CA Lyon, 6e ch., 23 octobre 2025, n° 23/06892
LYON
Autre
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
CA Consumer Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Doat
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocats :
Me Dusserre-Alluis, Me Boulaire, Me Goncalves
Faits, procédure et demandes des parties
Par contrat conclu le 4 septembre 2018 dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [M] [T] a commandé auprès de la société ECO Habitat ENR la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque au prix de 26 900 euros.
Le même jour, M. [M] [T] a souscrit un prêt auprès de la société CA Consumer Finance exerçant sous l'enseigne Sofinco, destiné à financer l'intégralité de cette installation.
Par jugement du 16 décembre 2020, la société ECO Habitat ENR a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par actes d'huissier de justice du 27 et 28 avril 2022, M. [M] [T] a fait assigner la SARL Eco-Habitat ENR représentée par maître [W] [K] (SELARL Alliance MJ) ès qualités de liquidateur judiciaire et la société CA Consumer Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne aux fins de voir :
- prononcer la nullité du contrat de vente et par conséquent la nullité du contrat de crédit affecté
- priver la société CA Consumer Finance de sa demande de restitution du capital emprunté et la condamner à rembourser les sommes versées dans le cadre de l'exécution du contrat
- condamner la société CA Consumer Finance à lui payer les sommes de':
- 26 900 euros au titre du prix de l'installation
- 18 978,40 euros au titre des intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit
- 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de l'immeuble
- 5000 euros au titre du préjudice moral
- 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- débouter les sociétés CA Consumer Finance et Eco Habitat ENR de l'intégralité de leurs demandes
- condamner la société CA Consumer Finance aux dépens.
Par jugement du 10 juin 2023, le juge des contentieux de la protection a':
- déclaré recevable l'action engagée par M. [M] [T]
- débouté M. [M] [T] de sa demande d'annulation du contrat de vente pour dol
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. [M] [T] et la société Eco Habitat ENR pour non respect des dispositions du code de la consommation
- prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté conclu entre M. [M] [T] et la société CA Consumer Finance
- condamné M. [M] [T] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de
26 900 euros sous réserve de la déduction des sommes payées à quelque titre que ce soit par M. [M] [T] en exécution du contrat de prêt
- débouté M. [M] [T] du surplus de ses demandes
- déclaré irrecevable la demande de fixation au passif de la SARL ECO Habitat ENR du montant des sommes perdues par la banque
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens
- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration du 5 septembre 2023, M. [M] [T] a interjeté un appel limité du jugement.
Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 juin 2025, il demande à la cour :
d'infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a debouté de sa demande en annulation du contrat de vente pour dol
- l'a condamné à payer à la SA Ca Consumer Finance la somme de 26 900 euros, sous réserve de déduction des sommes qu'il a payées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de prêt
- l'a debouté du surplus de ses demandes
- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédurecivile
- a rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties
- a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens
de confirmer le jugement en ce qu'il :
- a declaré recevable son action à l'encontre du vendeur, représentée par maître [W] [K], selarl Alliance MJ,ès qualités de mandataire liquidateur
- prononcé l'annulation du contrat de vente pour non-respect des dispositions impératives du code de la consommation
- prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté
- declaré irrecevable la demande de fixation au passif de la sarl Eco-Habitat.ENR du montant des intérêts perdus par le banque
- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit
statuant à nouveau et y ajoutant
- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la Sarl Eco-Habitat ENR l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais
- priver le prêteur de sa créance de restitution du capital emprunté
- condamner la SA Ca Consumer Finance à lui verser les sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 26 900 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution
- 18 978,40 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'il a payés en exécution du prêt souscrit
En tout état de cause,
- condamner la SA Ca Consumer Finance à lui payer :
- 5 000 euros au titre du préjudice moral
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouter la SA Ca Consumer Finance et la Sarl Eco-Habitat.ENR de l'intégralité de leurs prétentions contraires aux présentes
- condamner la SA Ca Consumer Finance à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir en substance :
- que ses demandes sont recevables s'agissant d'une demande de nullité et non d'une demande en paiement, de sorte qu' il n'avait pas de créance à déclarer
- que le contrat est nul tout d'abord au motif du dol, le vice du consentement étant caractérisé par la promesse mensongère d'un autofinancement ou d'économies substantielles
- que le contrat est ensuite nul pour non respect des dispositions du code de la consommation étant affecté de plusieurs causes de nullité
- qu'il n'a pas confirmé le contrat, en l'absence de connaissance des vices et de volonté de les réparer
- que le contrat de crédit affecté interdépendant est par conséquent nul
- que la banque a commis une faute, en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en débloquant les fonds de manière prématurée. Cette faute est à l'origine de son préjudice, ce dernier résultant du défaut d'information sur les caractéristiques du matériel et de la nullité du bon de commande en découlant, et du préjudice tiré de la liquidation judiciaire de la société Eco Habitat ENR.
Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 avril 2025, la société CA Consumer Finance demande à la cour de':
confirmer le jugement sauf en ce qu'il a':
- prononcé l'annulation du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation
- prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté
- déclaré irrecevable sa demande de fixation au passif de la SARL Eco- Habitat ENR du montant des intérêts perdus par la banque
statuant à nouveau
à titre principal
- juger que M. [T] est irrecevable en ses demandes
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes
- juger que M. [T] sera tenu d'exécuter les contrats jusqu'au terme
à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 17 653,87 euros
- fixer au passif de la liquidation de la société Eco Habitat ENR prise en la personne de son liquidateur la somme de 18 978,40 euros au titre des intérêts perdus
à titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute de sa part retenue
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes
- fixer au passif de la liquidation de la société Eco Habitat ENR, prise en la personne de son liquidateur la somme de 45 878,40 euros au titre du capital et des intérêts perdus
en tout état de cause
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance que':
- les demandes de M. [T] sont irrecevables en l'absence de déclaration de créance à la liquidation judiciaire du vendeur, ce qui fait obstacle à toute action à l'encontre de ce dernier
- le contrat de vente n'est pas nul, les caractéristiques essentielles figurant sur ce dernier, les modalités de financement, de paiement, de livraison et d'exécution du contrat étant conformes aux dispositions du code de la consommation
- la nullité n'est pas davantage encourue sur le fondement du dol en l'absence de toute élément de preuve, étant rappelé en outre qu'une erreur sur la rentabilité ne constitue pas un vice du consentement
- en tout état de cause, même à retenir une cause de nullité, il s'agit d'une nullité relative et celle-ci a été couverte par l'exécution volontaire du contrat par M. [T], lequel a signé l'attestation de fin de travaux sans réserve, ordonné à la banque de débloquer les fonds pour financer l'opération, vendu régulièrement son électricité, et remboursé les mensualités du prêt
- subsidiairement, le prononcé de la nullité des contrats doit donner lieu à des restitutions réciproques
- elle ne peut être privée de la restitution du capital prêté en l'absence de faute commise en lien de causalité avec un préjudice subi par l'acquéreur
- les demandes de M. [T] sont incohérentes.
La cour se réfère aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La SELARL [W] [K] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 juin 2025.
La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à la SELARL [W] [K] ès qualités de liquidateur de la société Eco Habitat ENR par actes de commissaire de justice respectivement du 27 octobre 2023 et du 7 décembre 2023.
Les actes ont été remis à personne.
L'arrêt sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la recevabilité des demandes de M. [T]
La société CA Consumer Finance soutient que les demandes formées par [T] sont irrecevables en l'absence de déclaration de créance à la liquidation judiciaire de la société Eco Habitat ENR.
M. [T] répond que sa demande consiste en une action en nullité des contrats et non en une action en paiement, de sorte que les dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce ne sont pas applicables.
L'article L 622-21 du code de commerce prévoit notamment que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice visant à une condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
En l'espèce, les demandes formées sont des demandes d'annulations des contrats, qui entraînent des obligations de faire, soit la remise en l'état des parties en leur état antérieur. Ces demandes ne tendent ni à une condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ni à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
En outre, l'éventuelle créance de restitution du prix résultant d'une annulation de la vente serait une créance née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et n'est donc pas visée par l'interdiction des poursuites en l'absence de déclaration de créance.
La fin de non-recevoir soulevée de ce chef doit ainsi être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
- Sur la demande de nullité du contat principal
M [T] invoque deux fondements à sa demande de nullité en premier lieu le dol, en raison d'une promesse de rentabilité entrée dans le champ contractuel et en tout état de cause inhérente à la chose vendue, et en second lieu le non respect des dispositions du code de la consommation concernant le bon de commande affecté de plusieurs irrégularités.
L'organisme prêteur réplique que la demande de nullité n'est fondée sur aucun des motifs, aucune promesse de rentabilité n'étant entrée dans le champ contractuel et le bon de commande étant régulier, l'appelant ayant notamment une conception extensive des caractéristiques essentielles des biens.
- sur la demande de nullité au motif d'un vice du consentement
Selon l'article 1130 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Aux termes de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
L'article 1137 du même code définit le dol par le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ou encore par dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
En l'espèce, si M. [T] fait état d'une promesse d'autofinancement, ou d'économies substantielles mensongères résultant des documents contractuels et de la nature même de la chose vendue, il convient toutefois de relever que le bon de commande ne comporte aucun engagement sur le rendement de l'installation et que la référence à des documents publicitaires présentés, sans production de ceux ci, est inopérante.
De plus, il ne peut se déduire de la nature même de l'acquisition de panneaux photovoltaïques un engagement de rentabilité, étant rappelé qu'une erreur sur la rentabilité n'est pas constitutive d'un vice du consentement.
Dès lors, la preuve du dol n'est pas rapportée et c'est à juste titre que M. [T] a été débouté de sa demande sur ce fondement, le jugement étant confirmé.
- Sur la demande de nullité au motif du non respect des dispositions du code de la consommation
M. [T] invoque tout d'abord l'absence sur le bon de commande des caractéristiques essentielles des biens et considère que font défaut les dimensions, le poids , la surface et la technologie, la puissance et la marque des micro onduleurs, le mode de pose des panneaux. Il fait état ensuite d'un délai de livraison non conforme et d'indications insuffisantes sur les modalités de financement.
La société Ca Consumer Finance rétorque que toutes les caractéristiques essentielles des biens figurent sur le contrat, que le délai et les modalités de financement sont conformes.
***
Aux termes de l'article L 221-5 du code de la consommation préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes et notamment les informations prévues aux articles L 111-1 et L 111-2.
L'article L 111-1 du code de la consommation dispose 'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application des articles L 112-1 à L 112-4,
3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
5° s'il y a lieu les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et le cas échéant à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles,
6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par un décret en conseil d'Etat'.
En l'espèce, s'il ne peut être reproché l'absence sur le bon de commande des mentions relatives à la dimension, au poids, à la surface occupée, à la technologie, à la dimension des micro onduleurs et au mode de pose des panneaux, ces éléments ne constituant pas des caractéristiques essentielles des biens contrairement à ce que prétend l'appelant, le délai de livraison est mentionné comme suit sur le bon de commande ' 90 jours sous réserve des accords administratifs, techniques et de l'acceptation du financement'.
Ce délai n'est pas conforme aux dispositions du code de la consommation. En effet, il est particulièrement imprécis ne comportant pas de point de départ et en outre, ce délai ne distingue pas entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif.
Ainsi, un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécutera ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal est encourue.
***
Pour s'opposer à la nullité du contrat principal, le prêteur soutient que cette nullité est relative et qu'elle a été couverte, compte tenu de la reproduction dans le bon de commande des dispositions du code de la consommation relatives aux mentions obligatoires devant figurer à peine de nullité, et des actes postérieurs au contrat, ce que conteste l' appelant.
S'il s'agit bien d'une nullité relative et non absolue contrairement à ce qu'évoque M. [T], la confirmation du contrat impose la connaissance du vice et la volonté de le réparer.
En dépit des affirmations du prêteur, le contrat ne contient pas les articles du code de la consommation sur les mentions obligatoires devant figurer à peine de nullité. En tout état de cause, la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur (Cour de cassation Civ 1ère 24 janvier 2024 n° 22-16.115, la Cour de Cassation opérant un revirement de jurisprudence).
Ce moyen est donc inopérant.
En outre, le fait que M. [T] ait signé le bon de commande, signé une attestation de fin de travaux sans réserve, ordonné à la banque de débloquer les fonds pour financer l'opération, revendu régulièrement son électricité et remboursé régulièrement les mensualités ne démontre pas qu'il avait connaissance des irrégularités du bon de commande et qu'il a exprimé la volonté expresse et non équivoque de les couvrir, contrairement à ce que soutient le prêteur.
Ainsi, les conditions de la confirmation ne sont pas réunies et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.
- Sur la nullité du contrat de prêt
En application de l'article L 312-55 du code de la consommation, applicable au présent litige, le contrat de prêt est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu, est lui même judiciairement résolu ou annulé.
Il est établi que le prêt souscrit auprès de la société CA Consumer Finance est un crédit affecté exclusivement au financement du contrat annulé conclu avec la société Eco Habitat ENR.
Dès lors, la nullité du contrat de crédit affecté doit également être prononcée et le jugement déféré confirmé sur ce point.
- Sur les conséquences de la nullité du contrat de vente
Le contrat de vente ayant été annulé, les parties doivent être remises en l'état, où elles se trouvaient antérieurement à la vente.
La nullité donne ainsi lieu à des restitutions réciproques, ce qui implique que le vendeur doit restituer le prix et l'acquéreur le matériel, ce dernier devant être laissé à la disposition du liquidateur pour la reprise, l'enlèvement et la remise en état de la toiture étant à la charge de ce dernier.
Le jugement déféré est donc complété en ce sens sur la charge de l'enlèvement du matériel et la remise en état de la toiture.
- Sur les conséquences de la nullité quant au contrat de prêt
Le contrat de prêt étant annulé, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à ce contrat.
Il découle de la nullité du contrat de crédit, l'obligation pour l' emprunteur de rembourser le capital emprunté, déduction faite des mensualités réglées à la banque.
L'emprunteur ne peut être exonéré du remboursement du capital financé que s'il justifie d'une faute du prêteur, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.
En l'espèce, M. [T] invoque des fautes de la part du prêteur, lui reprochant de ne pas avoir vérifié la régularité du bon de commande, d'avoir participé au dol et d'avoir débloqué prématurément les fonds.
La société CA Consumer Finance réplique qu'elle n'a pas commis de faute, considérant qu'elle n'a pas à contrôler la validité formelle du bon de commande, que même à déceler des irrégularités, ces dernières ont été couvertes par l'attitude de l'acquéreur et qu'elle n'a pas débloqué les fonds de manière prématurée.
En sa qualité de professionnel, il appartenait à la banque de procéder à la vérification de la validité formelle du bon de commande, contrairement à ce qu'elle soutient.
En outre, elle ne peut se prévaloir d'une confirmation, laquelle n'est nullement démontrée comme cela a été rappelé précédemment, pour soutenir ne pas avoir commis de faute.
La banque a ainsi commis une faute en consentant un crédit au vu d'un bon de commande irrégulier au regard des dispositions du code de la consommation.
En principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable.
Cependant, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.
En effet, les emprunteurs se trouvent du fait de la nullité du contrat de vente privés de la propriété de l'équipement dont l'acquisition était l'objet du prêt et compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire de la venderesse, le remboursement du prix versé ne pourra pas avoir lieu, compte tenu de l'insolvabilité du vendeur.
L'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'un préjudice qui selon le principe de l'équivalence des conditions est une conséquence de la faute de la banque dans la vérification de la validité formelle du bon de commande.
Le préjudice résultant pour l'emprunteur de l'impossibilité d'obtenir auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, de sorte que cette dernière ne peut prétendre à la restitution du capital qui est normalement la conséquence de la nullité du contrat de prêt.
Dès lors, il convient de rejeter la demande de restitution du capital prêté formé par la société CA Consumer Finance et de condamner la société CA Consumer Finance à rembourser à M. [T] l'intégralité des sommes versées par lui en exécution du contrat de prêt.
Si la banque mentionne dans ses conclusions (page 25) que M. [T] a versé la somme de 9246,13 euros dans le cadre du prêt, ce montant n'est pas confirmé par l'appelant et aucune pièce justificative n'est produite permettant de le justifier, de sorte qu'il convient seulement d'indiquer que la société CA Consumer Finance est condamnée à restituer à M. [T] les sommes qu'il a versées en exécution du contrat de prêt.
Le jugement est donc infirmé en ce sens.
Il n'y a en revanche pas lieu de condamner la société CA consumer Finance à payer en plus à M. [T] la somme de 26 900 euros et la somme de 18 978,40 euros au titre des intérêts et frais payés, ces demandes supplémentaires n'étant pas justifiées, le jugement étant confirmé en ce sens.
- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral formée par M. [T]
La preuve d'un préjudice moral subi par M. [T] n'est pas rapportée, de sorte qu'il est débouté de cette demande.
Le jugement est donc confirmé sur ce point.
- Sur la demande de la société CA Consumer Finance de fixation de la somme de
45 878,40 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société ENR au titre du capital et des intérêts perdus
Cette demande est irrecevable, la société CA Consumer Finance n'ayant pas justifié de sa déclaration de créance, s'agissant d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, puisqu'en raison de la nullité du contrat de crédit, les parties sont replacées dans la situation dans laquelle elles se trouvaient à la date de la souscription du prêt.
- Sur les demandes accessoires
La société CA Consumer Finance succombant principalement est condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant infirmé sur ce point et aux dépens d'appel.
L'équité commande de la condamner à payer à M. [T] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui en première instance et en cause d'appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la société CA Consumer Finance est déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :
- condamné M. [M] [T] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de
26 900 euros sous réserve de déduction des sommes payées à quelque titre que ce soit par M. [M] [T] en exécution du contrat de prêt
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant
- dit que le liquidateur judiciaire de la SARL Eco Habitat ENR devra procéder à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble à ses frais
- déboute la société CA Consumer Finance de sa demande de restitution du capital prêté
- condamne la société CA Consumer Finance à restituer à M. [M] [T] l'intégralité des sommes versées par lui en exécution du contrat de prêt
- déboute la société CA Consumer Finance de sa demande de fixation de la somme de 45 878,40 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société ENR
- condamne la société CA Consumer Finance aux dépens de première instance et d'appel
- condamne la société CA Consumer Finance à payer à M. [T] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code civil au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel
- déboute la société CA Consumer Finance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.