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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 23 octobre 2025, n° 24/00656

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Axyme (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Conseiller :

Mme Ménegaire

Avocats :

Me Boulaire, Me Hélain

Juge des contentieux de la protection de…

22 janvier 2024

- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, selon bon de commande en date du 6 mars 2017, M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] ont acquis auprès de la SARL GROUPE ECO HABITAT une installation photovoltaïque GSE Air'System et un chauffe-eau moyennant le prix 32.900 euros.

En vue de financer de telles installations, M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] se sont vus consentir selon offre préalable acceptée en date du 6 mars 2017, un crédit d'un montant de 32.900 euros, remboursable en 71 échéances de 513,56 euros hors assurance et une dernière échéance de 512,94 euros, avec un différé de paiement de 12 mois et un taux débiteur fixe annuel de 2,57%.

Par acte d'huissier en date du 18 mars 2022, M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] ont fait assigner en justice la SA COFIDIS et la SARL GROUPE ECO afin notamment d'obtenir l'annulation du contrat principal de vente et du contrat de crédit affecté.

Par jugement contradictoire en date du 22 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, a :

- rejeté les fins de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA COFIDIS et la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT,

- prononcé la nullité du contrat de vente du 6 mars 2017 conclu entre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H],

- constaté la nullité du contrat de crédit affecté d'un montant de 32.900 euros conclu entre la société anonyme COFIDIS et M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le 6 mars 2017,

- condamné la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT à restituer à M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le prix payé par eux, soit la somme de 32.900 euros,

- dit que M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] devront assurer la restitution du matériel installé à charge pour la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT d'en supporter les frais et de remettre

les lieux en leur état antérieur, et enjoint à cette dernière société de récupérer ce matériel sur la demande de M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H],

- condamné M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 6.154, 18 euros au titre du capital emprunté restant dû, créance arrêtée au 8 avril 2022, échéance de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que toutes les mensualités ou toutes autres sommes payées postérieurement au 8 avril 2022 par M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] viendront en déduction de la somme de 6154,18 eµros,

- dit que si les paiements postérieurs excèdent la somme de 6154, 18 euros, la société anonyme COFIDIS sera tenue de restituer l'excédent et en tant que de besoin condamne la société anonyme COFIDIS au paiement de cet excédent,

- débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande tendant à voir la société anonyme COFIDIS privée de sa créance de restitution,

- débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande dirigée contre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS en réparation d'un préjudice moral,

- débouté la société anonyme COFIDIS de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- débouté la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS à payer à M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS de leurs demandes d'indemnité de procédure ;

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS aux dépens,

- écarté l'exécution provisoire de droit attachée à la présente décision.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 avril 2023, la société GROUPE ECO HABITAT a été placée en liquidation judiciaire. Dans le cadre de cette procédure collective la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [X] [Y] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société GROUPE ECO HABITAT.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 13 février 2024, M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a:

' condamné M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 6.154, 18 euros au titre du capital emprunté restant dû, créance arrêtée au 8 avril 2022, échéance de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

' dit que toutes les mensualités ou toutes autres sommes payées postérieurement au 8 avril 2022 par M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] viendront en déduction de la somme de 6154,18 euros,

' débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande tendant à voir la société anonyme COFIDIS privée de sa créance de restitution,

' débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande dirigée contre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS en réparation d'un préjudice moral,

' débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

' écarté l'exécution provisoire de droit attachée à la présente décision.

Vu les dernières conclusions de débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] en date du 27 mars 2025, et tendant à voir :

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

- CONDAMNE la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT à restituer à M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le prix payé par eux, soit la somme de 32900 euros ;

- DIT que M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] devront assurer la restitution du matériel installé à la charge pour la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT d'en supporter les frais et de remettre les lieux en leur état antérieur, et enjoint à cette dernière société de récupérer ce matériel sur la demande de M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] ;

- CONDAMNE M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 6154,18 euros au titre du capital emprunté restant dû, créance arrêtée au 8 avril 2022, échéance de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- DIT que toutes les mensualités ou toutes autres sommes payées postérieurement au 8 avril 2022 par M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] viendront en déduction de la somme de 6154,18 euros ;

- DEBOUTE M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demandes tendant à voir la société anonyme COFIDIS privée de sa créance de restitution ;

- DEBOUTE M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande dirigée contre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS en réparation d'une préjudice moral ;

- DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires;

- ECARTE l'exécution provisoire de droit attachée à la présente décision ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

- REJETTE les fins de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA COFIDIS et la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT ;

- PRONONCE la nullité du contrat de vente du 6 mars 2017 conclu entre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] ;

- CONSTATE la nullité du contrat de crédit affecté d'un montant de 32900 euros conclu entre la société anonyme COFIDIS et M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le 6 mars 2017 ;

- DIT que si les paiements postérieurs excèdent la somme de 6154,18 euros, la société anonyme COFIDIS sera tenue de restituer l'excédent et en tant que de besoin condamne la société anonyme COFIDIS au paiement de cet excédent ;

- DEBOUTE la société anonyme COFIDIS de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

- DEBOUTE la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNE in solidum la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS à payer à M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme de leurs demandes d'indemnité de procédure ;

- CONDAMNE in solidum la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et la société anonyme COFIDIS aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- DECLARER les demandes de Monsieur [E] [H] et Madame [O] [B], épouse [H], recevables et bien fondées ;

- METTRE A LA CHARGE de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble dans le délai de 2 mois de la décision à intervenir, et DIRE qu'à défaut d'exécution dans ce délai, elle sera réputée y avoir renoncé de telle sorte que l'installation litigieuse demeurera acquise définitivement à Monsieur et Madame [H] ;

- DECLARER que la SA COFIDIS a commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de Monsieur [E] [H] et Madame [O] [B], épouse [H], et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté ;

- CONDAMNER la SA COFIDIS à verser à Monsieur [E] [H] et Madame [O] [B], épouse [H], l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :

- 32 900,00 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;

- 8 071,56 euros correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par Monsieur [E] [H] et Madame [O] [B], épouse [H], à la SA COFIDIS en exécution du prêt souscrit ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la SA COFIDIS à payer à Monsieur [E] [H] et Madame [O] [B], épouse [H], les sommes suivantes :

- 5 000,00 euros au titre du préjudice moral;

- 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- DEBOUTER la SA COFIDIS et la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes;

- CONDAMNER la SA COFIDIS à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions de la SA COFIDIS en date du 20 mars 2025, et tendant à voir :

A titre principal,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Débouter Monsieur [E] [H] et Madame [O] [H] née [B] de l'intégralité de leurs demandes.

A titre subsidiaire :

- Condamner solidairement Monsieur [E] [H] et Madame [O] [H] née [B] à payer à la SA COFIDIS la somme de 12.865,20 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

En tout état de cause :

- Condamner solidairement Monsieur [E] [H] et Madame [O] [H] née [B] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamner solidairement Monsieur [E] [H] et Madame [O] [H] née [B] aux entiers dépens.

Pour sa part la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [X] [Y] es qualité de mandataire liquidateur de la société GROUPE ECO HABITAT a été assignée devant la cour par M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] par acte de commissaire de justice en date du 5 avril 2024 signifié à personne morale étant précisé que cet acte extrajudiciaire a été réceptionné par un employé habilité à en recevoir la copie. Toutefois subséquemment cet intimé n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2025.

- MOTIFS DE LA COUR:

- Sur le problème de la prescription des demandes des époux [H]:

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge dans la décision entreprise a considéré à bon droit, en opérant une exacte appréciation des faits de l'espèce, que l'action en annulation du contrat principal tant pour non respect des dispositions du code de la consommation que pour dol tout comme l'action corrélative en annulation du contrat de crédit affecté ainsi que l'action en responsabilité contractuelle contre la banque ne sont pas prescrites.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les fins de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA COFIDIS et la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT.

- Sur la nullité du contrat de vente pour dol:

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge, s'agissant du dol allégué par les consorts [H], dans la décision entreprise a estimé à juste titre qu'en l'espèce le bon de commande ne comporte aucun engagement du vendeur quant à un autofinancement ou une rentabilité ou un rendement de l'installation photovoltaïque, acquise pour une autoconsommation et une revente du surplus et du ballon thermodynamique. Par suite le premier juge a considéré de manière judicieuse que l'entrée dans le champ contractuel de la rentabilité financière de l'opération ou d'un autofinancement n'est pas établie ou d'un autofinancement n'est pas établie et ne résulte pas de l'objet du contrat.

Dès lors le premier juge en a déduit que le dol n'est pas établi et que la nullité du contrat n'est pas encourue de ce chef.

- Sur la nullité du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation:

L'article L221-5-1° du code de la consommation s'agissant des contrats conclus hors établissement prévoit en substance que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l'article L. 111-1.

L'article L 111-1 du même code quant à lui dans sa version résultant de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et applicable au présent litige, dispose:

«Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; 4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte; 5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.»

De plus l'article L111-2 du code de la consommation dans sa version résultant de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et qui a vocation à s'appliquer au présent litige, dispose :

'Outre les mentions prévues à l'article L. 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu'à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d'Etat.'

L'article L 221-9 du dit code dispose quant à lui:

«Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.»

Par ailleurs l'article L 242-1 du même code prévoit en ce qui le concerne que les dispositions de l'article L 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Au cas particulier la nature complexe de l'opération contractuelle en question implique impérativement que soit précisées certaines caractéristiques essentielles. Faute de telles précisions le consommateur ne sera pas en mesure de procéder - comme il peut légitimement en ressentir la nécessité - à une comparaison pertinente entre diverses offres de même nature proposées sur le marché afin d' opérer le choix qui lui paraît le plus judicieux.

Au cas particulier le bon de commande, s'agissant du délai prévu d'installation et de sa date exacte, est pour le moins nébuleux voire vague car il indique 'La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours' (pièce n°1 de la SA COFIDIS: le bon de commande). Ce document contractuel omet tant date de livraison que le calendrier précis des travaux concernant la prestation fournie avec notamment la date des démarches administratives visant à obtenir l'autorisation de la mairie et la date du raccordement ERDF qui conditionne le fonctionnement effectif de l'installation.

Par ailleurs il convient de souligner que les conditions générales de ce bon de commande sont rédigés en très petits caractères et s'avèrent d'une lisibilité très perfectible.

Il ressort ainsi des observations qui précédent, que les consommateurs, M. [E] [G] et Mme [O] [H] née [B], n'ont pas été suffisamment informés sur la prestation qu'ils entendaient obtenir dans le cadre du contrat en cause - étant bien entendu que la date de livraison et le calendrier des travaux apparaissent comme des caractéristiques essentielles et même primordiales de la prestation en cause. Il est incontestable que le bon de commande en question ne satisfait pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation sans qu'il soit besoin d'apprécier si ces éléments ont été déterminants du consentement s'agissant d'une nullité d'ordre public.

En outre il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que les consorts [H], même s'ils avaient connaissance des irrégularités du bon de commande, ait manifesté la volonté non équivoque de renoncer à la nullité qui en découle, étant entendu que leur acceptation de la livraison n'a pu avoir pour effet de couvrir ces irrégularités ainsi que la nullité qui a vocation à les sanctionner. Au regard de leur qualité de simples profanes ils devaient de toute évidence ignorer que le défaut des mentions obligatoires entachant le bon de commande était sanctionné par la nullité de cet acte juridique s'agissant d'une nullité relative dans le cadre protecteur du droit de la consommation. Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément objectif du dossier que les consorts [H] aient expressément confirmé cet acte nul en renonçant à la nullité qui en découle notamment en envoyant au vendeur un courrier explicite à ce sujet de renonciation à la nullité du contrat en cause.

Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente du 6 mars 2017 conclu entre la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT et M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H].

- Sur la nullité du contrat de crédit affecté:

En application des dispositions de l'article L 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu, est lui même judiciairement résolu ou annulé.

Le contrat principal de vente ayant été annulé, il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté d'un montant de 32.900 euros conclu entre la société anonyme COFIDIS et M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le 6 mars 2017.

- Sur les conséquences de la nullité du contrat principal de vente et du contrat de crédit:

Dans le cas présent l'annulation du contrat principal de vente et du contrat de crédit qui certes anéantit ces deux conventions, ne saurait toutefois conduire au rétablissement mécanique du statu quo ante. En effet dans certains cas la banque pourra se trouver privée de sa créance de restitution.

' Sur les conséquences de l'annulation du contrat principal de vente:

Dans les rapports entre le vendeur et ses cocontractants consommateurs, l'annulation de la vente commande en principe au mandataire liquidateur de la société GROUPE ECO HABITAT de restituer le prix de vente aux consorts [H] (restitution du prix qui a peu de chances d'être effective car la société GROUPE ECO HABITAT du fait sa faillite n'est pas in bonis), conséquence juridique normale de l'annulation du contrat de vente. Par ailleurs les consommateurs, les consorts [H] doivent en principe restituer le matériel.

Il n'est pas nécessaire au cas particulier qu'intervienne une déclaration de créance car cette restitution est simplement la conséquence de l'annulation du contrat de vente qui implique juridiquement que la restitution du matériel s'opère au profit du vendeur qui en a la propriété.

Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'elle a:

' condamné la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT à restituer à M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] le prix payé par eux, soit la somme de 32.900 euros,

' dit que M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] devront assurer la restitution du matériel installé à charge pour la S.A.R.L. GROUPE ECO HABITAT d'en supporter les frais et de remettre

les lieux en leur état antérieur, et enjoint à cette dernière société de récupérer ce matériel sur la demande de M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H].

' Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit affecté:

Il résulte d'une jurisprudence bien établie que commet une faute, la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.

Au cas particulier l'objectivité commande de constater que la SA COFIDIS a commis une faute en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande litigieux aux dispositions d'ordre public du code de la consommation lorsqu'elle a débloqué les fonds du crédit affecté.

La banque peut ainsi être privée de sa créance de restitution quand l'emprunteur justifie d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute.

Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).

La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur a subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.

Au cas d'espèce force est de constater que la faillite du vendeur doit être considérée comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture les consorts [H] se verront incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente. Il convient de souligner que cette liquidation judiciaire rend absolument certaine et non pas seulement probable la non restitution du prix par cette société ayant fait l'objet d'une procédure collective.

La faute de la SA COFIDIS en l'espèce a causé aux consorts [H] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il y a lieu en effet en l'espèce de faire application du principe fondamental dans la sphère de la responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.

Il est donc logique au regard des observations qui précédent, que la SA COFIDIS soit privée totalement de sa créance de restitution.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande tendant à voir la société anonyme COFIDIS privée de sa créance de restitution, condamné M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 6.154, 18 euros au titre du capital emprunté restant dû, créance arrêtée au 8 avril 2022, échéance de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, dit que toutes les mensualités ou toutes autres sommes payées postérieurement au 8 avril 2022 par M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] viendront en déduction de la somme de 6154,18 euros, et dit que si les paiements postérieurs excèdent la somme de 6154, 18 euros, la société anonyme COFIDIS sera tenue de restituer l'excédent et en tant que de besoin condamné la société anonyme COFIDIS au paiement de cet excédent.

Il y a lieu dès lors statuant à nouveau, de condamner la SA COFIDIS à verser à M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] en réparation de leur préjudice la somme de 32.900 euros correspondant au montant exact du capital emprunté.

Le principe de réparation intégrale du préjudice commande de ne réparer que le préjudice et rien que le préjudice selon les modalités qui viennent d'être évoquées. Par suite, les autres demandes de dommages et intérêts des consorts [H] devront donc être rejetées.

- Sur les autres points déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel:

S'agissant des autres points déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le premier juge ayant opéré une acte application du droit aux faits, il y a lieu les concernant d'entrer en voie de confirmation.

- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.

Il convient dès lors de condamner la SA COFIDIS à payer à M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SA COFIDIS les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il y a lieu en conséquence de débouter la SA COFIDIS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

- Sur le surplus des demandes:

Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties de leurs autres demandes.

- Sur les dépens d'appel:

Il convient de condamner la SA COFIDIS qui succombe, aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement querellé en ce qu'il a:

' débouté M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leur demande tendant à voir la société anonyme COFIDIS privée de sa créance de restitution,

' condamné M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 6.154, 18 euros au titre du capital emprunté restant dû, créance arrêtée au 8 avril 2022, échéance de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

' dit que toutes les mensualités ou toutes autres sommes payées postérieurement au 8 avril 2022 par M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] viendront en déduction de la somme de 6154,18 euros,

' dit que si les paiements postérieurs excèdent la somme de 6154, 18 euros, la société anonyme COFIDIS sera tenue de restituer l'excédent et en tant que de besoin condamné la société anonyme COFIDIS au paiement de cet excédent,

- Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

- Condamne la SA COFIDIS à verser à M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] en réparation de leur préjudice la somme de 32.900 euros correspondant au montant exact du capital emprunté,

- Déboute M. [E] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] de leurs autres demandes de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

- Condamne la SA COFIDIS à payer à M. [L] [H] et Mme [O] [B] épouse [H] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- La déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- Déboute les parties de leurs autres demandes,

- Condamne la SA COFIDIS aux entiers dépens d'appel.

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