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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 23 octobre 2025, n° 24/12637

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/12637

23 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2025

N° 2025 /

Rôle N° RG 24/12637

N° Portalis DBVB-V-B7I-BN24J

[G] [K] veuve [C]

[L] [C]

[V] [C]

S.C.I. MAQUIS

C/

S.C.I. DOUCIER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me CHERFILS

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 3] en date du 17 Septembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/02725.

APPELANTS

Madame [G] [K] veuve [C]

demeurant [Adresse 2],

Représentée par Me CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Matthieu CHAMPAUZAC de la SELAS CABINET CHAMPAUZAC, avocat plaidant au barreau de VALENCE substitué par Me Roxane LOUBET, avocat au barreau de VALENCE

Monsieur [L] [C]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Matthieu CHAMPAUZAC de la SELAS CABINET CHAMPAUZAC, avocat plaidant au barreau de VALENCE substitué par Me Roxane LOUBET, avocat au barreau de VALENCE

Madame [V] [C]

demeurant [Adresse 2],

Représentée par Me CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Matthieu CHAMPAUZAC de la SELAS CABINET CHAMPAUZAC, avocat plaidant au barreau de VALENCE substitué par Me Roxane LOUBET, avocat au barreau de VALENCE

S.C.I. MAQUIS

demeurant [Adresse 6],

Représentée par Me CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Matthieu CHAMPAUZAC de la SELAS CABINET CHAMPAUZAC, avocat plaidant au barreau de VALENCE substitué par Me Roxane LOUBET, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE

S.C.I. DOUCIER

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Frédéric MASQUELIER de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat plaidant au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Amandine QUEMA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller rapporteur, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Madame Véronique MÖLLER, Conseillère

Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Christiane GAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL SAINTE ALICE, désormais radiée du registre du commerce et des sociétés et ayant pour gérant Monsieur [S] [R] a entrepris en qualité de constructeur vendeur l'édification d'un ensemble immobilier constitué de Sept villas sur un terrain situé [Adresse 4] à Saint Raphaël. Elle a souscrit dans ce cadre une assurance dommages-ouvrage sur l'immeuble et une assurance de responsabilité civile décennale de constructeur non réalisateur auprès de la Cie ALLIANZ IARD.

Ces travaux ont été réceptionnés le 5 septembre 2008.

Par acte authentique en date du 18 juin 2008, la SCI DOUCIER a acquis la villa constituant le lot n°7 de cet ensemble faisant partie d'une copropriété horizontale dénommée « [Adresse 5] ».

La SCI DOUCIER a ensuite revendu ce bien par acte du 29 avril 2014 à la SCI MAQUIS au prix de 1.400.000€.

La SCI MAQUIS s'est plainte de désordres qui ont été déclarés à l'assureur dommages-ouvrage le 28 octobre 2015 et le 4 février 2016. La SCI MAQUIS, son gérant [O] [C] et son épouse [G] [K] épouse [C] ont, par acte d'huissier en date du 27 avril 2016, donné assignation à la SCI DOUCIER et à la Cie ALLIANZ IARD (en tant qu'assureur dommages-ouvrage et assureur décennal) en référé expertise.

Par ordonnance en date du 29 juin 2016, le juge des référés du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a fait droit à cette demande.

L'apparition de nouveaux désordres a donné lieu à de nouvelles déclarations de sinistre à l'assureur dommages-ouvrage le 9 novembre 2016 et le 27 juillet 2018, ainsi qu'à des extensions de la mission de l'expert. La mission d'expertise a en outre été rendue commune et opposables aux différents intervenants à l'opération de construction.

Monsieur [O] [C] est décédé le 22 septembre 2022, laissant pour lui succéder son épouse [G] [K] et ses deux enfants [V] et [L] [C].

Par acte de Commissaire de justice en date du 28 mars 2023, la SCI MAQUIS, [G] [X], [V] [C] et [L] [C] ont donné assignation aux différentes parties concernées devant le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en vue d'obtenir au principal :

La résolution de la vente conclue le 29 avril 2014 pour vices cachés, ou subsidiairement son annulation pour dol ou erreur, outre les condamnations de la SCI DOUCIER aux restitutions et réparations consécutives,

A titre subsidiaire, les condamnations in solidum ou solidaires de l'ensemble des défendeurs assignés, à l'exception du [Adresse 7], à réparer leurs divers préjudices sur les fondements de la responsabilité décennale, contractuelle ou extra contractuelle et à hauteur de 30% pour les notaires.

Par ordonnance en date du 17 septembre 2024, le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN :

- Ordonne le sursis à statuer sur l'ensemble des prétentions des parties, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Draguignan le 29 juin 2016 dans l'instance RG n°16/03336 (minute 16/00211)

- Déboute la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] de leurs demandes tendant à délivrer injonction à la SCI DOUCIER et à Monsieur [R] de conclure dans le délai d'un mois et tendant au versement d'une provision.

- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejette le surplus des demandes.

Par déclaration en date du 17 octobre 2024, la SCI MAQUIS, [G] [K], [L] [C] et [V] [C] ont formé appel de cette décision à l'encontre de la SCI DOUCIER en ce qu'elle a :

- Débouté la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] de leurs demandes tendant à délivrer injonction à la SCI DOUCIER et à Monsieur [R] de conclure dans le délai d'un mois et tendant au versement d'une provision.

- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejeté le surplus des demandes.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 24 décembre 2024.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 12 février 2025, la SCI MAQUIS, [G] [K] ' [C], [L] [C] et [V] [C] demandent à la Cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

REFORMER l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- Débouté la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] de leurs demandes tendant à délivrer injonction à la SCI DOUCIER et à Monsieur [R] de conclure dans le délai d'un mois et tendant au versement d'une provision.

- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejeté le surplus des demandes.

ET STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMES,

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C], à titre de provision ad litem, une somme de 100 000 euros.

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, avocat associé de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, aux offres de droit.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

REFORMER l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- Débouté la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] de leurs demandes tendant à délivrer injonction à la SCI DOUCIER et à Monsieur [R] de conclure dans le délai d'un mois et tendant au versement d'une provision.

- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejeté le surplus des demandes.

ET STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMES,

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C], à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice, une somme de 100 000 euros.

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, avocat associé de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, aux offres de droit.

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE,

REFORMER l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- Débouté la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] de leurs demandes tendant à délivrer injonction à la SCI DOUCIER et à Monsieur [R] de conclure dans le délai d'un mois et tendant au versement d'une provision.

- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejeté le surplus des demandes.

ET STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMES,

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] une somme provisionnelle de 100 000 euros.

CONDAMNER la SCI DOUCIER à verser à la SCI MAQUIS, Madame [G] [K] veuve [C], Madame [V] [C] et Monsieur [L] [C] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, avocat associé de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, aux offres de droit.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 26 juin 2025 la SCI MAQUIS, [G] [K] ' [C], [L] [C] et [V] [C] maintiennent leurs prétentions en les modifiant partiellement s'agissant de la distraction des dépens. Ils sollicitent en outre le rejet de l'intégralité des moyens fins et prétentions de la SCI DOUCIER.

Ils font valoir que la SCI DOUCIER a la qualité de maître d'ouvrage et de constructeur vendeur du bien qu'elle leur a vendu en ce qu'elle a réalisé la totalité des travaux de second 'uvre sur ce bien avant la vente ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que celle-ci est donc redevable de la garantie des vices cachés, d'une obligation d'information incombant au vendeur et des garanties des articles 1792 et suivants du code civil. Ils précisent que l'existence de vices graves affectant le bien est manifestement établie par le rapport d'expertise.

Ils soutiennent que leur demande de provision ad litem à hauteur de 100.000€ est justifiée compte tenu des difficultés financières dans lesquelles ils se trouvent ; que la rémunération du second expert judiciaire (Mme [N] [W]) a été fixée à 62 502.72€ à leur charge et qu'ils ont également eu à faire l'avance de nombreux frais.

Concernant leur provision sollicitée sur le fondement de l'article 789 3° du Code de procédure civile (provision sur les préjudices), ils exposent qu'ils ont été confrontés à un refus de la SCI DOUCIER de communiquer différents éléments, faisant ainsi obstacle à la mise en 'uvre de solutions réparatoires et à l'établissement de devis ; que cette demande de provision n'est pas sérieusement contestable compte tenu des responsabilités manifestes.

Ils précisent que leurs demandes se fondent sur un rapport complet qui a été déposé par l'expert postérieurement à l'ordonnance du juge de la mise en état, rapport qui objective les désordres sur lesquels ils appuient leurs demandes ; que les critiques formulées par la SCI DOUCIER ne sont pas pertinentes.

La SCI DOUCIER, par conclusions notifiées le 16 juin 2025 demande à la Cour de :

Vu l'article 789 du code de procédure civile

CONFIRMER l'ordonnance du 17 septembre 2024 par laquelle le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN a débouté la SCI MAQUIS et les consorts [C] de leur demande visant à condamner la SCI DOUCIER à leur verser à titre principal la somme de 100.000 euros à titre de provision ad litem, et à titre subsidiaire la somme de 65.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices.

Par conséquent,

DEBOUTER la SCI MAQUIS et les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER la SCI MAQUIS et les consorts [C] à régler à la SCI DOUCIER la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les CONDAMNER aux entiers dépens.

Concernant la demande de provision ad litem, elle fait valoir que les requérants ne justifient pas qu'ils se trouvent dans une situation d'infériorité financière, condition nécessaire pour qu'une telle provision soit accordée ; ils soulignent le fait que cette demande est présentée sept ans après l'engagement de la mesure d'expertise et que les requérants ont d'ores et déjà obtenu des sommes provisionnelles à hauteur de 109.198,44€.

Concernant la demande de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices, la SCI DOUCIER soutient qu'elle se heurte à des contestations sérieuses tant en ce qui concerne la détermination des désordres que la mise en 'uvre des responsabilités ; que le rapport d'expertise ne suffit pas à écarter ces contestations sérieuses compte tenu de ses contradictions, inexactitudes et insuffisances.

Elle considère également que la réunion des conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale et de la garantie des vices cachés n'est pas démontrée ; elle se prévaut également de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente en soutenant qu'elle ne peut pas être considérée comme un vendeur professionnel et qu'aucune mauvaise foi ne peut lui être reprochée.

L'affaire a fait l'objet d'un avis à bref délai par avis donné aux parties le 12 décembre 2024 et a été clôturée par ordonnance en date du 30 juin 2025. Elle a été appelée en dernier lieu à l'audience du 2 juillet 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article 789 du Code de procédure civile donne compétence au juge de la mise en état pour accorder des provisions à double titre : pour les besoins du procès d'une part (provision ad litem), et lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable d'autre part (provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices.

Sur la demande de provision ad litem :

Une provision ad litem a pour objet de couvrir les frais d'une partie le temps du procès en obtenant de son adversaire une avance pour lui permettre de financer les frais liés à son procès, notamment le coût de l'expertise judiciaire, cela sans exiger la preuve d'une obligation qui ne soit pas sérieusement contestable. Cette provision pour le procès a ainsi vocation à permettre à une partie en situation d'infériorité financière d'exercer l'ensemble de ses droits en justice.

En l'espèce, les appelants se prévalent donc du coût de l'expertise judiciaire et des sommes qu'ils ont déjà dû engager au titre de cette procédure et des désordres qu'ils subissent. Pour justifier des difficultés financières dans lesquelles ils exposent se trouver, ils versent notamment aux débats une attestation de Monsieur [E], expert-comptable, du 2 juin 2025 faisant état des comptes déficitaires de la SCI MAQUIS et du fait que cette dernière « est dans l'incapacité de régler les honoraires complémentaires de l'expert judiciaire d'n montant de 15.398,10 €uros (tel que fixé par ordonnance de taxe du 08/01/25) et de faire face à tout autre frais de procédure ». Il est précisé que cette attestation a été émise « en vue des éléments comptables en notre possession » ; par ailleurs, elle ne concerne que la situation de la SCI MAQUIS.

Or, comme l'a relevé le premier juge, si la SCI MAQUIS et les consorts [C] font état du total des frais engagés au cours de la procédure, frais dont l'importance n'est pas contestable, ils ne justifient pas de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent d'assumer les frais du procès, ni de la nécessité d'allouer une telle provision. De surcroit, il été justement rappelé qu'aucune provision n'avait été précédemment sollicitée à ce titre alors que la mesure d'expertise avait été ordonnée sept années auparavant. Enfin, il résulte du dépôt du rapport d'expertise définitif qu'aucune provision complémentaire ne devra désormais être ordonnée.

Dès lors, en l'absence de démonstration par les appelants de ce que les conditions sont réunies pour le versement d'une provision ad litem, il convient de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a rejeté cette prétention.

Sur la demande de provision relative à l'indemnisation des préjudices :

La provision envisagée par l'article 789 3° du Code de procédure civile correspond à l'anticipation d'une obligation de paiement à laquelle est tenu le débiteur à l'indemnisation. Cette provision peut être accordée « au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ».

Au sens de cet article, doit être qualifiée de sérieusement contestable une obligation qui, pour être appréciée, suppose de procéder à un examen poussé des données du litige et à une analyse des données techniques et des éléments de preuve produits ; sont donc sérieusement contestables des demandes qui porteraient sur la mise en 'uvre de mesure supposant que soit tranchée une question relevant de l'appréciation au fond du litige.

Selon la SCI MAQUIS et les consorts [C] se prévalent donc des difficultés rencontrées pour obtenir de la SCI DOUCIER les éléments utiles dans le cadre de la mesure d'expertise et du coût des travaux nécessaires pour remédier aux différents désordres. Ils évoquent également les désordres affectant le gros 'uvre de leur maison tels qu'ils sont décrits par l'expert. La SCI MAQUIS et les consorts [C] envisagent ainsi la responsabilité de la SCI DOUCIER en se référant à la garantie légale prévue par l'article 1792 du Code civil et à la théorie des vices cachés.

Selon la SCI DOUCIER, un débat contradictoire est nécessaire pour dire si elle est tenue à une garantie décennale au titre de la vente de ce bien. Concernant les désordres structurels, elle soutient que le rapport d'expertise ne permet pas de caractériser une responsabilité, les conclusions de l'expert étant insuffisamment documentées et prises sur certains points au terme de constatations non contradictoires. Enfin, elle fait valoir que plusieurs postes de désordres ont fait l'objet d'un versement de provision par la société d'assurances ALLIANZ. Concernant le fondement de la garantie des vices cachés, la SCI DOUCIER expose en outre que l'expert a conclu au caractère apparent des désordres.

Il est constant que le rapport d'expertise met en évidence de nombreux désordres, dont :

- certains relevant de la construction (allégation de ruissellements dans le vide sanitaire - non constaté et relevant d'un choix opéré par l'entreprise de gros-'uvre de procéder à un vide-sanitaire au lieu d'un remblai - non-conformité aux règles parasismiques, défaut de pose du carrelage de la plage piscine) ;

- un défaut de pose des tuiles est également mentionné, mais il est précisé que les travaux de remplacement de la couverture ont été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage et ont été réalisés ;

- certains désordres relevant d'inachèvements pouvant mettre en péril la sécurité des personnes (présences de vides, absence de garde-corps ou insuffisance du garde-corps donnant lieu à un risque de chute) ;

- des difficultés dans la pose des menuiseries et notamment des défaillances d'étanchéité (menuiseries extérieures, baie baies vitrées et porte d'entrée), une absence d'étanchéité de la terrasse hall d'entrée et contour maison.

Il est également indiqué que des anomalies et non-conformités affectent le système électrique ; cependant, il apparaît que si certains travaux électriques ont été réalisés « en dépit des règles de l'art », la SCI MAQUIS a réalisé elle-même certains d'entre eux.

Au niveau 1 a été constaté un taux d'humidité trop élevé rendant les locaux impropres à leur destination, ce taux d'humidité tant mis en lien avec des non-conformités affectant la VMC ; des désordres affectent donc le système de ventilation de la maison ainsi que le système de gaz.

Concernant l'élévateur, il est fait état de dysfonctionnements relevant d'un manque d'entretien ainsi que des non-conformités ; il est indiqué dans le rapport que dans le cadre de la vente, la SCI DOUCIER ne s'est pas opposée à l'usage de la dénomination d'ascenseur s'agissant de cet élévateur.

S'agissant des enduits, des défauts d'isolation phonique et thermique sont également relevés, ainsi qu'une non-conformité des clôtures « aux règles en vigueur ».

Il est indiqué dans l'expertise que plusieurs postes de désordres ont fait l'objet d'une proposition d'indemnisation qui a été refusée par la SCI MAQUIS : humidité dans le vide sanitaire, garde-corps, menuiseries extérieures.

En p.56 de son rapport, l'expert distingue les désordres qui étaient visibles lors de la vente et ceux qui n'étaient pas visibles. Il est en outre précisé que l'humidité du niveau 1 est de nature à compromettre la destination de ce niveau et que le défaut d'étanchéité des fenêtres et les entrées d'eau du 4ème étage sont de nature à rendre ce niveau impropre à sa destination.

Enfin, il convient de relever que différentes entreprises sont intervenues dans la construction de la maison, bien que plusieurs désordres soient directement imputés par l'expert à la SCI DOUCIER. C'est notamment le cas de l'absence de drainage lors de la réalisation du gros-'uvre, du percement du chaînage pour la hotte de la cuisine, de l'absence d'étanchéité du niveau 3 et sur les garages transformés en locaux habitables, de la situation des garde-corps terrasse et terrasses extérieures, du portail, du carrelage de la plage piscine et de la conception de la ventilation et humidité du sous-sol.

En conclusion de son rapport, l'expert met en évidence les éléments de dangerosité qui tiennent à un risque de chute pour les personnes (balcons du rez-de-chaussée et escalier, garde-corps de l'escalier du patio). Il précise que malgré des demandes réitérées, depuis 2018, aucune disposition n'a été prise en vue d'une sécurisation

Les travaux de reprise nécessaires au vu de l'ensemble de ces désordres sont évalués par l'expert à 655.000€ TTC.

La détermination des droits des parties implique en premier lieu de définir les régimes juridiques applicables aux différents désordres. Au vu de la nature des demandes, les prétentions seront donc envisagées sous l'application de la garantie légale prévue par l'article 1792 du Code civil et sous le régime de la garantie des vices cachés.

Concernant l'application de la garantie décennale, celle-ci ne peut concerner que les désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou portent atteinte à sa destination. En l'état de l'analyse de l'expert qui, en page 58 de son rapport, indique que « sont de nature » à compromettre la destination des niveaux concernés l'humidité du niveau 1 et le défaut d'étanchéité des fenêtres et les entrées d'eau du 4ème étage, il apparaît que l'appréciation de l'existence d'un droit à indemnisation des requérants sur un tel fondement implique un examen au fond de l'affaire afin de déterminer d'une part si le régime de la garantie décennale est applicable aux désordres et, d'autre part, si la SCI DOUCIER est tenue à cette garantie.

S'agissant de l'application de la garantie des vices cachés, le juge de la mise en état a justement relevé que la présence d'une obligation non contestable n'était pas établie à la charge de la SCI DOUCIER. La mise en 'uvre de cette garantie suppose notamment d'apprécier la nature des vices allégués ainsi que les conditions et la date de leur révélation, éléments qui en l'espèce impliquent de connaître du fond de l'affaire.

En outre, cette garantie suppose également d'apprécier la portée de la clause d'exclusion de garantie contenu dans l'acte de vente. L'appréciation de l'application de cette clause doit conduire à se prononcer sur la qualité de professionnelle ou non de la SCI DOUCIER dans le cadre de cette vente et sur la connaissance qu'elle avait de ces vices au moment de l'acte. Or, la SCI DOUCIER conteste avoir eu cette qualité de professionnelle. Elle explique que le fait que son gérant, Monsieur [R], soit également gérant de la SARL SAINT ALICE ne suffit pas à créer une présomption de connaissance des désordres ; qu'en outre, le fait que Monsieur [R] soit dirigeant ou associé de plusieurs sociétés ne suffit pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction. Elle souligne également qu'elle est une société civile immobilière dont la vente d'immeuble n'entre pas dans l'objet social et qu'en conséquence, elle ne peut pas être assimilée à un professionnel de l'immobilier ; que les travaux qu'elle a accomplis sur le bien ne permettent pas d'engager sa responsabilité.

De ces éléments, nonobstant la réalité des désordres constatés par l'expert, il ressort que la détermination des responsabilités et des obligations pesant sur la SCI DOUCIER, ainsi que la définition des droits des requérants, supposent de procéder à une analyse au fond des éléments produits, notamment compte tenu des nombreux éléments techniques versés aux débats et des contestations qui sont émises sur les conclusions de l'expert dans l'analyse qu'il fait des différents désordres et dans leur imputabilité.

L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes annexes :

La décision contestée sera également confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et au sort des dépens.

Au vu de la nature du litige et dans l'attente de la fixation au fond des droits des parties, il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens de l'appel sur ordonnance d'incident seront laissés à la charge des requérants.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions frappées d'appel l'ordonnance d'incident de la mise en état du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 17 septembre 2024 ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SCI MAQUIS, [G] [K] ' [C], [L] [C] et [V] [C] aux dépens de l'appel sur incident.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE,

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