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Décisions

CA Nancy, 2e ch., 23 octobre 2025, n° 24/02437

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 24/02437

22 octobre 2025

APPELANT :

Monsieur [L] [V]

né le 10 Mai 1949 à [Localité 5] (54), domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER, WISNIEWSKI, MOUTON, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Thierry PIERRON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. S21Y

SELARL de mandataires judiciaires

ayant son siège [Adresse 4]

ès qualité de mandataire liquidateur de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT,

Non représentée bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée à personne habilitée par acte de Me [Z] [X], commissaire de justice à [Localité 8] - [Localité 6] en date du 11 février 2025

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

société anonyme immatriculéed au RCS de [Localité 7] sous le n° 542097902 dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 23 Octobre 2025, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant bon de commande signé le 16 mai 2019, M. [L] [V] a confié à la société SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT (ci-après la société FPE), dans le cadre d'un démarchage à domicile, la fourniture et l'installation complète d'une centrale solaire aérovoltaïque (de type AIR'SYSTEM) aux fins d'auto-consommation/injection directe (comprenant dix modules solaires d'une puissance totale de 3 000 watts-crêtes, ainsi qu'un micro-onduleur par panneau, un pack de 25 ampoules LED et un pack de 6 prises e-connect), de même que d'un chauffe-eau thermodynamique, pour un montant total de 29 900 euros TTC, financé au moyen d'un contrat de prêt consenti par la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après la SA BNP PPF), suivant offre préalable signée le même jour, prévoyant un remboursement sur une durée de 120 mois au taux de 4,84 % l'an, après un différé de paiement de 6 mois.

Une attestation de conformité de l'installation a été délivrée par la société FPE le 23 mai 2019 et visée par le CONSUEL le 27 mai 2019, mentionnant le raccordement direct de l'installation au réseau public de distribution d'électricité ou par l'intermédiaire de l'installation électrique de consommation.

Le 1er juin 2019, M. [L] [V] a signé une attestation de livraison mentionnant que ' l'emprunteur/acquéreur reconnaît en signant la présente attestation sans réserve que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service ci-dessus désigné(e) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service ', que ' cette livraison ou fourniture est intervenue le 1er juin 2019 ' et que ' ses obligations au titre du contrat de crédit accessoire à une vente prennent effet à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de service', demandant en conséquence au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds au titre du contrat de crédit.

Les fonds empruntés ont été débloqués le 5 juin 2019. Les échéances ont été payées mensuellement de janvier 2020 à août 2023.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 15 septembre 2021, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société FPE et la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [K] [F], a été désignée en qualité de liquidateur.

- o0o-

Par actes de commissaire de justice délivrés les 10 et 13 mars 2023, M. [L] [V] a fait assigner la SELARL S21Y, ès qualités, ainsi que la SA BNP PPF devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy afin de voir prononcer à titre principal la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit accessoire, et subsidiairement, la résolution judiciaire des contrats, et de voir condamner le prêteur à lui rembourser le montant des échéances acquittées, ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de conseil et d'information.

Il s'est prévalu des irrégularités du bon de commande et du dol du vendeur, et subsidiairement, de l'inexécution des obligations du vendeur, et en conséquence, de l'impossibilité pour le prêteur de solliciter le remboursement du crédit en l'absence de vérification de la validité du bon de commande et de l'exécution complète des obligations du vendeur préalablement au déblocage des fonds. Il a fait état d'un préjudice subi en lien avec les fautes du prêteur caractérisé par la nécessité de rembourser pour un coût extrêmement cher des panneaux non rentables.

La SA BNP PPF a conclu à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement au débouté. Elle a sollicité en cas de nullité des contrats, la restitution par M. [L] [V] du capital emprunté en l'absence de faute, et très subsidiairement la fixation de sa créance au passif de la société FPE et la condamnation de M. [L] [V] au paiement de dommages et intérêts.

Elle a soutenu que le bon de commande était régulier (et subsidiairement qu'elle n'avait pas à s'assurer de sa régularité), que le dol n'était pas caractérisé et qu'elle avait exécuté ses obligations en ce que l'autofinancement de l'installation n'était pas entré dans le champ contractuel. Elle a fait valoir que les fonds avaient été débloqués après signature d'une attestation de fin de travaux et que M. [L] [V] ne subissait aucun préjudice (équivalant à une perte de chance) en ce qu'il disposait d'une installation photovoltaïque en état de fonctionnement. Très subsidiairement, elle s'est prévalue de la mauvaise foi de M. [L] [V] ayant agi à son encontre après la liquidation du vendeur l'empêchant ainsi de solliciter sa garantie.

Par jugement en date du 13 juin 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré M. [L] [V] recevable en ses demandes,

- prononcé la nullité du contrat conclu le 16 mai 2019 entre M. [L] [V] et la SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT,

- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté du 16 mai 2019 conclu entre M. [L] [V] et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sous l'enseigne CETELEM,

- dit que M. [L] [V] tiendra à la disposition de la SELARL S21 Y, en la personne de Me [K] [F], ès qualités de mandataire liquidateur de la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, l'ensemble des matériels vendus durant un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, et que, passé ce délai, il sera autorisé à en disposer comme il le voudra,

- rejeté la demande de M. [L] [V] tendant à voir condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE à lui rembourser le montant acquitté au titre des échéances mensuelles,

- condamné M. [L] [V] à payer à la SAS BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, sous déduction de la totalité des sommes acquittées par M. [L] [V] en remboursement du prêt qui lui a été consenti,

- rejeté la demande de M. [L] [V] en dommages et intérêts à l'encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

- condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer la somme de 400 euros à M. [L] [V] au titre de l'article 700 du code de procédue civile,

- condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens de l'instance,

- rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision.

Le juge a retenu que les demandes de M. [L] [V] ne nécessitaient pas de déclaration de créance préalable à la procédure collective de la société FPE, dont le liquidateur était assigné à l'instance.

Il a relevé des irrégularités du bon de commande caractérisées par l'absence de mention de la marque exacte des panneaux commandés, de distinction du délai de pose des modules et de réalisation des prestations à caractère administratif, ainsi que les mentions erronées du bordereau de rétractation correspondant au point de départ du délai. Il a jugé que les conditions de la confirmation par M. [L] [V] de l'acte nul (en l'occurrence le bon de commande) n'étaient pas réunies.

Le juge a retenu des fautes du prêteur préalablement au déblocage des fonds liées à l'absence de vérification de la régularité du bon de commande et de l'exécution complète des obligations du vendeur. Il a jugé que M. [L] [V] ne faisait pas état d'un préjudice en lien avec les fautes du prêteur qui n'avait pas l'obligation d'apprécier les perspectives de rendement de l'opération.

Il a relevé que M. [L] [V] ne justifiait pas d'un risque d'endettement excessif ressortant du prêt accordé (prêt qu'il a d'ailleurs remboursé pendant plus de quatre ans), ce qui excluait un manquement du prêteur à l'obligation de mise en garde.

- o0o-

Le 3 décembre 2024, M. [L] [V] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en ce qu'il :

- a rejeté sa demande tendant à voir condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE à lui rembourser le montant acquitté au titre des échéances mensuelles,

- l'a condamné à payer à la SAS BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, sous déduction de la totalité des sommes acquittées en remboursement du prêt,

- a rejeté sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

- a rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision.

Dans ses dernières conclusions transmises le 28 février 2025 et régulièrement signifiées à la SELARL S21Y par acte de commissaire de justice délivré le 11 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [L] [V], appelant, demande à la cour sur le fondement des articles L. 111-11, R. 111-11, L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9, L. 242-1, L. 311-1, L. 312-48, L.312-55 et L. 314-25 du code de la consommation, ainsi que des articles 1130, 1131, 1137, 1224 et suivants, 1240, 1604, 1710, 1792 et suivants du code civil, L. 241-1 et L.243-3 du code des assurances, et de l'article 515 du code de procédure civile :

- d'infirmer le jugement rendu le 13 juin 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il :

- a rejeté sa demande tendant à voir condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui rembourser le montant acquitté au titre des échéances mensuelles,

- l'a condamné à payer à la SAS BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, sous déduction de la totalité des sommes acquittées en remboursement du prêt,

- a rejeté sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

- a rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 16 mai 2019 avec la société « FRANCE PAC ENVIRONNEMENT »,

- de prononcer la nullité corrélative du contrat de prêt conclu le 16 mai 2019 avec la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE »,

À titre subsidiaire,

- de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu le 16 mai 2019 avec la société « FRANCE PAC ENVIRONNEMENT »,

- de prononcer la résolution judiciaire corrélative du contrat de prêt conclu le 16 mai 2019 avec la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE »,

En tout état de cause,

- d'ordonner à la société « S21Y », agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société « FRANCE PAC ENVIRONNEMENT », après avoir convenu d'un rendez-vous avec M. [L] [V], de venir, à ses frais, effectuer le démontage et l'enlèvement de l'ensemble des composants, des équipements et des éléments liés à la centrale photovoltaïque, et des autres biens objets de la vente, et de remettre le toit et les éléments de la maison en contact avec le matériel dans l'état initial, et ce dans un délai de 60 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, et à charge pour elle d'en apporter la preuve,

- de dire et juger que, si la société « S21Y », agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société « FRANCE PAC ENVIRONNEMENT » n'a pas démonté et enlevé le matériel et procédé à la remise en état des lieux à compter du 61ème suivant la date de signification du jugement à intervenir, elle sera réputée avoir abandonné l'entière propriété de son matériel qui serait alors transférée à M. [L] [V], libre d'en disposer,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » à lui payer la somme de 29 900 euros hors intérêts au titre du prêt qu'elle a consenti,

Plus subsidiairement,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » à lui rembourser le montant acquitté au titre des échéances mensuelles, selon tableau d'amortissement, en deniers et quittances,

- de le dispenser du remboursement du prêt à l'égard de la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE », en raison de la faute commise par cette dernière,

- de débouter la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » de sa demande en restitution du capital emprunté,

Très subsidiairement,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du présent jugement,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de devoir de conseil et d'information,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice financier qu'il a subi du fait de l'augmentation de ses factures d'électricité,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société « BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » aux dépens, en ce compris les coûts des huissiers de justice, dont distraction au profit de Me Clarisse Mouton, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les coûts des actes des huissiers de justice, et les dépens et condamnations de première instance,

À titre infiniment subsidiaire, en cas de rejet de ses demandes,

- de lui ordonner de reprendre le remboursement du crédit conformément aux stipulations contractuelles initialement convenues entre les parties, dans un délai d'un mois courant à compter de la signification du présent arrêt.

Au soutien de ses demandes, M. [L] [V] fait valoir en substance :

- que le vendeur a manqué à son obligation précontractuelle d'information en ce qu'aucun document ne lui a été remis avant la signature du bon de commande décrivant, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles liées à la marque des biens vendus, au poids et à la surface des panneaux et au rendement de l'installation, ainsi que les modalités d'exécution du contrat quant à un plan d'installation et un calendrier détaillant l'ensemble des prestations de services, de même que le prix unitaire de chaque élément (onduleur, passerelle de communication) et de la main d'oeuvre, outre des démarches administratives (prix des forfaits non indiqués) comprenant le raccordement, outre les modalités de paiement (nombre d'échéances, coût du financement, taux débiteur et TEG), de livraison et d'exécution du contrat (la date de livraison prévue avant le 16 novembre 2019 étant indéterminée) ;

- que le bordereau de rétractation est irrégulier en ce que le point de départ du délai est erroné (prévu à compter de la signature du contrat alors qu'il s'agit de la date de réception du bien dans le cadre d'un contrat de vente) ;

- que les garanties légales, de même que le recours à un médiateur, ne sont pas mentionnés au bon de commande ;

- qu'il n'a pas manifesté une volonté expresse et non-équivoque de renoncer à se prévaloir de la nullité du bon de commande et de la couvrir en connaissance de cause ; que les conditions générales du contrat ne mentionnent pas les dispositions des articles L.111- l et L. 221-5 du code de la consommation ;

- qu'il a été trompé par le vendeur et par la présentation d'une opération très séduisante ;

que le commercial de la société FPE a indiqué que le but de l'opération était de baisser de plus de 40 % ses factures d'électricité, de profiter d'aides gouvernementales et, ainsi, d'autofinancer le projet grâce aux subventions et aux économies d'énergie, tel que prévu à la brochure commerciale qui lui a été remise faisant entrer ces promesses dans le champ contractuel ; qu'il ne pensait pas être engagé contractuellement par la signature du document ; que l'objet du prêt n'était pas expressément défini ; qu'il a constaté que les primes promises n'avaient pas été payées (4 800 euros au titre du crédit d'impôt) et que la rentabilité promise n'était pas atteinte (ayant constaté une hausse des factures entre 2019 et 2023) ; que l'autofinancement de l'installation et la perspective de rendements financiers à venir étaient la cause principale, sinon la cause exclusive de l'ensemble contractuel ;

- que subsidiairement, la résolution du contrat pour inexécution doit être prononcée en ce que le contrat d'origine n'a pas été exécuté, l'installation ne remplissant pas la fonction à laquelle elle était destinée, à savoir lui faire réaliser des économies ; que la rentabilité économique constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, puisque les parties l'ont fait entrer dans le champ contractuel ; que l'installation ne lui permet aucune autoconsommation alors qu'elle est mise en service, ce qui caractérise une inexécution suffisamment grave justifiant la résolution du contrat ; que l'installation n'est pas conforme à l'usage normalement attendu ; que la société FPE a manqué à son devoir d'information, de conseil, de mise en garde, de bonne foi et de loyauté en qualité de professionnelle ; que le vendeur n'a pas accompli de déclaration préalable de travaux (suivie d'un arrêté de non opposition), ni de déclaration attestant de leur achèvement et de leur conformité ;

- que le prêteur doit être déchu de son droit à restitution du capital emprunté, en ce qu'il a commis une faute en finançant une opération objet d'un contrat de vente non conforme aux exigences légales (s'agissant d'irrégularités formelles manifestes) et sans s'assurer que l'ensemble des prestations à la charge de la société venderesse avaient bien été exécutées conformément au bon de commande (les fonds ayant été débloqués avant le raccordement et sur la base d'une attestation de livraison insuffisante et ambigüe) ; que l'offre de prêt illisible est irrégulière en ce qu'elle ne mentionne pas le montant total du crédit ;

- que le prêteur doit être privé du remboursement du capital emprunté, et à tout le moins, sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts ; que le prêteur n'a pas étudié les capacités de remboursement de M. [L] [V] afin de déterminer l'adaptation du crédit proposé à ses besoins et sa situation financière et d'attirer son attention sur les caractéristiques du crédit et sur les conséquences sur sa situation financière ; que les fonds ont été versés au vendeur sept jours après la signature du bon de commande ; que les mentions sur la fiche de dialogue (frais en cas de défaillance et inscription au FICP) sont erronées ; que la FIPEN n'est pas signée et qu'aucun élément n'atteste de sa remise ;

- qu'il subit un préjudice en lien avec les fautes du prêteur puisqu'il doit rembourser le capital emprunté suite à l'annulation du contrat de vente alors que le vendeur, qui a reçu les fonds par la faute du prêteur, qui n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat ni son exécution complète, est insolvable et ne peut plus lui rembourser le prix de vente ; qu'il justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente et de prestation de services d'un matériel dont il n'est plus propriétaire.

Dans ses dernières conclusions transmises le 26 mai 2025 et régulièrement signifiées à la SELARL S21Y par acte de commissaire de justice délivré le 24 juin 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA BNP PPF, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, L. 312-1 et suivants du code de la consommation, L. 312-56 du code de la consommation, 1241 et 1182 du code civil, et 2224 du code civil :

A titre principal,

- de juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,

- de juger que M. [L] [V] ne peut plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1338 alinéa 2 du code civil,

- de juger que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat,

- de juger qu'elle n'a commis aucune faute,

En conséquence,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Nancy et notamment en ce que le tribunal a :

* déclaré M. [L] [V] recevable en ses demandes,

* prononcé la nullité du contrat conclu le 16 mai 2019 entre M. [L] [V] et la SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT,

* prononcé en conséquence la n ullité du contrat de crédit affecté du 16 mai 2019 conclu entre M. [L] [V] et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sous l'enseigne CETELEM,

* dit que M. [L] [V] tiendra à la disposition de SELARL S21 Y, en la personne de Me [K] [F], ès qualité de mandataire liquidateur de la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, l'ensemble des matériels vendus durant un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, et que, passé ce délai, il sera autorisé à disposer comme il le voudra,

* rejeté la demande de M. [L] [V] tendant à voir condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE à lui rembourser le montant acquitté au tire des échéances mensuelles,

* condamné M. [L] [V] à payer à la SAS BNP PARIBAS PERSONAL FNANCE la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, sous déduction de la totalité des sommes acquittées par M. [L] [V] en remboursement du prêt qui lui a été consenti,

* condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer la somme de 400 euros à M. [L] [V] au titre de l'article 700 du code de procédue civile,

* condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dépens de l'instance,

* rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision,

Statuant à nouveau,

- de débouter M. [L] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de juger que M. [L] [V] sera tenu d'exécuter les contrats jusqu'au terme et de condamner M. [L] [V] à régler, en sus des échéances en cours, les échéances impayées au jour de l'arrêt à intervenir,

À titre subsidiaire,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Nancy,

- de débouter M. [L] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue, un préjudice démontré,

- de débouter M. [L] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner M. [L] [V] à lui payer la somme de 29 900 euros,

- de fixer au passif de la liquidation de la société FPE la somme de 29 900 euros au profit de la société BNP PARIBAS PF,

En tout état de cause,

- de condamner M. [L] [V] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [L] [V] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la SA BNP PPF fait valoir en substance :

- que le bon de commande est valable et régulier en ce qu'il mentionne les caractéristiques essentielles de la centrale photovoltaïque (marque, modèle et puissance) ; que la mention du prix unitaire de chaque matériel n'est pas prescrite à peine de nullité ; que l'inclinaison, l'orientation et l'impact visuel des panneaux sont sans rapport avec les modalités d'exécution de la prestation de service et ne sont pas exigées par les textes ; que le délai de raccordement dépendant d'un tiers au contrat ne pouvait être mentionné au bon de commande ; qu'aucune disposition ne précise que la nullité serait encourue faute de mention du médiateur de la consommation ; que la sanction applicable à un bordereau de rétractation erroné est la prolongation dudit délai de douze mois à compter de l'expiration du délai initial ;

- que l'erreur sur la rentabilité n'est pas constitutive d'une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement ; qu'il n'est produit aucun document contractuel faisant état d'une rentabilité ; que le contrat de vente n'a pas prévu un autofinancement grâce aux revenus produits ; que l'intention de tromper n'est pas démontrée ;

- que M. [L] [V] a exécuté volontairement les contrats principaux ; que la nullité relative est susceptible de confirmation ; que la simple lecture du bon de commande, reproduisant les dispositions du code de la consommation rappelant les mentions obligatoires devant y figurer à peine de nullité, permettait à M. [L] [V] d'avoir connaissance de toute éventuelle non-conformité au code de la consommation ; que pour autant, il a signé une attestation de fin de travaux sans réserve, ordonné le déblocage des fonds et remboursé régulièrement les mensualités de prêt ;

- que la résolution ne peut être prononcée que dans l'hypothèse de manquements graves constatés et que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement et produit de l'électricité ; qu'aucun engagement n'a été pris quant à l'autofinancement de l'installation ;

- qu'elle n'a pas commis de faute de nature à la priver de sa créance de restitution du capital emprunté ; qu'il n'appartient pas au prêteur de s'assurer de la conformité du bon de commande au code de la consommation, et qu'en tout état de cause, elle était fondée à considérer que la signature de l'attestation de fin de travaux par M. [L] [V] et sa demande paiement manifestaient l'intention de M. [L] [V] de couvrir l'éventuelle nullité ; que l'attestation de fin de travaux n'était assortie d'aucune réserve ; que les prétendus manquements invoqués se réfèrent en réalité à des comportements du vendeur ; qu'en vertu du principe de non immixtion, le prêteur n'a pas de devoir de conseil envers son client et qu'elle n'avait pas à apprécier l'opportunité de l'opération financée ; qu'elle produit la fiche de dialogue signée par M. [L] [V] et justifie de la vérification de ses capacités financières ;

- que M. [L] [V] ne justifie d'aucun préjudice en lien avec les prétendues fautes du prêteur en ce que le matériel a été livré, installé et est fonctionnel ; que dans l'hypothèse d'une faute retenue contre la banque, elle sollicite la fixation au passif du vendeur de sa créance correspondant au montant des financements, ainsi que la réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de l'emprunteur qui a attendu la liquidation judiciaire du vendeur pour agir à l'encontre du prêteur afin de se voir restituer les sommes versées au vendeur, tout en conservant le matériel et en percevant les fruits générés par l'installation.

- o0o-

Régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré le 11 février 2025 à personne se déclarant habilitée à le recevoir, la SELARL S21Y n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 juillet 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'annulation du contrat de vente pour irrégularités du bon de commande

M. [L] [V] se prévaut de l'annulation du bon de commande au regard de l'absence de description de manière lisible et compréhensible des caractéristiques essentielles des biens vendus, des modalités d'exécution du contrat, d'indication du prix unitaire de chaque élément et de la main d'oeuvre, des modalités de paiement, des garanties légales de même que du recours à un médiateur.

L'article L. 221-9 du code de la consommation, dans version applicable au jour du contrat, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

L'article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que les dispositions de l'article

L. 221-9 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Par suite, l'article L. 221-5 du code de la consommation prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 (...).

Or, les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation disposent que, ' avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, (...),

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles,

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI. '

L'article R. 111-1 du code de la consommation prévoit que ' pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes : (...)

3°S'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnés respectivement aux articles L. 217-15 et L. 217-17, (...)

6° Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève en application de l'article L. 616-1.

En effet, l'article R. 616-1 dudit code énonce que, ' en application de l'article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l'absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l'adresse du site internet du ou de ces médiateurs. '

L'article L. 221-7 du code de la consommation dispose que ' la charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel.'

En l'espèce, il ressort des mentions du bon de commande signé le 16 mai 2019 que le contrat de fourniture de biens et de prestation de services a pour objet la livraison et l'installation complète d'une centrale solaire aérovoltaïque (de type AIR'SYSTEM présentée sous la forme d'un kit d'intégration GSE), comprenant 10 modules de marque Francilienne ou Soluxtec d'une puissance totale de 3 000 Watts crêtes, aux fins d'autoconsommation par injection directe, pour un montant de 21 900 euros TTC, ainsi que la livraison et la pose de 10 micro-onduleurs de marque Enphase avec passerelle de communication (un par panneau et correspondant à un compteur monophasé) pour un montant de 2 500 euros TTC et d'un chauffe-eau thermodynamique de marque Thaleos, de même que la fourniture d'un pack de six prises e-connect (wifi domotique) d'un montant de 500 euros TTC et de 25 ampoules LED d'un montant de 100 euros TTC, correspondant à un prix total indiqué de 29 900 euros TTC (comprenant la livraison, pose, pièces, main d'oeuvre et déplacement), financé au moyen d'un prêt consenti sur une durée de 120 mois avec un report de 6 mois au TAEG de 4,95% pour un coût total de 38 532 euros (et comportant des mensualités de 321,10 euros).

Le bon de commande a également mentionné une ' date de livraison prévue au plus tard le 16 novembre 2019 ', ainsi qu'une ' pré-visite/livraison et installation des produits [intervenant] au plus tard dans les six mois à compter de la signature du bon de commande '.

Or, il y a lieu de constater au préalable que le prix du chauffe-eau thermodynamique n'est pas indiqué au bon de commande et doit se déduire de la différence des prix des autres équipements mentionnés TTC (centrale solaire, micro-onduleurs, pack de prises et d'ampoules, d'un montant total de 25 000 euros TTC) avec le montant total à payer évalué à 29 900 euros TTC, sans indication du taux de TVA appliqué.

De même, il n'est pas mentionné au bon de commande la contenance du chauffe-eau (200 ou 270 litres), ni le nombre de bouches d'insufflation (2 ou 4), ni le détail du contenu du kit d'intégration GSE des panneaux photovoltaïques.

En outre, le bon de commande ne précise pas si les frais de raccordement ERDF/ENEDIS sont à la charge de la société FPE ou de M. [L] [V] (aucune case n'étant cochée), à l'instar des démarches administratives pour obtenir le contrat d'obligation d'achat EDF/ENEDIS, l'attestation de conformité photovoltaïque du CONSUEL et le dépôt du dossier en mairie.

Au surplus, si le bon de commande prévoit une date butoir de livraison du matériel au 16 novembre 2019 et son installation au plus tard dans les six mois de la signature du bon de commande, en revanche, aucune indication ne figure au bon de commande sur le délai d'exécution des prestations à caractère administratif, tel que retenu à juste titre par le premier juge.

Aussi, il en résulte que l'absence desdites mentions ne permettait pas à M. [L] [V] de déterminer de manière suffisamment précise et compréhensible les caractéristiques essentielles des biens et services commandés, de même que leur prix, ainsi que les obligations

administratives à la charge du vendeur et leur délai d'exécution, afin de lui permettre de conclure le contrat en connaissance de cause.

Dans ces conditions, le bon de commande n'est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.

Au surplus, le bon de commande comporte une information erronée quant au point de départ du délai de rétractation (retenant la date de conclusion du contrat plutôt que la date de livraison du matériel, par application des dispositions de l'article L. 221-18 du code de la consommation), tel que retenu à juste titre par le premier juge, de sorte que la nullité du contrat de fourniture et d'installation du kit photovoltaïque et du chauffe-eau est encourue.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la confirmation du bon de commande nul et la recevabilité des demandes

La méconnaissance des dispositions des articles L. 221-5 et suivants du code de la consommation, édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile, est sanctionnée par une nullité relative.

L'article 1182, alinéa 3 du code civil dispose que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation de l'acte nul.

Aussi, la confirmation requiert que soit rapportée la preuve de l'exécution volontaire du contrat, qui ne peut résulter d'un simple commencement d'exécution du contrat, et de la connaissance du vice par son auteur.

Or, la seule reproduction lisible sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation ne permet pas au consommateur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions.

En l'espèce, le prêteur ne fait état d'aucun élément rapportant la preuve que M. [L] [V] avait connaissance des vices affectant le bon de commande lors de la souscription ou de l'exécution du contrat.

Aussi, aucun des agissements postérieurs de M. [L] [V] ne saurait être interprété comme la confirmation tacite des irrégularités du bon de commande prévues à peine de nullité, telles que la signature d'une attestation de fin de travaux sans réserve, l'ordre donné de procéder au déblocage des fonds et le remboursement régulier des mensualités de prêt.

Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer l'annulation du bon de commande et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l'annulation du contrat de crédit accessoire

En application des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat, l'annulation du bon de commande a pour effet l'annulation de plein droit du crédit destiné à son financement.

En effet, l'interdépendance du contrat de vente ou de prestation de services et du contrat de crédit le finançant est érigée en principe par la loi dans un souci de protection du consommateur en matière de crédit à la consommation, de sorte que l'annulation ou la résolution du contrat principal emporte celle du contrat accessoire.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats

Suite à l'annulation du contrat principal de vente, M. [L] [V] devra tenir le matériel vendu et installé par la société FPE à la disposition de la société S21Y, ès qualités, qui devra remettre la toiture en l'état antérieur, et ce durant un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai, M. [L] [V] sera autorisé à procéder à la dépose du matériel à ses frais et à en disposer librement, tel que prévu au jugement déféré.

En outre, il y a lieu de constater que l'insolvabilité de la société FPE résultant de sa liquidation judiciaire s'oppose à la restitution à M. [L] [V] du prix de vente du matériel ressortant de plein droit de l'annulation de la vente.

Par ailleurs, la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute dans la remise des fonds prêtés.

En effet, le prêteur est tenu de s'assurer de la régularité du contrat notamment au regard de la législation relative au démarchage à domicile.

De même, l'article L. 311-31 devenu L. 312-48 prévoit que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la prestation de services qui doit être complète.

Or, le bon de commande signé le 16 mai 2019 a été établi en méconnaissance des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, tel que développé plus avant, ce dont il résulte que la banque a commis une faute en ne s'assurant pas de la régularité formelle du contrat avant le déblocage des fonds.

En outre, il y a lieu de constater que l'attestation de livraison signée par M. [L] [V] le 1er juin 2019 mentionnant que la ' livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service ci-dessus désigné(e) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service ' était insuffisante à établir l'exécution complète des obligations du vendeur.

En effet, les prestations prévues au bon de commande prévoyaient des démarches administratives et de raccordement à réaliser, dont la charge n'était affectée ni au vendeur ni au client, de sorte qu'il incombait au prêteur de s'assurer de l'exécution de chacune des prestations avant de débloquer les fonds, obligation renforcée au regard de l'imprécision du bon de commande sur ces points.

Aussi, la banque qui a débloqué les fonds empruntés le 5 juin 2019 au vu de cette attestation de livraison a commis une faute.

Par suite les fautes de la SA BNP PPF sont de nature à la priver de sa créance de restitution du capital emprunté résultant de l'annulation du contrat principal à la condition que M. [L] [V] justifie d'un préjudice en lien avec celles-ci.

Or, il y a lieu de constater qu'une attestation de conformité de l'installation a été délivrée par la société FPE le 23 mai 2019 et visée par le CONSUEL le 27 mai 2019 (soit avant la signature de l'attestation de livraison), mentionnant le raccordement direct de l'installation au réseau public de distribution d'électricité ou par l'intermédiaire de l'installation électrique de consommation.

Aussi, la mise en service de l'installation après l'obtention du CONSUEL caractérise l'exécution complète des obligations du vendeur, de sorte que M. [L] [V] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice en lien avec la faute du prêteur sur ce point.

Au surplus, il convient de préciser que les obligations du prêteur préalables à la libération des fonds ne sauraient porter sur l'appréciation des perspectives d'autofinancement de l'opération par le versement de primes ou le bénéfice d'un crédit d'impôt et par des économies d'énergie.

Toutefois, la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, devient impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, de sorte que l'emprunteur subit un préjudice caractérisé par la privation de la contrepartie de restitution de l'installation vendue en lien avec la faute du prêteur qui n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal avant de verser le capital emprunté au vendeur.

En l'espèce, il résulte des développements antérieurs que le contrat de vente a été annulé en raison des irrégularités affectant le bon de commande, et que la SA BNP PPF a manqué à son obligation de vérifier la régularité formelle dudit contrat avant de libérer le capital emprunté entre les mains du vendeur, la société S21Y.

Or, la société S21Y a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 15 septembre 2021, de sorte qu'elle ne peut restituer à M. [L] [V] le prix de vente, alors que par l'effet de l'annulation du contrat, M. [L] [V] n'est plus propriétaire de l'installation qui doit être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.

Aussi, la faute de la SA BNP PPF dans l'examen du contrat principal est en lien de causalité avec le préjudice subi par M. [L] [V], privé de la contrepartie de restitution de l'installation dont il n'est plus propriétaire, et ce indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation ou de conservation du matériel en l'absence de reprise par le liquidateur.

En effet, si le prêteur avait vérifié la régularité formelle du bon de commande, il n'aurait pas débloqué le capital emprunté entre les mains du vendeur.

Dans ces conditions, M. [L] [V] justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé, soit la somme de 29 900 euros, de sorte que la SA BNP PPF qui a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice subi n'est pas admise à solliciter le remboursement du capital emprunté par M. [L] [V].

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [L] [V] à rembourser à la SA BNP PPF le capital emprunté, déduction faite des sommes acquittées au titre du contrat de prêt, et statuant à nouveau, la SA BNP PPF sera déboutée de sa demande de remboursement par M. [L] [V] du capital emprunté et sera condamnée à lui restituer les échéances payées en vertu du contrat de prêt.

Sur la demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de M. [L] [V]

La SA BNP PPF sollicite la condamnation de M. [L] [V] à lui payer la somme de 29 900 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de l'emprunteur qui a attendu la liquidation judiciaire du vendeur pour agir à l'encontre du prêteur afin de se voir restituer les sommes versées au vendeur, tout en conservant le matériel et en percevant les fruits générés par l'installation.

Cependant, la SA BNP PPF ne démontre pas que M. [L] [V] a fait preuve d'un comportement fautif dans le cadre de la présente procédure, au seul motif que l'intéressé a diligenté son action alors que la société FPE était en liquidation judiciaire. En effet, rien ne prouve que M. [V] savait que cette liquidation judiciaire allait survenir et qu'il ait, en toute connaissance de cause, attendu cette occurrence pour agir.

Dès lors, la SA BNP PPF sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de l'emprunteur.

Sur la fixation de la créance de la SA BNP PPF au passif de la liquidation de la société FPE

La SA BNP PPF sollicite la fixation au passif du vendeur de sa créance correspondant au montant des financements, soit la somme de 29 900 euros.

En l'espèce, il ressort des développements antérieurs que la société FPE a consenti à M. [L] [V] un bon de commande irrégulier.

Or, si la société FPE avait respecté ses obligations légales, l'annulation du contrat de vente n'aurait pas été prononcée, de sorte que la SA BNP PPF aurait pu prétendre au remboursement du capital emprunté.

Aussi, il en résulte que la société FPE a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice subi par la SA BNP PPF qui ne peut solliciter la restitution du capital emprunté auprès de M. [L] [V].

Dans ces conditions, il convient d'évaluer le préjudice subi par la SA BNP PPF à la somme de 29 900 euros et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société FPE la créance en dommages et intérêts, s'agissant d'une créance indemnitaire née postérieurement à la procédure collective non soumise à une déclaration préalable au passif.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SA BNP PPF qui succombe à hauteur de cour supportera la charge des dépens d'appel et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [V] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits, de sorte qu'il convient de lui allouer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement par M. [L] [V] du capital emprunté,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [L] [V] les échéances payées en vertu du contrat de prêt,

DIT que le délai de deux mois prévu pour la reprise du matériel financé avec remise de la toiture en l'état antérieur par le liquidateur de la société FPE courra à compter de la signification du présent arrêt,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions ayant déclaré recevable l'action de M. [L] [V], prononcé la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, ordonné la restitution du matériel vendu par mise à disposition pendant un délai de deux mois et autorisé M. [L] [V] à en disposer passé ce délai,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande en dommages et intérêts dirigée à l'encontre de M. [L] [V],

ORDONNE la fixation, au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, de la créance de la SA BNP Paribas Personal Finance à hauteur de 29 900 euros,

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [L] [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens, et autorise Me Clarisse Mouton, avocat, à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en dix-neuf pages.

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