CA Douai, ch. 8 sect. 1, 23 octobre 2025, n° 24/00574
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 23/10/2025
N° de MINUTE : 25/740
N° RG 24/00574 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VLA4
Jugement (N° 23/02162) rendu le 15 Janvier 2024 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 11]
APPELANTS
Madame [M] [S] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 10] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Monsieur [K] [X]
né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 13] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉES
SELARL MJ Synergie en la personne de Maître [H] [J] ès qualité de mandataire ad hoc de la société Epsilon Energie, Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° 508 330 370 00018 dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 9]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 22 mars 2024 remis à personne habilitée
SA Cofidis
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 21 mai 2025 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 mai 2025
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Dans le cadre d'un démarchage à domicile selon bon de commande du 23 février 2012, M. [K] [X] a conclu avec la S.A.R.L. EPSILON ENERGIE une prestation relative à la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque pour un montant T.T.C de 24.000 euros.
Afin de financer cette installation Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] se sont vus consentir par la SA GROUPE SOFEMO aux droits de laquelle vient désormais la SA COFIDIS selon offre préalable acceptée en date du 23 févier 2012 un crédit affecté d'un montant de 24.000 euros, au taux nominal annuel de 5,51%, remboursable en 120 mensualités de 278,50 euros hors assurance facultative.
Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal de commerce du Lyon a prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire de 1a S.A.R.L. EPSILON ENERGIE pour insuffisance d'actif.
Par ordonnance du 22 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a désigne la société MJ SYNERGIE-Mandataires Judiciaires, es qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L EPSILON ENERGIE, afin qu'elle soit valablement représentée dans le cadre de la présente procédure contentieuse.
Par actes de commissaire de justice en date du 21 décembre 2022 et 8 février 2023, Mme [M] [S], épouse [X], et Monsieur [K] [X] ont fait assigner la société MJ SYNERGIE -Mandataires Judiciaires, es qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. EPSILON ENERGIE, et la S.A. COFIDIS, venant aux droits de la S.A. GROUPE SOFEMO aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 15 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, a :
- déclaré Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] irrecevables en leurs demandes,
- condamné solidairement Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] aux dépens de l'instance,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 8 février 2024, Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Vu les dernières conclusions de M. [K] [X] et Mme [M] [S], épouse [X] en date du 27 mars 2025, et tendant à voir :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Déclarer les demandes de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], recevables et bien fondées ;
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et la société EPSILON ENERGIE ;
- Prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO ;
- Déclarer que la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, a commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et doit être privée de sa créance de restitution du capital
emprunté ;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à verser à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 24 000,00 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 38 316,00 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], à la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, en exécution du prêt souscrit ;
En tout état de cause,
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à payer à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], les sommes suivantes :
- 10 000,00 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble ;
- 10 010,00 euros au titre des travaux de réparation de la toiture ;
- 5 183,20 euros au titre des travaux de dépose et pose de nouveaux panneaux;
- 5 000,00 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO ;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à verser à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], l'ensemble des intérêts versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; et LUI ENJOINDRE de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;
- Débouter la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, et la société EPSILON ENERGIE de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions de la SA COFIDIS en date du 20 mars 2025, et tendant à voir :
A titre principal,
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Déclarer toutes les demandes de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] irrecevables.
A titre subsidiaire :
- Déclarer Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter.
A titre plus subsidiaire :
- Condamner COFIDIS au remboursement des seuls intérêts perçus conformément à l'historique versé aux débats, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis.
A titre infiniment subsidiaire :
- Condamner COFIDIS au remboursement des seuls intérêts perçus, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis.
- Condamner COFIDIS à payer à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] la somme de 1euro de dommages et intérêts liés à l'insolvabilité du vendeur.
En tout état de cause :
- Débouter Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] de leur demande de condamnation de COFIDIS à leur payer 10.000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation et 10.010 euros au titre des travaux de réparation.
- Débouter Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] de leur demande de condamnation de COFIDIS à leur payer 5.000 euros au titre d'un prétendu préjudice moral,
- Condamner solidairement Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
En ce qui la concerne la SELARL MJ SYNERGIE es qualité de mandataire ad hoc de la SARL EPSILON ENERGIE a été assignée devant la cour par acte de commissaire de justice en date du 22 mars 2024 étant précisé que cet acte extrajudiciaire a été signifié à personne morale étant précisé que ledit acte a été remis à une personne habilitée à le réceptionner. Toutefois subséquemment cette société intimée n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2025.
- MOTIFS DE LA COUR:
- Sur la recevabilité de l'action:
' Sur la prescription de l'action sur le fondement du dol:
L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action sur le fondement du dol.
En principe sur le fondement de cette disposition la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.
En application des dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 et applicable au présent litige, le point de départ de l'action en nullité pour dol est la découverte de celui-ci.
S'agissant de leur action sur le fondement du dol, les époux [X] font valoir qu'ils ont été intentionnellement trompés par le vendeur sur un autofinancement de l'installation promis par celui-ci.
Ainsi la découverte du dol doit être considérée comme acquise dès réception de la première facture d'achat d'énergie électrique qui permettait à l'acheteur d'apprécier la rentabilité de l'installation.
Cette facture date du 14 octobre 2013 (pièce n°8 de la SA COFIDIS).
Or dans le cas présent Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] ont fait délivrer leur assignation introductive d'instance par actes de commissaire de justice en dates des 21 décembre 2022 et 8 février 2023.
Dès lors l'action des époux [X] en nullité sur le fondement du dol affectant le contrat principal encourt bien la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil. Il en va de même logiquement de l'action en responsabilité contre l'établissement bancaire qui aurait participé aux manoeuvres dolosives.
' Sur la prescription de l'action pour non respect des dispositions du code de la consommation:
L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action tendant à voir constater des irrégularités affectant le bon de commande au regard dispositions du code de la consommation.
En principe la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.
S'agissant de l'action tendant à voir constater les irrégularités du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation, le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé en bonne logique, le jour de la signature du bon de commande soit le 23 février 2012. En effet c'est à ce moment précis que les époux [X] étaient en mesure de vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation même s'ils pouvaient ne pas en appréhender toutes les conséquences juridiques. Ces irrégularités afférentes à l'absence de certaines mentions étaient parfaitement visibles (voir le bon de commande: pièce n°1 de la SA COFIDIS) par des consommateurs normalement avisés et vigilants. D'évidence la qualité de consommateurs des époux [N] ne suffit pas à elle seule à permettre de considérer qu'ils auraient été dans l'impossibilité de détecter les irrégularités affectant le bon de commande dès sa signature.
Au surplus il convient de souligner que l'argumentation des appelants qui se gardent bien de donner une date précise de point de départ de la prescription qui leur est opposée, reviendrait en réalité à rendre imprescriptible une action fondée sur les irrégularités affectant le bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation.
Cette solution serait à la fois juridiquement très contestable et génératrice d'une très grave insécurité juridique.
Là encore le bon de commande ayant été signé le 23 février 2012, et l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée par actes de commissaire de justice en dates des 21 décembre 2022 et 8 février 2023, l'action en nullité du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation encourt également la prescription.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] irrecevables en leurs demandes.
- Sur les autres points déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel:
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise, a :
' condamné solidairement Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] aux dépens de l'instance,
' rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la S.A. COFIDIS les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de débouter Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- Sur le surplus des demandes:
Au regard des considérations qui précédent, il convient de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
- Sur les dépens d'appel:
Il y a lieu de condamner in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] qui succombent aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Y ajoutant,
- Condamne in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- Déboute Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- Condamne in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] qui succombe aux entiers dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 23/10/2025
N° de MINUTE : 25/740
N° RG 24/00574 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VLA4
Jugement (N° 23/02162) rendu le 15 Janvier 2024 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 11]
APPELANTS
Madame [M] [S] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 10] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Monsieur [K] [X]
né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 13] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉES
SELARL MJ Synergie en la personne de Maître [H] [J] ès qualité de mandataire ad hoc de la société Epsilon Energie, Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° 508 330 370 00018 dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 9]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 22 mars 2024 remis à personne habilitée
SA Cofidis
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 21 mai 2025 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 mai 2025
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Dans le cadre d'un démarchage à domicile selon bon de commande du 23 février 2012, M. [K] [X] a conclu avec la S.A.R.L. EPSILON ENERGIE une prestation relative à la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque pour un montant T.T.C de 24.000 euros.
Afin de financer cette installation Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] se sont vus consentir par la SA GROUPE SOFEMO aux droits de laquelle vient désormais la SA COFIDIS selon offre préalable acceptée en date du 23 févier 2012 un crédit affecté d'un montant de 24.000 euros, au taux nominal annuel de 5,51%, remboursable en 120 mensualités de 278,50 euros hors assurance facultative.
Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal de commerce du Lyon a prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire de 1a S.A.R.L. EPSILON ENERGIE pour insuffisance d'actif.
Par ordonnance du 22 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a désigne la société MJ SYNERGIE-Mandataires Judiciaires, es qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L EPSILON ENERGIE, afin qu'elle soit valablement représentée dans le cadre de la présente procédure contentieuse.
Par actes de commissaire de justice en date du 21 décembre 2022 et 8 février 2023, Mme [M] [S], épouse [X], et Monsieur [K] [X] ont fait assigner la société MJ SYNERGIE -Mandataires Judiciaires, es qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. EPSILON ENERGIE, et la S.A. COFIDIS, venant aux droits de la S.A. GROUPE SOFEMO aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 15 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, a :
- déclaré Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] irrecevables en leurs demandes,
- condamné solidairement Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] aux dépens de l'instance,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 8 février 2024, Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Vu les dernières conclusions de M. [K] [X] et Mme [M] [S], épouse [X] en date du 27 mars 2025, et tendant à voir :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Déclarer les demandes de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], recevables et bien fondées ;
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et la société EPSILON ENERGIE ;
- Prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO ;
- Déclarer que la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, a commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], et doit être privée de sa créance de restitution du capital
emprunté ;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à verser à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 24 000,00 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 38 316,00 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], à la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, en exécution du prêt souscrit ;
En tout état de cause,
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à payer à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], les sommes suivantes :
- 10 000,00 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble ;
- 10 010,00 euros au titre des travaux de réparation de la toiture ;
- 5 183,20 euros au titre des travaux de dépose et pose de nouveaux panneaux;
- 5 000,00 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO ;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à verser à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [S], épouse [X], l'ensemble des intérêts versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; et LUI ENJOINDRE de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;
- Débouter la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, et la société EPSILON ENERGIE de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes;
- Condamner la société COFIDIS, venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO, à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions de la SA COFIDIS en date du 20 mars 2025, et tendant à voir :
A titre principal,
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Déclarer toutes les demandes de Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] irrecevables.
A titre subsidiaire :
- Déclarer Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter.
A titre plus subsidiaire :
- Condamner COFIDIS au remboursement des seuls intérêts perçus conformément à l'historique versé aux débats, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis.
A titre infiniment subsidiaire :
- Condamner COFIDIS au remboursement des seuls intérêts perçus, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis.
- Condamner COFIDIS à payer à Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] la somme de 1euro de dommages et intérêts liés à l'insolvabilité du vendeur.
En tout état de cause :
- Débouter Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] de leur demande de condamnation de COFIDIS à leur payer 10.000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation et 10.010 euros au titre des travaux de réparation.
- Débouter Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] de leur demande de condamnation de COFIDIS à leur payer 5.000 euros au titre d'un prétendu préjudice moral,
- Condamner solidairement Monsieur [K] [X] et Madame [M] [X] née [S] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
En ce qui la concerne la SELARL MJ SYNERGIE es qualité de mandataire ad hoc de la SARL EPSILON ENERGIE a été assignée devant la cour par acte de commissaire de justice en date du 22 mars 2024 étant précisé que cet acte extrajudiciaire a été signifié à personne morale étant précisé que ledit acte a été remis à une personne habilitée à le réceptionner. Toutefois subséquemment cette société intimée n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2025.
- MOTIFS DE LA COUR:
- Sur la recevabilité de l'action:
' Sur la prescription de l'action sur le fondement du dol:
L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action sur le fondement du dol.
En principe sur le fondement de cette disposition la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.
En application des dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 et applicable au présent litige, le point de départ de l'action en nullité pour dol est la découverte de celui-ci.
S'agissant de leur action sur le fondement du dol, les époux [X] font valoir qu'ils ont été intentionnellement trompés par le vendeur sur un autofinancement de l'installation promis par celui-ci.
Ainsi la découverte du dol doit être considérée comme acquise dès réception de la première facture d'achat d'énergie électrique qui permettait à l'acheteur d'apprécier la rentabilité de l'installation.
Cette facture date du 14 octobre 2013 (pièce n°8 de la SA COFIDIS).
Or dans le cas présent Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] ont fait délivrer leur assignation introductive d'instance par actes de commissaire de justice en dates des 21 décembre 2022 et 8 février 2023.
Dès lors l'action des époux [X] en nullité sur le fondement du dol affectant le contrat principal encourt bien la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil. Il en va de même logiquement de l'action en responsabilité contre l'établissement bancaire qui aurait participé aux manoeuvres dolosives.
' Sur la prescription de l'action pour non respect des dispositions du code de la consommation:
L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action tendant à voir constater des irrégularités affectant le bon de commande au regard dispositions du code de la consommation.
En principe la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.
S'agissant de l'action tendant à voir constater les irrégularités du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation, le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé en bonne logique, le jour de la signature du bon de commande soit le 23 février 2012. En effet c'est à ce moment précis que les époux [X] étaient en mesure de vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation même s'ils pouvaient ne pas en appréhender toutes les conséquences juridiques. Ces irrégularités afférentes à l'absence de certaines mentions étaient parfaitement visibles (voir le bon de commande: pièce n°1 de la SA COFIDIS) par des consommateurs normalement avisés et vigilants. D'évidence la qualité de consommateurs des époux [N] ne suffit pas à elle seule à permettre de considérer qu'ils auraient été dans l'impossibilité de détecter les irrégularités affectant le bon de commande dès sa signature.
Au surplus il convient de souligner que l'argumentation des appelants qui se gardent bien de donner une date précise de point de départ de la prescription qui leur est opposée, reviendrait en réalité à rendre imprescriptible une action fondée sur les irrégularités affectant le bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation.
Cette solution serait à la fois juridiquement très contestable et génératrice d'une très grave insécurité juridique.
Là encore le bon de commande ayant été signé le 23 février 2012, et l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée par actes de commissaire de justice en dates des 21 décembre 2022 et 8 février 2023, l'action en nullité du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation encourt également la prescription.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] irrecevables en leurs demandes.
- Sur les autres points déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel:
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise, a :
' condamné solidairement Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [M] [S] épouse [X], et M. [K] [X] aux dépens de l'instance,
' rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la S.A. COFIDIS les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de débouter Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- Sur le surplus des demandes:
Au regard des considérations qui précédent, il convient de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
- Sur les dépens d'appel:
Il y a lieu de condamner in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] qui succombent aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Y ajoutant,
- Condamne in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- Déboute Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- Condamne in solidum Mme [M] [S], épouse [X], et M. [K] [X] qui succombe aux entiers dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU