai imparti du commandement visant la clause résolutoire, le 16 octobre 2023, la société DELONIX a saisi le juge des référés à l'effet d'obtenir le constat de l'acquisition de la clause résolutoire liant les parties, et l'expulsion de M. [P] ainsi que sa condamnation au paiement d'une provision de 550 000 F CFP à valoir sur les loyers échus et impayés.

Par ordonnance en date du 26 janvier 2024, le juge des référés a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial liant les parties à la date du 5 octobre 2023,

- dit que M. [P] devra libérer les lieux de corps, de biens et de tous occupants de son chef dans le délai de trois mois suivant la signification de l'ordonnance, et, qu'à défaut, il pourra être expulsé au besoin avec le concours de la force publique,

- dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

- condamné M. [P] à payer à la SCI DELONIX en deniers ou quittances une provision de 550 000 FCFP à valoir sur les loyers impayés à la date de la résiliation,

- dit qu'il devra, en outre, régler au bailleur une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 100 000 FCFP, payable au plus tard le 10 de chaque mois à compter de la résiliation du bail jusqu'a la libération effective des lieux,

- condamné M. [P] à payer à la SCI DELONIX la somme de 120 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamné M. [P] aux dépens, en ce compris les frais du commandement de payer.

Procédure d'appel :

Par requête déposée le 16 février 2024, M. [P] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire d'appel, il sollicite l'infirmation de cette ordonnance de référé soutenant que le premier juge a fait une mauvaise appréciation des faits de l'espèce dès lors que le commandement de payer visant la clause résolutoire doit être déclaré nul et que dans l'attente de la décision au fond relative à sa demande reconventionnelle portant sur les travaux imputables au bailleur non réalisés, il lui est demandé de l'autoriser à consigner les loyers entre les mains du bâtonnier séquestre.

Il demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- constater qu'il n'est joint en annexe aucun décompte précis au commandement de payer,

en conséquence, à titre principal,

- juger de la nullité du commandement de payer,

- débouter la SCI DELONIX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement, en tout état de cause,

- suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder à M. [P] les plus larges délais de règlements pour procéder au paiement des loyers,

- recevoir M. [T] [P] en sa demande reconventionnelle et y faisant droit,

- ordonner le paiement des loyers entre les mains de M. le bâtonnier séquestre à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, jusqu'à ce qu'il soit justifié de la réalisation par la SCI DELONIX des travaux suivants, à savoir :

- clôture du terrain sur lequel se situe le bien loué,

- réfection de la route d'accès,

- réfection et reprise de la dalle attenante au dock loué,

- réalisation d'un drain autour du dock loué,

- réfection des sanitaires,

- condamner SCI DELONIX à payer à M. [P] les frais engagés au titre des grosses réparations imputables au bailleur pour un montant de 568.740 F CFP,

- condamner la SCI DELONIX à payer à M. [P] la somme de 250.000 F CFP au titre de l'article 700 du CPC NC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions en réplique déposées le 13 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la SCI DELONIX demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé 26 janvier 2024,

y ajoutant,

- condamner M. [P] à payer à la société DELONIX une provision à valoir sur la réparation de son préjudice matériel d'un montant de 500.000 F CFP,

- condamner M. [P] à payer à la SCI DELONIX la somme de 200.000 F CFP sur le fondement de l'article 700 du CPC NC, ainsi qu'aux entiers.

Elle expose que M. [P] ne remplit pas ses obligations contractuelles de longue date. Elle indique qu'il occupe sauvagement une partie importante des lieux, y compris ceux qui ne lui sont pas loués, qu'il laisse un peu partout dans les lieux des déchets et détritus qui entraînent une pollution des sols évidente, et n'entretient pas les locaux qui lui ont été donnés à bail, gare les véhicules de ses clients un peu partout sur la route d'accès au dock dont il a la jouissance, entraînant une gêne permanente pour les autres occupants du bien et règle difficilement ses loyers depuis l'année 2022, situation qui s'est aggravée en avril 2023 sans qu'il régularise malgré les relances faites.

Elle précise qu'elle lui a délivré un commandement de payer le 5 septembre 2023 à locataire défaillant portant sur les loyers arrêtés au 3 août 2023, pour un total de 450.000 F CFP non réglés, que ce commandement visait les dispositions applicables en matière de baux commerciaux, dans la mesure où la qualification donnée dans le contrat de bail est erronée. Elle expose que le commandement rappelait les dispositions du contrat de bail, ainsi que celles de l'article L.145-41 du code du commerce prévoyant la possibilité de faire constater la résiliation de plein droit d'un bail commercial un mois après un commandement demeuré infructueux.

Elle précise que M. [P] fait preuve de mauvaise foi, en produisant un devis de travaux non effectués postérieur au commandement de payer, qu'elle a contrairement à ce qu'il avance rempli ses obligations tant en ce qui concerne les sanitaires qui sont communs aux deux docks, que le terrain n'a jamais été clôturé et ce dès son entrée dans les lieux et que le chemin menant aux docks a été régulièrement entretenu et bétonné.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 4 août 2025.

Sur ce, la cour,

Sur la nullité du commandement de payer et la résiliation du bail

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce 'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai'.

L'exception de nullité du commandement soulevée par M. [P] au motif qu'il ne comportait aucun décompte des loyers impayés n'est pas fondée dès lors que la cour constate comme l'a fait à juste titre le premier juge que le commandement litigieux délivré le 5 septembre 2023 mentionne bien que le preneur restait devoir la somme de 450 000 F CFP au titre des loyers restant dus à la date du 3 août 2023, et qu'il était bien annexé un décompte établi à cette date.

Le bail en l'espèce prévoit, qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance, il sera résilié de plein droit un mois après un simple commandement de payer resté infructueux.

Or, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que malgré le commandement visant la clause résolutoire qui lui avait été délivré le 5 septembre 2023, M. [P] ne s'est pas acquitté des sommes dues dans le délai imparti et que l'inexécution des obligations du bailleur n'est en outre pas établie. Que tout au contraire, la bailleresse démontre par la production du constat d'huissier en date du 31 octobre 2023 qu'il résulte de l'état des lieux des locaux l'existence d'un défaut d'entretien du locataire du bien loué.

La cour confirme donc la décision entreprise en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail à la date du 5 octobre 2023, et ordonné l'expulsion, y compris par l'intervention des forces de l'ordre en tant que de besoin, du preneur dans les deux mois suivant la signification de la décision.

Sur l'indemnité d'occupation

Dès lors que la résiliation du bail est acquise, la cour confirme la décision entreprise en ce qu'elle a fixé une indemnité d'occupation mensuelle de 100 000 F CFP à compter du 5 octobre 2023, date effective de la résiliation du bail.

Sur la provision

La cour confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [P] au paiement d'une provision de 550 000 FCFP représentant le montant des loyers impayés arrêtés au 5 octobre 2023, en deniers ou quittances compte tenu des paiements pouvant être intervenus postérieurement, et d'une indemnité mensuelle d'occupation de 100 000 F CFP à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération effective des lieux.

Sur les demandes reconventionnelles de l'appelant

M. [P] demande reconventionnellement la condamnation de la société DELONIX à séquestrer entre les mains du bâtonnier les loyers, jusqu'à ce qu'un certain nombre de travaux soient réalisés, ce à quoi s'oppose l'intimée estimant qu'il fait preuve de mauvaise foi.

Les travaux de clôture du terrain, de réfection de la dalle à l'entrée du dock, d'entretien du chemin menant aux docks et la création de sanitaires, dont il ne démontre pas qu'ils seraient nécessaires, ni qu'ils seraient à la charge de la bailleresse, ne peuvent en l'état ouvrir droit à indemnisation, le preneur ne justifiant pas avoir formulé de demande à son bailleur durant toute la période d'occupation des lieux.

La cour confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle, dès lors qu'il ne conteste pas devoir un important arriéré de loyers depuis plusieurs années, que c'est abusivement qu'il soulève des exceptions d'inexécution des obligations contractuelles de la bailleresse pour échapper à ses propres obligations comme l'a relevé à juste titre le premier dont la cour fait sienne sa motivation.

Sur les délais de paiement

La cour déboute M. [P] de sa demande de délais dès lors qu'il a de fait bénéficié de délais suffisamment longs depuis l'introduction de la présente procédure pour commencer à s'acquitter d'une dette dont il reconnaît l'existence.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [P] succombant en la présente instance sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la SCI DELONIX la somme de 200 000 F CFP au titre de l'article 700 du CPC NC.

Par ces motifs

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [P] à payer à la SCI DELONIX la somme de 200 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.

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