CA Nîmes, 4e ch. com., 24 octobre 2025, n° 24/02431
NÎMES
Autre
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°268
N° RG 24/02431 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JITD
NR
COUR DE CASSATION DE [Localité 12]
13 juin 2024
RG:550 F-B
S.C.I. [11]
C/
LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 15]
Copie exécutoire délivrée
le 24/10/2025
à :
Me Charlene MOUSSAVOU
Me Anne-isabelle GREGORI
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2025
Décision déférée à la cour : Arrêt du Cour de Cassation de [Localité 12] en date du 13 Juin 2024, N°550 F-B
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
Mme Nathalie ROCCI, Présidente,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Octobre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.I. [11] immatriculée au RCS d'[Localité 4] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel MOLINA de la SELARL MOLINA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Selenay AYDIN avocat au barreau de MARSEILLE ,
Représentée par Me Charlene MOUSSAVOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
M. LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 15], Madame le Comptable du [13] dénomination exacte de Monsieur le Comptable de [14] chargée du recouvrement et dont les bureaux sont situés sis,
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne-isabelle GREGORI de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Avis de fixation de l'affaire à bref délai suite à renvoi après cassation avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Septembre 2025 (art.1037-1 et s. du CPC)
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 24 Octobre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 18 juin 2018 par la SCI [11] à l'encontre du jugement rendu le 31 mai 2018 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°17/03249 ;
Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi de Nîmes du 16 juillet 2024 par la SCI [11] après cassation partielle par arrêt du 13 juin 2024 rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n° pourvoi 22-14.415^) ;
Vu l'arrêt du 13 juin 2024 rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n° de pourvoi 22-14.415) cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier (n° RG 21/02842)
Vu l'ordonnance d'incident du 27 janvier 2022 (n° RG 21/02842) rendue par la cour d'appel de Montpellier ordonnant la jonction des procédures n°21/02842 et 21/03107 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 30 août 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 septembre 2024 par la SCI [11], appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 septembre 2024 par Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 20 décembre 2024 de révocation de l'ordonnance du 30 août 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 9 janvier 2025 reportant la date de clôture au 25 septembre 2025.
***
Monsieur [P] [B] est associé de la société civile immobilière dénommée [11], laquelle est immatriculée depuis le 15 mai 2008 au registre du commerce et des sociétés d'Avignon.
Le 16 octobre 2015, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du [Localité 15] a, afin de recouvrer des sommes dues par Monsieur [P] [B], notifié un avis à tiers détenteur à la société [11] qui en a accusé réception le 9 novembre 2015 en précisant que le compte courant d'associé de Monsieur [P] [B] était créditeur de la somme de 710.230 euros.
En réponse à une mise en demeure du 5 février 2016, la société [11] a, par courrier du 10 mars 2016, indiqué au comptable du pôle de recouvrement spécialisé du [Localité 15] qu'elle était dans l'incapacité de régler la somme due en remboursement du compte courant d'associé de Monsieur [P] [B], qui n'avait d'ailleurs effectué aucune demande en ce sens.
***
Par exploit du 18 octobre 2017, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse a fait assigner la société [11] en délivrance d'un titre exécutoire l'encontre de cette-dernière, devant le tribunal de grande instance d'Avignon.
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Par jugement du 31 mai 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon a :
- rejeté la demande de renvoi à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité des articles L. 281, R 281-3 et R 281-5 alinéa 1 du livre des procédures fiscales aux articles 34 et 55 de la Constitution, 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la loi des 16-24 août 1790,
- rejeté la demande de saisine du juge administratif d'une question préjudicielle tirée de la non-conformité de l'article R281-5 alinéa 1 du livre des procédures fiscales aux articles 34 et 55 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
- déclaré irrecevable la contestation de la société civile immobilière [11] faute d'exercice d'une opposition à poursuites dans les deux mois de la notification à tiers détenteurs et rejeté sa demande subsidiaire de délais de paiement,
- a déclaré la société [11] personnellement débitrice du comptable du [13] à hauteur de 700.022,20 euros et l'a condamné aux dépens.
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La société [11] a relevé appel le 18 juin 2018 de ce jugement pour le voir réformer en toutes ses dispositions.
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Par arrêt en date du 28 mars 2019, la cour d'appel de Nîmes a statué comme suit :
dit n'y avoir lieu à transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;
dit n'y avoir lieu à transmission à la juridiction administrative d'une question préjudicielle ;
confirme le jugement déféré ;
rejette toute demande plus ample ou contraire des parties ;
condamne la société civile immobilière [11] à payer à Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la société [11] aux dépens d'appel.
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La société [11] a formé un premier pourvoi.
***
Par arrêt en date du 14 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 28 mars 2019, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 31 mai 2018, il a déclaré la société [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] à hauteur de 700. 022,20 euros et a renvoyé les parties sur ce point devant la cour d'appel de Montpellier, aux motifs essentiellement que :
- la contestation tirée de la prescription de l'action en recouvrement de l'impôt, qui concerne l'exigibilité de la somme réclamée, relève de la compétence du juge de l'impôt,
- en statuant sur le moyen tiré de la prescription de la créance fiscale alors qu'elle était saisie, s'agissant du recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu, d'une contestation portant sur le bien-fondé de créances fiscales relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs.
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Par arrêt d'incident du 27 janvier 2022, la 2ème chambre civile de la cour d'appel de renvoi de Montpellier a statué et :
« Ordonne la jonction des procédures RG n° 21/2842 et n° 21/3107 ;
Se déclare incompétent pour connaître du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative.
Renvoie les parties à mieux se pourvoir.
Déclare irrecevable la question préjudicielle portant sur la conformité de l'article R.281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Y ajoutant,
Rejette la demande de délais formée par la SCI [10]
Condamne la SCI [11] à payer au comptable du [14] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI [11] aux dépens de l'instance d'appel en application de l'article 639 du code de procédure civile. ».
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La société [11] a formé un pourvoi (n°Y 22-14.415) à l'encontre de l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier.
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Par arrêt du 13 juin 2024, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a statué et :
« Casse et annule, mais seulement en ce qu'il se déclare incompétent pour connaître du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative et renvoie les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; ».
***
Le 16 juillet 2024, la société [11] a procédé à une déclaration de saisine auprès de la cour d'appel de Nîmes après cassation.
Dans ses dernières conclusions, la société [11], appelante, demande à la cour, au visa des articles 14, 15 et 16 du code de procédure civile, des articles 510, 511, 511, 1244-1 et 1244-2, du code civil, des dispositions du code des procédures civiles d'exécution, et plus spécialement les articles L.111-3, L.211-1 et s, et R.211-1 et s, des articles L262, L.263, L.274, et L.281 du livre des procédures fiscales, et des articles R.281, R.281-1, R.281-3-1, R.281-4 et R.281-5 du livre des procédures fiscales, de :
« Infimer le jugement rendu par le juge de l'exécution d'[Localité 4] en date du 31 mai 2018, et statuant à nouveau
In limine litis,
Transmettre au juge administratif la question préjudicielle tirée de la conformité de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L. 281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif.
Surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge administratif
A titre principal
Juger que la SCI [9] a qualité pour contester la validité du titre exécutoire
Constater l'absence de titre exécutoire,
Constater que le bien-fondé de la créance est contesté,
Constater le défaut d'exigibilité de la créance,
Constater la prescription de l'action en recouvrement,
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
A titre subsidiaire
Constater que l'ATD est irrégulier en la forme,
Constater que le requérant ne rapporte pas la preuve d'une notification de l'ATD au tiers détenteur,
Constater que le compte de la SCI [9] a pu être débiteur, ce qui s'oppose à l'évidence à la mise en 'uvre d'un ATD
Constater que le tiers détenteur ne pourra être tenu pour responsable du paiement qu'en tant que débiteur du contribuable saisi et seulement dans la limite de ce qu'il doit ou de ce qu'il détient pour son compte.
Constater que la somme de 710.230 euros correspondant au compte courant sera relativisée aujourd'hui notamment en ce que les liquidités de la SCI [9] sont fortement diminuées.
En conséquence,
Déclarer nul l'avis à tiers détenteur prétendument notifié,
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire,
Constater la bonne foi la SCI [9],
Juger que SCI [9] n'aura une capacité financière suffisante pour honorer la créance due qu'à la condition d'un rééchelonnement de la dette et de la mise en place d'un échéancier dont les mensualités ne pourront dépasser 500 euros,
Ordonner la mise en place d'un échéancier à hauteur de versements mensuels de 500 euros que devra verser la SCI [9] à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à extinction de la dette.
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
Infirmer le jugement entrepris,
Constater la violation du principe de l'égalité des armes, du principe du contradictoire
et du principe du droit à un procès équitable ;
Constater l'absence de justification effective de la notification de l'ATD,
Juger que les conclusions versées aux débats par la SCI [9] sont recevables ;
Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la partie adverse. ».
Au soutien de ses prétentions, la société [11], sollicite in limine litis, un sursis à statuer et la transmission de la question préjudicielle au motif que la cour de cassation a constaté que la cour d'appel de Nîmes avait excédé ses pouvoirs en ayant statué sur une contestation portant sur le bien-fondé de créances fiscales relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif dès lors que la question posée conditionne la solution du litige et n'a jamais été soumis au juge administratif.
Elle fait valoir en premier lieu que la solution du litige soumis à l'ordre judiciaire dépend d'une décision de la juridiction administrative qui doit statuer sur la contestation liée à l'exercice des poursuites pour le recouvrement des impôts directs des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette contenue des paiements effectués, l'exigibilité de la somme réclamée ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt.
En second lieu elle fait valoir qu'il existe une difficulté sérieuse au regard du contexte de l'affaire et de la décision rendue par la cour de cassation. Elle affirme qu'en déclarant sa contestation irrecevable par application stricte de l'article R 281-5 du Livre des procédures fiscales le droit à un recours effectif a été violé.
Concernant la recevabilité de sa contestation, la SCI [8] fait valoir tout d'abord que la chambre commerciale de la cour de cassation a récemment pu juger que les dispositions de l'art. R. 231-5 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le juge de l'exécution des moyens de droit nouveaux, à la condition que ces derniers n'impliquent pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait omises dans sa demande préalable au chef de service. Selon elle, ensuite, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été jugé applicable aux procédures relatives aux majorations d'impôt ou aux pénalités fiscales. Il s'en suit selon l'appelante que la présente juridiction devra constater qu'elle n'a pas la compétence pour relever et décider que la SCI n'a pas qualité à contester à validité du titre exécutoire. Elle ajoute que si ces moyens de défense sont jugés irrecevables cela reviendrait à nier le principe du contradictoire et une telle application de l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales revient à créer une rupture dans l'égalité des armes et une violation du principe du procès équitable. Elle précise par ailleurs que les pièces adverses versées à la procédure de première instance n'ont pas démontré l'effectivité de la notification de l'avis à tiers détenteur.
S'agissant de la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l'action en recouvrement fiscal, la société affirme qu'elle est prescrite puisque le délai de prescription fixé à 4 ans par l'article L 274 du livre des procédures fiscales est écoulé, le point de départ de l'action étant le jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement qui s'échelonne en l'espèce entre le 31 juillet 2011 au 31 juillet 2012.
À titre subsidiaire elle estime, au visa des articles L 262 et L 263 du livre des procédures fiscales, que l'avis à tiers détenteur est irrégulier en ce qu'il ne précise pas le nom du comptable qui effectue la saisie et celui du redevable outre le fait que les dispositions de l'article L 262 ne sont pas rappelées. Selon elle, il n'est pas rapporté la preuve d'une notification effective au redevable à l'instar de la notification effective au tiers détenteur. Elle indique également qu'un seul débiteur d'un compte bancaire s'oppose à l'utilisation d'un avis à tiers détenteur comme en l'espèce et que le tiers détenteur ne peut être tenu responsable du paiement par le juge de l'exécution qu'en qualité du débiteur du contribuable saisi et seulement dans la limite de ce qui doit ou ce qu'il détient pour son compte. Sur ce dernier point, la société estime que la somme de 710 230 euros doit être relativisée, les liquidités de la SCI ayant fortement diminué.
À titre infiniment subsidiaire elle sollicite un délai de grâce au regard de sa bonne foi afin d'éviter un surendettement et une situation de faillite. Elle explique que de tels délais au visa de l'article 1244-1 du code civil sont en principe exclus pour les créances fiscales mais qu'au regard de l'ordre public économique et les conséquences qui en découlent, ils doivent prévaloir sur les règles spécifiques du droit fiscal.
***
Dans ses dernières conclusions, le comptable du [13], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 49 du code de procédure civile, des articles L.281, R281-1, R.281-3-1, R281-4, R.281-5 du livre des procédures fiscales, et enfin de l'article 700 du code de procédure civile, de :
« Tenant les règles de compétence applicables à la question de la prescription de l'action en recouvrement de créances fiscales et dont dépend l'issue du litige, outre la demande de la Cour de Cassation à cet égard,
Se déclarer incompétente pour connaître du moyen de la société [11] tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative : tribunal administratif de Nîmes ;
Transmettre la question préjudicielle de la créance fiscale à la juridiction administrative compétente pour la connaître, soit au tribunal administratif de Nîmes,
Surseoir à statuer au fond dans l'attente de la décision de la juridiction administrative,
Tenant l'obligation procédurale de concentration des moyens et les délais impartis aux parties pour conclure sur renvoi de cassation :
Sur la demande formée in limine litis par la SCI [11] et ainsi libellée :
Transmettre au juge administratif la question préjudicielle tirée de la conformité de l'article R281-5 du livre de procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif.
Maintenir comme irrecevable cette prétention heurtant le principe de l'autorité de chose
jugée attachée à l'arrêt confirmatif sur cette demande de la cour d'appel de Nîmes du 28 mars 2019 signifié à partie le 15 avril 2019 , ensemble l'arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2012, celui de la cour d'appel de renvoi de Montpellier du 27 janvier 2022 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2024 ;
Maintenir comme irrecevable cette prétention heurtant le principe même de la question prioritaire de constitutionnalité au sens de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 puisque l'objectif de la SCI [11] est que le Conseil constitutionnel se penche non sur une disposition législative mais sur l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales qui est une disposition règlementaire ;
Sur le fond :
Retenir l'aveu judiciaire de la SCI [11] de la situation débitrice de Monsieur [P] [B] auprès de la [5] à tout le moins à hauteur de « 700.022,20 euros en vertu de rappels, d'une part d'impôts sur les revenus 2005 à 2008, et d'autre part, de prélèvements sociaux 2005,2006, et 2008. » comme elle l'écrit dans ses conclusions du 11 septembre 2024,
Confirmer le jugement du 31 mai 2018 sur la question de la défaillance du tiers détenteur,
Retenir la SCI [11] en sa qualité de tiers détenteur défaillant et ainsi comme personnellement débiteur vis-à-vis de Madame le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse,
Condamner la SCI [11] au paiement de la somme de 700.022,20 euros au titre de l'avis à tiers détenteur pratiqué le 16 octobre 2015.
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 Janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence,
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur ' dont découlent les obligations du tiers saisi - doit être considérée comme définitif et que les prétentions de la SCI [11] devant la cour d'appel de renvoi sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée
Retenir et préciser ainsi dans l'arrêt à intervenir que la contestation de la SCI [11] quant à la régularité de l'avis à tiers détenteur est irrecevable devant le juge judiciaire ;
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence :
Retenir et préciser à nouveau à ce titre dans l'arrêt à intervenir que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur ' dont découlent les obligations du tiers saisi- doit être considérée comme définitif et que les prétentions de la SCI [11]
devant la cour d'appel de renvoi sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée ;
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la demande de délais de grâce formulée par la SCI [11] est irrecevable devant le juge judiciaire,
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence :
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la demande de délais de grâce élevée par la SCI [11] - a déjà été tranchée de manière définitive par le jugement du 31 mai 2018 ensemble l'arrêt confirmatif du 28 mars 2019 et que les prétentions de la SCI [11] devant la cour d'appel de renvoi à ce titre, sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée ;
Condamner la société [11] à verser à Madame le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] la légitime somme de 5.000 euros au titre des Frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens. L'Oustaou des oliviers. ».
Au soutien de ses prétentions, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse, fait valoir, concernant la question prioritaire de constitutionnalité que cette dernière a été tranchée par l'arrêt du 28 mars 2019 qui n'a pas été cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2021 avant d'être déclaré irrecevable par la cour d'appel de Montpellier le 27 janvier 2022 qui ne fera pas l'objet d'une cassation par l'arrêt de la haute juridiction du 13 juin 2024. Elle estime par conséquent que cette demande se heurte à l'autorité de la chose jugée outre le fait que la question qui concerne l'article R * 281-5 du livre des procédures fiscales et une disposition réglementaire qui échappe aux dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009.
Le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé affirme ensuite que le juge judiciaire est incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une créance fiscale à l'occasion de la procédure de recouvrement des sommes dues au titre de l'impôt et ceux au profit de la juridiction administrative. Elle en déduit que conformément à l'arrêt de la cour de cassation du 13 juin 2024, il convient de transmettre à titre liminaire la question préjudicielle à la juridiction administrative. Elle souligne que la société appelante n'a élevé aucune contestation ni dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales ni dans les délais ensuite de l'avis à tiers détenteur.
L'intimée souligne qu'il existe une dualité entre l'exigence formulée par la cour de cassation de voir transmettre le dossier à la juridiction administrative pour voir trancher la question de la prescription des créances de nature fiscale et la prétention de l'appelante de voir donner suite à une question prioritaire de constitutionnalité qu'elle formule dans le dispositif de ses conclusions pour la conformité de l'article R *281-5 du Livre des procédures fiscales.
Elle estime que la cour doit surseoir à statuer dès lors que le moyen de défense soulevé par l'appelante qui est tiré de la prescription d'une créance de nature fiscale relève de la compétence du juge administratif et présente une difficulté sérieuse.
Sur le fond, elle explique que la qualité de débiteur de M. [P] [B] n'est pas contestée et qu'il est redevable de la somme de 700 022,20 euros en vertu de rappel d'impôt sur le revenu de 2005 à 2008 et de prélèvements sociaux relatifs aux années 2005, 2006 et 2008. Elle précise qu'une mise en demeure a été adressée au débiteur au siège de la SCI le 22 avril 2015 puis un avis à tiers détenteur le 16 octobre 2015 qui est resté sans effet. S'agissant de la différence des bordereaux de situation, elle explique et se justifie par le fait que depuis le 7 août 2018 le comptable public a enregistré le versement effectué par l'employeur de Mme [L] [S] divorcée [B], l'ancienne épouse étant solidaire des impôts sur le revenu relatif au temps du mariage.
Concernant les obligations du tiers détenteur, elle fait valoir que la procédure n'a pas fait l'objet de contestations dans les formes et les délais prescrits par le livre des procédures fiscales et qu'aucun paiement n'est intervenu : le tiers doit être condamné au paiement de la somme de 700 022,20 euros sauf à considérer au regard de la procédure en cours que la question de la validité de l'avis a été tranchée définitivement rendant les prétentions devant la présente juridiction irrecevables.
De même, elle estime que la contestation tirée du fait que la société a été privée de son droit à un procès équitable faute d'avoir pu exercer un recours effectif est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas usé de la possibilité de saisir le juge de l'exécution ou le juge de l'impôt ou le chef de service du département compétent.
Elle fait valoir que l'avis à tiers détenteur a bien été adressée à la société, l'accusé retourné le 9 novembre 2015 suffisant à démontrer la réception de l'acte par l'appelante outre le fait que cette dernière a indiqué de manière manuscrite le montant du compte courant d'associé détenu par M. [P] [B]. Elle explique également que l'avis à tiers détenteur a été transmis au Panama le 16 octobre 2015 pour délivrance à M. [P] [B], le procureur en accusant réception le 24 novembre 2015. Il importe peu selon elle que la contestation est émise par courrier du 9 octobre 2015 dès lors qu'elle est antérieure à l'avis à tiers détenteur notifié le 16 octobre 2015. Elle estime que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur doit en outre être considérée comme définitive au regard de la procédure écoulée.
Enfin, la demande relative au délai de grâce est selon elle irrecevable puisqu'il s'agit d'une créance de nature fiscale et au regard des propositions de paiement, la créance ne pourra être éteinte qu'au bout de 118 années, outre le fait que la société est propriétaire d'un ensemble immobilier dont la valeur est estimée à 1 320 000 euros. Elle indique par ailleurs que la question du délai de grâce doit en outre être considérée comme définitive au regard de la procédure écoulée.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la transmission au juge administratif d'une question préjudicielle :
Il est constant que la société [11] soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement fiscal, soutenant que cette action est prescrite, que le délai de prescription fixé à 4 ans par l'article L 274 du livre des procédures fiscales est écoulé, le point de départ de l'action étant le jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement qui s'échelonne en l'espèce entre le 31 juillet 2011 au 31 juillet 2012.
La prescription de l'action en recouvrement est régie par l'article L. 274 du LPF qui dispose, dans sa version issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, applicable au litige :
« Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable.
Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. »
L'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
(...)
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. / (...) »
L'article L. 281 du livre des procédures fiscales, relatif aux contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics, dispose :
« (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1 Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2 A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2° , ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ;
b) Pour les créances non fiscales de l'Etat, des établissements publics de l'Etat, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. »
L'article L. 199 du même code dispose :
« En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif.
En matière de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire. Les tribunaux judiciaires statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application. »
Il résulte de l'article L.281 du LPF sus-visé que les contestations qui portent sur l'exigibilité de l'impôt réclamé relèvent du juge de l'impôt et la question de la prescription de l'action en recouvrement a trait à l'exigibilité de l'impôt en sorte qu'elle relève de la compétence du juge administratif.
Par ailleurs, l'article 49 du code de procédure civile énonce :
« Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.
Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre 1er du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. »
Il en résulte que le juge judiciaire est tenu de poser la question préjudicielle lorsque la difficulté soulevée est sérieuse et lorsque la réponse à la question est nécessaire à la solution du litige.
Le sort de l'avis à tiers détenteur dépend de la réponse à la question de la prescription de l'action en recouvrement diligentée par Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] et la question est sérieuse puisqu'il s'agit d'un moyen de recevabilité de l'action.
Il convient par conséquent de transmettre à la juridiction administrative la question préjudicielle tirée de la prescription de la créance fiscale de Monsieur de comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] au titre de l'impôt sur le revenu dû par M. [P] [B].
En revanche, il n'y a pas lieu de transmettre la question préjudicielle telle qu'elle est libellée par la société [11], comme étant « tirée de la conformité de l'article R281-5 du livre de procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif. «
Il apparaît en effet que la question ainsi posée par la SCI [11] constitue une question prioritaire de constitutionnalité.
Or, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019, qui a rejeté la demande de transmission à la juridiction administrative de la question préjudicielle relative à la conformité de l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la constitution et à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, a été cassé et annulé par un arrêt de la cour de cassation du 14 janvier 2021, mais seulement en ce qu'il a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700 022, 20 euros, ce dont il résulte que la portée de la cassation est limitée et que la question de la non transmission de la QPC à la cour de cassation est définitivement jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 28 mars 2019.
A toutes fins utiles, la cour fait observer que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 27 janvier 2022 a expressément déclaré irrecevable « la question préjudicielle portant sur la conformité de l'article R. 281-5 du Livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution et à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen » et que cet arrêt a été cassé et annulé mais seulement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaitre du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative et en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, ce dont il résulte qua la portée de la cassation est partielle et que l'irrecevabilité de la question préjudicielle telle qu'elle est posée par la SCI [11] a autorité de chose jugée.
Sur les frais de l'instance :
Il convient compte tenu de l'issue du litige de sursoir à statuer sur la charge des dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Se déclare incompétente pour connaitre du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu
Transmet au tribunal administratif de Nîmes la question préjudicielle tirée de la prescription de la créance fiscale de Monsieur le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à l'égard de la SCI [11]
Sursoit à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°268
N° RG 24/02431 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JITD
NR
COUR DE CASSATION DE [Localité 12]
13 juin 2024
RG:550 F-B
S.C.I. [11]
C/
LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 15]
Copie exécutoire délivrée
le 24/10/2025
à :
Me Charlene MOUSSAVOU
Me Anne-isabelle GREGORI
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2025
Décision déférée à la cour : Arrêt du Cour de Cassation de [Localité 12] en date du 13 Juin 2024, N°550 F-B
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
Mme Nathalie ROCCI, Présidente,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Octobre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.I. [11] immatriculée au RCS d'[Localité 4] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel MOLINA de la SELARL MOLINA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Selenay AYDIN avocat au barreau de MARSEILLE ,
Représentée par Me Charlene MOUSSAVOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
M. LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 15], Madame le Comptable du [13] dénomination exacte de Monsieur le Comptable de [14] chargée du recouvrement et dont les bureaux sont situés sis,
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne-isabelle GREGORI de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Avis de fixation de l'affaire à bref délai suite à renvoi après cassation avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Septembre 2025 (art.1037-1 et s. du CPC)
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 24 Octobre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 18 juin 2018 par la SCI [11] à l'encontre du jugement rendu le 31 mai 2018 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°17/03249 ;
Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi de Nîmes du 16 juillet 2024 par la SCI [11] après cassation partielle par arrêt du 13 juin 2024 rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n° pourvoi 22-14.415^) ;
Vu l'arrêt du 13 juin 2024 rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n° de pourvoi 22-14.415) cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier (n° RG 21/02842)
Vu l'ordonnance d'incident du 27 janvier 2022 (n° RG 21/02842) rendue par la cour d'appel de Montpellier ordonnant la jonction des procédures n°21/02842 et 21/03107 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 30 août 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 septembre 2024 par la SCI [11], appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 septembre 2024 par Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 20 décembre 2024 de révocation de l'ordonnance du 30 août 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 9 janvier 2025 reportant la date de clôture au 25 septembre 2025.
***
Monsieur [P] [B] est associé de la société civile immobilière dénommée [11], laquelle est immatriculée depuis le 15 mai 2008 au registre du commerce et des sociétés d'Avignon.
Le 16 octobre 2015, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du [Localité 15] a, afin de recouvrer des sommes dues par Monsieur [P] [B], notifié un avis à tiers détenteur à la société [11] qui en a accusé réception le 9 novembre 2015 en précisant que le compte courant d'associé de Monsieur [P] [B] était créditeur de la somme de 710.230 euros.
En réponse à une mise en demeure du 5 février 2016, la société [11] a, par courrier du 10 mars 2016, indiqué au comptable du pôle de recouvrement spécialisé du [Localité 15] qu'elle était dans l'incapacité de régler la somme due en remboursement du compte courant d'associé de Monsieur [P] [B], qui n'avait d'ailleurs effectué aucune demande en ce sens.
***
Par exploit du 18 octobre 2017, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse a fait assigner la société [11] en délivrance d'un titre exécutoire l'encontre de cette-dernière, devant le tribunal de grande instance d'Avignon.
***
Par jugement du 31 mai 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon a :
- rejeté la demande de renvoi à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité des articles L. 281, R 281-3 et R 281-5 alinéa 1 du livre des procédures fiscales aux articles 34 et 55 de la Constitution, 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la loi des 16-24 août 1790,
- rejeté la demande de saisine du juge administratif d'une question préjudicielle tirée de la non-conformité de l'article R281-5 alinéa 1 du livre des procédures fiscales aux articles 34 et 55 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
- déclaré irrecevable la contestation de la société civile immobilière [11] faute d'exercice d'une opposition à poursuites dans les deux mois de la notification à tiers détenteurs et rejeté sa demande subsidiaire de délais de paiement,
- a déclaré la société [11] personnellement débitrice du comptable du [13] à hauteur de 700.022,20 euros et l'a condamné aux dépens.
***
La société [11] a relevé appel le 18 juin 2018 de ce jugement pour le voir réformer en toutes ses dispositions.
***
Par arrêt en date du 28 mars 2019, la cour d'appel de Nîmes a statué comme suit :
dit n'y avoir lieu à transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;
dit n'y avoir lieu à transmission à la juridiction administrative d'une question préjudicielle ;
confirme le jugement déféré ;
rejette toute demande plus ample ou contraire des parties ;
condamne la société civile immobilière [11] à payer à Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la société [11] aux dépens d'appel.
***
La société [11] a formé un premier pourvoi.
***
Par arrêt en date du 14 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 28 mars 2019, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 31 mai 2018, il a déclaré la société [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] à hauteur de 700. 022,20 euros et a renvoyé les parties sur ce point devant la cour d'appel de Montpellier, aux motifs essentiellement que :
- la contestation tirée de la prescription de l'action en recouvrement de l'impôt, qui concerne l'exigibilité de la somme réclamée, relève de la compétence du juge de l'impôt,
- en statuant sur le moyen tiré de la prescription de la créance fiscale alors qu'elle était saisie, s'agissant du recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu, d'une contestation portant sur le bien-fondé de créances fiscales relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs.
***
Par arrêt d'incident du 27 janvier 2022, la 2ème chambre civile de la cour d'appel de renvoi de Montpellier a statué et :
« Ordonne la jonction des procédures RG n° 21/2842 et n° 21/3107 ;
Se déclare incompétent pour connaître du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative.
Renvoie les parties à mieux se pourvoir.
Déclare irrecevable la question préjudicielle portant sur la conformité de l'article R.281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Y ajoutant,
Rejette la demande de délais formée par la SCI [10]
Condamne la SCI [11] à payer au comptable du [14] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI [11] aux dépens de l'instance d'appel en application de l'article 639 du code de procédure civile. ».
***
La société [11] a formé un pourvoi (n°Y 22-14.415) à l'encontre de l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier.
***
Par arrêt du 13 juin 2024, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a statué et :
« Casse et annule, mais seulement en ce qu'il se déclare incompétent pour connaître du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative et renvoie les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; ».
***
Le 16 juillet 2024, la société [11] a procédé à une déclaration de saisine auprès de la cour d'appel de Nîmes après cassation.
Dans ses dernières conclusions, la société [11], appelante, demande à la cour, au visa des articles 14, 15 et 16 du code de procédure civile, des articles 510, 511, 511, 1244-1 et 1244-2, du code civil, des dispositions du code des procédures civiles d'exécution, et plus spécialement les articles L.111-3, L.211-1 et s, et R.211-1 et s, des articles L262, L.263, L.274, et L.281 du livre des procédures fiscales, et des articles R.281, R.281-1, R.281-3-1, R.281-4 et R.281-5 du livre des procédures fiscales, de :
« Infimer le jugement rendu par le juge de l'exécution d'[Localité 4] en date du 31 mai 2018, et statuant à nouveau
In limine litis,
Transmettre au juge administratif la question préjudicielle tirée de la conformité de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L. 281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif.
Surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge administratif
A titre principal
Juger que la SCI [9] a qualité pour contester la validité du titre exécutoire
Constater l'absence de titre exécutoire,
Constater que le bien-fondé de la créance est contesté,
Constater le défaut d'exigibilité de la créance,
Constater la prescription de l'action en recouvrement,
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
A titre subsidiaire
Constater que l'ATD est irrégulier en la forme,
Constater que le requérant ne rapporte pas la preuve d'une notification de l'ATD au tiers détenteur,
Constater que le compte de la SCI [9] a pu être débiteur, ce qui s'oppose à l'évidence à la mise en 'uvre d'un ATD
Constater que le tiers détenteur ne pourra être tenu pour responsable du paiement qu'en tant que débiteur du contribuable saisi et seulement dans la limite de ce qu'il doit ou de ce qu'il détient pour son compte.
Constater que la somme de 710.230 euros correspondant au compte courant sera relativisée aujourd'hui notamment en ce que les liquidités de la SCI [9] sont fortement diminuées.
En conséquence,
Déclarer nul l'avis à tiers détenteur prétendument notifié,
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire,
Constater la bonne foi la SCI [9],
Juger que SCI [9] n'aura une capacité financière suffisante pour honorer la créance due qu'à la condition d'un rééchelonnement de la dette et de la mise en place d'un échéancier dont les mensualités ne pourront dépasser 500 euros,
Ordonner la mise en place d'un échéancier à hauteur de versements mensuels de 500 euros que devra verser la SCI [9] à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à extinction de la dette.
Infirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur le comptable public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
Infirmer le jugement entrepris,
Constater la violation du principe de l'égalité des armes, du principe du contradictoire
et du principe du droit à un procès équitable ;
Constater l'absence de justification effective de la notification de l'ATD,
Juger que les conclusions versées aux débats par la SCI [9] sont recevables ;
Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la partie adverse. ».
Au soutien de ses prétentions, la société [11], sollicite in limine litis, un sursis à statuer et la transmission de la question préjudicielle au motif que la cour de cassation a constaté que la cour d'appel de Nîmes avait excédé ses pouvoirs en ayant statué sur une contestation portant sur le bien-fondé de créances fiscales relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif dès lors que la question posée conditionne la solution du litige et n'a jamais été soumis au juge administratif.
Elle fait valoir en premier lieu que la solution du litige soumis à l'ordre judiciaire dépend d'une décision de la juridiction administrative qui doit statuer sur la contestation liée à l'exercice des poursuites pour le recouvrement des impôts directs des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette contenue des paiements effectués, l'exigibilité de la somme réclamée ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt.
En second lieu elle fait valoir qu'il existe une difficulté sérieuse au regard du contexte de l'affaire et de la décision rendue par la cour de cassation. Elle affirme qu'en déclarant sa contestation irrecevable par application stricte de l'article R 281-5 du Livre des procédures fiscales le droit à un recours effectif a été violé.
Concernant la recevabilité de sa contestation, la SCI [8] fait valoir tout d'abord que la chambre commerciale de la cour de cassation a récemment pu juger que les dispositions de l'art. R. 231-5 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le juge de l'exécution des moyens de droit nouveaux, à la condition que ces derniers n'impliquent pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait omises dans sa demande préalable au chef de service. Selon elle, ensuite, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été jugé applicable aux procédures relatives aux majorations d'impôt ou aux pénalités fiscales. Il s'en suit selon l'appelante que la présente juridiction devra constater qu'elle n'a pas la compétence pour relever et décider que la SCI n'a pas qualité à contester à validité du titre exécutoire. Elle ajoute que si ces moyens de défense sont jugés irrecevables cela reviendrait à nier le principe du contradictoire et une telle application de l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales revient à créer une rupture dans l'égalité des armes et une violation du principe du procès équitable. Elle précise par ailleurs que les pièces adverses versées à la procédure de première instance n'ont pas démontré l'effectivité de la notification de l'avis à tiers détenteur.
S'agissant de la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l'action en recouvrement fiscal, la société affirme qu'elle est prescrite puisque le délai de prescription fixé à 4 ans par l'article L 274 du livre des procédures fiscales est écoulé, le point de départ de l'action étant le jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement qui s'échelonne en l'espèce entre le 31 juillet 2011 au 31 juillet 2012.
À titre subsidiaire elle estime, au visa des articles L 262 et L 263 du livre des procédures fiscales, que l'avis à tiers détenteur est irrégulier en ce qu'il ne précise pas le nom du comptable qui effectue la saisie et celui du redevable outre le fait que les dispositions de l'article L 262 ne sont pas rappelées. Selon elle, il n'est pas rapporté la preuve d'une notification effective au redevable à l'instar de la notification effective au tiers détenteur. Elle indique également qu'un seul débiteur d'un compte bancaire s'oppose à l'utilisation d'un avis à tiers détenteur comme en l'espèce et que le tiers détenteur ne peut être tenu responsable du paiement par le juge de l'exécution qu'en qualité du débiteur du contribuable saisi et seulement dans la limite de ce qui doit ou ce qu'il détient pour son compte. Sur ce dernier point, la société estime que la somme de 710 230 euros doit être relativisée, les liquidités de la SCI ayant fortement diminué.
À titre infiniment subsidiaire elle sollicite un délai de grâce au regard de sa bonne foi afin d'éviter un surendettement et une situation de faillite. Elle explique que de tels délais au visa de l'article 1244-1 du code civil sont en principe exclus pour les créances fiscales mais qu'au regard de l'ordre public économique et les conséquences qui en découlent, ils doivent prévaloir sur les règles spécifiques du droit fiscal.
***
Dans ses dernières conclusions, le comptable du [13], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 49 du code de procédure civile, des articles L.281, R281-1, R.281-3-1, R281-4, R.281-5 du livre des procédures fiscales, et enfin de l'article 700 du code de procédure civile, de :
« Tenant les règles de compétence applicables à la question de la prescription de l'action en recouvrement de créances fiscales et dont dépend l'issue du litige, outre la demande de la Cour de Cassation à cet égard,
Se déclarer incompétente pour connaître du moyen de la société [11] tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative : tribunal administratif de Nîmes ;
Transmettre la question préjudicielle de la créance fiscale à la juridiction administrative compétente pour la connaître, soit au tribunal administratif de Nîmes,
Surseoir à statuer au fond dans l'attente de la décision de la juridiction administrative,
Tenant l'obligation procédurale de concentration des moyens et les délais impartis aux parties pour conclure sur renvoi de cassation :
Sur la demande formée in limine litis par la SCI [11] et ainsi libellée :
Transmettre au juge administratif la question préjudicielle tirée de la conformité de l'article R281-5 du livre de procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif.
Maintenir comme irrecevable cette prétention heurtant le principe de l'autorité de chose
jugée attachée à l'arrêt confirmatif sur cette demande de la cour d'appel de Nîmes du 28 mars 2019 signifié à partie le 15 avril 2019 , ensemble l'arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2012, celui de la cour d'appel de renvoi de Montpellier du 27 janvier 2022 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2024 ;
Maintenir comme irrecevable cette prétention heurtant le principe même de la question prioritaire de constitutionnalité au sens de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 puisque l'objectif de la SCI [11] est que le Conseil constitutionnel se penche non sur une disposition législative mais sur l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales qui est une disposition règlementaire ;
Sur le fond :
Retenir l'aveu judiciaire de la SCI [11] de la situation débitrice de Monsieur [P] [B] auprès de la [5] à tout le moins à hauteur de « 700.022,20 euros en vertu de rappels, d'une part d'impôts sur les revenus 2005 à 2008, et d'autre part, de prélèvements sociaux 2005,2006, et 2008. » comme elle l'écrit dans ses conclusions du 11 septembre 2024,
Confirmer le jugement du 31 mai 2018 sur la question de la défaillance du tiers détenteur,
Retenir la SCI [11] en sa qualité de tiers détenteur défaillant et ainsi comme personnellement débiteur vis-à-vis de Madame le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse,
Condamner la SCI [11] au paiement de la somme de 700.022,20 euros au titre de l'avis à tiers détenteur pratiqué le 16 octobre 2015.
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 Janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence,
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur ' dont découlent les obligations du tiers saisi - doit être considérée comme définitif et que les prétentions de la SCI [11] devant la cour d'appel de renvoi sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée
Retenir et préciser ainsi dans l'arrêt à intervenir que la contestation de la SCI [11] quant à la régularité de l'avis à tiers détenteur est irrecevable devant le juge judiciaire ;
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence :
Retenir et préciser à nouveau à ce titre dans l'arrêt à intervenir que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur ' dont découlent les obligations du tiers saisi- doit être considérée comme définitif et que les prétentions de la SCI [11]
devant la cour d'appel de renvoi sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée ;
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la demande de délais de grâce formulée par la SCI [11] est irrecevable devant le juge judiciaire,
Sauf la cour à considérer que le jugement de première instance - confirmé par arrêt de la présente cour le 28 mars 2019, arrêt signifié à partie le 15 avril 2019 (pièce n°12) - a autorité de la chose jugée puisque l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019 mais seulement en ce que confirmant le jugement du 31 mai 2018 la cour d'appel a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700.022,20 euros,
En telle occurrence :
Retenir et préciser dans l'arrêt à intervenir que la demande de délais de grâce élevée par la SCI [11] - a déjà été tranchée de manière définitive par le jugement du 31 mai 2018 ensemble l'arrêt confirmatif du 28 mars 2019 et que les prétentions de la SCI [11] devant la cour d'appel de renvoi à ce titre, sont dès lors irrecevables comme violant le principe de la chose jugée ;
Condamner la société [11] à verser à Madame le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] la légitime somme de 5.000 euros au titre des Frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens. L'Oustaou des oliviers. ».
Au soutien de ses prétentions, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse, fait valoir, concernant la question prioritaire de constitutionnalité que cette dernière a été tranchée par l'arrêt du 28 mars 2019 qui n'a pas été cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2021 avant d'être déclaré irrecevable par la cour d'appel de Montpellier le 27 janvier 2022 qui ne fera pas l'objet d'une cassation par l'arrêt de la haute juridiction du 13 juin 2024. Elle estime par conséquent que cette demande se heurte à l'autorité de la chose jugée outre le fait que la question qui concerne l'article R * 281-5 du livre des procédures fiscales et une disposition réglementaire qui échappe aux dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009.
Le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé affirme ensuite que le juge judiciaire est incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une créance fiscale à l'occasion de la procédure de recouvrement des sommes dues au titre de l'impôt et ceux au profit de la juridiction administrative. Elle en déduit que conformément à l'arrêt de la cour de cassation du 13 juin 2024, il convient de transmettre à titre liminaire la question préjudicielle à la juridiction administrative. Elle souligne que la société appelante n'a élevé aucune contestation ni dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales ni dans les délais ensuite de l'avis à tiers détenteur.
L'intimée souligne qu'il existe une dualité entre l'exigence formulée par la cour de cassation de voir transmettre le dossier à la juridiction administrative pour voir trancher la question de la prescription des créances de nature fiscale et la prétention de l'appelante de voir donner suite à une question prioritaire de constitutionnalité qu'elle formule dans le dispositif de ses conclusions pour la conformité de l'article R *281-5 du Livre des procédures fiscales.
Elle estime que la cour doit surseoir à statuer dès lors que le moyen de défense soulevé par l'appelante qui est tiré de la prescription d'une créance de nature fiscale relève de la compétence du juge administratif et présente une difficulté sérieuse.
Sur le fond, elle explique que la qualité de débiteur de M. [P] [B] n'est pas contestée et qu'il est redevable de la somme de 700 022,20 euros en vertu de rappel d'impôt sur le revenu de 2005 à 2008 et de prélèvements sociaux relatifs aux années 2005, 2006 et 2008. Elle précise qu'une mise en demeure a été adressée au débiteur au siège de la SCI le 22 avril 2015 puis un avis à tiers détenteur le 16 octobre 2015 qui est resté sans effet. S'agissant de la différence des bordereaux de situation, elle explique et se justifie par le fait que depuis le 7 août 2018 le comptable public a enregistré le versement effectué par l'employeur de Mme [L] [S] divorcée [B], l'ancienne épouse étant solidaire des impôts sur le revenu relatif au temps du mariage.
Concernant les obligations du tiers détenteur, elle fait valoir que la procédure n'a pas fait l'objet de contestations dans les formes et les délais prescrits par le livre des procédures fiscales et qu'aucun paiement n'est intervenu : le tiers doit être condamné au paiement de la somme de 700 022,20 euros sauf à considérer au regard de la procédure en cours que la question de la validité de l'avis a été tranchée définitivement rendant les prétentions devant la présente juridiction irrecevables.
De même, elle estime que la contestation tirée du fait que la société a été privée de son droit à un procès équitable faute d'avoir pu exercer un recours effectif est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas usé de la possibilité de saisir le juge de l'exécution ou le juge de l'impôt ou le chef de service du département compétent.
Elle fait valoir que l'avis à tiers détenteur a bien été adressée à la société, l'accusé retourné le 9 novembre 2015 suffisant à démontrer la réception de l'acte par l'appelante outre le fait que cette dernière a indiqué de manière manuscrite le montant du compte courant d'associé détenu par M. [P] [B]. Elle explique également que l'avis à tiers détenteur a été transmis au Panama le 16 octobre 2015 pour délivrance à M. [P] [B], le procureur en accusant réception le 24 novembre 2015. Il importe peu selon elle que la contestation est émise par courrier du 9 octobre 2015 dès lors qu'elle est antérieure à l'avis à tiers détenteur notifié le 16 octobre 2015. Elle estime que la question de la validité de l'avis à tiers détenteur doit en outre être considérée comme définitive au regard de la procédure écoulée.
Enfin, la demande relative au délai de grâce est selon elle irrecevable puisqu'il s'agit d'une créance de nature fiscale et au regard des propositions de paiement, la créance ne pourra être éteinte qu'au bout de 118 années, outre le fait que la société est propriétaire d'un ensemble immobilier dont la valeur est estimée à 1 320 000 euros. Elle indique par ailleurs que la question du délai de grâce doit en outre être considérée comme définitive au regard de la procédure écoulée.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la transmission au juge administratif d'une question préjudicielle :
Il est constant que la société [11] soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement fiscal, soutenant que cette action est prescrite, que le délai de prescription fixé à 4 ans par l'article L 274 du livre des procédures fiscales est écoulé, le point de départ de l'action étant le jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement qui s'échelonne en l'espèce entre le 31 juillet 2011 au 31 juillet 2012.
La prescription de l'action en recouvrement est régie par l'article L. 274 du LPF qui dispose, dans sa version issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, applicable au litige :
« Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable.
Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. »
L'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
(...)
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. / (...) »
L'article L. 281 du livre des procédures fiscales, relatif aux contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics, dispose :
« (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1 Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2 A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2° , ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ;
b) Pour les créances non fiscales de l'Etat, des établissements publics de l'Etat, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. »
L'article L. 199 du même code dispose :
« En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif.
En matière de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire. Les tribunaux judiciaires statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application. »
Il résulte de l'article L.281 du LPF sus-visé que les contestations qui portent sur l'exigibilité de l'impôt réclamé relèvent du juge de l'impôt et la question de la prescription de l'action en recouvrement a trait à l'exigibilité de l'impôt en sorte qu'elle relève de la compétence du juge administratif.
Par ailleurs, l'article 49 du code de procédure civile énonce :
« Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.
Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre 1er du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. »
Il en résulte que le juge judiciaire est tenu de poser la question préjudicielle lorsque la difficulté soulevée est sérieuse et lorsque la réponse à la question est nécessaire à la solution du litige.
Le sort de l'avis à tiers détenteur dépend de la réponse à la question de la prescription de l'action en recouvrement diligentée par Monsieur le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] et la question est sérieuse puisqu'il s'agit d'un moyen de recevabilité de l'action.
Il convient par conséquent de transmettre à la juridiction administrative la question préjudicielle tirée de la prescription de la créance fiscale de Monsieur de comptable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 15] au titre de l'impôt sur le revenu dû par M. [P] [B].
En revanche, il n'y a pas lieu de transmettre la question préjudicielle telle qu'elle est libellée par la société [11], comme étant « tirée de la conformité de l'article R281-5 du livre de procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution, et à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le premier texte contraint le juge à se prononcer exclusivement au vu des pièces justificatives produites à l'appui de la demande administrative préalable du redevable et des faits exposés dans le cadre de cette demande, restriction que l'article L281 dudit livre, sur le fondement duquel ce texte réglementaire a été édicté, ne prévoit pas et qui porte atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours effectif. «
Il apparaît en effet que la question ainsi posée par la SCI [11] constitue une question prioritaire de constitutionnalité.
Or, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 28 mars 2019, qui a rejeté la demande de transmission à la juridiction administrative de la question préjudicielle relative à la conformité de l'article R 281-5 du livre des procédures fiscales à l'article 34 de la constitution et à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, a été cassé et annulé par un arrêt de la cour de cassation du 14 janvier 2021, mais seulement en ce qu'il a déclaré la SCI [11] personnellement débitrice envers le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à hauteur de 700 022, 20 euros, ce dont il résulte que la portée de la cassation est limitée et que la question de la non transmission de la QPC à la cour de cassation est définitivement jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 28 mars 2019.
A toutes fins utiles, la cour fait observer que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 27 janvier 2022 a expressément déclaré irrecevable « la question préjudicielle portant sur la conformité de l'article R. 281-5 du Livre des procédures fiscales à l'article 34 de la Constitution et à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen » et que cet arrêt a été cassé et annulé mais seulement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaitre du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu au profit de la juridiction administrative et en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, ce dont il résulte qua la portée de la cassation est partielle et que l'irrecevabilité de la question préjudicielle telle qu'elle est posée par la SCI [11] a autorité de chose jugée.
Sur les frais de l'instance :
Il convient compte tenu de l'issue du litige de sursoir à statuer sur la charge des dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Se déclare incompétente pour connaitre du moyen tiré de la prescription de la créance fiscale à l'occasion d'une contestation de la procédure de recouvrement de sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu
Transmet au tribunal administratif de Nîmes la question préjudicielle tirée de la prescription de la créance fiscale de Monsieur le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de Vaucluse à l'égard de la SCI [11]
Sursoit à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,