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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 23 octobre 2025, n° 24/06879

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06879

23 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 OCTOBRE 2025

N° RG 24/06879 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W22Z

AFFAIRE :

S.A. LANDSBANKI LUXEMBOURG SA

C/

[V] [H] [A]

[G] [L] [E] épouse [A]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Octobre 2024 par le Juge de l'exécution de [Localité 13]

N° RG : 23/06667

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.10.2025

à :

Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Aude ALEXANDRE de l'AARPI TRIANON AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. LANDSBANKI LUXEMBOURG SA

Société anonyme de droit luxembourgeois, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B 78-804

Représentée par Me [O], avocat, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation Judiciaire de la société LANDSBANKILUXEMBOURG désigné à cette fonction suivant jugement du 27 avril 2022 du Tribunal d'Arrondissement de Luxembourg

[Adresse 5]

[Localité 11] [Adresse 12]

Représentant : Me Thierry GICQUEAU de la SELARL GICQUEAU VERGNE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R147 - Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474815

APPELANTE

****************

Monsieur [V] [H] [A]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [G] [L] [E] épouse [A]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Aude ALEXANDRE de l'AARPI TRIANON AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 598 - N° du dossier 2401271 - Représentant : Me Maxence LAUGIER, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0007

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2025, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Présidente,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

Greffier, lors du prononcé de la décision : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte du 26 mai 2005 réitéré en la forme authentique le 07 juillet 2005, la société Landsbanki Luxembourg, filiale de droit luxembourgeois d'une banque de droit islandais, a consenti un prêt in fine aux époux [A] (suivant un montage financier dénommé Equity release contenant pour l'emprunteur, selon son article 2.2, l'obligation d'investir partie des sommes remises dans des opérations de change), pour une durée de 20 ans et pour un montant de 627.000 euros (lequel a été augmenté de la somme de 210.000 euros, selon addendum au contrat de prêt, le 18 janvier 2007).

Seuls les intérêts, stipulés à un taux variable par référence au taux de change de la monnaie dans lequel il est libellé et aux évolutions de l'Euribor, devaient être payés pendant la durée de ce prêt.

En garantie desdits prêts et outre le gage que la banque détenait sur leur portefeuille de valeurs mobilières en ses livres, les époux [A] ont consenti diverses affectations hypothécaires de leur actif immobilier, s'agissant du bien constituant leur logement familial et de divers lots, tous dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 9] (92).

Par jugement d'un tribunal luxembourgeois rendu le 08 octobre 2008, la banque a été admise au bénéfice de la procédure de sursis de paiement, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2008.

Monsieur [C] [O] a été nommé en qualité de liquidateur par jugement du 27 avril 2022 du tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

La banque, représentée par son liquidateur, expose successivement :

- que, pour se protéger d'un risque de non-remboursement du crédit accordé ainsi que des fluctuations de la valeur des avoirs nantis ou hypothéqués en sa faveur, l'article 9.3 du contrat prévoyait un ratio de couverture de gagerie du prêt égal à 90% du montant du prêt et, parmi trois options, la possibilité, sans aucune notification écrite préalable, de réclamer le remboursement immédiat du prêt et de liquider la garantie en en utilisant le produit pour rembourser le prêt, outre les intérêts accumulés et les frais correspondants, ceci après envoi à l'emprunteur d'une injonction de payer sous trois jours ouvrés.

- que, par lettre du 04 septembre 2019, elle a informé le débiteur que son taux de couverture était tombé à 86,94% et qu'en application de cet article, elle a réclamé paiement immédiat de la somme de 842.330,06 euros en le sommant de s'en acquitter et en indiquant qu'à défaut de paiement dans les 10 jours, elle sera fondée à exercer les droits qu'elle détient sur les avoirs possédés en ses livres ; que, par lettre du 11 février 2020, elle lui a précisé qu'elle a exercé ses droits, que la dette se trouve diminuée de la somme de 369.111,41 euros, sa créance s'établissant dès lors à la somme de 473.218 euros à la date du 03 février 2020,

- qu'elle a été poursuivie devant la juridiction pénale pour des faits de manoeuvres frauduleuses et d'exercice illégal de l'activité de prestataire de services d'investissements en France, les époux [A] s'étant portés parties civiles, mais a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 28 août 2017 confirmé par arrêt de la cour d'appel du 31 janvier 2020 devenu définitif (pièces n° 19 et n° 20 de l'appelante).

- qu'elle a vainement fait délivrer aux époux [A], le 04 octobre 2023, un commandement de payer valant saisie immobilière en vertu de l'acte notarié du 07 juillet 2005 puis les a assignés, le 04 décembre 2023, à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre mais qu'elle s'est désistée en raison d'une erreur de forme affectant le commandement de payer, ceci selon jugement rendu le 09 janvier 2025 (pièce n° 111),

- que par acte du 06 août 2020, elle a assigné les époux [A] devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière commerciale, précisant en cause d'appel que cette juridiction a rendu un jugement contradictoire le 16 décembre 2024 (non définitif), lequel dispose en substance (pièce n° 112) :

'se déclare compétent pour connaître la demande, (...)

dit le droit luxembourgeois applicable,

rejette l'application de l'article L 128-2 du code de la consommation français,

dit la demande fondée,

- partant, condamne (les époux) [A] solidairement à payer à la société anonyme Landsbanki Luxembourg SA, en liquidation judiciaire, la somme de 473.218,65 euros avec les intérêts conventionnels à 4,75 % à partir du 03 février 2020, jusqu'à solde (...)'.

S'agissant de la mise en oeuvre des voies d'exécution litigieuses, pour avoir paiement de sa créance évaluée à la somme de 473.218,65 euros en principal, outre provision sur intérêts et frais, cet établissement financier représenté par son liquidateur a fait pratiquer cinq saisies-attribution sur divers comptes des époux [A], professionnels de santé, en vertu de ce même titre exécutoire, à savoir :

(1) - le 29 juin 2023, sur le compte de monsieur [A] entre les mains de la Caisse d'Epargne, fructueuse à hauteur de la somme de 2.446,35 euros,

(2) - le 29 juin 2023, sur le compte de madame [A] entre les mains de la Caisse d'Epargne, fructueuse à hauteur de la somme de 2.446,35 euros,

(3) - le 29 juin 2023, sur le compte de madame [A] entre les mains de la banque Crédit Agricole Mutuel Ile de France, fructueuse à hauteur de la somme de 6.041,88 euros,

(4) - le 29 juin 2023, sur le compte de monsieur [A] entre les mains de la banque Crédit Agricole Mutuel Ile de France, fructueuse à hauteur de la somme de 16.157,65 euros,

(5) - le 03 juillet 2023, à l'encontre de monsieur [A] (professionnel de santé) entre les mains de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts de Seine s'engageant à procéder aux récupérations sur les demandes de remboursement de tiers payants relatifs aux soins pratiqués antérieurement à la saisie et ce à due concurrence.

Les deux premières ne sont pas contestées (page 2/29 des conclusions des intimés).

Les trois dernières leur ayant été dénoncées les 03 et 07 juillet 2023, les époux [A] ont agi en contestation, selon assignation délivrée le 02 août 2023, aux fins d'obtenir leur mainlevée, poursuivant la nullité des actes de dénonciation et la caducité de ces trois saisies-attribution, contestant par ailleurs le titre exécutoire et la créance, demandant, de plus, que soient déclarées abusives, partant non écrites, les clauses des articles 3, 9, 12 et 22 du contrat de prêt et déclaré inexistant le contrat, sollicitant en outre la communication de divers documents sous astreinte et l'allocation de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 18 octobre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

déclaré [V] [A] et [T] [E] épouse [A] recevables en leurs prétentions,

débouté [V] [A] et [T] [E] épouse [A] de leur demande en nullité des actes de dénonciation et de caducité des saisies-attribution,

ordonné la mainlevée des 'cinq' saisies-attribution dénoncées à [V] [A] et [T] [E] épouse [A] les 03 et 07 juillet 2023,

condamné la société Landsbanki Luxembourg SA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, monsieur [C] [O], à payer 5.000 euros à [V] [A] et [T] [E] épouse [A] au titre du préjudice qu'ils ont subi résultant des 'cinq saisies-attribution abusives',

déclaré non écrites les clauses des articles 3, 9, 12 et 22 du contrat de prêt,

annulé en conséquence le contrat de prêt,

débouté la société Landsbanki Luxembourg SA de l'intégralité de ses prétentions,

condamné la société Landsbanki Luxembourg SA prise en la personne de son liquidateur, monsieur [C] [O], aux dépens (ainsi qu') à payer 5.000 euros à [V] [A] et [T] [E] épouse [A] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 30 juillet 2025, la société anonyme de droit luxembourgeois Landsbanki Luxembourg représentée par son liquidateur judiciaire, monsieur [C] [O], appelante de ce jugement suivant déclaration reçue au greffe le 30 octobre 2024, demande à la cour, au visa des articles L 111-7, L 121-1 et suivants, L 111-3, R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1355 du code civil :

de déclarer recevable et bien fondée la société Landsbanki Luxembourg représentée par son liquidateur en ses demandes, fins et prétentions,

d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement (entrepris),

Statuant de nouveau

de déclarer irrecevable et mal fondée (sic) monsieur et madame [A] en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

de juger valable (sic) les deux saisies-attribution pratiquées sur leurs comptes bancaires ouverts dans les livres de banque Crédit Agricole Ile de France le 29 juin 2023,

de juger valable la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts de Seine le 03 juillet 2023,

de débouter monsieur et madame [A] en l'ensemble de ses (sic) demandes, fins et prétentions,

de condamner monsieur et madame [A] à payer à la société Landsbanki Luxembourg, en liquidation, représentée par son liquidateur judiciaire maître [C] [O], la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 02 septembre 2025, monsieur [V] [A] et madame [T] [E], son épouse, visant les articles L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, L 117-7, L 121-1, L 121-2, L 131-1, L 211-1 et suivants, R 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ainsi que les directives 93/13/CE du 05 avril 1993 et 93/22/CE du 10 mai 1993, prient la cour :

de confirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions,

de déclarer irrecevables sinon de débouter maître [O], ès-qualités de liquidateur de la SA Landsbanki Luxembourg, en toutes ses demandes, fins et conclusions,

de condamner maître [O], ès-qualités de liquidateur de la SA Landsbanki Luxembourg, à verser monsieur et madame [A] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

de condamner maître [O], ès-qualités de liquidateur de la SA Landsbanki Luxembourg, à verser à monsieur et madame [A] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mainlevée de l'ensemble des saisies-attribution en raison de mesures inutiles ou abusives

Il convient de rappeler qu'au constat d'une contestation de ces mesures formée dans le délai d'un mois requis et eu égard à leurs mentions, le juge de l'exécution a jugé régulière la dénonciation en regard des articles 114 du code de procédure civile, R 211-3 et R 121-2 du code des procédures civiles d'exécution et, se plaçant au jour où il statuait, a ordonné la mainlevée des cinq mesures pratiquées sus-visées en les jugeant inutiles, inopportunes et disproportionnées.

Pour ce faire, il s'est fondé à la fois sur le fait que la banque disposait d'un gage et a initié une procédure de saisie immobilière en faisant délivrer, les 04 octobre puis 04 décembre 2023, un commandement de payer valant saisie immobilière visant un bien dont la valeur excède manifestement le montant de la créance revendiquée, puis une assignation à l'audience d'orientation, par ailleurs sur la circonstance que la banque n'a entrepris aucune mesure d'exécution forcée durant trois ans et ne pouvait ignorer l'instance en cours 'introduite' par les époux [A] devant les juridictions luxembourgeoises aux fins de contestation du contrat de prêt au fondement des saisies litigieuses et enfin, sur le constat de mesures pratiquées dans le délai restreint de quatre jours à l'endroit de deux personnes physiques avec une 'probabilité infinitésimale' (qu'il évaluait à 10%) d'être désintéressée d'une créance provenant d'un calcul inconnu et injustifié.

Sur ce dernier point, il a porté une appréciation critique sur la stratégie contractuelle de la banque, dans le cadre de ce contrat d'adhésion et de consommation, en ce qu'elle méconnaît de l'article 6§1 du règlement Rome I tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne le 14 septembre 2023 (n° C-632/21) qui permet aux parties de choisir la loi applicable sous réserve que ceci n'ait pas pour effet de priver le consommateur concerné de la protection qui lui est assurée.

La partie appelante revendique le droit de mener plusieurs procédures dans le but de recouvrer sa créance et l'existence d'un rapport raisonnable de proportion entre le but poursuivi et les moyens employés pour y parvenir, observant que la loi fait de la saisie-attribution un instrument de recouvrement particulièrement rapide et efficace puisqu'aucune vente n'est nécessaire.

Elle expose qu'elle a eu connaissance de l'existence de différents comptes bancaires des époux [A], qu'elle ignorait le montant des fonds disponibles et que ce n'est pas le montant qui doit être disproportionné mais la mesure ; qu'elle était en droit de réaliser ces voies d'exécution en raison de sa créance, importante et ancienne, sur laquelle couraient des intérêts ; qu'elle a pu les privilégier en craignant la longueur d'une procédure de saisie immobilière en lien avec le caractère procédurier des débiteurs et dans l'ignorance de l'état de vétusté du bien hypothéqué.

Elle se défend en toute hypothèse de toute erreur inexcusable ou incompréhensible, de toute faute grossière ou négligence fautive ou encore d'une intention de nuire et soutient que les débiteurs ne subissent aucun préjudice en remboursant une partie, même infime, de leur dette comme ils ne peuvent prétendre avoir indûment engagé des frais de justice alors qu'ils sont à l'initiative de la présente procédure.

Les intimés qui s'approprient la motivation du tribunal soutiennent que 'la' présente saisie est excessive en ce qu'elle est impropre à apporter un recouvrement satisfactoire, la créance alléguée excédant 550.000 euros et la saisie-attribution n'apparaissant nullement comme une mesure d'exécution forcée 'naturelle' .

Ils estiment qu'elle ne pouvait que rencontrer la contestation en raison d'une instance en paiement initiée en 2020 au Luxembourg dans laquelle le principe de la créance est contesté ; qu'en outre, la banque a mené une saisie au rendement 'nécessairement' dérisoire ; que la mesure est abusive en ce que, sciemment et dans le but de faire 'plier la contestation des concluants', la banque a voulu peser sur leur quotidien et, s'agissant des comptes professionnels, en leur interdisant des paiements normaux aux fournisseurs et salariés ; qu'elle les a, de plus, contraints à exposer des dépenses pour assurer leur défense, au mépris de l'égalité des armes.

Ceci étant rappelé, il résulte de l'article L 117-1 du code des procédures civiles d'exécution que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance'. Ce principe de libre choix connaît une atténuation dès lors que cet article poursuit : 'l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation', invitant ainsi le juge à exercer un contrôle de proportionnalité entre la mesure mise en oeuvre par le créancier et l'objet qu'il poursuivait.

L'article L 121-2 prévoit deux cas ouvrant au juge de l'exécution la possibilité de donner mainlevée, à savoir : l'inutilité de la saisie et son caractère abusif.

Il est constant qu'il incombe au débiteur qui s'en prévaut d'en faire la démonstration, comme il appartient à la cour présentement saisie de se placer au jour où elle statue, ce qui se déduit, d'ailleurs, de la faculté donnée au juge de l'exécution de cantonner une saisie en raison de versements postérieurs à celle-ci.

S'agissant de l'inutilité, autrement dit de la superfluité ou de l'inefficacité économique des trois saisies-attribution litigieuses (étant observé que, sans explications, le premier juge a donné mainlevée des cinq mesures précitées alors que trois seulement étaient contestées), il résulte des éléments de la procédure que lorsqu'elles ont été pratiquées, en juillet 2023, la déchéance du terme avait été prononcée depuis plusieurs années et la réalisation du gage sur les valeurs mobilières effectuée en février 2020, ceci sans qu'il ne soit justifié d'offres d'apurement postérieures, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la banque, qui ne pouvait connaître, a priori, le montant des sommes saisissables détenues sur les comptes concernés, d'avoir agi pour la sauvegarde de ses intérêts quand bien même s'est-il révélé, a posteriori, que les sommes saisies ne représentaient que 10% du montant de sa créance.

Ces saisies-attribution apparaissent au demeurant utiles à ce jour puisqu'il est établi que par jugement rendu le 09 janvier 2025, le juge de l'exécution en charge de la saisie immobilière - dont le premier acte d'exécution, à savoir le commandement de payer valant saisie immobilière, a été délivré le 04 octobre 2023 et s'est révélé affecté d'une erreur de forme - a constaté le désistement de la créancière poursuivante (pièce n° 111 de l'appelante).

S'agissant de son caractère abusif qui nécessite la démonstration, par les débiteurs, d'une faute dans l'utilisation des mesures d'exécution forcée en ce que leur exercice ne peut être regardé comme légitime mais poursuit avec légèreté, malice, voire malveillance d'autres finalités, comme l'intention de nuire, qui leur sont préjudiciables, il convient de considérer que, sauf à ajouter à l'article L 117-1 précité, le principe de libre choix s'étend aux biens sur lesquels le créancier peut faire porter une mesure d'exécution forcée et que le code des procédures civiles d'exécution n'instaure pas de hiérarchie entre les voies d'exécution ni ne prohibe leur multiplication ; c'est le comportement du créancier dans le recouvrement de sa créance qui ne doit pas excéder ce qui se révèle nécessaire.

Si les époux [A] peuvent se prévaloir des désordres dommageables dans leur trésorerie suscités par les trois mesures d'exécution dont ils poursuivent la mainlevée, sans d'ailleurs s'expliquer sur leur choix de ne pas contester les deux autres saisies-attribution pratiquées sur les comptes qu'ils détenaient dans les livres de la Caisse d'Epargne et tout autant fructueuses, ils n'établissent pas que la banque qui disposait, il est vrai, d'une sûreté sur leur bien immobilier, ait agi avec légèreté ou malveillance à leur égard en privilégiant dans un premier temps la mise en oeuvre d'une voie d'exécution affectant leurs deniers plutôt que le bien immobilier constituant le logement familial.

Il ne saurait être reproché à la banque d'avoir laissé se poursuivre la présente procédure destinée à obtenir la mainlevée de ces trois saisies-attribution lorsqu'elle a fait délivrer, après leur dénonciation, le commandement précité dès lors que cet établissement financier en liquidation judiciaire, pouvait craindre, ainsi qu' exposé, la longueur de la procédure de saisie immobilière et ses aléas, comme cela est au demeurant advenu.

Enfin, débiteurs de longue date d'une dette importante partiellement apurée par la liquidation de leur portefeuille de valeurs mobilières dont ils ne prouvent ni ne prétendent qu'ils l'aient contestée en son temps, les intimés ne procèdent que par affirmation en prêtant à la banque, qui poursuivrait un autre but que la réalisation effective de son droit de créance, l'intention de les placer dans une situation financière exsangue alors qu'elle tente de recouvrer sa créance en usant d'une voie d'exécution qu'elle qualifie justement d'efficace en ce qu'elle emporte attribution immédiate et propre à lui épargner, selon ses termes, 'la loi du concours'.

S'agissant, pour finir, de l'invocation par le juge de l'exécution de l'article 6 paragraphe 1de la Convention dite Rome I, non reprise par les intimés dans leurs conclusions d'appel, il échet de considérer que la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après :CJUE) qu'il invoque porte sur la détermination de la loi applicable à un contrat d'utilisation de biens immobiliers à temps partagé sous la forme de la souscription à des points d'un club comportant un élément d'extranéité ; le juge de l'exécution invoque une 'stratégie contractuelle' et le code de la consommation mais il n'est pas démontré que cet arrêt soit transposable au cas de l'espèce en ce qu'il porterait sur l'abus dans l'exercice des voies d'exécution.

Il résulte de tout ce qui précède que les époux [A] ne peuvent se prévaloir des dispositions des articles L 111-7 et L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution pour obtenir la mainlevée des trois saisies-attribution contestées et que doit être infirmé le jugement qui, sur ce fondement, en dispose autrement.

Sur le sort de la demande indemnitaire des époux [A] accueillie en première instance

En conséquence du rejet de cette demande fondée sur le caractère inutile ou abusif de ces mesures, la décision du juge de l'exécution sera réformée en ce que, nonobstant le constat, par ce juge, d'une demande relative à un préjudice ni caractérisé ni justifié mais conséquence des mesures en cause jugées abusives, il a condamné la banque au paiement d'une somme indemnitaire de 5.000 euros destinée à réparer le préjudice moral causé aux époux [A] résultant, selon ses termes, de l'anxiété liée à l'immobilisation des fonds par surprise.

Sur la mainlevée de l'ensemble des saisies-attribution résultant de la nullité du titre au fondement des mesures poursuivies devant le juge de l'exécution

Il échet de rappeler que pour annuler le contrat de prêt en la forme authentique du 07 juillet 2005, le juge de l'exécution a d'abord jugé, au visa de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et d'une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-16713, inédit), qu'il ne pouvait refuser de se prononcer sur la validité d'un acte notarié.

Il s'est ensuite prononcé sur la validité du contrat en examinant successivement les quatre clauses de l'acte notarié qualifiées d'abusives par les époux [A] - à savoir : son article 22 (donnant compétence aux juridictions luxembourgeoises et désignant la loi luxembourgeoise comme applicable au contrat), son article 9 (relatif à la clause d'exigibilité immédiate sans mise en demeure préalable et du seul fait d'une régression du ratio de couverture), son article 12 (prévoyant que la devise étrangère est une monnaie de compte et l'euro une monnaie de paiement) et enfin son article 3 (dispensant la banque d'informer les emprunteurs de toute augmentation du prêt en raison des fluctuations monétaires défavorables)- et retenu leur caractère abusif en les réputant non écrites.

Enonçant qu'il est constant que le contrat ne peut survivre lorsque les clauses réputées non écrites constituent son objet principal et que celui-ci ne peut subsister sans elles, le premier juge a motivé sa décision comme suit :

'Les stipulations des articles 3, 12 et 22 ne sont pas nécessaires à l'exécution du contrat et ne peuvent donc aboutir à sa nullité. En effet, le principe du remboursement d'un prêt affecté à des placements financiers n'est pas affecté par le caractère non-écrit des clauses relatives à l'absence d'information de l'emprunteur, au risque imputable à la volatilité des devises étrangères mis exclusivement à la charge de l'emprunteur et à la compétence de la loi et du juge luxembourgeois.

En revanche, le contrat ne peut pas valablement survivre en l'absence de l'article 9 qui permet au prêteur, unilatéralement, de déterminer et de modifier selon sa seule volonté, les procédures de calcul du ratio. En l'absence de stipulation relative à la détermination d'une procédure de calcul librement acceptée par toutes les parties, il convient d'annuler le contrat de prêt en la forme authentique du 07 juillet 2005".

Revendiquant la détention non point d'un acte d'affectation hypothécaire mais d'un acte de prêt notarié présentant un caractère exécutoire qui lui a permis d'engager des voies d'exécution, l'appelante conteste liminairement le pouvoir du juge de l'exécution de constater des fraudes et clauses abusives, lesquelles ne sont au demeurant que prétendues ; se prévalant de l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ainsi que d'un avis de la Cour de cassation du 16 juin 1995 et de diverses jurisprudences lui succédant, elle soutient que le juge de l'exécution ne peut annuler la décision de justice fondant les poursuites ni la compléter ou la corriger, pas plus qu'il ne peut l'aménager mais qu'il est tenu de donner force aux dispositions précises d'un jugement, quand bien même procéderaient-elles d'une erreur manifeste, ajoutant que ce juge ne peut délivrer un titre exécutoire hors les cas prévus par la loi.

Sur la fraude dans l'exercice d'un service auxiliaire de prestation de services d'investissement qui lui est en outre reprochée du fait de la commercialisation du produit dénommé Equity release, elle revendique la qualité de prestataire de services d'investissement bénéficiant d'un agrément dans son propre pays, de l'information donnée à son autorité de surveillance portant sur l'exercice en libre prestation de services d'octroi de crédits et plus particulièrement de crédits hypothécaires en France et de la transmission de cette information, en 2003 puis en 2006, aux autorités françaises.

Précisant qu'elle était pénalement poursuivie pour de tels faits, elle oppose à ses adversaires l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris rendu le 27 mars 2014, laquelle, saisie d'un recours à l'encontre du refus du juge d'instruction de la placer sous le statut de témoin assisté, a fait droit à ce recours en jugeant qu'elle pouvait légalement exercer en France cette activité (pièce n° 45) ; elle ajoute, sans être démentie, qu'elle n'a finalement pas été poursuivie.

Les intimés rétorquent que l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire donne compétence au juge de l'exécution pour trancher les difficultés relatives au titre exécutoire au rang desquelles se trouve la nullité du titre.

Ils se réclament, sur ce point, de trois jurisprudences de la Cour de cassation dont, sans analyse, ils ne citent que les références (Cass civ 2ème, 05 septembre 2019, n° 17-28471 // 18 juin 2009, n° 08-10843 // 16 décembre 713, n° 20-16713).

Ils estiment, par ailleurs, que le défaut d'agrément du prestataire de services d'investissement, récemment découvert et dont ils se prévalent à hauteur d'appel en poursuivant la même fin, à savoir l'anéantissement de l'ensemble du contrat, est bien une cause de nullité ; ils se prévalent, ici aussi, de jurisprudences dont ne sont mentionnées, sans plus de développements, que les références.

Sur la nullité de l'acte notarié prononcée par le juge de l'exécution en raison de l'existence de clauses jugées abusives

La cour étant saisie d'un moyen présenté par l'appelante à titre liminaire tendant à contester le pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution pour prononcer l'annulation d'un acte notarié au fondement des poursuites, il convient de statuer sur ce point.

D'emblée, à la suite de la lecture des trois arrêts simplement visés par les intimés (non produits aux débats mais consultables sur un site dédié), la cour est conduite à considérer que ces décisions sont inopérantes pour affirmer que le droit prétorien consacre le pouvoir octroyé au juge de l'exécution d'annuler un titre exécutoire notarié.

Le premier de ces arrêts se borne, en effet, à dire que la contestation du titre relève d'une défense au fond et non d'une exception de procédure tandis que les deux derniers ne statuent que sur des engagements de caution compris dans des actes de prêt notariés et par conséquent détachables.

S'agissant de l'argumentation de l'appelante, il est vrai que le 16 juin 2005 (demande d'avis n° 09-50008 dont elle se prévaut) la Cour de cassation, énonçant que "le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre, et n'a pas compétence pour connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu'il constate', a été, en conséquence, d'avis que 'le juge de l'exécution ne peut se prononcer sur la nullité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire, invoquée en raison de l'absence prétendue d'une des conditions requises par la loi pour la validité de sa formation'.

Postérieurement, néanmoins, au visa de l'article L. 311-12-1 (en vigueur à compter du 1er janvier 2007) devenu L. 213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et en énonçant que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation a considéré que le juge de l'exécution pouvait se prononcer sur la validité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire mais il s'est agi de points particuliers, tels l'acte de cautionnement sus-évoqué ou la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance dans le cadre de la contestation d'une saisie-attribution pratiquée en vertu d'un acte notarié (Cass civ 2ème, 09 septembre 2010, pourvoi n° 09-16.538, Bull. 2010, publié au bulletin) ou encore d'un acte notarié comportant une erreur d'identité d'une partie (Cass civ 2ème, 06 novembre 2008, pourvoi n° 07-18465).

S'agissant de la question précise du pouvoir dont dispose le juge de l'exécution pour remettre en cause la validité d'un acte notarié fondant une mesure d'exécution forcée en présence de clauses dont il retiendrait le caractère abusif, pour affirmer par ailleurs qu'à le retenir, le caractère abusif de certaines clauses n'aurait aucune incidence sur les sommes dues par les débiteurs, l'appelante se prévaut de la position prise par la Cour de cassation dans l'avis rendu le 11 juillet 2024 se rapportant aux conséquences découlant de la constatation par un juge de l'exécution du caractère non écrit d'une clause abusive lorsque le titre exécutoire, dont l'exécution forcée est poursuivie, est une décision juridictionnelle (Cass civ 2ème, demande d'avis n° 24-70001, publié au bulletin) aux termes duquel :

' 1°/ Le juge de l'exécution peut constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d'une clause abusive.

2°/ Le juge de l'exécution, qui répute non écrite une clause abusive, ne peut ni annuler le titre exécutoire, ni le modifier. Il ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement, hors les cas prévus par la loi.

3°/ Le titre exécutoire étant privé d'effet en tant qu'il applique la clause abusive réputée non écrite, le juge de l'exécution est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d'exécution forcée dont il est saisi. Il tire ensuite toutes les conséquences de l'évaluation de cette créance sur les contestations des mesures d'exécution dont il est saisi. Lorsqu'il constate que le débiteur ne doit plus aucune somme, il doit ordonner la mainlevée de la mesure'.

Cet avis porte, certes, sur une clause abusive privant d'effet un titre exécutoire constitué par une décision juridictionnelle, et, au cas particulier, le titre exécutoire au fondement des poursuites est un acte notarié.

Il est également acquis que la Cour de cassation a jugé que l'acte notarié, bien que constituant un titre exécutoire, ne revêt pas les attributs d'un jugement (Cass civ 1ère, 1er mars 2017, pourvoi n° 15-28012, publié au bulletin) mais l'espèce objet de ce pourvoi portait sur la faculté pour le créancier de disposer de deux titres exécutoires et il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la décision de justice et l'acte notarié sont semblablement qualifiés de titres exécutoires par le législateur ; ils sont tous deux revêtus d'une formule exécutoire et permettent l'un et l'autre la mise en oeuvre de voies d'exécution du fait de leur force exécutoire.

Incidemment et dès lors que le premier juge a annulé en son entier le titre du seul fait du caractère qu'il jugeait abusif de la clause relative au remboursement immédiat du prêt, il peut être relevé que les juridictions, nationale et européenne, se sont prononcées sur la divisibilité des clauses jugées abusives, la Cour de cassation énonçant, en particulier (Cass civ 1ère, 02 juin 2021, pourvoi n° 19-22.455) :

'La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une clause de déchéance du terme d'un contrat de prêt jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu'une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance (CJUE, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria SA, C-70/17, et Bankia SA, C-179/17). Il en résulte que peut être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes sont abusives, dès lors qu'en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendent abusive n'affecte pas sa substance'.

Aussi, compte tenu de ces divers éléments, il y a lieu de considérer que le jugement entrepris doit être infirmé en ce que le juge de l'exécution a annulé le contrat de prêt au constat de l'existence de la clause abusive retenue, la cour devant se prononcer sur le sort des voies d'exécution litigieuses après évaluation de la créance.

Sur la nullité du titre exécutoire notarié résultant d'un défaut d'agrément bancaire du prêteur

Les époux [A] soutiennent en cause d'appel que le défaut d'agrément est bien une cause de nullité en se prévalant de l'adage selon lequel la fraude corrompt tout et en s'appuyant sur un courrier de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) du 28 août 2023 selon lequel :

'Le CECEI [Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement] a pris connaissance lors de sa séance du 27 juillet 2006 de la notification d'extension des services fournis en libre prestation de services en France par Landsbanki Luxembourg SA. A ce titre, l'établissement pouvait légalement exercer en France à compter du 27 juillet 2006 seulement, les services visés aux n° 2, 3, 7a à 7e, 11 et 12 de l'annexe 1 de la directive 2000/12/CE.

Les services visés aux points 7 à 11 (gestion de patrimoine) constituent bien des services d'investissement au sens du code monétaire et financier.',

ceci pour affirmer que le contrat en cause est un produit d'investissement dissimulé derrière un contrat de prêt et qu'à sa date, le 26 mai 2005, la banque n'était autorisée à exercer en libre prestation de service en France que le service de prêt, si bien que ce produit d'investissement doit être qualifié d'illicite.

Force est cependant de considérer que pour dénier l'absence d'agrément qui lui est reprochée, la banque peut se prévaloir de ses échanges épistolaires avec la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) du 12 août 2003 (soit à une date antérieure à la directive communautaire 2006/48/CE qui refondait la directive 2000/12/CE exigeant l'information de l'autorité de surveillance de l'exercice de certaines activités dans un autre Etat membre), de sa transmission aux autorités françaises, puis de sa nouvelle information en juin 2006 suivie de sa transmission aux autorités françaises (pièces n°40 à 42), comme elle peut leur opposer la lettre de la Banque de France du 10 janvier 2011 déclarant qu'elle avait bien été autorisée à intervenir en France par voie de libre prestation de services pour y exercer l'activité de crédit (dont le crédit hypothécaire) en visant en particulier les déclarations reçues les 26 août 2003 et 28 juin 2006 par le CECEI (pièce n° 43).

De la même façon qu'elle peut tirer argument de la décision de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris rendue le 27 mars 2014 jugeant que, mise en examen pour des faits de 2006 à 2008 mais 'en réalité depuis 2003", elle 'pouvait légalement exercer en France l'activité de prestataire de services d'investissement', ceci en contemplation d'une lettre de l'autorité de contrôle prudentiel adressée le 26 mars 2012 au magistrat instructeur (pièce n° 45).

Au surplus et s'agissant de la nullité dont le prononcé est recherché, dans son arrêt concernant un établissement bancaire de droit belge (Cass com, 07 juin 2005, pourvoi n° 04-13303) s'inscrivant dans le droit fil de l'arrêt rendu par son assemblée plénière (Ass Plen, 04 mars 2005, pourvoi n°03-11725, publié au bulletin), la Cour de cassation énonce :

'la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence d'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1986, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du Code monétaire et financier, subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus'.

Les époux [A] seront donc déboutés de leur demande de nullité du titre exécutoire sur cet autre fondement.

En suite de tout ce qui précède et dans le cadre de la présente action en contestation des trois saisies-attribution dont la mainlevée est poursuivie, la cour ne statuera que sur les moyens relatifs à la recevabilité des demandes, s'il y a lieu sur leur bien fondé, en ce qu'elles portent sur le caractère non écrit des clauses arguées d'abus et sur les conséquences éventuellement à en tirer quant aux seules mesures d'exécution forcée contestées.

Sur la demande de mainlevée des trois saisies-attribution en cause fondée sur l'existence de clauses abusives

Le juge de l'exécution a statué, comme il été dit, sur l'existence de clauses abusives pour conclure à la nullité de l'acte notarié en vertu duquel ont été mises en oeuvre les voies d'exécution querellées.

L'appelante se prévaut liminairement de l'article 22 du contrat relative au 'droit applicable et (la) juridiction compétente' du contrat pour dire qu'elle doit recevoir application, que la compétence du juge national luxembourgeois est conforme à la directive 93/13/CEE du Conseil du 05 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que seules les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour qualifier les clauses du contrat et en tirer les éventuelles conséquences et que tous les droits et obligations nés du contrat en cause doivent être régis et interprétés conformément aux lois du [Localité 10] Duché de Luxembourg.

Quant à l'action, elle entend d'abord démontrer que les époux [A] sont irrecevables en leurs demandes tant du fait de sa propre situation juridique, que de l'autorité de choses jugées et de la prescription,

Elle soutient subsidiairement qu'ils ne peuvent se prétendre consommateurs et bénéficier des dispositions protectrices de la jurisprudence de la CJUE et du droit de la consommation, plus subsidiairement et en tout état de cause, que les clauses en question auxquelles elle consacre des développements précis et circonstanciés, ne peuvent être considérées comme abusives, plus subsidiairement encore qu'il n'existe pas, en tout état de cause, de déséquilibre significatif dans les relations contractuelles et enfin, qu'en application de l'avis de la Cour de cassation du 11 juillet 2024, le prétendu caractère abusif de certaines clauses n'aurait aucune incidence sur les sommes dues par les débiteurs à l'égard de la banque.

Se réclamant de jurisprudences de la CJUE et de la Cour de cassation, les intimés soutiennent en réplique que le caractère abusif d'une clause peut être invoqué à tout stade de la procédure, même devant le juge de l'exécution, et ceci en dépit de l'autorité de la chose jugée acquise par la décision en vertu de laquelle le juge de l'exécution est saisi.

Qu'en outre, le principe de la suspension des poursuites individuelles liée à la liquidation judiciaire du contractant professionnel ne peut davantage s'opposer à l'office du juge ; ils s'appuient pour ce faire sur un arrêt de la Cour de cassation rendu le 08 février 2023 (pourvoi n° 21-17763) concernant la faculté pour un débiteur ayant souscrit un prêt en qualité de consommateur et qui faisait l'objet d'une procédure collective de soulever devant le juge de la saisie immobilière une contestation portant sur le caractère abusif d'une clause, nonobstant l'admission au passif de la créance par le juge commissaire, lequel n'avait pas été saisi de cette contestation.

Admettre le contraire, poursuivent-ils, reviendrait à subordonner l'examen des clauses abusives à l'initiative préalable d'une déclaration de créance par le consommateur.

Ils ajoutent qu'un jugement de nullité a des effets constitutifs et non déclaratifs de droit, la créance de restitution naissant du jugement et non du contrat, qu'en outre, devant les juridictions luxembourgeoises, la banque a précisément soutenu que d'autres emprunteurs ne pouvaient plus se prévaloir de la nullité des contrats, des investissements et agir en responsabilité faute d'admission de leur créance à raison de la suspension des poursuites individuelles et que la Cour de cassation du Luxembourg a condamné ce raisonnement par arrêt rendu le 30 janvier 2014 (pièce n° 25) dès lors qu'il s'agissait d'un moyen de défense ; que la cour d'appel de Luxembourg a consacré la recevabilité d'une action en nullité du contrat de prêt et du contrat de gage du fait que n'est pas demandée la restitution des investissements mais simplement déniée l'obligation de remboursement.

Ils observent enfin, que si la banque a formé un pourvoi contre une décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui annulait une saisie immobilière en qualifiant d'abusive une clause de déchéance du terme d'un contrat, ce pourvoi dont elle s'est d'ailleurs désistée ne critiquait pas la fin de non-recevoir tirée de la suspension des poursuites pas plus qu'il n'a été retenu par les juridictions luxembourgeoises.

Ces derniers éléments les conduisent à se prévaloir de l'estoppel sanctionné par l'irrecevabilité,

Sur le fond, ils font valoir que le droit européen, auquel le droit luxembourgeois doit se conformer, impose l'examen des clauses abusives au besoin d'office et que l'Equity release relève de son domaine en présence, comme ils se qualifient, de consommateurs ayant agi à des fins étrangères à une activité professionnelle,

Et ils concluent à la confirmation du jugement entrepris au motif que chacune des quatre clauses déjà soumises à l'appréciation du juge de l'exécution est abusive, en particulier celle relative à l'exigibilité anticipée.

Sur la compétence juridictionnelle et le droit applicable

Aux termes de l'article 22 du contrat intitulé 'droit applicable et juridiction compétente' :

'22.1 - Le présent contrat de prêt ainsi que tous les droits et obligations nés dudit contrat de prêt seront régis et interprétés conformément aux lois du Luxembourg.

22.2 - Les parties au contrat conviennent que toute action ou procédure judiciaire naissant du contrat de prêt ou relative à ce contrat sera soumise à la juridiction des tribunaux du [Localité 10] Duché du Luxembourg.

22.3 - Cette présentation devant ladite juridiction ne saurait être interprétée comme limitant le droit du prêteur à engager des actions à l'encontre de l'emprunteur par devant quelque juridiction que ce soit où certains actifs de l'emprunteur pourraient être situés'.

Alors que la banque demande à la cour de donner plein effet à cette clause, l'argumentation des époux [A] sur ce point ressort de leurs développements relatifs au caractère non écrit de cette clause attributive de compétence en ce qu'insérée dans un contrat entre un consommateur et un professionnel sans faire l'objet d'une négociation individuelle, elle contrevient notamment à l'article 3 de la directive 93/13/CE et aux articles 17 et 23 du règlement dit Bruxelles I en donnant compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle se situe le siège du professionnel.

Soutenant que la banque dirigeait ses activités vers la France, cette clause doit, selon eux, être qualifiée d'abusive en ce qu'elle prive le consommateur de sa juridiction naturelle, soit, au cas particulier, celle de leur lieu de résidence en [8], en entravant l'exercice d'actions en justice ou de voies de recours.

Ils suivent en cela la motivation du juge de l'exécution qui a, de plus, jugé que la désignation de la loi luxembourgeoise comme loi applicable au contrat créait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui ignore totalement le droit étranger.

Ceci étant exposé et s'agissant de la clause attributive de juridiction, il y a lieu d'observer que les époux [A] ont porté leur contestation devant le juge de l'exécution du lieu où ils demeurent, par application de l'article R 211-10 du code des procédures civiles d'exécution, sans que la banque ne leur oppose un moyen d'irrecevabilité.

Et cette dernière fait valoir qu'elle est sans objet.

En toute hypothèse, il est constant qu'en droit civil et commercial la loi applicable au fond du litige ne dicte pas la compétence juridictionnelle, ainsi qu'en a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 22 octobre 2008, 07-15823, publié au bulletin)

S'agissant de la loi applicable aux relations entre les parties liées par ce contrat présentant un élément d'extranéité, il y a lieu de considérer que la banque peut se prévaloir du fait qu'il a été librement souscrit et accepté lors de la signature du contrat négocié le 26 mai 2005 et incorporé à l'acte authentique (pièces n° 5 et n° 8 de l'appelante), comme en attestent les paraphes et signatures des emprunteurs, et que l'article 22.1 précité répond à l'impératif de prévisibilité.

La Banque observe (en page 45/82 de ses conclusions) que, se prévalant de l'application de la loi française, les intimés ne se réfèrent pas à l'article 7 de la Convention de Rome I ni ne se prévalent du fait que la loi fondant leur action relève d'une loi de police, laquelle est définie par l'article 9 de cette Convention comme 'une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics tels que son organisation politique, sociale ou économique au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement' et que, partant, ils s'abstiennent d'en démontrer le caractère crucial.

Etant rappelé, sur ce point, que les lois de police dérogent aux règles de conflit de lois garantissant la prévisibilité des situations et l'autonomie de la volonté, si bien que le recours à une loi de police doit rester exceptionnel et leur qualification requiert une application stricte.

De sorte que, pour se prononcer sur les relations contractuelles des parties, doit recevoir application la clause prévoyant que 'les droits et obligations nés dudit contrat de prêt seront régis et interprétés conformément aux lois du [Localité 10] Duché du Luxembourg'.

Toutefois, la cour se trouve saisie de prétentions tendant à voir déclarer non écrites des clauses tenues pour abusives par les emprunteurs, ce qui ressort de la protection du consommateur.

A cet égard et pour ce qui concerne précisément ces prétentions, si les époux [A] laissent sans réponse les développements de leur adversaire selon lesquels la loi luxembourgeoise est tout aussi protectrice du consommateur que la loi française, citant divers textes et, notamment, la loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique des consommateurs telle que modifiée en transposant en particulier le droit européen et leur opposant le fait qu'il n'est pas démontré que la loi luxembourgeoise y contrevient, a néanmoins vocation à trouver application l'article L 232-1 du code de la consommation destiné à transposer l'article 6.2 de la directive 93/13/ CEE du Conseil du 05 avril 1993 concernant les contrats conclus avec les consommateurs.

En effet, parmi ses considérants, la directive évoque le risque, dans certains cas, de priver le consommateur de la protection qu'elle accorde quant aux clauses abusives en désignant le droit des pays tiers comme droit applicable et, selon son article 6.2, 'Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d'un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des Etats membres'.

Les époux [A] faisant la démonstration de l'effectivité de ce lien étroit avec la France en se prévalant, en particulier, de la circonstance que le professionnel dirigeait son activité vers ce territoire, lieu de leur résidence, ils sont fondés à poursuivre l'application des dispositions protectrices du code de la consommation français par application de l'article L 231-1 du code de la consommation qui dispose :

' Nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un Etat membre de l'Union européenne en application de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrat conclus avec les consommateurs lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un Etat membre'

Par suite, la banque est fondée à prétendre, dans le contrat en cause librement négocié, que la loi régissant les droits et obligations des parties est celle qu'ils ont choisie dans la clause attributive de compétence juridictionnelle précitée mais, s'agissant de l'appréciation du caractère abusif des clauses incriminées, les époux [A] peuvent se prévaloir de l'application revendiquée du code de la consommation.

Sur le moyen d'irrecevabilité tiré de la procédure collective dont fait l'objet la banque et du principe de la suspension des poursuites

Il est constant, en l'espèce, que par jugement du 08 octobre 2008 rendu par un tribunal luxembourgeois, la banque a été admise au bénéfice de la procédure de sursis de paiement, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2008 et monsieur [O] désigné en qualité de liquidateur.

Il résulte de ce qui précède que l'article 452 du code de commerce du [Localité 10] Duché du Luxembourg dispose qu'à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite.

Au soutien de son moyen d'irrecevabilité tendant à voir juger que cette règle a pour finalité d'assurer, en particulier, l'égalité des créanciers de divers Etats membres et du principe de la suspension des poursuites individuelles postérieurement à l'ouverture du jugement de liquidation, la partie appelante peut, certes, invoquer la directive 2001/24/CE du parlement européen et du conseil du 04 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit prévoit en son article 3 relatif à la loi applicable :

' 1 - Les autorités administratives ou judiciaires de l'Etat membre d'origine sont seules compétentes pour décider de la mise en oeuvre dans un établissement de crédit, y compris pour les succursales établies dans d'autres Etats membres, d'une ou plusieurs mesures d'assainissement.

2 - Les mesures d'assainissement sont appliquées conformément aux dispositions des lois, règlements et procédures applicables dans l'Etat membre d'origine dans la mesure où la présente directive n'en dispose autrement.

Elles produisent tous leurs effets selon la législation de cet Etat membre dans toute la Communauté, sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers dans les autres Etas membres, même si les réglementations de l'Etat d'accueil qui leur sont applicables ne prévoient pas de telles mesures ou soumettent leur mise en oeuvre à des conditions qui ne sont pas remplies.

Les mesures d'assainissement produisent leurs effets dans toute la Communauté dès qu'elles produisent leurs effets dans l'Etat membre où elles ont été prises'.

ainsi que sa transposition en droit interne par la loi du 19 mars 2004 et aux articles 60 à 61-22 de la loi de surveillance du secteur financier du 05 avril 1993 modifiée (pièce n° 48 de l'appelante), le seizième considérant de la directive énonçant, quant à lui, que :

'l'égalité des créanciers exige que l'établissement de crédit soit liquidé selon les principes d'unité et d'universalité qui postulent la compétence exclusive des autorités administratives ou judiciaires de l'Etat membre d'origine et de la reconnaissance de leurs décisions qui doivent pouvoir produire, sans aucune formalité, dans les limites dans tous les autres Etats membres, les effets que leur attribue la loi de l'Etat membre d'origine, sauf si la directive en dispose autrement'.

Mais elle ne peut être suivie en son moyen d'irrecevabilité en opposant à ses adversaires le principe de la suspension des poursuites individuelles postérieurement à l'ouverture du jugement de liquidation et de la nature patrimoniale de la demande des époux [A] tendant à diminuer l'actif de la banque et, partant, le gage des créanciers, s'agissant d'une créance née, au cas particulier, antérieurement à la déclaration de faillite.

Pas plus qu'elle ne peut se réclamer, comme elle le fait, d'un certificat de coutume de monsieur [N] [I], avocat à la Cour admis au barreau du Luxembourg (pièce n° 52) et de la consultation du professeur [K] [W], agrégé des facultés de droit (pièce n° 53), ou encore d'un arrêt (publié au bulletin) rendu le 12 novembre 2020 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n° 19-10579) dans une affaire opposant cette même société Landsbanki à des tiers, aux termes duquel :

'8. L'arrêt, après avoir énoncé que l'article 452 du code de commerce du [Localité 10] Duché du Luxembourg dispose qu'à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite, retient que, selon le certificat de coutume produit aux débats, le principe de la suspension des poursuites individuelles résultant de ce texte fait que toutes les actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure sont irrecevables, si elles sont exercées par des créanciers chirographaires dont la créance est née avant l'ouverture de la procédure de liquidation et qu'un tel principe n'est pas seulement général et absolu, mais aussi d'ordre public et doit être soulevé d'office par le juge, et que selon la consultation rédigée par M. [W], au regard du principe posé par ce texte, non seulement une demande de dommages-intérêts est irrecevable, mais aussi la demande d'annulation de l'affectation hypothécaire, de même que la demande en nullité du contrat de prêt combinée à une demande en limitation des restitutions dues. L'arrêt retient que la société Palayson, qui a saisi le tribunal par un acte du 1er février 2011, postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la banque, d'une demande d'annulation des affectations hypothécaires et qui, en cause d'appel, présente des demandes de nullité et de résolution du contrat de prêt et de dommages-intérêts, et demande par ailleurs, en cas de succès de l'action en nullité, à ne pas être condamnée à la restitution du capital emprunté, tandis que la créance de la banque est née antérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation, agit en se prévalant de créances antérieures au jugement d'ouverture. Il en déduit que le succès des actions ainsi engagées ne pourrait qu'affecter le patrimoine de la banque et, par suite, le gage des créanciers, que ces actions présentent, en conséquence, un caractère patrimonial et se trouvent soumises au principe de suspension des poursuites individuelles.

9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter et qui a, dans l'exercice de son appréciation souveraine de la teneur et de la portée du droit positif luxembourgeois, sans dénaturation, et par un arrêt motivé, retenu que l'action de la société Palayson et de son liquidateur se heurtait à la règle de la suspension des poursuites individuelles dont bénéficiait la banque, a légalement justifié sa décision'.

En effet, contrairement aux éléments factuels de cette espèce, les époux [A] qui agissent en contestation des trois voies d'exécution litigieuses, se bornent à poursuivre la nullité du contrat pour dénier l'obligation de remboursement sans pour autant former, si la nullité devait être prononcée, une demande tendant à être dispensés de la restitution du capital emprunté de nature à porter atteinte au gage des créanciers ; leur demande indemnitaire ne porte, quant à elle, que sur l'abus d'appel.

Dans le même sens, la cour d'appel de Luxembourg, dans une décision dite Müller rendue le 03 avril 2024 que les époux [A] citent en la produisant en pièce n° 26, a jugé que :

'Dans la mesure où la demande ne tend pas à la reconnaissance d'une créance au profit des appelants, mais tend à faire cesser leur situation de débiteurs à l'égard de Landsbanki, elle ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 452 du code de commerce'.

Il peut être incidemment relevé, à la lecture du jugement commercial rendu le 16 décembre 2024 par le tribunal de Luxembourg (pièce n° 112 de l'appelante) qu'alors qu'en défense à l'action en paiement de la même créance présentement invoquée les époux [A] se prévalaient d'un défaut d'information et de mise en garde, de l'erreur, sinon du dol, affectant leur consentement pour ne poursuivre que la nullité du contrat, la banque ne s'est pas prévalue du principe de la suspension des poursuites comme elle le fait dans le cadre du présent litige.

Pour autant, les conditions de l'estoppel invoqué ne sont pas satisfaites dès lors que les positions contraires reprochées à la banque par les époux [A] ne s'inscrivent pas dans une même instance.

Il s'en déduit que le moyen d'irrecevabilité opposé par la banque ne peut prospérer.

sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'appelante fait ici valoir que pour s'extraire des règles de droit commun en matière de prescription, il convient que les conséquences tirées de l'éventuel caractère abusif d'une clause ne soient pas une demande de nullité du contrat et qu'en l'espèce la demande des époux [A] tend à l'anéantissement du contrat.

En outre, l'exception ne peut prospérer en droit luxembourgeois si le contrat a reçu un commencement d'exécution et si la partie a laissé passer le délai pour agir en nullité, elle ne peut plus l'invoquer pour refuser d'en poursuivre l'exécution.

Les intimés rétorquent que le caractère abusif d'une clause peut être invoqué à tous stades de la procédure, même devant le juge de l'exécution et en dépit de la chose jugée acquise par la décision au fondement de la voie d'exécution contestée.

Cela étant relaté, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la CJUE (reprise par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17996, publié au bulletin), laquelle, saisie d'une question préjudicielle, a dit pour droit, dans un arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), que :

'L'article 6 §1 et l'article 7 §1 de la directive 93/13/CE du Conseil du 05 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur : aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. (...)'.

Elle a précisé, en son considérant 27 et s'agissant du principe d'effectivité, que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs ne doivent pas être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union.

Et énonce encore, en son considérant 38, que le consommateur peut à tout moment soulever le caractère abusif d'une clause et ceci tant comme moyen de défense que lorsqu'il agit en déclaration du caractère abusif de cette clause.

Il en résulte que doit être rejetée cette fin de non-recevoir.

sur le moyen d'irrecevabilité tiré du service et de la qualité des parties

La partie appelante fait encore valoir que les époux [A] ne peuvent se prétendre consommateurs et bénéficier des dispositions protectrices de la jurisprudence de la CJUE et du droit de la consommation, notamment en son article L 132-1 devenu L 212-1.

Elle se prévaut d'abord de l'article 22.1 du contrat désignant la loi luxembourgeoise et combat l'argumentation adverse en se réclamant de diverses décisions de juridictions de fond ayant retenu que le contrat de prêt était exclu du champ d'application des dispositions impératives de la loi française en invoquant, de plus, les articles 5. et 5.4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Elle fait valoir que le premier de ces textes ne s'applique pas au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui où il a sa résidence habituelle, que, selon le second, il faut rechercher le lieu où sont réalisés les prestations et qu'en l'espèce les services bancaires ont été fournis exclusivement au [Localité 10] Duché de Luxembourg.

Elle soutient ensuite que le contrat en cause n'est pas un crédit à la consommation, que la cause du crédit Equity release est précisée en son article 2 selon lequel les sommes mises à la disposition de l'emprunteur devront être utilisées pour effectuer des investissements dans la police et bien d'autres investissements et qu'il exclut de façon générale la notion de consommateur, au sens du règlement européen ; elle cite les directives 87/102/[7] du 22 décembre 1986 et 2008/48/CE du 23 avril 2008 qui excluent les contrats de crédit au montant supérieur à 20.000 écus portés à 75.000 euros par la seconde qui écarte, par ailleurs, les crédits hypothécaires.

Elle s'appuie sur des décisions dans ce sens de juridictions luxembourgeoises qui rejettent la qualification de crédit à la consommation et jugent que l'emprunteur ne pouvait être considéré comme consommateurs au regard du droit luxembourgeois.

Qui plus est, ajoute-t-elle, il n'y a pas violation des lois de police, au sens de la Convention de Rome ni en matière de protection des consommateur ni en matière procédurale.

Ceci étant dit, c'est à juste titre que les époux [A] rétorquent que la protection du consommateur contre les clauses abusives ne voit pas son domaine limité aux seuls crédits à la consommation ou aux crédits immobiliers, que la lutte contre les clauses abusives s'étend à tous les contrats entre professionnel et consommateur et elle est garantie à l'échelon européen, ajoutant que le droit luxembourgeois ne saurait conduire à un refus d'application.

En effet, outre le fait que tant le droit de l'Union que la jurisprudence de la CJUE ont apprécié de manière extensive le champ d'application de la protection assurée par la directive 93/13/CEE à divers contrats, eu égard à ce qui précède il convient de retenir qu'aux termes de l'article L 212-1 (anciennement L 132-1) du code de la consommation relatif aux clauses abusives (qui font l'objet de la présente action en contestation) et, plus précisément, de son alinéa 3 aux termes duquel : 'l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni (...)'.

Par delà la question du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui sera examinée au fond, les débats amènent la cour à se prononcer à ce stade sur la qualité de consommateurs des époux [A].

Ce consommateur est défini à l'article liminaire du code de la consommation comme étant 'toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, libérale ou agricole'.

La CJUE a été conduite à préciser, sur question préjudicielle, que 'la qualité de consommateur de la personne concernée doit être directement déterminée au regard d'un critère fonctionnel , consistant à apprécier si le rapport contractuel concerné s'inscrit dans le cadre d'activités étrangères à l'exercice d'une profession. La Cour a, en outre, eu l'occasion de préciser que la notion de 'consommateur' au sens de l'article 2 sou b) de la directive 93/13 a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement' ( CJUE, 08 juin 2023, aff C-570/21, § 30).

Or, pour dénier aux époux [A] la qualité de consommateurs, la banque leur oppose, à tort, le caractère spéculatif du contrat en cause alors que cette dernière décision de la CJUE conduit à apprécier l'usage du contrat de crédit en lien avec une activité professionnelle, étant précisé que, dans sa décision du 08 juin 2023, la juridiction européenne a adopté une conception extensive de la finalité professionnelle, admettant qu'il suffit qu'elle ne soit pas prépondérante.

En cet état du droit positif, force est de considérer que la banque ne démontre, au moyen de circonstances pertinentes entourant le contrat, ni même ne soutient que époux [A], exerçant des professions ressortant du domaine médical, aient fait usage des deniers prêtés pour leurs activités professionnelles respectives.

Il en résulte qu'elle échoue en cet autre moyen d'irrecevabilité.

Sur l'existence de clauses abusives

Le juge de l'exécution a retenu, comme il a été dit, le caractère non écrit des quatre clauses précitées du contrat de prêt faisant corps avec l'acte authentique en donnant mainlevée, par delà sa saisine, de l'ensemble des voies d'exécution pratiquées et il en est à nouveau débattu devant la cour.

1) s'agissant de l'article 22 sur le droit applicable et la juridiction compétente

Le premier juge a considéré qu'il n'était pas démontré que cette clause donnant compétence aux juridictions luxembourgeoises ait été négociée, pas plus que la désignation du droit luxembourgeois applicable et qu'elle créait un déséquilibre significatif entre un consommateur ignorant totalement le droit étranger et contraint à des frais et démarches pour agir à l'étranger.

Si les intimés reprennent cette motivation en invoquant des décisions relatives à l'absence de négociation ou une consultation juridique (en pièce n° 6) et en soulignant que la banque dirigeait ses activités vers la France, il convient de renvoyer à ce qu'énoncé précédemment pour apprécier la compétence juridictionnelle et le droit applicable.

Par suite, le juge ne peut être confirmé en sa qualification d'abusive de cette clause.

2) s'agissant de l'article 3 relatif aux facilités multidevises

Aux termes de cette clause, les parties sont convenues :

' 3.1 - A la date d'expiration de l'une des périodes d'intérêt, l'emprunteur aura la possibilité de modifier la désignation du prêt en une autre devise facultative acceptable par le prêteur, sous réserve que le choix de la (les) devise (s) par l'emprunteur soit notifié au prêteur sous une forme et un fond acceptables par le prêteur au plus tard 10 heures (heure de Luxembourg) 2 (deux) jours ouvrés avant la date d'expiration de la période d'intérêt correspondante. Au cas où l'emprunteur manque à son obligation d'information envers le prêteur, le prêt serait refinancé dans la devise dans laquelle il était exprimé à la date de reconduction ou, au cas où ladite (lesdites) devise (s) ne serait (seraient) plus acceptables (s) par le prêteur, dans toute autre eurodevises, à l'entière discrétion du prêteur.

3.2 - L'emprunteur reconnaît avoir été informé et avoir expressément compris que, en conséquence, de possibles validations de taux de change, le montant de la contre-valeur du prêt (si exprimé dans une autre devise que celle de sa facilité) puisse être supérieur à celle de la facilité.

3.3 - L'emprunteur comprend et reconnaît expressément que le prêteur n'est pas tenu d'informer l'emprunteur de toute augmentation du prêt en raison de fluctuations monétaires défavorables'.

Pour qualifier d'abusive cette clause, le juge a considéré qu'elle dispensait la banque d'informer les époux [A] de toute augmentation du prêt en raison de fluctuations économiques défavorables en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur en portant atteinte aux obligations de conseil, d'information et d'exécution de bonne foi du contrat à la charge du preneur.

Les intimés n'y ajoutent pas et, outre le fait que la banque fait pertinemment valoir qu'il s'agit juste, ici, d'une facilité de multidevises à l'initiative de l'emprunteur et sans aucune obligation, il convient de considérer que l'article 3.3 de cette clause telle que formulée et que paraît viser le jugement ne s'analyse pas en une clause de limitation de responsabilité ou de renonciation à tout recours judiciaire en ce qu'elle exonérerait le prêteur de toute obligation de réparer le préjudice qui résulterait d'un défaut d'information. Il est simplement stipulé que le prêteur 'n'est pas tenu'.

Aussi, le juge ne peut être approuvé en ce qu'il qualifie cette clause d'abusive.

3) s'agissant de l'article 12 intitulé 'risque et responsabilité en matière d'investissement'

12.1 L'emprunteur reconnaît avoir été informé et avoir expressément compris que les placements avec répartition des bénéfices et/ou les opérations de change sont des investissements à fort caractère spéculatif qui supposent une prise de risque considérable de la part de l'emprunteur par laquelle l'emprunteur peut subir des pertes. Les pertes peuvent éventuellement dépasser les biens nantis par l'emprunteur aux fins de ces investissements. Si les pertes de l'emprunteur dépassent le montant des biens nantis par lui, le prêteur reste entièrement fondé à recouvrer l'intégralité de la somme restant due par l'emprunteur.

12.2 Les décisions d'investissement concernant les fonds mis à disposition en vertu du présent contrat de prêt ne doivent être prises que par l'emprunteur, lequel accepte de supporter l'entière responsabilité des résultats de ces investissements. L'emprunteur reconnaît au surplus que le prêteur n'est responsable ni des accords commerciaux passés dans le cadre desdits investissements ni des pertes subies par l'emprunteur du fait de ces investissements.

12.3 L'emprunteur reconnaît avoir été informé et avoir pleinement compris que, du fait d'une possible fluctuation des devises et d'une capitalisation éventuelle des intérêts dus le cas échéant en vertu du présent contrat, le solde du prêt peut s'avérer supérieur au montant de la facilité. L'emprunteur pourra donc avoir à engager sa responsabilité envers le prêteur en cas de dépassement de la facilité'.

Le premier juge a considéré que ce contrat prévoyant que la devise étrangère est la monnaie de compte et l'euro la monnaie de paiement faisait porter sur l'emprunteur un risque de change sans qu'il soit plafonné, à l'origine d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

L'appelante fait valoir que les emprunteurs (à admettre qu'ils ne sont pas, comme elle le considère, des consommateurs avertis, ce qui rendrait le débat inutile) ont reçu toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension du fonctionnement du prêt et du mécanisme de change suivant des clauses claires et compréhensibles sur le risque de change et qu'a été signé un avis de risque annexé à l'acte de prêt, citant diverses juridictions de fond qui l'ont admis dans des affaires similaires.

Les intimés concentrent leurs développements sur l'article 12.2 pour dire qu'il s'agit d'une clause exonératoire de responsabilité du professionnel envers le consommateur.

Ils estiment que le prêt en cause est un service auxiliaire à la prestation de services d'investissement, que le succès économique de l'opération repose sur l'appréciation du portefeuille d'investissements pour rembourser capital et intérêts sans que les revenus ou le patrimoine de l'investisseur ne soient 'scrutés', que la saisie ainsi surprise par application d'une prétendue créance qui ne pouvait pas être contractée constitue une fraude par la dissimulation d'un produit d'investissement illicite derrière une fausse qualification de prêt.

Ceci étant rappelé, l'argumentation des intimés paraît inappropriée, dès lors qu'elle pourrait éventuellement s'inscrire dans une argumentation relative au devoir de mise en garde ou au dol alors qu'ils poursuivent la confirmation du jugement qui a retenu que cette clause était abusive et que la partie appelante combat une telle qualification.

L'objet du litige tenant à l'existence de clauses abusives qui seraient susceptibles de faire échec aux mesures d'exécution provisoire litigieuses, il y a lieu de considérer que l'article L 132-1, (devenu L 212-1 alinéa 3) du code de la consommation, ne porte pas sur celles relatives à l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En l'espèce, l'article 2 du contrat intitulé 'facilité et prêt' porte sur la mise à disposition de fonds qui devront être utilisées par l'emprunteur dans des opérations de change et la clause litigieuse sus-reproduite participe à l'objet principal du contrat.

Il y a lieu de considérer que la clause sus-reprise précise clairement et de manière intelligible pour les époux [A] (dont rien, au demeurant, ne permet de retenir la qualité d'emprunteurs avertis) l'existence, pour emprunteur moyennement avisé, d'une prise de risque qualifiée de 'considérable' du fait des placements avec répartition des risques et/ou des bénéfices ; elle ajoute que d'éventuelles pertes dont le montant excéderait la valeur des biens nantis exposeraient l'emprunteur à un recouvrement intégral du prêt, que la décision d'investissement appartient à celui-ci, qu'il en assume la responsabilité et que la capitalisation éventuelle des intérêts peut conduire à un dépassement de la facilité.

Cette information a été accompagnée d'un 'avis de risque' signé par monsieur [A] et annexé au contrat de prêt qui est explicité par la banque dans ses écritures sans que, pourtant, les intimés ne le remettent en cause.

Il convient de considérer que ce surplus d'informations était de nature à permettre aux emprunteurs d'appréhender le mécanisme des 'leveraged investments' et de mesurer le risque encouru ainsi que ceux afférents aux stratégies d'investissement ou susceptibles d'affecter le taux de change, satisfaisant ainsi les objectifs poursuivis par la directive 93/13 précitée.

Eu égard aux termes de cette stipulation et à ce contexte, ne peut être retenue l'existence d'une prérogative exorbitante au profit du prêteur d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur induit.

Si bien que la cour ne saurait approuver le juge de l'exécution qui a conclu au caractère non écrit de cette autre clause.

4) s'agissant de l'article 9 intitulé ' garanties (valeurs)

Il est formulé comme suit :

9.1 La garantie du prêt sera constituée :

(a) d'un titre hypothécaire sur le bien immobilier

(b) d'un contrat de gage en date du 26 mai 2005.

9.2 A la date du présent contrat de prêt, la valeur des biens nantis n'est pas inférieure à 105% du montant du prêt calculé conformément à la procédure de calcul en vigueur.

9.3 Si le ratio de couverture de gagerie se monte à - 90% du montant du prêt, tel que calculé par le prêteur suivant la procédure de calcul, le prêteur aura la possibilité, sans aucune notification écrite préalable, mais pas l'obligation de :

(a) réclamer le remboursement immédiat du prêt,

(b) exiger de l'emprunteur qu'il rétablisse un ratio de couverture de gagerie de plus de 100%, ou (c) liquider la garantie et en utiliser le produit pour rembourser le prêt, y compris les intérêts accumulés et les frais correspondants, après avoir adressé à l'emprunteur une injonction de payer sous 3 (trois) jours ouvrés par lettre recommandée'.

Concluant au caractère abusif de cette clause et conséquemment à l'annulation du contrat du fait de cette seule clause, le juge de l'exécution s'est prononcé sur l'article 9.3 dont le prêteur a usé en retenant que cette clause d'exigibilité anticipée a été instituée sans négociation préalable établie, mise en oeuvre en l'absence de mise en demeure ou sommation préalables et sans préavis raisonnable, ceci non pas pour un défaut de paiement d'une échéance à bonne date mais pour une régression du défaut de couverture selon une procédure de calcul non intégrée au contrat et demeurant inexpliquée. Il en a déduit l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties.

Explicitant les raisons économiques du ratio de couverture édicté dans l'intérêt du prêteur, l'appelante se prévaut de la validité de conditions simplement potestatives en ce qu'elles dépendent non seulement de la volonté d'une partie mais aussi de circonstances extérieures ; elle s'attache aux modalités de calcul du ratio de couverture de gagerie prévu à l'article 9.3 et fait valoir que le taux convenu n'a pas été décidé unilatéralement mais est conforme aux usages bancaires.

Elle soutient par ailleurs que la déchéance du terme immédiate n'est que prétendue puisqu'elle a laissé aux débiteurs un délai raisonnable qu'ils n'ont pas utilisé à bon escient ; pour ce faire, elle vise (en pièce n° 16) son pli recommandé du 04 septembre 2019 explicitant le mode de calcul théorique du 'security coverage ratio' duquel ressort, pour une dette s'établissant à 842.330,60 euros au 03 septembre 2019, un ratio de couverture de 0,8694 % et impartissant aux débiteurs, à peine de réalisation des garanties, un délai de 10 jours pour s'en acquitter ; elle produit en outre (en pièce n° 17) son pli recommandé du 11 février 2020 les informant de l'exercice effectif de ses droits sur les avoirs détenus en ses livres et de la diminution induite de leur dette.

Et elle reproduit d'abondance dans ses écritures diverses décisions luxembourgeoises ou rendues par des juges du fond nationaux qui ont écarté le caractère abusif de cet article 9.3 en ce qu'il permet pour motif grave tenant à la détérioration de la valeur du gage de mettre fin unilatéralement et sans préavis au contrat.

Elle affirme, pour finir, qu'il ne peut être conclu, sauf mauvaise foi, que le contrat n'informait pas l'emprunteur, de manière parfaitement claire et compréhensible, sur ses obligations.

Les intimés poursuivent la confirmation du jugement, soulignant de plus le fait que le ratio de calcul évoqué à l'article 1.5 du contrat était non seulement discrétionnaire mais dénué de prévisibilité et inaccessible aux emprunteurs en permettant une rupture unilatérale et immédiate du contrat, ce qui caractérise un déséquilibre significatif à leur préjudice.

Ceci étant relaté, cet article 9.3 peut être regardé comme une clause réservant au prêteur la faculté de se prévaloir d'une résiliation de plein droit puisque, sans manquement contractuel des emprunteurs et sans autre stipulation en faveur de ces derniers - tenant, en particulier, à la faculté de contestation d'un ratio de couverture, au demeurant unilatéralement calculé par le créancier selon des paramètres non explicités dans le contrat, ou tenant, surtout, à la prévision d'un préavis raisonnable - il introduisait au profit du prêteur un droit dépourvu de réciprocité induisant un déséquilibre significatif au détriment de ses cocontractants exposés à une aggravation soudaine des conditions de remboursement sans leur laisser la possibilité effective d'éviter que la clause produise ses effets.

A cet égard, peut être évoqué la jurisprudence de la Cour de cassation, appelée à se prononcer sur une mise en demeure de régler des échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, a jugé que cette clause créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur (Cass civ 1ère, 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16004, publié au bulletin).

Elle s'est appuyée, pour ce faire, sur la jurisprudence de la CJUE en énonçant:

' 12. Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

13. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle'.

L'ensemble de ces éléments conduit la présente cour à réputer non écrit cet article 9.3 ; conformément à l'article 6.1 de la directive 95/13/CEE précitée, elle ne lie donc pas ces consommateurs.

Sur la créance au fondement des mesures litigieuses

L'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose :

'Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent (...)'.

Les époux [A] ne contestent pas le décompte de la créance édité le 19 juin 2023 produit par la banque (en pièce n° 28) faisant ressortir :

un principal de 473.218,65 euros

des intérêts contractuels au montant de 29.571 euros (euribor 3 mois inclus et ventilés du 03 février 2020 au 31 mars 2023)

des intérêts de 'non-paiement', calculés suivant un taux majoré de 3% prévu au contrat pour un total de 48.583,78 euros (s'étendant sur la même période).

Ni ne prétendent s'être acquittés de l'un ou l'autre de ces postes de créance.

Il résulte de ce qui précède que la banque a consenti un prêt conclu le 26 mai 2005 qui, aux termes de son article 18.1, 'devra être intégralement remboursé au plus tard 20 ans à compter de la date de la signature du présent contrat', qu'elle ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme prononcée en application d'une clause dont la cour a retenu le caractère abusif et, par conséquent, de l'exigibilité du capital à la date des voies d'exécution mises en oeuvre.

Il ressort toutefois des pièces de la procédure que l'article 6.1 du contrat prévoyait, pendant la durée du contrat, autrement dit indépendamment de la déchéance du terme, le paiement d'intérêts selon une périodicité trimestrielle, semestrielle ou annuelle (laissée au choix de l'emprunteur par son article 7) et que le taux conventionnel s'établissait à 1,75 % majoré du taux Euribor.

Il était en outre stipulé à l'article 8 qu' 'au cas où l'emprunteur manque à payer toute somme en principal, intérêts ou toute autre somme due et exigible en vertu des présentes, l'emprunteur devra payer des intérêts ('intérêts de non paiement') sur ladite somme, lesdits intérêts cessant de courir à la date de réception du paiement par le prêteur, au taux de 3% par an au dessus du taux d'intérêts'.

Or, les procès-verbaux des trois saisies-attribution en cause (fructueuses à hauteur des sommes sus-précisées) ont été pratiquées, selon le décompte ventilé qui y figure, pour avoir notamment paiement de l'exacte somme figurant dans le décompte repris ci-avant au titre des intérêts.

De sorte que si la banque ne pouvait se prévaloir de l'exigibilité du capital au jour de la saisie, sa créance au titre des intérêts était, elle, exigible en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié.

Il en résulte que les époux [A] doivent être déboutés de leur demande de mainlevée des trois saisies-attribution litigieuses.

Sur la demande indemnitaire des intimés 'pour procédure abusive'

Explicitant leur demande ainsi présentée et se réclamant d'une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 12 janvier 2023, pourvoi n° 20-16800, publié au bulletin) les époux [A] poursuivent le paiement d'une somme de 5.000 euros à ce titre.

Ils soutiennent que la décision de mainlevée résultant du jugement entrepris emportait suspension des poursuites et suppression de tout effet attributif d'indisponibilité, que l'appel interjeté n'a pas eu d'effet suspensif, qu'il n'a pas été demandé au premier président de cette cour un sursis à l'exécution du jugement et que l'huissier instrumentaire se refuse à déférer à ce jugement exécutoire ; qu'en outre, l'appelante n'a pas honoré les condamnations mises à sa charge.

Il y a toutefois lieu de considérer que la demande de sursis à exécution des décisions du juge de l'exécution prévu à l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution qui proroge les effets attachés à la saisie n'est qu'une faculté et que, par ailleurs, le commissaire de justice dont il est question n'est pas dans la cause.

En toute hypothèse, il n'est pas justifié de la notification du jugement entrepris alors qu'aux termes de l'article R.121-18 du code des procédures civiles d'exécution 'la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification'.

Par suite, la procédure abusive telle qu'invoquée n'étant pas autrement caractérisée, pas plus qu'il n'est justifié d'un préjudice corrélatif qu'en toute hypothèse la solution donnée par la cour au présent litige rend éphémère, il convient de les débouter de leur demande.

Sur les autres demandes

A l'instar des dispositions au principal du jugement entrepris, celles relatives aux frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens doivent être infirmées.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés qui succombent en leur contestation supporteront les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement entrepris et statuant à nouveau ;

Rejette l'ensemble des moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Landsbanki Luxembourg SA représentée par son liquidateur judiciaire, monsieur [C] [O] ;

Déboute monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, de leur demande de mainlevée des trois saisies-attribution litigieuses pratiquées les 29 juin et 03 juillet 2023 fondée sur l'existence de mesures inutiles ou abusives ;

Déclare irrecevables monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, en leur demande de nullité de l'acte de prêt notarié reçu le 07 juillet 2005 et complété par addendum ;

Déclare monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, fondés en leur demande tendant à voir déclarer abusive, partant non écrite, la clause 9.3 du contrat relative à la déchéance du terme ;

Déboute monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, de leur demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées les 29 juin et 03 juillet 2023 fondée sur la nullité du titre exécutoire au fondement de ces mesures ou sur l'absence d'une créance exigible et déclare valides ces mesures en ce qu'elles portent sur les intérêts conventionnels impayés ;

Déboute monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, de leur demande indemnitaire ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [V] [A] et madame [T] [Z], son épouse, à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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