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CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 22 octobre 2025, n° 24/14080

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/14080

22 octobre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRET DU [Date décès 6] 2025

(n° 2025/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/14080 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ4CU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 juin 2024 - Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 23/01682

APPELANT

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représenté par Me Parfait DIEDHIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : B251

INTIMEES

S.A. CNP ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 341 737 062

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Virginie SANDRIN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE,

toque : C2474

SA LA BANQUE POSTALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le numéro 421 100 645

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Nicolas DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P.493

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur SENEL, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame CHAMPEAU-RENAULT, présidente de chambre

Madame FAIVRE, présidente de chambre

Monsieur SENEL, conseiller

Greffier lors des débats : Madame SILVAN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de Chambre et par Madame F. MARCEL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

[D] [R] veuve [T] a souscrit plusieurs contrats d'assurance-vie auprès de la SA CNP ASSURANCES via la SA LA BANQUE POSTALE :

- Contrat ASSURDIX n°376 005 307 19 1 23 A conclu le 18 mars 1982,

- Contrat ASCENDO n°445 018 481 14 conclu le 9 décembre 1998,

- Contrat SELEXIO n°161012575 17 conclu 1e 6 février 1996,

- Contrat ASSURDIX n°366 840472 17 conclu le 22 juin 1993,

- Contrat POSTE AVENIR n°343 648386 04 conclu 1e 25 juillet1994,

- Contrat ASCENDO n°445170688 07 1 23 A conclu le 5 septembre 2008.

Les 16, 17 et 23 octobre 2007, sur les conseils d'un conseiller de la société FORTIS ASSURANCES, [D] [R] a racheté trois de ces contrats :

- ASSURDIX N°376005307 19 1 23A conclu le 18 mars 1982,

- ASCENDO N°445018481 14 1 23A conclu le 9 décembre 1998,

- SELEXIO N°161012575 17 1 23A conclu le 6 février 1996,

au profit de la société FORTIS ASSURANCES, puis a obtenu, courant 2008, que les fonds, d'un total de 293 293,91 euros, soient rapatriés sur ses contrats CNP ASSURANCES.

Le 5 septembre 2008, [D] [R] a souscrit, par l'intermédiaire de LA BANQUE POSTALE, le contrat ASCENDO n°445 170688 07 1 23A, en y versant la somme de 200 000 euros.

Par avenant du 23 décembre 2010, elle a désigné M. [H] bénéficiaire de ses trois contrats : ASSURDIX n°366 840472 17, POSTE AVENIR n°343 648386 04, ASCENDO n°445 17068807 1 23 A.

[D] [R] est décédée le [Date décès 4] 2013.

Le 27 juin 2013, CNP ASSURANCES a versé à M. [H] les capitaux décès des contrats et, à sa demande, a directement réglé les droits de mutation à l'administration fiscale (155 609 euros).

Considérant que le rachat des contrats d'assurance-vie a occasionné des pertes, M. [H] s'est adressé à CNP ASSURANCES afin d'obtenir les éléments lui permettant d'évaluer lesdites pertes.

Copies de ces documents lui ont été communiqués à la suite d'une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 18 novembre 2021.

PROCÉDURE

Par acte du [Date décès 4] 2023, M. [H] a fait assigner CNP ASSURANCES devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins, notamment, de condamnation de la CNP ASSURANCES à l'indemniser notamment des pertes qu'il aurait subies du fait du rachat inopportun de plusieurs des contrats en litige, qui lui aurait fait perdre le bénéfice de l'antériorité fiscale, de désignation d'un expert chargé notamment d'évaluer les gains manqués entre la date de rachat en octobre 2007 et la date de décès de l'assurée le [Date décès 5] 2013, et d'indemnisation se son préjudice moral.

Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, CNP ASSURANCES a demandé au juge de la mise en état qu'il :

- juge M. [H] dépourvu de qualité à agir à son encontre sur le fondement du manquement au devoir de conseil au titre des contrats ASSURDIX N°376005307 19 1 23A clôturé le 17 octobre 2007, ASCENDO N°445018481 14 1 23A clôturé le 16 octobre 2007, et SELEXIO N°161012575 17 1 23A clôturé le 24 octobre 2007,

- et qu'il juge, au visa de l'article 2224 du code civil, prescrite l'action de M. [H] à son encontre.

LA BANQUE POSTALE, qui est intervenue volontairement à la procédure par conclusions du 5 janvier 2024, n'a pas conclu sur l'incident.

Par ordonnance du 11 juin 2024, le juge de la mise en état a :

- Reçu la société la BANQUE POSTALE en son intervention volontaire,

- Déclaré M. [M] [H] irrecevable en ses demandes,

- Condamné M. [M] [H] aux dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN et à payer à la société CNP Assurances la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 27 juillet 2024, enregistrée au greffe le 20 août 2024, M. [H] a interjeté appel, intimant CNP ASSURANCES, en précisant que l'appel a pour objet d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

- a DÉCLARÉ M. [M] [H] irrecevable en ses demandes ;

- n'a pas DÉBOUTÉ la CNP ASSURANCES et la BANQUE POSTALE de l'ensemble de leurs demandes ;

- n'a pas CONDAMNÉ la CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- n'a pas CONDAMNÉ la CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- n'a pas CONDAMNÉ la CNP ASSURANCES aux entiers dépens de l'instance ;

- a CONDAMNÉ M. [M] [H] aux dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN et à payer à la société CNP ASSURANCES la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2024, CNP ASSURANCES a, au visa de l'article 524 ancien du code de procédure civile, saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de radiation de la procédure d'appel, en l'absence d'exécution par M. [H] de l'ordonnance dont appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2025, CNP ASSURANCES a demandé au conseiller de la mise en état, considérant que la somme de 1 102,06 euros avait été réglée le 19 décembre 2024 sur le compte CARPA [Localité 12] du Conseil de CNP ASSURANCES, de lui donner acte du désistement de sa demande de radiation de la procédure d'appel enrôlée sous le n° 24/14080, les causes de l'ordonnance ayant été réglées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2025, M. [H] a demandé au conseiller de la mise en état de DONNER ACTE à la CNP Assurances de son désistement de sa demande de radiation et de DONNER ACTE à M. [M] [H] de son acceptation du désistement de la CNP Assurances de sa demande de radiation.

Par bulletin du 6 janvier 2025, le conseiller de la mise en état a informé les conseils des parties du désistement de l'incident soulevé aux fin de radiation, par mention au dossier.

Par conclusions d'appelant n°2 notifiées par voie électronique le 1er juin 2025, M. [H] demande à la cour, au visa notamment des articles 561 et suivants et 900 et suivants du code de procédure civile, de l'article 114-1 du code des assurances et de l'article 2262 ancien du code civil, de :

- le DÉCLARER recevable et bien fondé en son appel ;

Y FAISANT DROIT, INFIRMER l'ordonnance rendue le 11 juin 2024 par le juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Créteil en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT DE NOUVEAU :

- JUGER que son action est recevable, en sa qualité de bénéficiaire, au titre de la prescription décennale ;

- le DÉCHARGER des condamnations prononcées à son encontre par le juge de la mise en état ;

- ORDONNER le remboursement à son profit par la CNP Assurances des sommes qu'il a versées en exécution de l'ordonnance déférée ;

- DÉBOUTER la CNP ASSURANCES de l'ensemble de ses demandes ;

- RENVOYER l'affaire devant le Tribunal judiciaire de CRETEIL, 4ème chambre, RG N°23/01682 aux fins de son rétablissement au fond ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- JUGER que l'action de M. [M] [H] est recevable au titre de la prescription trentenaire ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER la CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNER la CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme de 2 000 euros en cause de première instance, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme de 2000 euros en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 28 octobre 2024, CNP ASSURANCES demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance entreprise qui a déclaré M. [H] irrecevable en ses demandes, l'a condamné au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

En tout état de cause,

- Le débouter de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de CNP ASSURANCES,

- Le débouter de toutes demandes de condamnation à dommages-intérêts,

- Le condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui viendra s'ajouter à la condamnation de première instance,

- Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN.

Par conclusions d'intimée n°1 notifiées par voie électronique le 30 octobre 2024, la SA LA BANQUE POSTALE demande à la cour, au visa de l'article L. 114-1 du code des assurances et l'article 2224 du code civil, de :

- Confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action de M. [H], en ce qu'elle l'a déclaré en conséquence irrecevable en ses demandes ;

- Débouter M. [M] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. [M] [H] à verser à la BANQUE POSTALE une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Nicolas Duval, Avocat au barreau de Paris, dans les formes prévues à l'article 699 du même code de procédure civile.

Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité des demandes de M. [H]

Vu, notamment, les articles 31, 122, 789 du code de procédure civile, L. 114-1 du code des assurances et 2224 du code civil ;

Pour déclarer M. [H] irrecevable en ses demandes, du fait de la prescription de l'action engagée, soulevée par CNP ASSURANCES, le juge de la mise en état a :

- jugé que dans son acte introductif d'instance, M. [H] fait grief à la CNP ASSURANCES d'avoir laissé clôturer les contrats d'assurance-vie qui bénéficiaient d'une antériorité fiscale plus favorable en cas de décès, en l'occurrence le dispositif régi par l'article 990 I du code général des impôts, sans informer ni conseiller l'assurée quant aux conséquences de ces rachats, et d'avoir ainsi manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil à l'égard de l'assurée ;

- précisé que M. [H] considérait que la société CNP ASSURANCES avait engagé sa responsabilité pour violation de son obligation de mise en garde vis-à-vis de l'assurée ;

- jugé que le délai de prescription de l'action en indemnisation du dommage consistant en la perte de chance d'éviter la réalisation de pertes en cas de rachat d'un contrat d'assurance-vie du fait d'un manquement de l'assureur à son obligation d'information à l'égard du souscripteur sur le risque de pertes en cas de rachat, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, commence à courir à la date du rachat du contrat d'assurance-vie, correspondant à la date de réalisation des pertes, soit pour les trois contrats litigieux aux 16, 17 et 23 octobre 2007 ;

- jugé qu'ainsi, même si le délai de prescription décennale est applicable à l'espèce, l'action a été prescrite à compter des 16, 17 et 23 octobre 2017 ;

- or, la procédure engagée par M. [H], par acte du [Date décès 4] 2023, est survenue après l'expiration du délai de prescription.

M. [H] sollicite l'infirmation de l'ordonnance relativement à l'irrecevabilité de son action, arguant être recevable, en sa qualité de bénéficiaire, au titre de la prescription décennale dont le point de départ correspond à la date de son acceptation de la succession de Mme [R] veuve [T] (le [Date décès 6] 2013) ou, à titre subsidiaire, au titre de la prescription trentenaire, si la cour considère que l'action relève de la matière extra-contractuelle, en vertu de l'article 2262 ancien du code civil applicable au moment du rachat des contrats d'assurance-vie en octobre 2007.

CNP ASSURANCES demande la confirmation de l'ordonnance sur l'irrecevabilité des demandes de M. [H], exposant notamment que l'action de M. [H] ne tend pas à obtenir le paiement des contrats dont il serait bénéficiaire, de sorte qu'elle ne relève pas des dispositions de l'article L. 111-4 du code des assurances mais des dispositions de l'article 2224 du code civil et qu'au vu des éléments que l'appelant produit, le délai de la prescription quinquennale, qui a commencé à courir à la date de la signature de la déclaration de succession, s'est achevé le [Date décès 6] 2018.

LA BANQUE POSTALE sollicite également la confirmation de l'ordonnance quant à la prescription de l'action de M. [H], en soutenant quant à elle que la prescription de l'action résulte de la prescription quinquennale de droit commun et non pas de la prescription décennale de l'article L. 114-1 du code des assurances. Elle soutient que M. [H] n'agit pas en qualité de bénéficiaire des contrats, dès lors qu'il ne conteste pas avoir perçu les capitaux décès, mais en qualité de tiers à la relation ayant existé entre la souscriptrice et l'assureur et que son action en responsabilité a été engagée le [Date décès 5] 2023 alors qu'il a eu connaissance de l'événement y donnant naissance le 22 octobre 2013, par la déclaration de succession portant la mention des contrats en litige.

Sur la qualité à agir

En l'espèce, il résulte des pièces versées au débat que M. [H] à un intérêt direct et personnel, économique et moral à voir son affaire tranchée par un juge, indépendamment du bien fondée de son action. Sa capacité à ester en justice au sens strict n'est au demeurant pas contestée.

Certes, M. [H] a encaissé (le 27 juin 2013) les fonds de trois contrats dénoués au décès de Mme [T] (POSTE AVENIR, ASSURDIX n°366 840472 17 et ASCENDO, souscrits respectivement en 1994, 1993 et 2008), dont il était bénéficiaire, comme le reconnaît CNP ASSURANCES en page 16 de ses conclusions, et il ne conteste pas avoir reçu les fonds.

Mais il formule devant le tribunal une demande de condamnation de CNP ASSURANCES, « à déterminer par expertise », correspondant au gain qu'aurait rapporté le versement de la somme de 200 000 euros sur le compte ASSURDIX n°366 840472 17 souscrit le 22 juin 1993 à l'occasion du rapatriement des fonds de la FORTIS à la CNP ASSURANCES.

Il formule par ailleurs une demande de remboursement des intérêts de l'avance bancaire de 200 000 euros octroyée à Mme [T] et une demande d'indemnisation pour préjudice moral.

Ces actions sont ainsi à tout le moins en lien direct avec celles dérivant des contrats d'assurance, dont il est bénéficiaire ou bénéficiaire revendiqué.

En outre, contrairement à ce que fait valoir CNP ASSURANCES, il justifie bien de la qualité de bénéficiaire des contrats dénoués en 2007 :

- s'agissant du contrat ASSURDIX N°376005307 19 1 23A conclu le 18 mars 1982, [D] [T] a modifié sa clause bénéficiaire par lettre du 02 avril 2007 en faveur de M. [H], donc avant le rachat intervenu en octobre 2007 (pièce n° 5) ;

- s'agissant du contrat SELEXIO N°161012575 17 1 23A conclu le 06 février 1996, [D] [T] a modifié la clause bénéficiaire en faveur de M. [H] par lettre du 03 septembre 2007, donc antérieurement au rachat intervenu en octobre 2007 (pièce n° 6) ;

- s'agissant du contrat ASCENDO N°445018481 14 1 23A conclu le 09 décembre 1998, [D] [T] a modifié la clause bénéficiaire en faveur de M. [H] par lettre du 02 octobre 2007, donc antérieurement au rachat intervenu le 16 octobre 2007 (pièce n° 7).

Pour ces trois contrats, M. [H] n'est pas un bénéficiaire évincé, mais un véritable bénéficiaire au moment du rachat des contrats et du décès de l'assurée. Or, il formule des demandes de dommages et intérêts pour pertes subies au titre de chacun de ces contrats en expliquant qu'il agit en qualité de bénéficiaire de ces contrats, en responsabilité et en indemnisation, contre CNP ASSURANCES sur un fondement qui n'est ni contractuel ni extra-contractuel - ce qu'il appartiendra au tribunal d'apprécier au fond - pour manquement à l'obligation d'information et de conseil à l'égard de l'assurée quant aux conséquences, notamment fiscales, des rachats effectués, et plus précisément pour avoir, à la suite du démarchage à domicile effectué par un conseiller de Fortis Assurances, laissé clôturer les trois contrats en octobre 2007.

Le moyen tiré du défaut de qualité à agir est ainsi rejeté.

* sur la nature de la prescription

Il résulte de l'article L. 114-1, alinéa 6, du code des assurances, que seule l'action engagée par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie se prescrit par dix ans, lorsque ce bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur. La qualité alléguée de bénéficiaire suffit pour faire application du régime de prescription décennale ainsi édicté.

En l'espèce, la prescription applicable à l'action en responsabilité et en indemnisation engagée par M. [H] dérive, pour les mêmes motifs que ceux analysés pour sa qualité à agir, principalement des trois contrats d'assurance-vie litigieux ; elle est ainsi de nature décennale, en ce que leur bénéficiaire (M. [H], ce qui n'est pas contesté) est une personne distincte du souscripteur ([D] veuve [T]).

* sur le point de départ de la prescription

Comme le reconnaissent la CNP ASSURANCES et LA BANQUE POSTALE, en invoquant cependant le bénéfice de la prescription quinquennale, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de signature de la déclaration de succession, soit le 22 octobre 2013, jour où l'intéressé désigné légataire universel en toute propriété de [D] [R] le 27 juin 2013 a accepté la succession, a eu connaissance des faits ouvrant droit à son action, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, dès lors qu'il n'en avait pas connaissance au décès de l'assurée.

M. [H] avait en conséquence jusqu'au [Date décès 6] 2023 pour agir contre la CNP ASSURANCES en sa qualité de bénéficiaire de [D] [T].

L'action de M. [H] ayant été engagée à l'encontre de la CNP ASSURANCES par acte du [Date décès 4] 2023, n'encourt pas la prescription et doit ainsi être déclarée recevable, étant rappelé que LA BANQUE POSTALE est par la suite intervenue volontairement à l'instance.

L'ordonnance entreprise est infirmée en ce qu'elle a déclaré M. [H] irrecevable en ses demandes.

L'examen du moyen soutenu à titre subsidiaire concernant la prescription trentenaire est dès lors sans objet.

2. Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

M. [H] sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de la CNP ASSURANCES à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, alléguant que l'incident relatif à l'irrecevabilité de son assignation, provoqué par CNP ASSURANCES en connaissance de la consécration légale de la prescription décennale en matière d'assurance-vie et de la qualité de bénéficiaire des contrats de l'appelant, l'a été à des fins dilatoires et donc abusives.

CNP ASSURANCES réplique que le dossier montre que si intention dilatoire il y a, elle émane de M. [H] qui a multiplié les démarches, obtenu des réponses complètes et a malgré tout attendu que se soient écoulés 10 ans jour pour jour du décès de Mme [T] pour saisir le tribunal, et qu'en outre la demande d'incident a été formée en conformité avec les dispositions de l'article 789 du code de procédure civile sans aucune intention dilatoire ou abusive, de sorte que toute demande de dommages intérêts doit être rejetée.

LA BANQUE POSTALE ne formule aucune observation sur ce point.

Sur ce,

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de CNP ASSURANCES une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice.

Il ne sera ainsi pas fait droit à la demande de dommages-intérêts formées à ce titre.

3. Sur les autres demandes

* sur la demande tendant à décharger M. [H] des condamnations prononcées à son encontre et à ordonner le remboursement par la CNP ASSURANCES des sommes qu'il lui a versées en exécution de l'ordonnance entreprise

Sans qu'il soit nécessaire de « décharger M. [H] des condamnations prononcées à son encontre », la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif ouvre droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution.

* sur la demande tendant à renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Créteil

Il convient d'y faire droit dans les termes du dispositif du présent arrêt.

4. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le juge de la mise en état a condamné M. [H] aux dépens et à payer à CNP ASSURANCES la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au regard de la solution retenue par la cour, ces chefs du dispositif de l'ordonnance sont infirmés.

Partie perdante, la société CNP ASSURANCES sera condamnée aux dépens de l'incident ayant donné lieu à l'ordonnance entreprise et aux dépens de la présente procédure d'appel, ainsi qu'à payer à M. [H], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 1 000 euros en cause de première instance et à celle de 1 000 euros en cause d'appel, soit la somme globale de 2 000 euros.

Les sociétés CNP ASSURANCES et LA BANQUE POSTALE seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir de M. [H] et de la prescription de son action ;

- Déclare l'action de M. [M] [H] recevable ;

- Déboute M. [M] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Rappelle que le présent arrêt infirmatif ouvre droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution ;

- Condamne la société CNP ASSURANCES aux dépens de l'incident et de la présente instance d'appel ;

- Condamne la société CNP ASSURANCES à payer à M. [M] [H] la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les sociétés CNP ASSURANCES et LA BANQUE POSTALE de leur demande formée de ce chef ;

- Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire de CRETEIL, 4ème chambre, RG N°23/01682 aux fins de son rétablissement au fond.

La greffiere La présidente de chambre

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