CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 24 octobre 2025, n° 21/04460
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2025
N° 2025/208
Rôle N° RG 21/04460 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFOV
Société ALLIANZ ASSURANCES
C/
[I] [M]
[E] [Z] épouse [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Christophe PETIT
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 09 février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00296.
APPELANTE
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée de Me Valérie GINET de la SCP GINET - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS
Monsieur [I] [M]
né le 05 avril 1949 à [Localité 6]
demeurant [Localité 2] - ETATS-UNIS
Madame [E] [Z] épouse [M]
née le 11 décembre 1950 à [Localité 4] (ETATS-UNIS)
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Christophe PETIT de la SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice MARS, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère rapporteure,
Madame Florence TANGUY, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2025,
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [I] [M] et Mme [E] [Z], son épouse, sont propriétaires d'un terrain, constituant le lot n° 27 du [Adresse 5], à [Localité 7].
Le 19 novembre 2004, ils ont conclu un marché de travaux avec la société ETI, assurée auprès de la Préservatrice Foncière Assurances - PPA (devenue la société Allianz Iard), portant sur la construction d'une villa avec piscine.
La réception est intervenue le 2 mai 2006, par la signature d'un procès-verbal, assorti de diverses réserves.
Se plaignant de désordres ultérieurs, par un acte du 17 décembre 2008, les époux [M] - [Z] ont sollicité l'instauration d'une mesure d'expertise et par ordonnance du 20 février 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a désigné M. [T] [L], qui a déposé son rapport le 30 mai 2011.
Entre-temps, soit le 26 janvier 2010, la société ETI avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire au tribunal de commerce de Cannes et Maître [D] avait été nommé en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 30 novembre 2015, M. et Mme [M] - [Z] ont assigné la société ETI et la société Allianz, son assureur, en paiement des sommes suivantes :
- 31 437,25 euros au titre du coût des travaux de reprise,
- 5 000 euros forfaitaires au titre du coût des travaux de reprises non chiffrés par l'expert,
- 10 000 euros au titre de préjudice de jouissance,
- 5 513,66 euros au titre du remboursement des frais d'expertise,
- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 9 février 2021, tribunal judiciaire de Grasse a :
- débouté la SA Allianz Iard de sa demande concernant l'application de la franchise dans le cadre de la responsabilité contractuelle ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
- débouté M. [I] [M] et Mme [E] [Z] de leur demande au titre des travaux de reprises non chiffrés ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SA Allianz Iard aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de Maître Christophe Petit ;
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Allianz Iard a relevé appel de cette décision le 24 mars 2021.
Vu les dernières conclusions de la société Allianz Iard, notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
- juger que le désordre n°1, l'absence d'isolation de la cave à vin, ne peut être considéré comme un désordre de nature décennale,
- les débouter en conséquence de leur demande à hauteur de 9 948,45 euros, à ce titre,
- juger que la fissuration de quelques lauzes, désordre n°7, n'est pas un désordre décennal, mais tout au plus biennal et que cette garantie était expirée à la date de leur assignation initiale en référé expertise,
- juger ainsi que la compagnie Allianz ne doit aucune garantie au titre de la responsabilité décennale de son ex-assurée, la société ETI,
- condamner les époux [M] à rembourser à Allianz les sommes perçues de 9 948,45 euros et 2 658,60 euros TTC en réparation de ces deux désordres,
- juger que la garantie B du contrat d'assurance souscrit par la société ETI couvrant sa responsabilité civile professionnelle n'a nulle vocation à être mobilisée au titre de la responsabilité contractuelle de son ex-assurée, la société ETI,
- juger que le frottement de 2 portes, désordre n°4 et 23, qui peuvent être rabotées, n'est pas un désordre à caractère décennal,
- juger que tout au plus ce bien d'équipement est couvert par la seule garantie biennale, expirée à la date de l'assignation en 2008,
- réformer en conséquence le jugement rendu le 09.02.2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Allianz à régler aux époux [M] la totalité du coût de réparation des désordres,
- condamner les époux [M] à rembourser à Allianz les sommes perçues de 31 437,25 euros, en réparation des désordres,
A titre subsidiaire,
- juger que tout au plus, les demandes des époux [M] ne peuvent excéder 13 007,25 euros TTC, au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de réfection des désordres n°1, 4, 23 et 7,
En tout état de cause,
- débouter les époux [M] de toute autre demande, au titre du préjudice matériel, dirigée à l'encontre de la société Allianz,
- débouter les époux [M] de leurs demandes additionnelles, au titre du préjudice de jouissance et sur le fondement de l'article 700 du CPC, formulées en appel et dirigées à l'encontre de la société Allianz,
- juger opposable la franchise contractuelle prévue dans la Police Allianz, souscrite par ETI et résiliée depuis,
- réformer en conséquence le jugement rendu le 09.02.2021, sur ces chefs,
Dans tous les cas,
- condamner tous succombant à régler une indemnité de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- condamner tout succombant aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les dernières conclusions de M. et Mme [M] - [Z], notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021, aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement en ses dispositions suivantes,
- dire et juger que les garanties souscrites responsabilité civile professionnelle et responsabilité civile décennale par la société ETI auprès d'Allianz Iard sont mobilisables,
- débouter Allianz Iard des exclusions de garanties soulevées, celles-ci ne remplissant pas les caractère formelles et limitées imposées par les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise,
- condamner Allianz Iard à payer aux époux [M] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter la franchise opposée à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M], celle-ci étant injustifiée et non quantifiée,
- infirmer le jugement sur le quantum du préjudice de jouissance,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 10 000 euros au titre des travaux du préjudice de jouissance,
Y ajouter,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Allianz aux entiers dépens de la présente instance, en ce y compris les frais de référé ainsi que le coût des opérations d'expertise judiciaire, distraction faite au profit de Maître Christophe Petit avocat au barreau de Nice, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture est en date du 6 mai 2025.
A l'audience du 4 juillet 2025, les parties ont été avisées de ce que l'affaire était mise en délibéré au 24 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
La société Allianz Iard conteste le caractère décennal des désordres affectant la cave à vins, faisant valoir que l'expert ne justifie pas la nécessité de maintenir ce local à 9° et que les époux [M] n'avaient pas avisé la société ETI de la destination de cette cave.
Dans son rapport, l'expert indique que le local souffre d'une mauvaise isolation au niveau de sa porte et précise : « en période estivale il est très difficile de maintenir la température définie par le thermostat à 9° ». Il conclut de ce fait que la cave à vins est impropre à sa destination et fixe les travaux réparatoires à la somme de 9 948,65 euros TTC.
Ainsi, le défaut d'isolation du local empêche de garder la température choisie par l'utilisateur, ce qui constitue un désordre de nature décennale en ce qu'il rend ce local impropre à sa destination.
Il convient de noter que, durant l'expertise, la société Allianz Iard n'a pas contesté le fait que dès l'origine, ce local devait être aménagé en cave à vins, ce qui n'a pas amené l'expert à examiner les conditions de sa mise en 'uvre. De plus, les époux [M] produisent l'avenant n°1 du 31 mars 2005 conclu entre les parties prévoyant la création d'une cave à vins pour un montant de 5 687,50 euros, ouvrage dont la société Allianz Iard ne démontre pas qu'il aurait été réalisé par un tiers.
La décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée.
Dans son rapport, l'expert constate également l'effritement de certaines lauzes constituant le parement des bassins, en indiquant qu'elles ne sont pas adaptées au climat. Il précise ceci : « lors de la réunion d'expertise du 12 juillet 2010 nous avons pu constater que les désordres avaient évolué et que les lauzes posées se délitaient fortement. Les arêtes de ces lauzes deviennent coupantes par endroit. Il peut être dangereux de marcher pieds nus dessus ». L'expert conclut que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et fixe à la somme de 2 658,60 euros TTC le montant des travaux réparatoires.
La société Allianz Iard conteste le caractère décennal de ces désordres en soutenant que le choix du matériau utilisé ne ressort pas du marché signé avec la société ETI.
Ce marché prévoit la réalisation de la piscine et des aménagements extérieurs, sans détail précis pour chaque poste, et aucun élément ne démontre l'intervention d'une société tierce pour la mise en 'uvre des lauzes au-dessus des murets réalisés autour de la piscine.
La décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée.
Les époux [M] soutiennent que constitue également un désordre de nature décennale le décollement des carreaux dans la piscine.
L'expert indique que « certains petits carreaux constituant le parement intérieur des bassins doivent être recollés » mais précise que ce « désordre ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination, ni ne compromet sa solidité ». Il ne retient pas de danger pour les personnes et, dès lors, le caractère décennal du désordre n'est pas établi.
Enfin, l'expert relève des difficultés de fermeture des volets des portes fenêtres de la cuisine et de la chambre de maître ; dans la chambre verte (porte de communication entre la chambre et la salle de bain) et la chambre Sud-Est (porte de communication entre la partie lavabo et baignoire), la porte frotte au niveau du sol, ce qui imposent un rabotage et un réglage.
La société Allianz Iard soutient que ces désordres étaient visibles à la réception et relèvent de la garantie de bon fonctionnement pour laquelle l'action des époux [M] est prescrite.
Ces derniers produisent un courrier adressé le 30 avril 2008 par la société Allianz Iard dans lequel il est indiqué : « le dommage n° 42 (blocage de la porte d'accès à la salle de bains) compromet le bon fonctionnement de l'élément d'équipement dissociable. Pour ce dommage la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement est accordée ».
L'assureur a donc octroyé sans équivoque sa garantie pour ce désordre.
Pour le reste, aucun élément ne démontre qu'ils étaient visibles à la réception et ne sont pas survenus postérieurement, alors que les époux [M] les ont déclarés par courrier du 23 décembre 2007 soit dans les deux ans de la réception.
La société Allianz Iard sera donc tenue à garantie et condamnée à payer la somme de 450 euros au titre des travaux réparatoires.
Concernant les autres désordres (fissures ; traces de rouille ; coulures...), dont les parties ne discutent pas l'absence de caractère décennal, la société Allianz Iard fait valoir que la garantie « Responsabilité Civile de votre Entreprise » souscrite par la société ETI n'est pas mobilisable en ce qu'elle ne couvre que les dommages de nature accidentelle.
Les « dispositions générales artisans du bâtiment risques professionnels » mentionnent, au titre de la garantie « Responsabilité Civile de votre Entreprise », que : « nous vous garantissons contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à autrui, y compris à vos clients, du fait de l'exercice de l'activité professionnelle déclarée aux dispositions particulières. La garantie de ces dommages s'applique quelle que soit la nature responsabilité engagée pour toutes les causes et tous les événements, sous réserves des cas expressément écartés aux paragraphes 2.3, 2.4, 2.5 et 7. 2 ».
Les dommages matériels sont ainsi définis : « toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux ».
L'article 2.41 énonce : « nous ne garantissons pas pour l'ensemble des dommages : les dommages aux ouvrages ou travaux que vous avez exécutés ou donnés en sous-traitance, y compris les dommages entraînants, en droit français, l'application des responsabilités et garanties visées aux articles 1792, 1792-2, 1792-3, 1792-4 et 1792-6 du code civil ainsi que les frais divers entraînés par ces dommages ».
Cette clause est formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances car elle vise des circonstances particulières de réalisation du risque qui sont intelligibles pour l'assuré et qui ne vident pas l'obligation d'assurance de sa substance. De plus elle est mentionnée en caractère gras, donc très apparents, conformément à l'article L 112-4 du code des assurances.
La société ETI était donc couverte pour le risque responsabilité civile, s'agissant des dommages susceptibles d'être causé à des tiers, y compris le client, par l'activité du chantier ; en revanche, le risque spécifiquement professionnel résultant d'une mauvaise réalisation de la prestation promise au client n'était pas garanti.
En conséquence, la garantie de la société Allianz Iard n'est pas due. La décision du premier juge sera infirmée et les époux [M] déboutés de leur demande sur ce point.
L'arrêt infirmatif constitue un titre exécutoire permettant le recouvrement des condamnations de première instance qui sont infirmées, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner le remboursement.
Les époux [M] sollicitent une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts faisant valoir que la multiplicité des malfaçons a affecté la jouissance de leur bien. La cour estime qu'il convient de confirmer la décision du premier juge qui leur a alloué la somme de 1 500 euros de ce chef, en l'état de désordres ayant seulement altéré la jouissance des bassins.
La société Allianz Iard sera condamnée aux dépens et à payer à M. et Mme [M] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe ;
Confirme le jugement en date du 9 février 2021, hormis dans sa disposition ayant condamné la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z], son épouse, la somme de 13 057,25 euros TTC au titre des travaux réparatoires ;
Rejette la demande de garantie formée à l'encontre de la société Allianz Iard pour le surplus ;
Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] son épouse, une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Allianz Iard aux entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit de Maître Christophe Petit qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2025
N° 2025/208
Rôle N° RG 21/04460 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFOV
Société ALLIANZ ASSURANCES
C/
[I] [M]
[E] [Z] épouse [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Christophe PETIT
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 09 février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00296.
APPELANTE
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée de Me Valérie GINET de la SCP GINET - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS
Monsieur [I] [M]
né le 05 avril 1949 à [Localité 6]
demeurant [Localité 2] - ETATS-UNIS
Madame [E] [Z] épouse [M]
née le 11 décembre 1950 à [Localité 4] (ETATS-UNIS)
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Christophe PETIT de la SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice MARS, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère rapporteure,
Madame Florence TANGUY, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2025,
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [I] [M] et Mme [E] [Z], son épouse, sont propriétaires d'un terrain, constituant le lot n° 27 du [Adresse 5], à [Localité 7].
Le 19 novembre 2004, ils ont conclu un marché de travaux avec la société ETI, assurée auprès de la Préservatrice Foncière Assurances - PPA (devenue la société Allianz Iard), portant sur la construction d'une villa avec piscine.
La réception est intervenue le 2 mai 2006, par la signature d'un procès-verbal, assorti de diverses réserves.
Se plaignant de désordres ultérieurs, par un acte du 17 décembre 2008, les époux [M] - [Z] ont sollicité l'instauration d'une mesure d'expertise et par ordonnance du 20 février 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a désigné M. [T] [L], qui a déposé son rapport le 30 mai 2011.
Entre-temps, soit le 26 janvier 2010, la société ETI avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire au tribunal de commerce de Cannes et Maître [D] avait été nommé en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 30 novembre 2015, M. et Mme [M] - [Z] ont assigné la société ETI et la société Allianz, son assureur, en paiement des sommes suivantes :
- 31 437,25 euros au titre du coût des travaux de reprise,
- 5 000 euros forfaitaires au titre du coût des travaux de reprises non chiffrés par l'expert,
- 10 000 euros au titre de préjudice de jouissance,
- 5 513,66 euros au titre du remboursement des frais d'expertise,
- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 9 février 2021, tribunal judiciaire de Grasse a :
- débouté la SA Allianz Iard de sa demande concernant l'application de la franchise dans le cadre de la responsabilité contractuelle ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
- débouté M. [I] [M] et Mme [E] [Z] de leur demande au titre des travaux de reprises non chiffrés ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SA Allianz Iard aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de Maître Christophe Petit ;
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Allianz Iard a relevé appel de cette décision le 24 mars 2021.
Vu les dernières conclusions de la société Allianz Iard, notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
- juger que le désordre n°1, l'absence d'isolation de la cave à vin, ne peut être considéré comme un désordre de nature décennale,
- les débouter en conséquence de leur demande à hauteur de 9 948,45 euros, à ce titre,
- juger que la fissuration de quelques lauzes, désordre n°7, n'est pas un désordre décennal, mais tout au plus biennal et que cette garantie était expirée à la date de leur assignation initiale en référé expertise,
- juger ainsi que la compagnie Allianz ne doit aucune garantie au titre de la responsabilité décennale de son ex-assurée, la société ETI,
- condamner les époux [M] à rembourser à Allianz les sommes perçues de 9 948,45 euros et 2 658,60 euros TTC en réparation de ces deux désordres,
- juger que la garantie B du contrat d'assurance souscrit par la société ETI couvrant sa responsabilité civile professionnelle n'a nulle vocation à être mobilisée au titre de la responsabilité contractuelle de son ex-assurée, la société ETI,
- juger que le frottement de 2 portes, désordre n°4 et 23, qui peuvent être rabotées, n'est pas un désordre à caractère décennal,
- juger que tout au plus ce bien d'équipement est couvert par la seule garantie biennale, expirée à la date de l'assignation en 2008,
- réformer en conséquence le jugement rendu le 09.02.2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Allianz à régler aux époux [M] la totalité du coût de réparation des désordres,
- condamner les époux [M] à rembourser à Allianz les sommes perçues de 31 437,25 euros, en réparation des désordres,
A titre subsidiaire,
- juger que tout au plus, les demandes des époux [M] ne peuvent excéder 13 007,25 euros TTC, au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de réfection des désordres n°1, 4, 23 et 7,
En tout état de cause,
- débouter les époux [M] de toute autre demande, au titre du préjudice matériel, dirigée à l'encontre de la société Allianz,
- débouter les époux [M] de leurs demandes additionnelles, au titre du préjudice de jouissance et sur le fondement de l'article 700 du CPC, formulées en appel et dirigées à l'encontre de la société Allianz,
- juger opposable la franchise contractuelle prévue dans la Police Allianz, souscrite par ETI et résiliée depuis,
- réformer en conséquence le jugement rendu le 09.02.2021, sur ces chefs,
Dans tous les cas,
- condamner tous succombant à régler une indemnité de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- condamner tout succombant aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les dernières conclusions de M. et Mme [M] - [Z], notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021, aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement en ses dispositions suivantes,
- dire et juger que les garanties souscrites responsabilité civile professionnelle et responsabilité civile décennale par la société ETI auprès d'Allianz Iard sont mobilisables,
- débouter Allianz Iard des exclusions de garanties soulevées, celles-ci ne remplissant pas les caractère formelles et limitées imposées par les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise,
- condamner Allianz Iard à payer aux époux [M] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter la franchise opposée à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M], celle-ci étant injustifiée et non quantifiée,
- infirmer le jugement sur le quantum du préjudice de jouissance,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 10 000 euros au titre des travaux du préjudice de jouissance,
Y ajouter,
- condamner Allianz Iard à régler à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] épouse [M] la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Allianz aux entiers dépens de la présente instance, en ce y compris les frais de référé ainsi que le coût des opérations d'expertise judiciaire, distraction faite au profit de Maître Christophe Petit avocat au barreau de Nice, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture est en date du 6 mai 2025.
A l'audience du 4 juillet 2025, les parties ont été avisées de ce que l'affaire était mise en délibéré au 24 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
La société Allianz Iard conteste le caractère décennal des désordres affectant la cave à vins, faisant valoir que l'expert ne justifie pas la nécessité de maintenir ce local à 9° et que les époux [M] n'avaient pas avisé la société ETI de la destination de cette cave.
Dans son rapport, l'expert indique que le local souffre d'une mauvaise isolation au niveau de sa porte et précise : « en période estivale il est très difficile de maintenir la température définie par le thermostat à 9° ». Il conclut de ce fait que la cave à vins est impropre à sa destination et fixe les travaux réparatoires à la somme de 9 948,65 euros TTC.
Ainsi, le défaut d'isolation du local empêche de garder la température choisie par l'utilisateur, ce qui constitue un désordre de nature décennale en ce qu'il rend ce local impropre à sa destination.
Il convient de noter que, durant l'expertise, la société Allianz Iard n'a pas contesté le fait que dès l'origine, ce local devait être aménagé en cave à vins, ce qui n'a pas amené l'expert à examiner les conditions de sa mise en 'uvre. De plus, les époux [M] produisent l'avenant n°1 du 31 mars 2005 conclu entre les parties prévoyant la création d'une cave à vins pour un montant de 5 687,50 euros, ouvrage dont la société Allianz Iard ne démontre pas qu'il aurait été réalisé par un tiers.
La décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée.
Dans son rapport, l'expert constate également l'effritement de certaines lauzes constituant le parement des bassins, en indiquant qu'elles ne sont pas adaptées au climat. Il précise ceci : « lors de la réunion d'expertise du 12 juillet 2010 nous avons pu constater que les désordres avaient évolué et que les lauzes posées se délitaient fortement. Les arêtes de ces lauzes deviennent coupantes par endroit. Il peut être dangereux de marcher pieds nus dessus ». L'expert conclut que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et fixe à la somme de 2 658,60 euros TTC le montant des travaux réparatoires.
La société Allianz Iard conteste le caractère décennal de ces désordres en soutenant que le choix du matériau utilisé ne ressort pas du marché signé avec la société ETI.
Ce marché prévoit la réalisation de la piscine et des aménagements extérieurs, sans détail précis pour chaque poste, et aucun élément ne démontre l'intervention d'une société tierce pour la mise en 'uvre des lauzes au-dessus des murets réalisés autour de la piscine.
La décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée.
Les époux [M] soutiennent que constitue également un désordre de nature décennale le décollement des carreaux dans la piscine.
L'expert indique que « certains petits carreaux constituant le parement intérieur des bassins doivent être recollés » mais précise que ce « désordre ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination, ni ne compromet sa solidité ». Il ne retient pas de danger pour les personnes et, dès lors, le caractère décennal du désordre n'est pas établi.
Enfin, l'expert relève des difficultés de fermeture des volets des portes fenêtres de la cuisine et de la chambre de maître ; dans la chambre verte (porte de communication entre la chambre et la salle de bain) et la chambre Sud-Est (porte de communication entre la partie lavabo et baignoire), la porte frotte au niveau du sol, ce qui imposent un rabotage et un réglage.
La société Allianz Iard soutient que ces désordres étaient visibles à la réception et relèvent de la garantie de bon fonctionnement pour laquelle l'action des époux [M] est prescrite.
Ces derniers produisent un courrier adressé le 30 avril 2008 par la société Allianz Iard dans lequel il est indiqué : « le dommage n° 42 (blocage de la porte d'accès à la salle de bains) compromet le bon fonctionnement de l'élément d'équipement dissociable. Pour ce dommage la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement est accordée ».
L'assureur a donc octroyé sans équivoque sa garantie pour ce désordre.
Pour le reste, aucun élément ne démontre qu'ils étaient visibles à la réception et ne sont pas survenus postérieurement, alors que les époux [M] les ont déclarés par courrier du 23 décembre 2007 soit dans les deux ans de la réception.
La société Allianz Iard sera donc tenue à garantie et condamnée à payer la somme de 450 euros au titre des travaux réparatoires.
Concernant les autres désordres (fissures ; traces de rouille ; coulures...), dont les parties ne discutent pas l'absence de caractère décennal, la société Allianz Iard fait valoir que la garantie « Responsabilité Civile de votre Entreprise » souscrite par la société ETI n'est pas mobilisable en ce qu'elle ne couvre que les dommages de nature accidentelle.
Les « dispositions générales artisans du bâtiment risques professionnels » mentionnent, au titre de la garantie « Responsabilité Civile de votre Entreprise », que : « nous vous garantissons contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à autrui, y compris à vos clients, du fait de l'exercice de l'activité professionnelle déclarée aux dispositions particulières. La garantie de ces dommages s'applique quelle que soit la nature responsabilité engagée pour toutes les causes et tous les événements, sous réserves des cas expressément écartés aux paragraphes 2.3, 2.4, 2.5 et 7. 2 ».
Les dommages matériels sont ainsi définis : « toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux ».
L'article 2.41 énonce : « nous ne garantissons pas pour l'ensemble des dommages : les dommages aux ouvrages ou travaux que vous avez exécutés ou donnés en sous-traitance, y compris les dommages entraînants, en droit français, l'application des responsabilités et garanties visées aux articles 1792, 1792-2, 1792-3, 1792-4 et 1792-6 du code civil ainsi que les frais divers entraînés par ces dommages ».
Cette clause est formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances car elle vise des circonstances particulières de réalisation du risque qui sont intelligibles pour l'assuré et qui ne vident pas l'obligation d'assurance de sa substance. De plus elle est mentionnée en caractère gras, donc très apparents, conformément à l'article L 112-4 du code des assurances.
La société ETI était donc couverte pour le risque responsabilité civile, s'agissant des dommages susceptibles d'être causé à des tiers, y compris le client, par l'activité du chantier ; en revanche, le risque spécifiquement professionnel résultant d'une mauvaise réalisation de la prestation promise au client n'était pas garanti.
En conséquence, la garantie de la société Allianz Iard n'est pas due. La décision du premier juge sera infirmée et les époux [M] déboutés de leur demande sur ce point.
L'arrêt infirmatif constitue un titre exécutoire permettant le recouvrement des condamnations de première instance qui sont infirmées, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner le remboursement.
Les époux [M] sollicitent une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts faisant valoir que la multiplicité des malfaçons a affecté la jouissance de leur bien. La cour estime qu'il convient de confirmer la décision du premier juge qui leur a alloué la somme de 1 500 euros de ce chef, en l'état de désordres ayant seulement altéré la jouissance des bassins.
La société Allianz Iard sera condamnée aux dépens et à payer à M. et Mme [M] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe ;
Confirme le jugement en date du 9 février 2021, hormis dans sa disposition ayant condamné la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] la somme de 31 437,25 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z], son épouse, la somme de 13 057,25 euros TTC au titre des travaux réparatoires ;
Rejette la demande de garantie formée à l'encontre de la société Allianz Iard pour le surplus ;
Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [I] [M] et Mme [E] [Z] son épouse, une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Allianz Iard aux entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit de Maître Christophe Petit qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,