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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 23 octobre 2025, n° 25/00042

VERSAILLES

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CA Versailles n° 25/00042

23 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00042 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W54Y

AFFAIRE :

S.A.S.U. AEGEFIM

C/

S.A.R.L. EDITTA

Décision déférée à la cour : arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2024, sur pourvoi de l'arrêt du 18 novembre 2021, ayant statué sur l'appel de l'ordonnance rendue le 18 Février 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2021R00095

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.10.2025

à :

Me Marie-laure ABELLA, avocat au barreau de VERSAILLES (443)

Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES (93)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 7 novembre 2024 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 14ème chambre civile de la cour d'appel de Versailles le 18 novembre 2021.

S.A.S.U. AEGEFIM

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

assistée de Me Marie-laure ABELLA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443 - N° du dossier AEGEFIM

Plaidant : Me Nadia COUTANT du barreau de Paris

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.R.L. EDITTA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 809 073 315

[Adresse 4]

[Localité 5]

Assistée de Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93 - N° du dossier 250204

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2025, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère faisant fonction de présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice président placé,

M. Bertrand MAUMONT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI ;

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.R.L. Editta TR a conclu avec les consorts [L], [M] et [J], demeurant [Adresse 1] à [Localité 8], un mandat non exclusif de proposition à la vente et de visite des parcelles A374, A5297, A372 et A3743.

Le prix de vente prévu au mandat s'élevait à la somme de 2 800 000 euros pour l'ensemble des parcelles. La rémunération du mandataire mise à la charge de l'acquéreur était fixé à 4% du prix net vendeur.

Par lettre du 14 septembre 2017 adressée à la société Editta TR, la SAS Aegefim a émis une offre d'achat des parcelles susmentionnées, sous réserve de la réalisation de diverses conditions suspensives, précisant que son offre était valable trente jours.

Le premier projet de permis de construire déposé a été refusé par la mairie de [Localité 7], en date du 7 novembre 2018.

Par lettre du 15 novembre 2017, la société Aegefim a confirmé à la société Editta TR qu'elle lui verserait, dès la signature des actes authentiques de vente, ses frais d'intermédiaire s'élevant à 4% du prix d'achat net vendeur, soit la somme de 89 200 euros HT.

Les actes authentiques de vente ont été dressés, le 5 juin 2020, au profit de la société civile de construction vente [Adresse 9], en présence de la société Aegefim, pour un montant totale de 2 838 000 euros.

Le 12 juin 2020, la société Editta TR a adressé à la société Aegefim sa facture d'honoraires, d'un montant de 136 224 euros TTC, relative à cette vente, soit 4% HT du montant de la transaction de 2 838 000 euros.

Par lettre du 17 juin 2020, la société Aegefim lui a répondu qu'une des parcelles n'étant pas concernée par son entremise, ses honoraires de mandataire se limitaient à la somme de 89 200 euros HT.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2020, la société Editta TR a rappelé à la société Aegefim qu'elle restait dans l'attente de son règlement, en vain.

Par acte de commissaire de justice délivré le 18 janvier 2021, la société Editta TR a fait assigner en référé la société Aegefim aux fins d'obtenir principalement :

- sa condamnation à lui régler la somme de 89 200 euros HT soit 107 040 euros TTC, à titre provisionnel,

- sa condamnation à lui régler, sur la somme de 107 040 euros, les intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020, et la capitalisation des intérêts selon la règle de l'anatocisme,

- sa condamnation à lui régler la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par ordonnance contradictoire rendue le 18 février 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que la société Aegefim est mal fondée en sa demande de nullité de l'assignation,

- condamné la société Aegefim à payer à la société Editta TR, à titre provisionnel, la somme de 107 040 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020, et capitalisation des intérêts selon la règle de l'anatocisme,

- débouté la société Editta TR de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Aegefim à payer à la société Editta TR la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- dit que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros,

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 23 mars 2021, la société Aegefim a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Par arrêt du 18 novembre 2021, la cour a :

- infirmé l'ordonnance du 18 février 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit la société Aegefim mal fondée en sa demande de nullité de l'assignation,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Editta TR au titre de sa relation commerciale avec la société Aegefim,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,

- dit que la société Editta TR supportera les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Editta TR a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt rendu le 7 novembre 2024, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

- condamné la société Aegefim aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Aegefim et l'a condamnée à payer à la société Editta TR la somme de 3 000 euros ;

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait inversé la charge de la preuve en indiquant que la société Editta ne caractérisait pas la nature de la relation commerciale établie avec la société Aegefim, ni ne démontrait de manière non sérieusement contestable la conformité de cette relation aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 sur l'entremise immobilière, alors qu'elle avait constaté que la relation commerciale entre les parties était établie par divers sms et courriers échangés entre elles et que, par lettre du 15 novembre 2017, la société Aegefim s'était engagée à payer à la société Editta ses frais d'intermédiaire s'élevant à 4 % du prix d'achat net vendeur, soit la somme de 89 200 euros, engagement confirmé dans une lettre du 17 juin 2020, postérieure à la signature des actes authentiques du 5 juin 2020.

Par déclaration reçue au greffe le 23 décembre 2024, la société Aegefim a saisi la cour aux fins de voir infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Nanterre le 18 février 2021 et notamment en ce qu'elle a :

- condamné la société Aegefim à payer à titre provisionnel à la société Editta TR la somme de 107 040 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020 et capitalisation des intérêts, outre à la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté la société Aegefim de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 septembre 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Aegefim demande à la cour, au visa des articles 870 et 873, 1037-1 et 906-2 du code de procédure civile, 112-1, 1130 et suivants, 1178 du code civil, de la loi Hoguet du 2 janvier 1972 et de son décret d'application 72-678 du 20 juillet 1972, de :

'- relever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'intimées n°1 signifiées par la société Editta le 15 mai 2025 et toutes conclusions récapitulatives signifiées depuis par la Société Editta, en ce qu'elles n'ont pas été signifiées dans le respect des articles 1037-1 et 906-2 du code de procédure civile ,

en conséquence :

- recevoir la société Aegefim en son appel sur renvoi,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 18 février 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre,

- débouter la société Editta de l'intégralité de ses demandes et prétentions

statuant à nouveau :

- déclarer la société Editta irrecevable et mal fondée en ses demandes,

- débouter la société Editta de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Editta au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Editta au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Marie-Laure Abella en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 septembre auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Editta TR demande à la cour, au visa des articles L. 110-1 et suivants du code de commerce, 699, 700 et 873 du code de procédure civile, de :

'- débouter la société Aegefim de son incident tardif d'irrecevabilité au visa des articles 73 et suivants du Code de procédure civile.

- confirmer dans toutes ses dispositions les termes de l'ordonnance prononcée le 18 février 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner la société Aegefim à verser à la société Editta TR la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Aegefim aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé

En vertu des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, 'en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 906. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les vingt jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.'

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article 906-2 et les délais sont augmentés conformément à l'article 915-4.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé'.

Il appartient à la cour de se prononcer d'office sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée, dès lors que les délais prévus aux articles 906 et suivants du code de procédure civile sont d'ordre de public et que leur non-respect constitue une fin de non-recevoir, et non une exception de procédure comme invoqué à tort par l'intimée.

L'examen du RPVA démontre que la société Aegefim a notifié ses premières conclusions à la cour le 17 février 2025.

C'est cette date qui doit être retenue comme constituant le point de départ du délai imparti à l'intimé pour conclure.

En l'espèce, la société Editta a conclu le 5 mars 2025 en sollicitant la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile.

En vertu des dispositions de l'article 524 susvisé, 'la demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 906-2, 909, 910 et 911" et 'ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation'.

Cependant, cette demande de radiation ne relevait pas des pouvoirs du président de la chambre mais du Premier président, et la procédure engagée ensuite en ce sens par la société Editta n'a été introduite que par assignation du 28 mai 2025, soit postérieurement à l'expiration du délai prévu par l'article 524.

En conséquence, il convient de dire que les conclusions du 5 mars 2025 n'ont pas suspendu le délai imparti à la société Editta pour conclure.

Dès lors, les conclusions déposées le 15 mai 2025 sur le fond doivent être déclarées irrecevables comme tardives.

En conséquence, la société Editta est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour lors de la première procédure, étant précisé qu'il est indiqué dans l'arrêt du 18 novembre 2021 que la société Editta sollicitait de :

'- la déclarer recevable et fondée en ses moyens, fins et conclusions ;

- juger que la société Aegefim ne justifie pas de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance rendue le 18 février 2021 ;

- juger sa créance à l'encontre de la société Aegefim certaine, liquide et exigible ;

en conséquence,

- confirmer en tout point l'ordonnance rendue le 18 février 2021 par le juge des référés près du tribunal de commerce de Nanterre ;

- rejeter toutes autres demandes de la société Aegefim comme étant mal fondées ;

- condamner la société Aegefim à lui régler la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au pro't de la SELARL Minault Teriitehau agissant par Maître Teriitehau, avocat au barreau de Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Sur la demande de provision

La société Aegefim indique à titre liminaire avoir à nouveau consigné la somme de 109 540 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'autorisée par le premier président de la cour d'appel de Versailles le 10 juin 2021, affirmant qu'il s'agit d'une conséquence de la remise en état des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour du 18 novembre 2021.

Sur le fond, la société Aegefim affirme que la société Editta ne justifie pas d'un mandat régulier pour établir sa qualité d'intermédiaire et le bien-fondé de sa demande d'une rémunération à ce titre et argue de l'existence de contestations sérieuses.

Elle soutient qu'en l'absence de mandat régulier, la relation commerciale entre les parties ne repose sur aucun fondement et la facture qui en découle ne peut qu'être incertaine et son règlement injustifié.

L'appelante rappelle que la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972, d'ordre public, édictent les mentions légales impératives en matière de mandat, la rémunération de l'intermédiaire supposant un mandat écrit, signé et en cours de validité.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, le mandat n'a pas date certaine et qu'il n'avait donc plus aucune validité au jour de l'établissement de la facture, qu'il ne comporte pas le numéro d'inscription sur le registre et que la société Editta ne justifie pas de sa carte professionnelle, soulignant que les vendeurs eux-mêmes ont déclaré s'être opposés à être représentés par la société Editta.

La société Aegefim expose ensuite qu'il existe une contestation sérieuse sur le lien contractuel liant les parties dès lors que, si elle s'est adressée à la société Editta, c'est parce qu'elle pensait qu'elle était la représentante des propriétaires et qu'à défaut, elle a été victime d'une erreur sur la qualité de son interlocuteur et son consentement a été vicié.

Enfin, l'appelante affirme qu'il existe une erreur sur la qualité des parties, le mandat dont se prévaut la société Editta prévoyant que la rémunération du mandant est à la charge de l'acquéreur, ce que n'est pas la société Aegefim puisque les parcelles litigieuses ont été acquises par la SCCV Livry Gargan Jean Jaurès, dont elle est le représentant.

La société Aegefim conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle l'a condamnée à verser une provision de 107 040 euros à la société Editta.

Sur ce,

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision, celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En vertu de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

Tout mandat donné à un agent immobilier obéit aux règles du droit commun du mandat mais aussi à celles résultant de la loi dite 'Hoguet' (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et décret n°72-678 du 20juillet 1972). Ce dispositif spécial instaure un formalisme rigoureux dans le souci de protéger les particuliers des professionnels de l'immobilier. C'est à ce titre que ce dispositif déroge au consensualisme du contrat de mandat en imposant un certain nombre de prescriptions formelles.

L'article 1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 énonce que : 'Les dispositions de la présente loi

s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à:

- 1 L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

(...)

- 6 La gestion immobilière.'

Les articles 6 et 7 de la même loi précisent que :

- article 6 : 'I-Les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1 à 6 , doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat :

- Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d'argent, biens, effets ou valeurs à l'occasion de l'opération dont il s'agit ;

- Les modalités de la reddition de compte ;

- Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge.

- article 7 : 'Sont nulles les promesses et les conventions de toute nature relatives aux opérations visées à l'article 1er qui ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps.'

Cependant, il découle de l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, qui visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire, que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative.

Dès lors, les contestations élevées par la société Aegefim quant à la régularité du mandat de vente sans exclusivité conclu entre la société Editta et les consorts [L], [M] et [J] ne peuvent être qualifiées de sérieuses, puisque seuls les mandants de la société Editta pourraient s'en prévaloir.

Sont versés aux débats :

- une offre d'achat établie par la société Aegefim le 14 septembre 2017, portant sur 3 des 4 parcelles visées au mandat de vente, qui mentionne notamment que 'les frais d'intermédiaire qui vous concernent s'élèveront à 4% du prix d'achat net vendeur.',

- un courrier de la société Aegefim du 15 novembre 2017 qui indique 'dans le cadre de l'affaire en objet, et suite à l'envoi ce jour des courriers d'offre d'achat aux propriétaires que vous représentez, nous vous confirmons que les frais d'intermédiaire s'élèveront à 4% du prix d'achat net vendeur, soit 89 200 euros HT.',

- un courrier signé du président directeur général de la société Aegefim du 17 juin 2020 qui expose en substance : 'nous vous retournons votre facture que nous ne pouvons pas accepter en l'état et que nous vous demandons de modifier pour mise en paiement.

- la parcelle [Cadastre 2] n'est pas concernée par notre courrier du 15/11/2017 qui a entériné nos accords. Comme vous ne pouvez l'ignorer, nous sommes les seuls à avoir mené les négociations sur cette parcelle,

- vos honoraires pour les autres parcelles sont de 89 200 euros conformément à notre courrier du 15/11/2017.'

Il est donc établi que la société Aegefim s'était engagée à régler à la société Editta ses honoraires à hauteur de 89 200 euros hors taxes en contrepartie de son rôle d'intermédiaire dans la vente des parcelles litigieuses.

Il n'est pas sérieusement contestable que la vente a eu lieu à la suite de l'intermédiation de la société Editta, la circonstance que l'acte de vente indique que 'les parties déclarent que les conventions ont été négociées directement entre elles, sans le concours d'un intermédiaire' n'étant pas de nature à contredire les courriers circonstanciés établis par le président directeur général de la société Aegefim, tant en 2017 qu'en 2020, étant au surplus précisé que cette mention est purement déclarative et n'a pas été vérifiée par le notaire.

Il convient de souligner que le courrier du 17 juin 2020 est postérieur à la vente, intervenue le 5 juin 2020, et que la reconnaissance de la créance de la société Editta par le président directeur général de la société Aegefim, est donc particulièrement probante à ce titre.

La contestation de la société Aegefim liée à l'existence d'un vice du consentement, qui n'est étayée par aucune pièce, repose sur les seules allégations de l'appelante et ne peut donc être qualifiée de sérieuse.

Enfin, la circonstance que l'acquéreur final des terrains soit la SCCV Livry Gargan Jean Jaurès n'est pas davantage de nature à caractériser une contestation sérieuse, la facture ayant été établie au nom de la société Aegefim et l'acte de vente mentionnant comme parties présentes à l'acte :

- Mme [V] en qualité de vendeur,

- la SCCV Livry Gargan Jean Jaurès représentée par M. [Y] [K], directeur du développement, agissant en vertu d'une délégation de pouvoirs qui lui a été consentie par M. [A] [P], directeur de l'activité,

- M. [A] [P] représentant la société Aegefim, agissant en vertu d'une délégation de pouvoirs qui lui a été consentie par M. [Z] [E],

- M. [Z] [E] agissant en qualité de gérant statutaire de la société SCCV Livry Gargan Jean Jaurès,

- M. [A] [P] agissant en vertu d'une délégation de pouvoirs qui lui a été consentie par M. [Z] [E] agissant en qualité de président de la SAS [E], président directeur général de la société Aegefim,

- la SAS [E] agissant en qualité de président directeur général de la société Aegefim,

tous éléments démontrant l'implication de la société Aegefim dans le processus de vente et l'imbrication entre les sociétés Aegefim et Livry Gargan Jean Jaurès.

Finalement, il apparaît que la créance de la société Editta est établie avec l'évidence requise et l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Aegefim à verser à la société Editta la somme provisionnelle de 107 040 euros à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Aegefim ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Editta la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu sur renvoi après cassation,

Déclare irrecevables les conclusions de la société Editta ;

Confirme l'ordonnance querellée ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Aegefim aux dépens d'appel ;

Condamne la société Aegefim à verser à la société Editta la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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