CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 23 octobre 2025, n° 22/09711
PARIS
Autre
Autre
Copies exécutoires
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09711 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXBK
Décision déférée à la cour : jugement du 17 octobre 2022 -conseil de prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/02428
APPELANTE
Comité Inter-entreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français
(CI ORTF)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas HOLLANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P469
INTIME
Monsieur [V] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J152
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sophie Capitaine, en présence de Mme Hanane KHARRAT, greffière
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente, et par Madame Hanane KHARRAT, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [O] a été engagé par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français ( CI ORTF), qui a pour activité la gestion des activités sociales des entreprises de l'audiovisuel public, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 mars 2013, en qualité de responsable du service technique, achats, informatique et logistique, statut cadre CA3-6, coefficient 945 de l'avenant 2 à l'accord d'entreprise du 14 mai 2009.
Par lettre du 8 janvier 2021, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 janvier 2021.
Par lettre du 22 janvier 2021, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi le 22 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 17 octobre 2022, a :
- fixé la moyenne des salaires à la somme de 4 988,33 euros,
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] la somme de 39 906,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné au Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de remettre sans tarder à M. [O] les documents salariaux de fin de contrat conformes au jugement,
- débouté M. [O] du surplus de ses demandes,
- débouté le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de ses demandes,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux dépens.
Le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français a interjeté appel de ce jugement le 28 novembre 2022.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 juin 2025, le CI ORTF demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau
à titre principal
- débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire
- réduire ses prétentions à de plus justes proportions,
- condamner M. [O] à verser au Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2025, M. [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
en conséquence,
- dire et juger que le licenciement de M. [O] est sans cause réelle et sérieuse,
- requalifier le licenciement de M. [O] pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] les sommes suivantes :
- 39 906,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à remettre à M. [O] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement à intervenir,
- débouter le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux entiers dépens,
et, en tout état de cause
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 2 septembre 2025.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le licenciement:
La lettre de licenciement adressée le 22 janvier 2021 à M. [O] contient les motifs suivants;
'(...) Or, nous avons été amenés à constater des difficultés et insuffisances majeures dans le cadre de votre contrat de travail et qui sont incompatibles avec les exigences de votre poste.
Ces difficultés et insuffisances peuvent avoir des conséquences financières, mais aussi en matière de sécurité pour les usagers du CI ORTF, parmi lesquels des mineurs.
En particulier, vous vous contentez de suivre de façon lointaine les travaux nécessaires à la réalisation des projets du CI ORTF, sans effectuer les diligences nécessaires à l'avancée de ces derniers, alors que votre poste exige une démarche proactive et dynamique dans la gestion de ces projets. Vous êtes, en effet, le référent du CI ORTF dans la mise en 'uvre de ces travaux.
À titre d'exemple, et en dernier lieu, nous avons eu à déplorer des carences dans la gestion du chantier de [Localité 6] et de la construction de son SPA. En effet, le 9 décembre 2020, lors d'une rencontre rassemblant 6 personnes sur site, en présence de la Secrétaire, de l'équipe du CI ORTF et des architectes, nous avons découvert que vous n'aviez pas accompli les diligences nécessaires pour permettre le dépôt de la demande de permis de construire occasionnant un retard de plusieurs mois dans ce chantier. Pour pallier vos défaillances, le Bureau des élus a dû intervenir pour faire effectuer les démarches nécessaires.
Des manquements potentiellement graves ont également été relevés dans le traitement du dossier du centre pour enfants de [Localité 11], et tout particulièrement votre négligence dans la gestion de l'autorisation d'exploitation délivrée par la Commission de sécurité. Sans la réaction in extremis les autorités locales, si le CI ORTF avait suivi vos préconisations, la colonie de vacances aurait ouvert sans ce contrôle obligatoire ni l' autorisation d'exploitation, créant un risque juridique pour le CI ORTF et pire encore, au mépris de la sécurité des mineurs.
De manière générale, nous déplorons votre manque d'anticipation et d'initiative dans la gestion de vos missions qui s'ajoutent à un manque d'autonomie dans la gestion des tâches que vous êtes supposé exécuter.
En dépit des différents échanges sur les carences constatées dans l'exécution de vos missions, vous persistez à vous dédouaner de votre responsabilité en reportant sur les autres les insuffisances qui vous sont imputables et vous ne parvenez pas à vous remettre en question.
Cette situation rend impossible la poursuite de notre collaboration, nous avons donc décidé de vous licencier en raison de votre insuffisance professionnelle.
Votre préavis d'une durée de quatre mois débutera à la date de première présentation du présent courrier. Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis. (...)'
A la demande du salarié, le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français a, dans un courrier du 11 février 2021, précisé ainsi les motifs du licenciement :
(...)« En premier lieu, vous semblez minimiser les conséquences des carences dont vous avez fait preuve dans la gestion du chantier de [Localité 6] et de [Localité 11].
Or, et sans être exhaustif, vos manquements auraient pu, s'agissant du centre de [Localité 11], mettre en danger les enfants dont nous avons la responsabilité dans le cadre de nos colonies de vacances et entraîner une fermeture de ce centre.
S'agissant de [Localité 6], vos manquements ont entraîné un retard de plusieurs mois dans la construction du Spa.
En second lieu, vous soutenez que votre compétence professionnelle n'a jamais été remise en cause depuis votre embauche en mars 2013. Vous vous étonnez, à cet égard, des termes de votre lettre de licenciement indiquant notamment que vous manquez d'anticipation et d'initiative dans la gestion de vos missions ce qui s'ajoute à un manque d'autonomie dans la gestion des tâches que vous êtes supposé exécuter.
Or, et encore une fois, sans être exhaustif :
' Vous avez manqué d'anticipation pour la Commission de sécurité triennale de [Localité 5] et [Localité 9] puisque vous n'avez pas sollicité les mairies concernées dans les temps nous poussant à agir dans l'urgence. Plus particulièrement, nous avons dû leur adresser un courrier le 4 février 2021 pour un passage en mars à [Localité 5] et avant le 14 février à [Localité 9] ;
'Vous n'avez ni anticipé ni assuré la gestion de la réfection du centre de vacances de [Localité 7] poussant encore une fois le bureau à pallier vos carences.
' La nécessité de vous améliorer a été relevée lors de vos entretiens professionnels et une formation a même été mise en place.
Dans ces circonstances, nous maintenons l'intégralité des termes de notre courrier du 22 janvier dernier. (...)
Le Comité considère que le licenciement est fondé sur une insuffisance professionnelle,
la maîtrise des chantiers dans tous leurs aspects n'étant pas optimale, comme le compte-rendu d'entretien professionnel du 21 janvier 2019 l'avait déjà indiqué, alors qu'une formation spécifique de 11 jours avait été dispensée à l'intéressé en 2017.
En ce qui concerne la gestion du chantier de [Localité 6], il souligne le manque de rigueur et de professionnalisme du salarié qui n'avait pas effectué les démarches pour obtenir le permis de construire, occasionnant ainsi un retard de plusieurs mois, l'intéressé ne pouvant reporter la responsabilité de ce manquement sur l'architecte.
En ce qui concerne l'autorisation d'exploitation de l'établissement de [Localité 11], il fait valoir qu'elle était nécessaire après une fermeture de plus de 10 mois et qu'à défaut d'intervention des autorités locales, la colonie de vacances aurait ouvert au mépris de la règlementation.
Il critique également le manque d'anticipation, d'initiative et d'autonomie du salarié, présentant plusieurs exemples à ce titre et conclut à l'infirmation du jugement.
M. [O] fait valoir qu'il a mis en 'uvre les contrôles sollicités par l'architecte dans le dossier [Localité 6], qu'il n'a eu certaines précisions de l'architecte que début décembre 2020, que les retards sont imputables à ce dernier, qu'il n'a lui-même disposé d'une délégation de pouvoirs que le 14 décembre 2020 et que le budget d'investissement 2021 n'a été voté que la veille de sa convocation à entretien préalable, qu'aucune carence ne saurait donc lui être reprochée. En ce qui concerne le chantier de [Localité 11], il rappelle que la demande d'autorisation d'ouverture ne pouvait être sollicitée qu'après la réalisation des travaux, lesquels ont été achevés en octobre 2020 et qu'aucune négligence ne peut lui être imputée, pas plus d'ailleurs au sujet de la section vacances de [Localité 8] au sujet de laquelle l'employeur ne produit aucune pièce. Alors que le CI ORTF ne l'a jamais alerté sur de prétendues défaillances dans l'exercice de ses fonctions, il relève l'inconsistance des motifs invoqués et rappelle n'avoir pas eu les moyens d'accomplir ses fonctions. Traumatisé par ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et faisant état d'une recherche d'emploi vaine eu égard à son âge et à sa santé, il sollicite la somme de 39'906,64 euros en réparation.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L'insuffisance professionnelle, qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié et suffisamment pertinents, est contemporaine du licenciement et perturbe la bonne marche de l'entreprise
La lettre de licenciement - ainsi que les précisions apportées consécutivement - fixant les limites du litige, les arguments des parties relatifs à une carte de journaliste obtenue par M. [O] ne seront pas discutés.
En l'espèce, la fiche de poste du responsable du STAIL (service technique, achat, informatique et logistique) prévoit qu'il doit 'superviser, organiser et coordonner le service technique, achats, informatique et logistique du CI ORTF, collecter les informations auprès des responsables opérationnels, avoir une vision globale, claire et dynamique de la stratégie définie par le Bureau des Elus, encadrer une équipe pluridisciplinaire de cadres, techniciens et d'employés administratifs, garantir le respect et la mise à jour de la réglementation en vigueur'.
En outre, selon cette fiche, cet emploi impose de 'conduire et assurer les opérations relatives aux travaux de maintien en état et de développement des centres du patrimoine'.
Si, dans le courriel du 10 décembre 2020, l'architecte à qui le chantier [Localité 6] avait été confié rappelait la nécessité d'un contrôle technique de l'Apave, force est de constater que son message précédent du 20 octobre indiquant ' j'ai contacté l'Apave. Il n'ont qu'un contrat pour recherche d'amiante approuvé. Ils m'ont envoyé la proposition pour la mission de contrôle technique et de coordination SPS que je vous fais suivre. Je pense que vous avez aussi l'obligation de prendre une mission de coordonnateur SSI. Si vous n'avez pas de contrat cadre avec l'Apave, vous avez intérêt éventuellement à consulter d'autres bureaux de contrôle pour les mêmes missions', sans qu'il soit justifié du transfert de ladite proposition de mission, avait une teneur plutôt indécise ne permettant pas que la responsabilité de M. [O] soit retenue dans le retard constaté, non seulement en raison du budget d'investissements qui n'a été voté que le 7 janvier 2021, de différents atermoiements constatés par ailleurs dans la signature de l'assurance dommages-ouvrage et à raison de la modification des plans initiaux. Et ce, d'autant que la supérieure hiérarchique de l'intimé, Secrétaire du Comité, avait indiqué dans un courriel du 20 mai 2020 à un autre salarié ' je m'inquiète de n'avoir aucune nouvelle de l'architecte pour le Spa dont la construction doit commencer en septembre. Ni [V] ni moi n'étant très disponible en ce moment, avec le surcroît de travail dû à la crise sanitaire, pourrais-tu STP prendre contact avec l'archi pour t'assurer de son implication et du respect du délai fixé ''.
S'agissant de l'établissement de [Localité 11], alors que divers échanges de courriels montrent les interventions de M. [O] dans les travaux et leur suivi, il n'est pas démontré par l'employeur une carence manifeste du salarié dans ses missions, alors que la visite périodique de sécurité a eu lieu le 26 juin 2020, soit avant l'ouverture prévue, et que les périodes de confinement n'ont pas été prises en considération dans les reproches qui lui ont été faits.
Quant à la rénovation du centre de vacances de [Localité 8] et à la construction d'une nouvelle salle polyvalente, aucun élément permettant de constater une carence du salarié n'est produit par l'employeur, les courriels versés aux débats ne permettant pas de retenir l'imputabilité à l'intimé de la lenteur des travaux.
Par ailleurs, relativement au passage de la commission de sécurité (sur une périodicité triennale) pour les centres de [Localité 5] et [Localité 9], si le CI ORTF produit les deux courriers du 4 février 2021 de Mme [F], supérieure hiérarchique de M. [O], sollicitant le maire de chacune de ces communes en ce sens, force est de constater que seul un manque d'anticipation peut éventuellement être opposé à ce dernier pour le second établissement
- qui disposait d'un directeur ( dont les compétences à ce sujet ne sont pas déterminées) - puisque la visite devait intervenir avant le 14 février 2018, aucun reproche ne pouvant valablement être fait à l'intimé, en revanche, relativement à la visite de [Localité 5] en mars 2021 (sans autre précision), alors qu'il était licencié (lettre de licenciement du 22 janvier 2021) et dispensé d'exécuter son préavis.
S'agissant enfin des autres carences et manques d'anticipation, il n'en est pas justifié par l'employeur relativement au site de [Localité 10], le courriel du consultant accessibilité adressé à M. [O] en date du 24 janvier 2020 ne pouvant suffire à imputer à ce dernier des défauts dans les mises aux normes des bâtiments.
Il en va de même des autres sites évoqués par le Comité, qui n'appuie ses griefs sur aucune pièce permettant de les objectiver.
Par conséquent, bien que M. [O] ait bénéficié d'une formation en 2017 et que son entretien d'évaluation ait mis l'accent sur la nécessité de la mettre en oeuvre 'sur le terrain' sans toutefois constituer une quelconque alerte du salarié sur son efficacité professionnelle, les carences dans l'anticipation mises au jour, dont l'importance et la prégnance devaient être relativisées à la période du licenciement, postérieure à divers bouleversements liés à la crise sanitaire, ne pouvaient suffire à fonder un licenciement, en l'absence de toute mise en garde antérieure et en l'état du surcroît de travail reconnu par la Secrétaire du CI ORTF ( cf son message cité supra).
Le jugement de première instance, qui a constaté que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, doit donc être confirmé.
Tenant compte de l'âge du salarié ( né en 1963) au moment de la rupture, de son ancienneté (remontant au 4 mars 2013), de son salaire moyen mensuel brut (soit 4 988,33 euros, montant non contesté par l'employeur), des justificatifs de sa situation de demandeur d'emploi après la rupture et jusqu'en mars 2025, il y a lieu de fixer à 30 000 euros l'indemnisation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l'article L.1235-3 du code du travail prévoyant une indemnisation comprise entre 3 et 8 mois de salaire.
Le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.
Sur les intérêts:
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires confirmées à compter de la décision qui les fixe.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que les intérêts de la somme indemnitaire fixée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse couraient à compter du prononcé du jugement.
Sur la remise de documents:
La remise d'une attestation France Travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose.
Sur le remboursement des indemnités de chômage:
Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de M. [O] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français des indemnités de chômage perçues par l'intéressé, dans la limite de deux mois d'indemnités.
Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de France Travail, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles:
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 2 500 € à M. [O], à la charge du Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français dont les demandes à ce titre sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à payer à M. [V] [O] les sommes de :
- 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à M. [O] d'une attestation France Travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans les deux mois suivant sa signification,
ORDONNE le remboursement par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage payées à M. [O] dans la limite de deux mois d'indemnités,
ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de France Travail,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09711 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXBK
Décision déférée à la cour : jugement du 17 octobre 2022 -conseil de prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/02428
APPELANTE
Comité Inter-entreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français
(CI ORTF)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas HOLLANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P469
INTIME
Monsieur [V] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J152
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sophie Capitaine, en présence de Mme Hanane KHARRAT, greffière
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente, et par Madame Hanane KHARRAT, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [O] a été engagé par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français ( CI ORTF), qui a pour activité la gestion des activités sociales des entreprises de l'audiovisuel public, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 mars 2013, en qualité de responsable du service technique, achats, informatique et logistique, statut cadre CA3-6, coefficient 945 de l'avenant 2 à l'accord d'entreprise du 14 mai 2009.
Par lettre du 8 janvier 2021, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 janvier 2021.
Par lettre du 22 janvier 2021, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi le 22 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 17 octobre 2022, a :
- fixé la moyenne des salaires à la somme de 4 988,33 euros,
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] la somme de 39 906,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné au Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de remettre sans tarder à M. [O] les documents salariaux de fin de contrat conformes au jugement,
- débouté M. [O] du surplus de ses demandes,
- débouté le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de ses demandes,
- condamné le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux dépens.
Le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français a interjeté appel de ce jugement le 28 novembre 2022.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 juin 2025, le CI ORTF demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau
à titre principal
- débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire
- réduire ses prétentions à de plus justes proportions,
- condamner M. [O] à verser au Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2025, M. [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
en conséquence,
- dire et juger que le licenciement de M. [O] est sans cause réelle et sérieuse,
- requalifier le licenciement de M. [O] pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] les sommes suivantes :
- 39 906,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à remettre à M. [O] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement à intervenir,
- débouter le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux entiers dépens,
et, en tout état de cause
- condamner le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à verser à M. [O] 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 2 septembre 2025.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le licenciement:
La lettre de licenciement adressée le 22 janvier 2021 à M. [O] contient les motifs suivants;
'(...) Or, nous avons été amenés à constater des difficultés et insuffisances majeures dans le cadre de votre contrat de travail et qui sont incompatibles avec les exigences de votre poste.
Ces difficultés et insuffisances peuvent avoir des conséquences financières, mais aussi en matière de sécurité pour les usagers du CI ORTF, parmi lesquels des mineurs.
En particulier, vous vous contentez de suivre de façon lointaine les travaux nécessaires à la réalisation des projets du CI ORTF, sans effectuer les diligences nécessaires à l'avancée de ces derniers, alors que votre poste exige une démarche proactive et dynamique dans la gestion de ces projets. Vous êtes, en effet, le référent du CI ORTF dans la mise en 'uvre de ces travaux.
À titre d'exemple, et en dernier lieu, nous avons eu à déplorer des carences dans la gestion du chantier de [Localité 6] et de la construction de son SPA. En effet, le 9 décembre 2020, lors d'une rencontre rassemblant 6 personnes sur site, en présence de la Secrétaire, de l'équipe du CI ORTF et des architectes, nous avons découvert que vous n'aviez pas accompli les diligences nécessaires pour permettre le dépôt de la demande de permis de construire occasionnant un retard de plusieurs mois dans ce chantier. Pour pallier vos défaillances, le Bureau des élus a dû intervenir pour faire effectuer les démarches nécessaires.
Des manquements potentiellement graves ont également été relevés dans le traitement du dossier du centre pour enfants de [Localité 11], et tout particulièrement votre négligence dans la gestion de l'autorisation d'exploitation délivrée par la Commission de sécurité. Sans la réaction in extremis les autorités locales, si le CI ORTF avait suivi vos préconisations, la colonie de vacances aurait ouvert sans ce contrôle obligatoire ni l' autorisation d'exploitation, créant un risque juridique pour le CI ORTF et pire encore, au mépris de la sécurité des mineurs.
De manière générale, nous déplorons votre manque d'anticipation et d'initiative dans la gestion de vos missions qui s'ajoutent à un manque d'autonomie dans la gestion des tâches que vous êtes supposé exécuter.
En dépit des différents échanges sur les carences constatées dans l'exécution de vos missions, vous persistez à vous dédouaner de votre responsabilité en reportant sur les autres les insuffisances qui vous sont imputables et vous ne parvenez pas à vous remettre en question.
Cette situation rend impossible la poursuite de notre collaboration, nous avons donc décidé de vous licencier en raison de votre insuffisance professionnelle.
Votre préavis d'une durée de quatre mois débutera à la date de première présentation du présent courrier. Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis. (...)'
A la demande du salarié, le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français a, dans un courrier du 11 février 2021, précisé ainsi les motifs du licenciement :
(...)« En premier lieu, vous semblez minimiser les conséquences des carences dont vous avez fait preuve dans la gestion du chantier de [Localité 6] et de [Localité 11].
Or, et sans être exhaustif, vos manquements auraient pu, s'agissant du centre de [Localité 11], mettre en danger les enfants dont nous avons la responsabilité dans le cadre de nos colonies de vacances et entraîner une fermeture de ce centre.
S'agissant de [Localité 6], vos manquements ont entraîné un retard de plusieurs mois dans la construction du Spa.
En second lieu, vous soutenez que votre compétence professionnelle n'a jamais été remise en cause depuis votre embauche en mars 2013. Vous vous étonnez, à cet égard, des termes de votre lettre de licenciement indiquant notamment que vous manquez d'anticipation et d'initiative dans la gestion de vos missions ce qui s'ajoute à un manque d'autonomie dans la gestion des tâches que vous êtes supposé exécuter.
Or, et encore une fois, sans être exhaustif :
' Vous avez manqué d'anticipation pour la Commission de sécurité triennale de [Localité 5] et [Localité 9] puisque vous n'avez pas sollicité les mairies concernées dans les temps nous poussant à agir dans l'urgence. Plus particulièrement, nous avons dû leur adresser un courrier le 4 février 2021 pour un passage en mars à [Localité 5] et avant le 14 février à [Localité 9] ;
'Vous n'avez ni anticipé ni assuré la gestion de la réfection du centre de vacances de [Localité 7] poussant encore une fois le bureau à pallier vos carences.
' La nécessité de vous améliorer a été relevée lors de vos entretiens professionnels et une formation a même été mise en place.
Dans ces circonstances, nous maintenons l'intégralité des termes de notre courrier du 22 janvier dernier. (...)
Le Comité considère que le licenciement est fondé sur une insuffisance professionnelle,
la maîtrise des chantiers dans tous leurs aspects n'étant pas optimale, comme le compte-rendu d'entretien professionnel du 21 janvier 2019 l'avait déjà indiqué, alors qu'une formation spécifique de 11 jours avait été dispensée à l'intéressé en 2017.
En ce qui concerne la gestion du chantier de [Localité 6], il souligne le manque de rigueur et de professionnalisme du salarié qui n'avait pas effectué les démarches pour obtenir le permis de construire, occasionnant ainsi un retard de plusieurs mois, l'intéressé ne pouvant reporter la responsabilité de ce manquement sur l'architecte.
En ce qui concerne l'autorisation d'exploitation de l'établissement de [Localité 11], il fait valoir qu'elle était nécessaire après une fermeture de plus de 10 mois et qu'à défaut d'intervention des autorités locales, la colonie de vacances aurait ouvert au mépris de la règlementation.
Il critique également le manque d'anticipation, d'initiative et d'autonomie du salarié, présentant plusieurs exemples à ce titre et conclut à l'infirmation du jugement.
M. [O] fait valoir qu'il a mis en 'uvre les contrôles sollicités par l'architecte dans le dossier [Localité 6], qu'il n'a eu certaines précisions de l'architecte que début décembre 2020, que les retards sont imputables à ce dernier, qu'il n'a lui-même disposé d'une délégation de pouvoirs que le 14 décembre 2020 et que le budget d'investissement 2021 n'a été voté que la veille de sa convocation à entretien préalable, qu'aucune carence ne saurait donc lui être reprochée. En ce qui concerne le chantier de [Localité 11], il rappelle que la demande d'autorisation d'ouverture ne pouvait être sollicitée qu'après la réalisation des travaux, lesquels ont été achevés en octobre 2020 et qu'aucune négligence ne peut lui être imputée, pas plus d'ailleurs au sujet de la section vacances de [Localité 8] au sujet de laquelle l'employeur ne produit aucune pièce. Alors que le CI ORTF ne l'a jamais alerté sur de prétendues défaillances dans l'exercice de ses fonctions, il relève l'inconsistance des motifs invoqués et rappelle n'avoir pas eu les moyens d'accomplir ses fonctions. Traumatisé par ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et faisant état d'une recherche d'emploi vaine eu égard à son âge et à sa santé, il sollicite la somme de 39'906,64 euros en réparation.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L'insuffisance professionnelle, qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié et suffisamment pertinents, est contemporaine du licenciement et perturbe la bonne marche de l'entreprise
La lettre de licenciement - ainsi que les précisions apportées consécutivement - fixant les limites du litige, les arguments des parties relatifs à une carte de journaliste obtenue par M. [O] ne seront pas discutés.
En l'espèce, la fiche de poste du responsable du STAIL (service technique, achat, informatique et logistique) prévoit qu'il doit 'superviser, organiser et coordonner le service technique, achats, informatique et logistique du CI ORTF, collecter les informations auprès des responsables opérationnels, avoir une vision globale, claire et dynamique de la stratégie définie par le Bureau des Elus, encadrer une équipe pluridisciplinaire de cadres, techniciens et d'employés administratifs, garantir le respect et la mise à jour de la réglementation en vigueur'.
En outre, selon cette fiche, cet emploi impose de 'conduire et assurer les opérations relatives aux travaux de maintien en état et de développement des centres du patrimoine'.
Si, dans le courriel du 10 décembre 2020, l'architecte à qui le chantier [Localité 6] avait été confié rappelait la nécessité d'un contrôle technique de l'Apave, force est de constater que son message précédent du 20 octobre indiquant ' j'ai contacté l'Apave. Il n'ont qu'un contrat pour recherche d'amiante approuvé. Ils m'ont envoyé la proposition pour la mission de contrôle technique et de coordination SPS que je vous fais suivre. Je pense que vous avez aussi l'obligation de prendre une mission de coordonnateur SSI. Si vous n'avez pas de contrat cadre avec l'Apave, vous avez intérêt éventuellement à consulter d'autres bureaux de contrôle pour les mêmes missions', sans qu'il soit justifié du transfert de ladite proposition de mission, avait une teneur plutôt indécise ne permettant pas que la responsabilité de M. [O] soit retenue dans le retard constaté, non seulement en raison du budget d'investissements qui n'a été voté que le 7 janvier 2021, de différents atermoiements constatés par ailleurs dans la signature de l'assurance dommages-ouvrage et à raison de la modification des plans initiaux. Et ce, d'autant que la supérieure hiérarchique de l'intimé, Secrétaire du Comité, avait indiqué dans un courriel du 20 mai 2020 à un autre salarié ' je m'inquiète de n'avoir aucune nouvelle de l'architecte pour le Spa dont la construction doit commencer en septembre. Ni [V] ni moi n'étant très disponible en ce moment, avec le surcroît de travail dû à la crise sanitaire, pourrais-tu STP prendre contact avec l'archi pour t'assurer de son implication et du respect du délai fixé ''.
S'agissant de l'établissement de [Localité 11], alors que divers échanges de courriels montrent les interventions de M. [O] dans les travaux et leur suivi, il n'est pas démontré par l'employeur une carence manifeste du salarié dans ses missions, alors que la visite périodique de sécurité a eu lieu le 26 juin 2020, soit avant l'ouverture prévue, et que les périodes de confinement n'ont pas été prises en considération dans les reproches qui lui ont été faits.
Quant à la rénovation du centre de vacances de [Localité 8] et à la construction d'une nouvelle salle polyvalente, aucun élément permettant de constater une carence du salarié n'est produit par l'employeur, les courriels versés aux débats ne permettant pas de retenir l'imputabilité à l'intimé de la lenteur des travaux.
Par ailleurs, relativement au passage de la commission de sécurité (sur une périodicité triennale) pour les centres de [Localité 5] et [Localité 9], si le CI ORTF produit les deux courriers du 4 février 2021 de Mme [F], supérieure hiérarchique de M. [O], sollicitant le maire de chacune de ces communes en ce sens, force est de constater que seul un manque d'anticipation peut éventuellement être opposé à ce dernier pour le second établissement
- qui disposait d'un directeur ( dont les compétences à ce sujet ne sont pas déterminées) - puisque la visite devait intervenir avant le 14 février 2018, aucun reproche ne pouvant valablement être fait à l'intimé, en revanche, relativement à la visite de [Localité 5] en mars 2021 (sans autre précision), alors qu'il était licencié (lettre de licenciement du 22 janvier 2021) et dispensé d'exécuter son préavis.
S'agissant enfin des autres carences et manques d'anticipation, il n'en est pas justifié par l'employeur relativement au site de [Localité 10], le courriel du consultant accessibilité adressé à M. [O] en date du 24 janvier 2020 ne pouvant suffire à imputer à ce dernier des défauts dans les mises aux normes des bâtiments.
Il en va de même des autres sites évoqués par le Comité, qui n'appuie ses griefs sur aucune pièce permettant de les objectiver.
Par conséquent, bien que M. [O] ait bénéficié d'une formation en 2017 et que son entretien d'évaluation ait mis l'accent sur la nécessité de la mettre en oeuvre 'sur le terrain' sans toutefois constituer une quelconque alerte du salarié sur son efficacité professionnelle, les carences dans l'anticipation mises au jour, dont l'importance et la prégnance devaient être relativisées à la période du licenciement, postérieure à divers bouleversements liés à la crise sanitaire, ne pouvaient suffire à fonder un licenciement, en l'absence de toute mise en garde antérieure et en l'état du surcroît de travail reconnu par la Secrétaire du CI ORTF ( cf son message cité supra).
Le jugement de première instance, qui a constaté que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, doit donc être confirmé.
Tenant compte de l'âge du salarié ( né en 1963) au moment de la rupture, de son ancienneté (remontant au 4 mars 2013), de son salaire moyen mensuel brut (soit 4 988,33 euros, montant non contesté par l'employeur), des justificatifs de sa situation de demandeur d'emploi après la rupture et jusqu'en mars 2025, il y a lieu de fixer à 30 000 euros l'indemnisation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l'article L.1235-3 du code du travail prévoyant une indemnisation comprise entre 3 et 8 mois de salaire.
Le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.
Sur les intérêts:
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires confirmées à compter de la décision qui les fixe.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que les intérêts de la somme indemnitaire fixée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse couraient à compter du prononcé du jugement.
Sur la remise de documents:
La remise d'une attestation France Travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose.
Sur le remboursement des indemnités de chômage:
Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de M. [O] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français des indemnités de chômage perçues par l'intéressé, dans la limite de deux mois d'indemnités.
Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de France Travail, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles:
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 2 500 € à M. [O], à la charge du Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français dont les demandes à ce titre sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à payer à M. [V] [O] les sommes de :
- 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français à M. [O] d'une attestation France Travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans les deux mois suivant sa signification,
ORDONNE le remboursement par le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage payées à M. [O] dans la limite de deux mois d'indemnités,
ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de France Travail,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE le Comité Interentreprises des Organismes de Radio et de Télévision Français aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE