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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 23 octobre 2025, n° 22/02269

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/02269

23 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 23 OCTOBRE 2025

N° RG 22/02269 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWDU

S.A.R.L. [Adresse 4] (CAH)

c/

[D] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 mars 2022 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 21/02255) suivant déclaration d'appel du 10 mai 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. [Adresse 4] (CAH)

Société à responsabilité limitée dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentée par Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me PELTIER

INTIMÉ :

[D] [V]

né le 17 Février 1945 à [Localité 8] (33)

de nationalité Française

Retraité

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me TEKIN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Christine DEFOY, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

1.Selon devis du 21 juin 2017, Monsieur [D] [V] a confié à la société [Adresse 4] (CAH) des travaux de nettoyage, d'hydrofugation et d'isolation de la couverture de sa maison d'habitation située [Adresse 2] dans la commune [Localité 6] [Localité 7] en Gironde, pour un montant de 9 590,72 euros TTC.

Le lendemain de la réalisation des travaux, le 13 juillet 2017, les parties ont constaté des infiltrations d'eau dans le garage ainsi que dans une chambre et le bureau à l'étage de la maison les conduisant à conclure un protocole d'accord destiné à la prise en charge par la société CAH des travaux de peinture.

Devant l'apparition de nouveaux désordres, M. [V] a fait appel à son assureur protection juridique qui a mandaté le cabinet Polyexpert pour organiser une expertise amiable.

Puis à la demande de M. [V], par ordonnance du 18 mars 2019, le juge des référés a désigné M. [E] en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise a été déposé le 24 février 2021.

2. Par acte du 10 mars 2021, M. [V] a assigné la Sarl [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'indemnisation sur le fondement principal de la responsabilité décennale de l'entreprise et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

3. Par jugement du 16 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux, a :

- débouté M. [V] de ses demandes fondées sur la responsabilité décennale de la société CAH,

- dit n'y avoir lieu à partage des responsabilités,

- condamné la Sarl [Adresse 5] à verser à M. [V], sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun, les sommes suivantes :

- 25 664,34 euros TTC au titre des travaux de couverture,

- 7 549,32 euros TTC au titre des travaux d'embellissement,

- 1 500 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- condamné la Sarl Centre Aquitain de l'Habitat aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

4. La Sarl [Adresse 4] a relevé appel de ce jugement, le 10 mai 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2022, la Sarl Centre Aquitain de l'Habitat demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 et 1792 du code civil de :

à titre principal,

- infirmer le jugement déféré rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 mars 2022 en ce qu'il a retenu sa responsabilité contractuelle,

le réformant,

- débouter M. [V] de toute demande dirigée à son encontre en l'absence de démonstration d'une faute contractuelle et d'un lien de causalité entre cette dernière et les dommages allégués,

subsidiairement,

- infirmer le jugement déféré rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 mars 2022 en ce qu'il a écarté un partage de responsabilité entre elle-même et M. [V], et sur le quantum des sommes allouées,

le réformant,

- ordonner un partage de responsabilité entre elle-même et M. [V] à proportion de la gravité de leurs fautes respectives,

- condamner M. [V], responsable d'un défaut manifeste et prépondérant d'entretien de sa toiture, à conserver à sa charge une part prépondérante des dommages,

- réformer le jugement déféré rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 mars 2022 en ce qu'il a alloué à M. [V] :

- la somme de 25 664,34 euros TTC au titre des travaux de couverture,

- la somme de 7 549,32 euros TTC au titre des travaux d'embellissement,

- la somme de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

- débouter M. [V] de sa demande au titre de la réfection intégrale de la toiture, des embellissements déjà indemnisés et du préjudice de jouissance infondé,

- subsidiairement, sur les préjudices, réduire à de plus justes proportions l'indemnisation éventuellement allouée à M. [V],

- réformer le jugement déféré rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 mars 2022 en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [V] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens,

- rejeter l'appel incident de M. [V] et le débouter de sa demande de condamnation fondée sur sa responsabilité décennale,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes fondées sur la responsabilité décennale,

- réduire la demande de M. [V] au titre de l'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes prétentions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2022, M. [V] demande à la cour de:

- voir déclarer recevable, mais mal fondé, l'appel enregistre par la société [Adresse 4] contre le jugement de la 7e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 mars 2022,

- l'en débouter,

statuant au titre de son appel incident,

- voir infirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 mars 2022, en ce qu'il :

- l'a débouté de ses demandes fondées sur la responsabilité décennale de la société CAH,

- voir, en effet, constater que les travaux réalisés par la société [Adresse 4] sont affectés de désordres concernant un élément indissociable du gros oeuvre et rendant certaines pièces de l'habitation impropres à leur destination,

- voir prononcer en conséquence la recevabilité de l'action principale sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs,

statuant subsidiairement, sur le fondement de son action,

- voir constater que les désordres sont liés à un défaut d'exécution du chantier et à un manquement à l'obligation d'information et de conseil du constructeur,

- voir confirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 mars 2022, en ce qu'il a condamné la société Centre Aquitain de l'Habitat à l'indemniser sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

en toute hypothèse, sur le quantum de l'indemnisation,

- voir confirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 mars 2022, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à partage de responsabilité,

- voir confirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 16 mars 2022, en ce qu'il a condamné la société CAH à lui verser :

- 25 664,34 euros TTC au titre des travaux de couverture,

- 7 549,32 euros TTC au titre des travaux d'embellissement,

- 1500 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- voir ordonner l'indexation de la somme de 33 213,66 euros retenue au titre de son préjudice matériel le 24 février 2021 sur l'indice du coût et des prix dans la construction de l'Insee au jour de l'arrêt à intervenir, les fonds ayant été bloqués sur un compte, compte tenu de l'appel de la société [Adresse 4],

- voir enfin condamner la société Centre Aquitain de l'Habitat à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel, outre aux dépens, comprenant les frais de la procédure de référé, de l'expertise judiciaire et de l'action au fond, dont distraction au profit de Me Laplagne,

- voir débouter la société [Adresse 4] de ses demandes reconventionnelles et/ou contraires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2025.

MOTIFS

5. Le tribunal a rejeté la demande de M. [V] sur le fondement de la responsabilité décennale de la SARL Centre Aquitain de l'Habitat ( société CAH) au motif que les travaux de nettoyage et de traitement anti mousse de la toiture ne pouvaient constituer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. En revanche, le premier juge a considéré que les désordres constatés par l'expert judiciaire provenaient d'un défaut dans la mise en oeuvre du nettoyage de la toiture engageant la responsabilité contractuelle de la société CAH.

La société CAH sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité contractuelle alors qu'il n'existait pas de faute démontrée de sa part. A titre subsidiaire, elle considère qu'il conviendrait d'opérer un partage de responsabilité entre le maître de l'ouvrage et elle-même, en raison des défauts d'entretien de la toiture par M. [V]. En outre, elle sollicite la réformation du jugement sur le quantum des condamnations prononcées alors que notamment la rénovation totale de la charpente n'est pas justifiée.

M. [V] a formé un appel incident et recherche à nouveau la responsabilité decennale de la société CAH au motif que l'application d'un hydrofuge sur sa toiture correspondrait à la réalisation d'un ouvrage. A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société CAH . Il conteste en outre tout partage de responsabilité considérant que les opérations d'expertise ont consacré l'unique responsabilité du professionnel. Il sollicite une actualisation des condamnations prononcées.

Sur ce

Sur la demande du maître de l'ouvrage au titre de la responsabilité décennale de la société CAH

6. Il résulte des pièces contractuelles que la société CAH est intervenue sur la toiture de la maison de M. [V] pour réaliser des travaux de nettoyage et d'hydrofugation de cette toiture.( Pièces n° 1 et n° 5 de l'appelante)

Un simple nettoyage de la toiture ne constitue pas un ouvrage alors qu'il n'ajoute rien aux constructions existantes.

La mise en place d'un hydrofuge ne constitue pas davantage un ouvrage alors que le produit mis en place a seulement vocation à rendre un ouvrage existant plus résistant à l'humidité et pour une durée limitée.

7. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes sur le fondement de la responsabilité décennale de la société CAH.

Sur la demande du maître de l'ouvrage au titre de la responsabilité contractuelle de la société CAH

8. L'article 1231-1 du code civil dispose: ' Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'

9. En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que les désordres sont constitués par des infiltrations entraînant des dégradations de la sous face du plafond de la cuisine outre des boursouflures de la toile de verre sur l'ensemble du plafond et la présence d'un taux d'humidité important sur les plafonds (rapport d'expertise pages 21 et 22)

L'expert judiciaire a conclu que ces désordres étaient la conséquence du défaut de mise en oeuvre lors du nettoyage haute pression alors que l'entreprise aurait dû nettoyer l'ensemble de la toiture ainsi que les gorges latérales préalablement.

L'expert judiciaire a en outre relevé que les zingueries étaient altérées par l'utilisation d'un produit démoussant et d'un hydrofuge inadaptés au zinc.

L'expert judiciaire a de plus considéré que l'entreprise aurait dû conseiller à M. [V] la Pose d'un pare-pluie et aurait dû respecter-le DU 40. 21 qui était applicable.

10. En conséquence, la faute de la société CAH est démontrée et elle est en lien avec les désordres constatés.

11. En outre, l'appelante ne démontre pas de lien entre le défaut d'entretien de la toiture litigieuse et les désordres qui proviennent exclusivement des fautes commises par elle et notamment du défaut de mise en oeuvre du nettoyage à haute pression des parties courantes, l'absence de nettoyage des gorges latérales des tuiles et l'application de produits non adaptés de produits de traitement sur le zinc entraînant la corrosion de celui-ci.

Ceci est si vrai que l'expert judiciaire a retenu la seule responsabilité de la société CAH.

12. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu la seule responsabilité de cette dernière

Sur l'indemnisation des préjudices du maître de l'ouvrage

13. Le tribunal en contemplation du rapport d'expertise judiciaire a fixé les travaux de reprise de la couverture à la somme de 25 664, 34 suros ETC, ceux relatifs aux travaux d'embellissement à la somme de 7549, 32 suros TTC et le préjudice de jouissance de M. [V] à celle de 1500 euros.

Le tribunal a retenu le devis le plus élevé lequel prévoit la pose d'un pare-pluie qui n'existait pas antérieurement. Dès lors cet ajout constitue une plus-value que l'appelante n'a pas à supporter et qui doit rester à la charge du maître de l'ouvrage.

12. En conséquence, c'est le devis qui s'élève à la somme de 21 237,70 euros HT soit 23 361, 47 euros TTC qui sera retenu alors qu'il correspond à la remise en état du bien tel qu'il aurait dû se trouver si l'appelante n'avait pas commis les fautes à l'origine des désordres.

13. Par ailleurs le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le coût des travaux d'embellissement à la somme de 6859, 24 euros HT soit celle de 7549,32 euros TTC car si la société CAH avait réalisé des travaux d'embellissement après les premières infiltrations, de nouvelles infiltrations se sont de nouveau produites postérieurement obligeant aux travaux d'embellissement justement répertoriés et estimés par l'expert judiciaire.

14. Enfin, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice de jouissance du maître de l'ouvrage à la somme de 1500 euros qui correspond à l'inutilisation de plusieurs pièces de sa maison pendant trois semaines.

15. Les deux premiers chefs de condamnations seront indexés sur l'indice BT01 de L'INSEE.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

16. La société CAH succombant en son appel principal sera condamnée aux dépens d'appel.

M. [V] ayant été débouté de son appel incident, il apparaît équitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SARL [Adresse 4] à verser à M. [V] la somme de 25 664,34 euros TTC au titre des travaux de couverture et statuant à nouveau de ce seul chef de jugement réformé:

Condamne la SARL Centre Aquitain de l'Habitat à verser à M. [V] la somme de 23 361, 47 euros TTC au titre des travaux de couverture,

Y ajoutant,

Dit que les condamnation prononcées au titre des travaux de toiture et d'embelissement seront indexées sur l'indice d u bâtiment - BT01 - Tous corps d'état entre le 18 novembre 2020 et leur parfait paiement,

Condamne la SARLCentre Aquitain de l'Habitat aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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