CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 23 octobre 2025, n° 21/09234
AIX-EN-PROVENCE
Autre
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025 / 221
Rôle N° RG 21/09234
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHVLA
S.A.R.L. ADANA
C/
S.A. GAN ASSURANCES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Maud DAVAL-GUEDJ
- Pierre-paul VALLI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 24 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00141.
APPELANTE
S.A.R.L. ADANA Prise en la personne de son liquidateur judiciaire en exercice, Me [M] [K] de la SCP [K] demeurant [Adresse 2]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-philippe MONTERO de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me David ALLOUCHE de la SELARL DAVID ALLOUCHE AVOCAT, avocat plaidant au barreau de NICE,
INTIMÉE
S.A. GAN ASSURANCES, demeurant [Adresse 3] / France
représentée par Me Pierre-paul VALLI de l'ASSOCIATION VALLI PP - PINELLI M, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 prorogé au 23 octobre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Dans la nuit du 21 au 22 janvier 2016, un incendie a détruit les locaux commerciaux de la SARL Adana, exploités sous l'enseigne « restaurant Adana, Kebab maison, spécialités turques », assuré par la SA GAN Assurances IARD.
Un désaccord oppose les parties sur l'indemnisation de la perte du fonds de commerce due au titre des garanties « pertes d'exploitation » et « perte de valeur du fonds ».
Par acte délivré le 28 décembre 2017, la SARL Adana, représentée par son liquidateur judiciaire Me [Z] [K], a assigné la SA GAN Assurances IARD devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, sa condamnation au paiement d'une somme de 200.000 euros au titre de l'indemnisation de son fonds de commerce.
Par jugement en date du 24 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice a débouté la SARL Adana prise en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K] de ses demandes, dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL Adana prise en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K] aux dépens, distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 21 juin 2021, la SARL Adana en la personne de son liquidateur judiciaire en exercice Me [M] [K] de la Scp [K] a interjeté appel de ce jugement.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG 21/09234.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions récapitulatives n°2 notifiées par RPVA le 05 avril 2023, la SARL Adana, en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K], sollicite de la cour d'appel de :
Vu le contrat souscrit auprès du GAN ASSURANCES,
Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code Civil,
Déclarer Me [K] es-qualité de Liquidateur de la SARL ADANA recevable en son appel et le déclarer bien fondé,
A TITRE PRINCIPAL :
Déclarer que la perte totale du fonds de commerce de la SARL ADANA est exclusivement consécutive à l'incendie survenu dans la nuit du 21 au 22 Janvier 2016,
Déclarer que les faits survenus et le préjudice subi entrent pleinement dans le champ de garantie prévu à l'article 27 du contrat d'assurance.
En conséquence,
Infirmer le jugement de première instance,
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 230.000 € en réparation du préjudice subi par la perte totale de son fonds de commerce consécutivement à l'incendie du 21/22 Janvier 2016.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Déclarer que la perte d'exploitation de plus de 3 jours ouvrés, de la SARL ADANA est exclusivement consécutive à l'incendie survenu dans la nuit du 21 au 22 Janvier 2016,
Déclarer que les faits survenus et le préjudice subi entrent pleinement dans le champ de garantie prévu à l'article 30 du contrat d'assurance.
En conséquence,
Infirmer le jugement de première instance,
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 127.902 € en réparation du préjudice subi par la perte d'exploitation de la SARL ADANA sur l'exercice 2016.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Paul GUEDJ, de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL, du Barreau d'AIX EN PROVENCE.
La SARL Adana soutient qu'elle rapporte la preuve que la perte totale de son fonds de commerce est exclusivement imputable à l'incendie du fait de la destruction totale du local commercial. Elle conteste que la perte du fonds de commerce soit imputable à sa situation financière et à l'ouverture d'une procédure collective dont elle a fait l'objet. Elle conclut, au contraire, que la liquidation judiciaire dont elle fait l'objet est une conséquence directe et immédiate de la destruction irrémédiable et complète des locaux ainsi que de l'impossibilité de poursuivre son activité commerciale, même partiellement. Elle fait valoir que la liquidation judiciaire ne suit pas automatiquement l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, qu'un plan d'apurement du passif aurait pu être envisagé mais que compte tenu de la destruction des locaux commerciaux et de l'absence de financement des travaux permettant leur reconstruction, elle n'a pas pu poursuivre son activité commerciale et a perdu son fonds de commerce.
Elle se prévaut, à titre principal, de la garantie relative à la perte de la valeur vénale du fonds de commerce consécutive à l'incendie (articles 7 et 30 de conditions générales du contrat d'assurance). Subsidiairement, elle sollicite l'application de la garantie perte d'exploitation (article 27 des conditions générales).
Selon des conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 13 mars 2023, la SA GAN Assurances sollicite de :
Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Statuer ce que de droit quant à la recevabilité en la forme de l'appel forme,
L'y déclarer mai fondé au fond,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Juger la SARL ADANA mal fondée en ses toutes ses demandes, fins et conclusions,
Débouter par suite la SARL ADANA de l'ensemble de ses prétentions,
Condamner la SARL ADANA à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au bénéfice de Pierre-Paul Valli, avocat constitué en la cause, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SA GAN Assurances fait valoir que la SARL Adana a souscrit une police d'assurance OMNIPRO à effet le 16 mars 2015, que moins d'un an après, elle faisait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire fixant la date de cessation des paiements au 18 décembre 2015 et que s'il n'est pas contesté que l'incendie criminel survenu dans ses locaux les a complètement détruits, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'elle ne rapportait pas la preuve que son activité avait été rendue impossible et avait cessé du fait de la destruction totale de ses locaux.
La SA GAN Assurances soutient que les conditions de sa garantie « perte du fonds de commerce » (article 30 des conditions générales) ne sont donc pas remplies en ce que, d'une part, la société Adana ne rapporte pas la preuve que la perte de son fonds de commerce est imputable de façon directe, certaine et exclusive à l'incendie, mais que la conversion en procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet s'explique en réalité par la situation financière obérée de la société Adana (dettes de loyers, TVA et UARSSAF), antérieure à l'incendie, suite à des travaux entrepris par une société Riva Prim dans l'immeuble mitoyen empêchant la clientèle d'entrer dans le restaurant.
La SA GAN Assurance soutient, d'autre part, que la société Adana ne démontre pas être dans l'impossibilité complète et définitive de poursuivre son activité sans perdre sa clientèle.
Elle soutient ensuite que la société Adana ne démontre pas davantage qu'elle remplit les conditions lui permettant de bénéficier de la garantie "pertes d'exploitation" (article 27) applicable lorsque l'interruption ou la réduction de l'activité professionnelle sont la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie tels que l'incendie.
Elle conteste enfin le quantum des demandes de son assuré qui ne correspond pas aux dispositions contractuelles de calcul de l'indemnité.
L'ordonnance de clôture est en date du 31 mars 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 30 avril 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 03 juillet 2025. La date du délibéré a été prorogée.
MOTIFS :
L'article 1134 alinéa 1er ancien du code civil prévoit, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
En l'espèce, la société Adana a souscrit une police d'assurance « OMNIPRO » auprès de la SA GAN Assurances garantissant notamment les pertes d'exploitation et la perte de la valeur vénale du fonds.
L'article 27 des Dispositions générales de cette police relatif aux « Pertes d'exploitation » prévoit que la garantie s'applique lorsque l'interruption pendant plus de trois jours ouvrés ou la réduction de l'activité professionnelle est la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie ou lorsqu'elle résulte d'une impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès à l'établissement à la suite d'un incendie ou d'une explosion survenu dans le voisinage ou des locaux professionnels de l'assuré.
L'article 30 relatif à la garantie « Perte de la valeur vénale du fonds » prévoit, quant à lui, que la garantie s'applique lorsque la perte de la valeur vénale du fonds est consécutive à la destruction des locaux d'exploitation par suite de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie.
Il résulte du procès-verbal d'audition daté du 26 janvier 2016 ( PV n°2016/002913) de Monsieur [D] [N], qui se présente comme étant le garant financier du restaurant exploité par la société Adana, et qui apparait aussi comme l'acheteur du droit au bail, qu'au moment du sinistre, le gérant de la société Adana, Monsieur [L] [N], ne percevait pas de salaire, que les loyers n'étaient plus payés depuis le mois d'août, qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte « parce qu'on devait environ 17.000 euros de TVA. Pour l'URSSAF il restait environ 4.000 euros et 12.000 ou 13.000 euros pour le RSI. Le véhicule du restaurant était pris en leasing et n'a pas été payé depuis 3 mois. C'est pour ça que [L] payait les fournisseurs en espèces et pas par chèque car les comptes étaient gérés par le mandataire ». Monsieur [D] [N] attribue ces difficultés financières au chantier entrepris par la société Riva Prim au mois de mai à côté du restaurant : les clients ne pouvant plus rentrer, les travaux occasionnant de la poussière, n'auraient pas été sécurisés et auraient détérioré la climatisation. Une procédure judiciaire aurait été engagée à ce titre contre la société Riva Prim. Les renseignements comptables sont corroborés par la liasse fiscale de la société Adana du 01/01/2015 au 31/10/2015.
Il apparait, par ailleurs, que la société Adana a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire antérieur au sinistre, fixant une date de cessation des paiements au 18 décembre 2015, suivi d'un jugement de conversion en liquidation judiciaire en date du 02 mars 2016 (voir son extrait K bis). Eu égard aux difficultés financières de la société Adana antérieure à la date du sinistre, il ne peut être retenu qu'un plan de redressement aurait pu être envisagé si l'incendie n'était pas survenu ou si l'assureur avait indemnisé à hauteur des demandes. D'ailleurs, il n'est pas prouvé qu'un plan de redressement a été recherché.
Ces éléments démontrent que la situation financière de la société Adana était déjà compromise avant le sinistre, que la perte d'exploitation n'est donc pas la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie, pas plus que la perte de la valeur vénale du fonds n'est consécutive à la destruction des locaux d'exploitation par suite de tels dommages.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Adana de ses demandes aux motifs qu'elle ne rapporte pas la preuve des conditions de la garantie « Perte de la valeur vénale du fonds », même à considérer que l'incendie survenu dans les locaux loués est à l'origine exclusive de sa cessation définitive d'activité, et qu'elle ne démontre pas qu'une indemnisation pour pertes d'exploitation lui est due dans les conditions réclamées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Adana représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, qui succombe, sera condamnée à payer à la SA GAN Assurances une indemnité de 2.000euros pour les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli, avocat de la cause.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, le 23 octobre 2025 et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Nice en date du 24 février 2021 en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la société Adana, représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, à payer à la SA GAN Assurances la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Adana, représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli, avocat de la cause.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025 / 221
Rôle N° RG 21/09234
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHVLA
S.A.R.L. ADANA
C/
S.A. GAN ASSURANCES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Maud DAVAL-GUEDJ
- Pierre-paul VALLI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 24 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00141.
APPELANTE
S.A.R.L. ADANA Prise en la personne de son liquidateur judiciaire en exercice, Me [M] [K] de la SCP [K] demeurant [Adresse 2]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-philippe MONTERO de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me David ALLOUCHE de la SELARL DAVID ALLOUCHE AVOCAT, avocat plaidant au barreau de NICE,
INTIMÉE
S.A. GAN ASSURANCES, demeurant [Adresse 3] / France
représentée par Me Pierre-paul VALLI de l'ASSOCIATION VALLI PP - PINELLI M, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 prorogé au 23 octobre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
Dans la nuit du 21 au 22 janvier 2016, un incendie a détruit les locaux commerciaux de la SARL Adana, exploités sous l'enseigne « restaurant Adana, Kebab maison, spécialités turques », assuré par la SA GAN Assurances IARD.
Un désaccord oppose les parties sur l'indemnisation de la perte du fonds de commerce due au titre des garanties « pertes d'exploitation » et « perte de valeur du fonds ».
Par acte délivré le 28 décembre 2017, la SARL Adana, représentée par son liquidateur judiciaire Me [Z] [K], a assigné la SA GAN Assurances IARD devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, sa condamnation au paiement d'une somme de 200.000 euros au titre de l'indemnisation de son fonds de commerce.
Par jugement en date du 24 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice a débouté la SARL Adana prise en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K] de ses demandes, dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL Adana prise en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K] aux dépens, distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 21 juin 2021, la SARL Adana en la personne de son liquidateur judiciaire en exercice Me [M] [K] de la Scp [K] a interjeté appel de ce jugement.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG 21/09234.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions récapitulatives n°2 notifiées par RPVA le 05 avril 2023, la SARL Adana, en la personne de son liquidateur en exercice Me [Z] [K], sollicite de la cour d'appel de :
Vu le contrat souscrit auprès du GAN ASSURANCES,
Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code Civil,
Déclarer Me [K] es-qualité de Liquidateur de la SARL ADANA recevable en son appel et le déclarer bien fondé,
A TITRE PRINCIPAL :
Déclarer que la perte totale du fonds de commerce de la SARL ADANA est exclusivement consécutive à l'incendie survenu dans la nuit du 21 au 22 Janvier 2016,
Déclarer que les faits survenus et le préjudice subi entrent pleinement dans le champ de garantie prévu à l'article 27 du contrat d'assurance.
En conséquence,
Infirmer le jugement de première instance,
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 230.000 € en réparation du préjudice subi par la perte totale de son fonds de commerce consécutivement à l'incendie du 21/22 Janvier 2016.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Déclarer que la perte d'exploitation de plus de 3 jours ouvrés, de la SARL ADANA est exclusivement consécutive à l'incendie survenu dans la nuit du 21 au 22 Janvier 2016,
Déclarer que les faits survenus et le préjudice subi entrent pleinement dans le champ de garantie prévu à l'article 30 du contrat d'assurance.
En conséquence,
Infirmer le jugement de première instance,
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 127.902 € en réparation du préjudice subi par la perte d'exploitation de la SARL ADANA sur l'exercice 2016.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Condamner la Cie GAN ASSURANCES au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Paul GUEDJ, de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL, du Barreau d'AIX EN PROVENCE.
La SARL Adana soutient qu'elle rapporte la preuve que la perte totale de son fonds de commerce est exclusivement imputable à l'incendie du fait de la destruction totale du local commercial. Elle conteste que la perte du fonds de commerce soit imputable à sa situation financière et à l'ouverture d'une procédure collective dont elle a fait l'objet. Elle conclut, au contraire, que la liquidation judiciaire dont elle fait l'objet est une conséquence directe et immédiate de la destruction irrémédiable et complète des locaux ainsi que de l'impossibilité de poursuivre son activité commerciale, même partiellement. Elle fait valoir que la liquidation judiciaire ne suit pas automatiquement l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, qu'un plan d'apurement du passif aurait pu être envisagé mais que compte tenu de la destruction des locaux commerciaux et de l'absence de financement des travaux permettant leur reconstruction, elle n'a pas pu poursuivre son activité commerciale et a perdu son fonds de commerce.
Elle se prévaut, à titre principal, de la garantie relative à la perte de la valeur vénale du fonds de commerce consécutive à l'incendie (articles 7 et 30 de conditions générales du contrat d'assurance). Subsidiairement, elle sollicite l'application de la garantie perte d'exploitation (article 27 des conditions générales).
Selon des conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 13 mars 2023, la SA GAN Assurances sollicite de :
Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Statuer ce que de droit quant à la recevabilité en la forme de l'appel forme,
L'y déclarer mai fondé au fond,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Juger la SARL ADANA mal fondée en ses toutes ses demandes, fins et conclusions,
Débouter par suite la SARL ADANA de l'ensemble de ses prétentions,
Condamner la SARL ADANA à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au bénéfice de Pierre-Paul Valli, avocat constitué en la cause, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SA GAN Assurances fait valoir que la SARL Adana a souscrit une police d'assurance OMNIPRO à effet le 16 mars 2015, que moins d'un an après, elle faisait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire fixant la date de cessation des paiements au 18 décembre 2015 et que s'il n'est pas contesté que l'incendie criminel survenu dans ses locaux les a complètement détruits, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'elle ne rapportait pas la preuve que son activité avait été rendue impossible et avait cessé du fait de la destruction totale de ses locaux.
La SA GAN Assurances soutient que les conditions de sa garantie « perte du fonds de commerce » (article 30 des conditions générales) ne sont donc pas remplies en ce que, d'une part, la société Adana ne rapporte pas la preuve que la perte de son fonds de commerce est imputable de façon directe, certaine et exclusive à l'incendie, mais que la conversion en procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet s'explique en réalité par la situation financière obérée de la société Adana (dettes de loyers, TVA et UARSSAF), antérieure à l'incendie, suite à des travaux entrepris par une société Riva Prim dans l'immeuble mitoyen empêchant la clientèle d'entrer dans le restaurant.
La SA GAN Assurance soutient, d'autre part, que la société Adana ne démontre pas être dans l'impossibilité complète et définitive de poursuivre son activité sans perdre sa clientèle.
Elle soutient ensuite que la société Adana ne démontre pas davantage qu'elle remplit les conditions lui permettant de bénéficier de la garantie "pertes d'exploitation" (article 27) applicable lorsque l'interruption ou la réduction de l'activité professionnelle sont la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie tels que l'incendie.
Elle conteste enfin le quantum des demandes de son assuré qui ne correspond pas aux dispositions contractuelles de calcul de l'indemnité.
L'ordonnance de clôture est en date du 31 mars 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 30 avril 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 03 juillet 2025. La date du délibéré a été prorogée.
MOTIFS :
L'article 1134 alinéa 1er ancien du code civil prévoit, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
En l'espèce, la société Adana a souscrit une police d'assurance « OMNIPRO » auprès de la SA GAN Assurances garantissant notamment les pertes d'exploitation et la perte de la valeur vénale du fonds.
L'article 27 des Dispositions générales de cette police relatif aux « Pertes d'exploitation » prévoit que la garantie s'applique lorsque l'interruption pendant plus de trois jours ouvrés ou la réduction de l'activité professionnelle est la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie ou lorsqu'elle résulte d'une impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès à l'établissement à la suite d'un incendie ou d'une explosion survenu dans le voisinage ou des locaux professionnels de l'assuré.
L'article 30 relatif à la garantie « Perte de la valeur vénale du fonds » prévoit, quant à lui, que la garantie s'applique lorsque la perte de la valeur vénale du fonds est consécutive à la destruction des locaux d'exploitation par suite de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie.
Il résulte du procès-verbal d'audition daté du 26 janvier 2016 ( PV n°2016/002913) de Monsieur [D] [N], qui se présente comme étant le garant financier du restaurant exploité par la société Adana, et qui apparait aussi comme l'acheteur du droit au bail, qu'au moment du sinistre, le gérant de la société Adana, Monsieur [L] [N], ne percevait pas de salaire, que les loyers n'étaient plus payés depuis le mois d'août, qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte « parce qu'on devait environ 17.000 euros de TVA. Pour l'URSSAF il restait environ 4.000 euros et 12.000 ou 13.000 euros pour le RSI. Le véhicule du restaurant était pris en leasing et n'a pas été payé depuis 3 mois. C'est pour ça que [L] payait les fournisseurs en espèces et pas par chèque car les comptes étaient gérés par le mandataire ». Monsieur [D] [N] attribue ces difficultés financières au chantier entrepris par la société Riva Prim au mois de mai à côté du restaurant : les clients ne pouvant plus rentrer, les travaux occasionnant de la poussière, n'auraient pas été sécurisés et auraient détérioré la climatisation. Une procédure judiciaire aurait été engagée à ce titre contre la société Riva Prim. Les renseignements comptables sont corroborés par la liasse fiscale de la société Adana du 01/01/2015 au 31/10/2015.
Il apparait, par ailleurs, que la société Adana a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire antérieur au sinistre, fixant une date de cessation des paiements au 18 décembre 2015, suivi d'un jugement de conversion en liquidation judiciaire en date du 02 mars 2016 (voir son extrait K bis). Eu égard aux difficultés financières de la société Adana antérieure à la date du sinistre, il ne peut être retenu qu'un plan de redressement aurait pu être envisagé si l'incendie n'était pas survenu ou si l'assureur avait indemnisé à hauteur des demandes. D'ailleurs, il n'est pas prouvé qu'un plan de redressement a été recherché.
Ces éléments démontrent que la situation financière de la société Adana était déjà compromise avant le sinistre, que la perte d'exploitation n'est donc pas la conséquence directe de dommages matériels indemnisés au titre de la garantie incendie, pas plus que la perte de la valeur vénale du fonds n'est consécutive à la destruction des locaux d'exploitation par suite de tels dommages.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Adana de ses demandes aux motifs qu'elle ne rapporte pas la preuve des conditions de la garantie « Perte de la valeur vénale du fonds », même à considérer que l'incendie survenu dans les locaux loués est à l'origine exclusive de sa cessation définitive d'activité, et qu'elle ne démontre pas qu'une indemnisation pour pertes d'exploitation lui est due dans les conditions réclamées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Adana représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, qui succombe, sera condamnée à payer à la SA GAN Assurances une indemnité de 2.000euros pour les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli, avocat de la cause.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, le 23 octobre 2025 et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Nice en date du 24 février 2021 en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la société Adana, représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, à payer à la SA GAN Assurances la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Adana, représentée par Me [M] [K], liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Pierre-Paul Valli, avocat de la cause.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente