CA Montpellier, 4e ch. civ., 23 octobre 2025, n° 24/03238
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Anj Nautic (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Bruey, Mme Franco
Avocats :
Me Nougaret-Fischer, Me Trezeguet
FAITS ET PRÉTENTION
1- Entre le 20 juillet 2021 et le 9 février 2022, M. [W] [T] a bénéficié de prestations de réparation pour son bateau effectuées par la société Anj Nautic.
2- Par acte de commissaire de justice des 16 et 28 novembre 2023, la société Anj Nautic a fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Perpignan aux fins de le voir condamner à payer diverses sommes.
3- Par jugement du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
' Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. [T],
' Déclaré recevable l'action de la société Anj Nautic,
' Débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
' Condamné M. [T] à payer à la société Anj Nautic la somme de 6 353,29 euros TTC,
' Débouté la société Anj Nautic de sa demande de prononcé d'une astreinte,
' Condamné M. [T] à payer à la société Anj Nautic la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamné M. [T] aux dépens,
' Rappelé que l'exécution provisoire assortir de droit la présente décision.
4- M. [T] a relevé appel de ce jugement le 21 juin 2024.
PRÉTENTIONS
5- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 19 septembre 2024, M. [T] demande à la cour, au visa des articles 112, 117, 754, 649 et suivants du code de procédure civile, L218-2, L111-1, L.111-2, L111-5, L111-8, L221-5, R221-2, D111-13, L242-1 du code de la consommation et 1217 et suivant du code civil, de :
' Déclarer recevable et bien fondé M. [T] en son appel de la décision rendue le 25 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Perpignan ;
Y faisant droit,
' Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 25 mars 2024 en ce qu'il a :
Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. [T],
Déclaré recevable l'action de la société Anj Nautic,
Débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
Condamné M. [T] à payer à la société Anj Nautic la somme de 6 353,29 euros TTC,
Condamné M. [T] à payer à la société Anj Nautic la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné société Anj Nautic aux dépens.
' Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 25 mars 2024 en ce qu'il a : - Débouté la société Anj Nautic de sa demande de prononcé d'une astreinte ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
' Prononcer la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des demandes formulées par la société Anj Nautic,
' Prononcer la caducité de l'instance en raison du défaut de l'enrôlement de l'assignation,
' Débouter en conséquence, la société Anj Nautic de la totalité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre.
A titre subsidiaire,
' Constater la prescription de l'action engagée par la société Anj Nautic à son encontre,
' Déclarer en conséquence irrecevables la totalité des demandes de la société Anj Nautic à son encontre
À titre très subsidiaire,
' Constater que les travaux effectués par la société Anj Nautic n'ont pas été correctement réalisés,
' Constater que les travaux effectués par la société Anj Nautic lui ont occasionné des frais, qui a été obligé d'effectuer des réparations,
' Débouter en conséquence, la société Anj Nautic de la totalité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
' Condamner en toute hypothèse la société Anj Nautic à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis.
À titre plus subsidiaire,
' Constater la nullité du contrat conclu entre les parties,
' Débouter en conséquence, la société Anj Nautic de la totalité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
' Condamner en toute hypothèse la société Anj Nautic à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis.
A titre infiniment subsidiaire,
' Ordonner une expertise judiciaire.
' Entendre voir nommer tel expert qui plaira à la cour de désigner avec pour mission de :
Dire que l'expert devra procéder à l'examen de son navire de type SUPER MARAMU sis au [Localité 7] de [Localité 5],
Décrire les travaux effectués par la société Anj Nautic et déterminer s'ils ont été effectués dans les règles de l'art,
Déterminer les causes des désordres,
Déterminer le montant des réparations pour y remédier et en chiffrer le coût,
Fournir tout élément technique et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices de tous ordres subis par lui.
' Juger que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près ce tribunal.
' Dire et juger que l'expertise aura lieu aux frais avancés de la société Anj Nautic,
' Condamner la société Anj Nautic à payer la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner la société Anj Nautic aux entiers dépens.
6- La société Anj Nautic n'a pas constitué avocat :
La déclaration d'appel lui a été signifiée suivant acte délivré le 1er août 2024, remis à domicile.
Les conclusions lui ont été signifiées suivant acte délivré le 25 septembre 2024, par dépôt étude.
7- Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 août 2025.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
8- Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
9- M. [T] critique le jugement en ce qu'il n'a pas répondu au moyen qu'il soulevait lié à la caducité de la second assignation rectificative en ce qu'elle n'aurait pas été remise au moins quinze jours avant l'audience, étant alors dépourvue d'intérêt interruptif de prescription et l'instance étant éteinte.
10- Toutefois, il ne ressort d'aucun élément de son dossier - ses conclusions de première instance ne sont pas produites- ou des motivations du jugement que M. [T] a effectivement soulevé devant le premier juge une quelconque difficulté relative à la caducité de la seconde assignation rectifiant l'horaire de l'audience à laquelle il était convoqué.
11- M. [T] reprend la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du professionnel à l'encontre du consommateur en application de l'article L. 218-2 du code de la consommation et écartée par le premier juge qui a considéré que les termes de courriels contenaient des formules traduisant sa volonté de demander des délais de paiement, de telle sorte que la prescription avait été interrompue en application de l'article 2240 du code civil et que le point de départ de la prescription se situait au 23 février 2022 de telle sorte que l'action engagée n'était pas prescrite.
12- Le premier juge a analysé le courriel du 23 février 2022 en constatant que M. [T], tout en contestant le montant et la production tardive de la facture envoyée et en demandant une réduction du coût des travaux y précisait notamment qu'il entendait 'solutionner au mieux et à l'amiable cette affaire' en proposant de régler la somme de 6389,62€ ; le premier juge constatait que par un mail du 17 mars 2022, M. [T] précisait que son paiement se ferait en deux étapes.
13- En l'état de ces constatations et appréciations, le premier juge a pu justement considérer que la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation avait été interrompue par la reconnaissance du débiteur du droit contre lequel il prescrit et rejeter en conséquence la prescription de l'action opposée par M. [T].
14- M. [T] produit en cause d'appel les pièces par lui produites en première instance (attestations, factures de travaux postérieures à l'intervention de la société ANJ Nautic) qui seraient de nature à établir la mauvaise exécution des travaux par elle effectués. Il considère qu'en l'absence de devis, le premier juge a inversé la charge de la preuve.
15- Toutefois, par une analyse extrêmement minutieuse des
éléments probatoires qui lui étaient soumis, le premier juge a pu valablement retenir par des motifs pertinents que la cour adopte, que la créance de la société ANJ Nautic était caractérisée, la cour en adoptant les motifs. Le paiement de la dette a en tout état de cause été proposé par M. [T] à hauteur de la facture rectificative FA0057 pour un montant de 6353,29€ en date du 17 mars 2022.
16- M. [T] ajoute à hauteur d'appel une demande tendant au prononcé de la nullité du contrat en ce qu'il n'aurait pas été précédé de l'établissement d'un devis, le tout en regard des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, sanctionné par l'article 242-1 du même code, le contrat étant passé hors établissement, en ce que le prix de la prestation, élément essentiel du contrat ne lui a pas été préalablement communiqué, de telle sorte que son consentement a été nécessairement vicié.
17- Cette demande, bien que nouvelle en cause d'appel, est recevable dans la mesure où elle ne tend qu'à faire écarter les prétentions adverses.
18- Le premier juge, s'il a fait référence à l'allégation de M. [T] selon laquelle les travaux n'ont pas été précédés d'un devis, n'a pas constaté que la société ANJ Nautic avait produit un document de cette nature.
18- Il est constant qu'en l'espèce le litige oppose un professionnel à un consommateur et que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables, notamment celles de l'article L. 111-1 qui impose au professionnel, préalablement au contrat, de fournir au consommateur les informations portant sur les caractéristiques essentielles du bien et sur le prix.
19- Rien dans les pièces et arguments de M. [T] ne démontre que le contrat a été passé hors établissement, la pratique de la cohérence d'un démarchage à domicile par le réparateur de navire s'avérant pour le moins incohérente. Les dispositions de l'article L.242-1 sanctionnant de nullité celles des articles L. 221-9 et L. 221-10 du code de la consommation ne sont donc pas applicables.
20- M. [T] ne soutient pas avoir demandé un devis préalablement à l'intervention de la société ANJ Nautic, dans les termes de l'article R.111-3 du code de la consommation, la preuve lui en incombant. Il ne caractérise pas que la rédaction d'un devis était en la matière obligatoire, à défaut de demande de sa part, spécifiquement dans le domaine de la réparation de navire, sachant que sa contestation porte sur le prix de la prestation, tel qu'énoncé au 2° de l'article L.111-1 qui en fait un élément distinct des caractéristiques essentielles du service sur lequel il fonde son argumentation. Seules les dispositions des 1° puis 3° à 6° sont visées à l'article R. 111-1 du code de la consommation, non celles du 2° relatives au prix.
Son moyen de nullité ne saurait en conséquence recevoir une suite favorable en l'absence de caractérisation d'un vice du consentement.
21- M. [T] formule comme en première instance une demande d'expertise judiciaire. C'est toutefois à juste titre que le premier juge a rejeté une telle demande en raison tout à la fois de l'ancienneté des travaux et des termes de l'article 146 du code de procédure civile qui prohibent l'expertise judiciaire en vue de suppléer la carence de M. [T] dans l'administration de la preuve qui lui incombe de l'insuffisance des réparations.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
22- Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure
civile, M. [T] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt de défaut,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [W] [T] de sa demande de nullité du contrat.
Condamne M. [W] [T] aux dépens d'appel.