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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 2, 22 octobre 2025, n° 22/01632

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Syndicat des copropriétaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Moreau

Conseillers :

Mme Vermont, Mme Bianconi-Dulin

Avocats :

Me Blond, Me Idiart

TJ [Localité 8], du 12 nov. 2021, n° 16/…

12 novembre 2021

FAITS & PROCÉDURE

L'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 10] est soumis au statut de la copropriété.

Le syndic de cet immeuble a été la société GTF venant aux droits de la société Sogiplam, jusqu'à l'assemblée générale du 29 novembre 2018 qui a désigné la société Balma Gestion en cette qualité.

Mme [X] est propriétaire de plusieurs lots au sein de cet immeuble et détient 36 millièmes sur 999.

Elle a saisi le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'annulation des assemblées générales des 29 mars 2011, 27 juin 2012, 19 mars 2013, 21 janvier 2014, 17 juin 2014 et 30 juin 2015.

Les assemblées des 29 mars 2011 et 27 juin 2012, ont été annulées sur renvoi après cassation par arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 février 2020, à raison de la nullité de plein droit du mandat du syndic, faute d'ouverture d'un compte bancaire séparé.

L'assemblée générale du 19 mars 2013 a été annulée par jugement du 17 mars 2022 en raison de l'absence de mandat du syndic, consécutive à l'annulation de l'assemblée générale du 27 juin 2012.

Une assemblée générale des copropriétaires s'est tenue le 29 juin 2016 à laquelle Mme [X] était présente.

Par acte d'huissier du 4 novembre 2016, Mme [X] a assigné le syndicat des copropriétaires aux fins notamment d'annulation de cette assemblée, faute d'avoir été convoquée par un syndic ayant pouvoir de le faire.

Les assemblées générales des 21 janvier 2014, 17 juin 2014 et 30 juin 2015 ont été annulées par jugements du 12 novembre 2021.

Par jugement du même jour, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré Mme [X] irrecevable en sa demande d'annulation de l'intégralité de l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 29 juin 2016,

- condamné Mme [X] aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Marianne Deseine, avocate, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de Mme [X] aux fins de dispense des frais de procédure au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Mme [X] a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 18 janvier 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 7 mai 2025.

En raison de la panne d'électricité qui a affecté l'Ile de la Cité les 23 et 24 juin 2025, circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice, la procédure s'est déroulée sans audience en accord avec les parties.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 7 avril 2025 par lesquelles Mme [X], appelante, invite la cour, au visa des articles 10-1, 18 al. 7 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 7 al. 2 du décret du 17 mars 1967, à :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable son action en annulation de l'intégralité de l'assemblée générale du 29 juin 2016, l'a condamnée aux depens et au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700, et rejeté la demande aux fins de dispense des frais de procédure au titre de l'article 10-1 A titre principal,

- déclarer recevable son action en annulation de l'intégralité de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du 29 juin 2016 ;

- annuler l'assemblée générale des copropriétaires du 29 juin 2016 en ce que ladite assemblée générale a été convoquée par un syndic dépourvu de mandat comme suite de l'annulation définitive des assemblées générales antérieures et, particulièrement, de l'assemblée générale en date du 30 juin 2015, et comme suite de la nullité de plein droit du mandat de syndic, constatée en date du 7 juillet 2010 et en date du 19 juin 2013, pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé ;

A titre subsidiaire, si la cour devait juger son action en contestation de l'intégralité de l'assemblée générale irrecevable,

- annuler, au même motif, les résolutions n° 6, 7, 7-1, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 22 et 23 adoptées lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 29 juin 2016 ;

En tout état de cause,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens, de première instance comme d'appel ;

- la dispenser de toute participation aux frais engagés par le syndicat des copropriétaires au titre de la présente procédure, en première instance comme en appel, en ce compris, notamment, toutes condamnations au titre de l'article 700 et des dépens, les frais et honoraires de l'avocat du syndicat et les honoraires de suivi facturés au syndicat par le syndic ;

Vu les conclusions notifiées le 3 avril 2025 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] à [Localité 11], intimé, invite la cour, au visa des articles 18 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 122 du code de procédure civile, à :

- dire mal fondée Mme [X] en son appel et l'en débouter,

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- déclarer Mme [X] irrecevable en sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 juin 2016,

- débouter Mme [X] de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 juin 2016,

- débouter Mme [X] de ses demandes d'annulation des résolutions 6,7, 7-1,8, 9,10, 11,12, 15,22 et 23 votés lors de l'assemblée générale du 29 juin 2016,

- débouter Mme [X] de toutes ses demandes fins et conclusions telles que dirigées contre le syndicat des copropriétaires,

- condamner Mme [X] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Cécile Idiart, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité de la demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 juin 2016 dans son ensemble

Sur le moyen tiré de l'annulation-sanction du mandat du syndic

Mme [X] soutient qu'à défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé sous le délai de trois mois, le mandat du syndic est nul de plein droit et que cette sanction justifie l'annulation de l'assemblée générale dans son entier quand bien même elle n'aurait pas été opposante sur toutes les résolutions. Elle fait valoir que la cour d'appel de Paris s'est prononcée dans ce sens par arrêt du 12 février 2020 rendu sur sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 mars 2011.

Le syndicat des copropriétaires soutient qu'il est de jurisprudence constante que le copropriétaire ayant voté favorablement à certaines résolutions ne peut demander la nullité de la totalité de l'assemblée générale, quel que soit le fondement de sa demande, y compris si celle-ci est fondée sur la nullité du mandat du syndic.

Sur ce,

Selon l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.

En application de ce texte, l'annulation d'une assemblée générale, même fondée sur l'irrégularité de la convocation en raison de la nullité de plein droit du mandat de syndic, ne peut être poursuivie par un copropriétaire n'ayant pas la qualité d'opposant sur certaines résolutions (Cass. Civ. 3ème, 7 septembre 2011, n° 10-18-312).

Ce moyen doit par conséquent être écarté.

Sur le moyen tiré de la qualification de décisions des résolutions litigieuses

Mme [X] soutient que c'est à tort que le syndicat des copropriétaires prétend qu'elle a voté pour les résolutions n° 13, 17 et 25 alors que le syndic a reformulé ces résolutions dans le procès-verbal et que ces reformulations traduisent le vote 'contre' les résolutions inscrites à l'ordre du jour, émis par tous les copropriétaires. Concernant les résolutions n° 14, 19, 21 et 26, elle soutient qu'elles se bordent à reproduire des textes de loi ou à exposer des constats.

Le syndicat des copropriétaires soutient que Mme [X] n'est pas opposante aux résolutions n° 13 et 17 dès lors qu'elle a voté de manière identique aux autres copropriétaires, peut important la façon dont le syndic a retranscrit ces résolutions. Il allègue que la résolution n° 14 est bien une décision sur les conditions de consultations des pièces relatives aux charges.

Sur ce,

Les résolutions n° 13, 17, 19 et 25 ont été votées, et rejetées, à l'unanimité, peu important que le syndic ait retranscrit la résolution en négatif, et Mme [X] n'a dès lors pas la qualité d'opposante sur ces résolutions, qu'elles constituent une adoption ou un rejet de la proposition.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'analyser les autres résolutions, Mme [X] n'a pas la qualité d'opposante sur l'ensemble des résolutions et ce moyen doit être rejeté.

Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'analyser le moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires tiré de l'absence du syndic à la présente procédure, il y a lieu de déclarer Mme [X] irrecevable en sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 juin 2016 dans son ensemble.

Sur la demande d'annulation des résolutions n° 6, 7, 7-1, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 22 et 23

Mme [X] fait valoir que l'assemblée convoquée par un syndic dont le mandat a été rétroactivement annulé ou dont le mandat est nul de plein droit est nulle et qu'elle est fondée à poursuivre l'annulation des résolutions litigieuses en se fondant sur ces moyens, l'irrecevabilité de sa demande à l'encontre de l'ensemble de l'assemblée générale ayant pour seule conséquence de faire obstacle à l'action en justice et n'ayant pas pour objet de couvrir la nullité de l'assemblée générale.

Le syndicat des copropriétaires allègue que les moyens développés par Mme [X] ne sont pas des moyens permettant d'obtenir la nullité d'une résolution, mais seulement la nullité de l'assemblée dans son entier, et fait valoir qu'un compte bancaire séparé était ouvert lors de la tenue de l'assemblée générale du 29 juin 2016.

Sur ce,

En application de l'article 7 alinéa 2 du décret du 17 mars 1967, il appartient au syndic de convoquer l'assemblée générale.

Un syndic dépourvu de mandat ne peut valablement convoquer une assemblée générale.

Par jugement du 12 novembre 2021 (RG n° 15/15503), le tribunal judiciaire de Paris a annulé l'assemblée générale du 30 juin 2015. Cette assemblée avait renouvelé, par sa résolution n° 6, le cabinet Sogiplam à compter du même jour.

Par conséquent, ce syndic s'est trouvé rétroactivement dépourvu de mandat, de sorte que la convocation par lui de l'assemblée générale du 29 juin 2016 s'en trouve invalidée.

Les résolutions n° 6, 7, 7-1, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 22 et 23 de cette assemblée générale, convoquée par un syndic dépourvu de mandat, pour lesquelles Mme [X] a la qualité d'opposante, doivent donc être annulées sans qu'il soit besoin d'analyser les autres moyens développés par les parties, et c'est à tort que le syndicat soutient que ce motif d'annulation ne peut concerner que l'assemblée générale dans son ensemble.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965

Mme [X] demande à être dispensée de toute participation aux condamnations précitées et aux frais afférents à la présente procédure, par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Selon l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 « le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige ».

L'équité commande de ne pas dispenser Mme [X] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme le jugement en ses dispositions frappées, sauf en ce qu'il a déclaré Mme [X] irrecevable en sa demande d'annulation de l'intégralité de l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 29 juin 2016,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule les résolutions n° 6, 7, 7-1, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 22 et 23 de l'assemblée générale du 29 juin 2016 ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 9] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [X] de sa demande de dispense de participation à la dépense comme des frais de procédure ;

Rejette toute autre demande.

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