CA Bordeaux, 2e ch. civ., 23 octobre 2025, n° 24/05373
BORDEAUX
Autre
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 23 OCTOBRE 2025
N° RG 24/05373 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OB6O
[P] [O]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE DU [Adresse 1]
A.S.L. [Adresse 1]
c/
S.A. MAAF ASSURANCES
S.A.R.L. PRESTA
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
S.A.R.L. MAJOLICE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 25 octobre 2024 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 23/00613) suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2024
APPELANTES :
[P] [O]
née le 16 Octobre 1989 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 2]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE DU [Adresse 1]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 5]
A.S.L. [Adresse 1]
demeurant Chez TAX TEAM CONSEIL, [Adresse 7]
[Localité 5]
Représentés par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A. MAAF ASSURANCES
demeurant [Adresse 11]
Représentée par Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. PRESTA
assignée en appel provoqué par la SA MAAF ASSURANCES selon acte de commissaire de justice en date du 09.05.2025 délivré selon PV 659
demeurant [Adresse 6]
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
assignée en appel provoqué par la SA MAAF ASSURANCES selon acte de commissaire de justice en date du 06.05.2025
demeurant [Adresse 12]
Représentée par Me Anaïs MAILLET de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. MAJOLICE, SARL immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° 751 932 492, dont le siège social est situé à [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
assignée selon acte de commissaire de justice en date du 22.01.2025 délivré à personne morale
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS société d'assurance mutuelle dont le siège social est à [Adresse 13], prise en la personne de son représentant légal, domiciliés en cette n qualité audit siège
assignée selon acte de commissaire de justice en date du 21.01.2025 délivré à personne morale
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques BOUDY, Président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries, et devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Marie-Laure MIQUEL
ARRÊT :
- par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1. L'association syndicale libre du [Adresse 1] a été constituée pour la réalisation des travaux de restauration, entretien et réparation d'un immeuble situé à [Adresse 10].
2. La Sarl Majolice est intervenue en tant qu'architecte et maître d'oeuvre. La Sarl Presta s'est vue confier l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. La Sarl Sivri est intervenue en qualité d'entreprise générale en charge de divers lots de travaux.
3. Déplorant des réserves à la réception non levées dans les parties communes et dans les parties privatives, des travaux de reprise insatisfaisants en parties privatives et l'apparition d'autres désordres, Monsieur [U] [K], copropriétaire, l'ASL du [Adresse 1] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ont sollicité du juge des référés l'organisation d'une expertise.
4. Monsieur [Z] [D] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 14 août 2017 au contradictoire de la Sarl Majolice, la Sarl Presta, la Sarl Sivri, la Mutuelle des architectes français (MAF) assureur de la Sarl Majolice et la Sa Maaf assurances, assureur de la Sarl Sivri.
Suivant plusieurs ordonnances de référé ultérieures, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la société QBE insurance en qualité d'assureur de la société Presta, à Monsieur [W] [B] en sa qualité de dirigeant de la société Presta ainsi qu'à la Selarl Malmezat-Prat, liquidateur de la Sarl Sivri. Elles ont également été étendues à de nouveaux désordres.
Monsieur [M], désigné en remplacement de Monsieur [D], a déposé son rapport le 03 juin 2022.
5. Parallèlement, le syndicat des copropriétaires a sollicité la mise en place d'une nouvelle mesure d'expertise en signalant la présence de phénomènes de pourrissement de certaines fermes de la charpente en bois liées à des infiltrations d'eau provenant de la toiture.
C'est dans ces conditions que M. [H] a été désigné en qualité d'expert.
Ces opérations d'expertise sont en cours mais celui-ci a rédigé une première note de synthèse, le 23 octobre 2024.
6. La situation des parties peut être résumée ainsi :
Rôle
Assureur
Majolice
Architecte et maître d'oeuvre
MAF
Presta, dont le dirigeant est M. [W] [B]
Assistance à la maîtrise d'ouvrage
QBE insurance
[Adresse 14]
Entreprise générale
Maaf assurances
7. Par actes des 13, 14, 16 et 26 décembre 2022 et 11 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires, l'ASL et Madame [P] [O], copropriétaire, ont assigné la société Majolice, la société Presta, la Selarl Philae ainsi que leurs assureurs respectifs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
8. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], l'ASL du [Adresse 1] et Mme [O] ont introduit un incident afin de solliciter la condamnation in solidum de la société Maaf Assurances, assureur de la société Sivri, de la société Majolice et de son assureur la Maf à leur régler une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice matériel arrêté à la somme de 142.440,41 €, le tout avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir.
9. Par ordonnance du 25 octobre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la société Maaf assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble, représenté par son syndic, la somme provisionnelle de 44 000 euros au titre des infiltrations affectant la couverture ;
- rejeté la demande d'indexation de cette somme ;
- rappelé que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de sa décision ;
- rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;
- rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Majolice et la MAF ;
- rejeté les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 21 mars 2025 ;
- réservé les dépens de l'incident.
10. Par déclaration du 12 décembre 2024, Mme [O], le syndicat des copropriétaires et l'ASL ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions du 20 août 2025, ils demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- condamné la société Maaf assurances à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 44 000 euros, rejeté la demande d'indexation de cette somme et rappelé qu'elle portera intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;
- rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Majolice et la MAF ;
- rejeté les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum la Maaf assurances, assureur de la société Sivri, la société Majolice et son assureur la MAF à régler au syndicat des copropriétaires une provision à valoir sur l'indemnisation :
- du préjudice lié au dommage couverture, soit la somme de 99 354,33 euros TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage plafond du garage, soit la somme de 39 957,70 euros avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage local vélo, soit la somme de 1 689,60 euros avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage porte du garage, soit la somme de 1 438,78 euros TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- juger que ces sommes indexées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum les mêmes à lui régler une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
11. Dans leurs dernières conclusions du 15 juillet 2025, la Sarl Majolice et la MAF demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux le 25 octobre 2024 ;
- débouter les appelants et la Maaf assurances de leurs demandes dirigées à leur encontre ;
- condamner les appelants à leur payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement,
- condamner in solidum la Maaf assurances, la Sarl Presta et son assureur la compagnie QBE Europe à garantir et les relever intégralement indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.
12. Dans ses dernières conclusions du 21 août 2025, la société Maaf assurances demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 25 octobre 2024 en ce qu'elle l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 44 000 euros au titre des infiltrations affectant la couverture.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que les demandes de provisions formulées par les appelants se heurtent à des contestations sérieuses.
En conséquence,
- les débouter de leurs demandes de provision ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui rembourser la somme de 44 000 euros versée à titre provisionnel ;
- condamner les appelants à lui régler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A titre subsidiaire,
- juger qu'une éventuelle condamnation provisionnelle à son encontre ne saurait excéder 44 000 euros ;
- condamner in solidum les sociétés Majolice, MAF, presta et QBE Europe à garantir et la relever indemne du surplus des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- réserver les dépens.
En tout état de cause,
- rejeter toutes les demandes complémentaires ;
- débouter toutes les autres parties qui formuleraient des demandes à son encontre ;
- rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
13. Dans ses dernières conclusions du 2 juillet 2025, la compagnie QBE Europe demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 25 octobre 2025
1:
en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- débouter la compagnie Maaf assurances ou toute partie de leurs demandes dirigées à son encontre en sa qualité d'assureur de la société Presta en raison des contestations sérieuses portant sur la responsabilité de celle-ci et sur la mobilisation des garanties ;
- condamner la compagnie Maaf assurances ou toute partie succombante à lui régler une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
14. La Sarl Presta n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 août 2025. Par message RPVA du 29 août 2025, le conseil de la Maaf assurances a demandé le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Prolégomènes
15. Il sera observé en premier lieu, que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], l'association syndicale libre ( ci-après ASL) du même nom et une certaine Mme [O] sollicitent tous les trois le bénéfice d'indemnités provisionnelles entièrement communes sans que le partage soit fait entre ce qui est susceptible de revenir à l'un ou à l'autre mais cette étrangeté ne fait pas l'objet de contestation.
16. Par ailleurs, les trois susnommés ne dirigent leurs demandes que contre la société Maaf, en sa qualité d'assureur de la société Sivri actuellement en liquidation, et contre la société Majolice et son assureur, la société Maf.
La société Maaf a appelé en cause la société Presta.
17. L'article 789 du code de procédure civile dispose que :
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(...)
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514 5,517 et 518 à 522 ; ».
18. Par ailleurs, l'article 1792 du code civil prévoit :
« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».
19. En l'espèce, les désordres dont se plaint le syndicat des copropriétaires sont de quatre ordres :
- un défaut de fonctionnement de la porte du garage qui a été réparé et dont le coût serait de 1 438,78 €
- des malfaçons affectant la toiture dont le coût des réparations s'élèverait selon l'expert à 98 188,33 € TTC
- des infiltrations dans le garage dont le plafond est par ailleurs dépourvu de coupe-feu, pour un coût de 26 832,30 € TTC
- un défaut de ventilation du local vélos dont la réparation s'élève à 1 815 € TTC.
20. Il n'est contesté par aucune des parties que ces désordres sont de ceux qui sont visés par l'article 1792 du code civil et que les demandes formées tant par le syndicat des copropriétaires que par l'ASL ou Mme [O] sont fondées sur la garantie décennale.
Cette garantie repose sur une responsabilité de plein droit qui s'applique au profit du maître de l'ouvrage dès lors que les désordres sont imputables au constructeur sans qu'il y ait lieu de rechercher l'existence d'une faute à sa charge et sans que celui-ci puisse invoquer un partage quelconque de responsabilité.
L'imputabilité des désordres signifie qu'il doit exister un lien entre le désordre et l'activité du constructeur, cette dernière notion incluant non seulement les entreprises de construction mais aussi tous ceux qui ont participé à l'acte de construction et parmi lesquels, l'architecte.
Il convient donc d'examiner l'imputabilité des désordres aux entreprises incriminées, celle-ci entraînant de facto leur responsabilité de plein droit.
II- L'imputabilité des désordres et la garantie des assureurs
A- La société Majolice
21. Il n'est pas contesté que cette société d'architectes s'est vue confier, non pas une mission complète mais, aux termes du contrat d'architecte convenu le 20 mars 2015, une mission limitée aux phases ESQ (esquisses), APS (avant-projet sommaire), APD (avant-projet définitif), DPC ( dépôt de permis de construire), PRO/DCE (dossier de consultation des entreprises).
22. Les appelants font valoir que cependant, dès lors qu'elle a contribué à la construction de l'ouvrage, fût-ce dans le cadre d'une mission limitée, cette société est responsable de plein droit au même titre que les autres constructeurs.
23. Cependant, comme indiqué plus haut, il doit exister un lien entre les tâches dévolues au constructeur dont la responsabilité est recherchée et les désordres.
24. En l'espèce, la société Majolice ne s'est vue confier qu'un rôle de conception et rien ne permet d'établir avec certitude, à tout le moins sans contestation sérieuse, que les désordres trouveraient leur origine dans les travaux de l'architecte.
Au contraire, l'expert [M] n'incrimine ce dernier à aucun moment et l'exonère même clairement au moins pour ce qui concerne la toiture ( pp 57 et 58 du rapport).
Il ne s'agit certes que d'une appréciation d'ordre essentiellement juridique qui méritera d'être vérifiée au vu des documents élaborés par l'architecte mais en l'état actuel des choses, il en résulte une contestation sérieuse sur ce point et ce, d'autant plus que la société Majolice affirme sans être contredite, que ses plans ont été notablement modifiés par la suite et n'ont donc pas été suivis.
25. L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'elle a écarté la demande dirigée contre la société Majolice et son assureur.
B- La société Sivri et la société Maaf
26. Il n'est pas contesté que la société Sivri, entreprise générale de bâtiment, s'était vue confier le lot gros-oeuvre et qu'à ce titre, elle a exécuté les différents ouvrages dans lesquels se sont produits les désordres.
27. La société Maaf soutient cependant, s'agissant de la toiture, que la société Sivri n'était chargée que d'un remaniement partiel de celle-ci et non d'une reprise intégrale alors que les travaux de réfection préconisés par l'expert portent sur une réparation complète ou quasi complète.
Qu'ainsi, alors que les travaux de couverture portaient sur un montant de 66 440,71 € HT, les travaux réparatoires s'élèveraient à 98 188,33 € TTC.
Que de plus, beaucoup de défauts de conformité n'ont pas généré de désordres et rien n'indique que tel ne sera pas le cas tout au long du délai d'épreuve.
28. Cependant, l'expert a noté (p.30 du rapport) que les travaux confiés à la société Sivri étaient constitués par un 'remaniage partiel de la couverture en tuiles, faîtage ventilé et zinguerie des rives et de chéneaux, châssis de toiture (vélux) etc..'.
Il s'en déduit donc qu'en réalité, c'était bien l'ensemble de la toiture qui devait être rénovée
et mise en état même s'il n'était question que d'un 'remaniage' des tuiles, c'est-à-dire d'un remplacement des tuiles en fonction de leur état, ce qui ne signifie pas que ce n'était pas l'ensemble de la toiture qui était concernée.
29. Par ailleurs, les désordres sont patents, à la fois d'abord parce que l'expert a relevé de nombreuses malfaçons et non-conformités à l'origine d'un risque certain d'apparition de désordres en toiture et à l'intérieur des parties privatives (p.35).
30. De plus et surtout, ces malfaçons se sont parfaitement traduites par des désordres importants, caractérisés par des infiltrations, notamment chez l'un des copropriétaires, M. [K] et par la suite, à la faveur de l'expertise confiée à M. [H], par la constatation d'atteintes importantes à différents éléments de charpente tels que des fermes et des arbalétriers en raison du pourrissement de ces éléments en bois par les infiltrations.
31. Par conséquent, la responsabilité de la société Sivri n'est pas sérieusement contestable et la garantie due à celle-ci par la société Maaf n'est pas contestée.
32. Par ailleurs, les sommes réclamées à titre provisionnel, n'apparaissent nullement excessives surtout si l'on prend en considération qu'elles ne tiennent pas compte du coût important qui sera nécessité par la reprise des éléments de charpente fortement dégradés.
Il sera donc fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme totale de 99 354,33€ TTC au titre des désordres affectant la toiture et l'ordonnance frappée d'appel sera donc infirmée sur ce point.
33. Pour ce qui concerne les désordres affectant la porte du garage et ceux affectant le garage, la société Maaf dénie devoir sa garantie au motif dans le premier cas, que la société Sivri n'était pas assurée pour la pose de ce type d'équipements et, dans le second cas, qu'alors que l'expert attribue l'origine des infiltrations à des défauts dans la pose des menuiseries, la société Sivri n'était pas non plus assurée à ce titre.
34. Les appelants soutiennent que l'expert a aussi attribué l'origine des désordres à des défauts dans l'exécution des travaux d'étanchéité et que le plafond du garage était dépourvu de dispositif coupe-feu, ces activités étant bien assurées.
35. Il n'est en effet pas contesté que la société Sivri n'était pas assurée pour des travaux de menuiserie ni pour des travaux portant sur l'installation de dispositifs tels que des portes de garage.
Il en résulte donc que la provision réclamée au titre de la porte du garage ne peut être accordée.
36. Par ailleurs, l'expertise ne permet pas de distinguer clairement les origines des infiltrations dans le garage, entre ce qui procède des menuiseries dont il ne précise pas la nature et ce qui procède de travaux d'étanchéité proprement dit.
37. S'agissant du dispositif coupe-feu, force est de constater qu'à ce sujet, l'expert est particulièrement elliptique et s'exprime par abréviations qui ne peuvent être comprises que des professionnels mais pas du juge à qui le rapport s'adresse portant et encore moins des copropriétaires, lorsqu'il se borne à relever : 'nota : l'examen du plafond révèle l'absence de CF (sic) entre RDC et R+1 (re sic)".
Il ne peut guère en être tiré d'enseignements faute d'explications de quelque nature que ce soit.
38. Il existe donc sur ce point une contestation sérieuse qui interdit de faire droit à la demande de provision.
39. S'agissant enfin du local à vélos, la société Maaf soutient que ce local n'entrait pas dans son périmètre d'intervention.
40. Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la société Sivri avait la charge de l'immeuble tout entier et qu'il résulte du rapport d'expertise qu'en réalité, le garage était destiné à la fois aux automobiles et aux vélos.
41. Il n'est en effet pas sérieusement contestable que la société Sivri avait bien la charge du lot gros-oeuvre pour l'ensemble de l'immeuble.
Qu'il résulte manifestement des écritures de l'expert que le local destiné aux vélos n'est qu'une partie du garage comportant une séparation.
En application des principes énoncés plus haut, il existe donc à sa charge une présomption de responsabilité et il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 1 689,60 €.
Les sommes allouées seront indexées.
III- Sur les recours
42. La société Maaf sollicite la condamnation in solidum des sociétés Majolice MAF, Presta et QBE Europe à la relever indemne de toute condamnation .
43. Ainsi qu'il a été vu plus haut, ce recours ne peut prospérer à l'égard de l'architecte et de son assureur dans la mesure où il n'est pas établi, de façon évidente, l'existence d'une faute susceptible d'être mise à sa charge dans la rédaction des pièces de conception et d'un lien avec les désordres reprochés.
44. Pour ce qui concerne la société Presta, celle-ci s'était vue confier une mission d'assistant à la maîtrise d'ouvrage de sorte qu'elle n'était liée contractuellement qu'avec le maître de l'ouvrage, n'avait pas la qualité de constructeur et que sa responsabilité ne pourrait être recherchée que sur le fondement d'une faute délictuelle.
45. En l'espèce, la société Maaf affirme qu'il résulte du rapport d'expertise que la société Presta n'a pas fait la relation entre les travaux réellement exécutés et les situations de travaux transmises à l'ASL.
Que le choix des travaux réalisés par les maîtres de l'ouvrage a été conforté par la société Presta.
46. Mais à supposer que ces faits soient avérés, ils n'engageraient la société Presta qu'à l'égard de son donneur d'ordre et il n'est pas précisé en quoi ces fautes seraient de nature à exonérer la société Sivri de sa propre responsabilité.
Les recours seront donc rejetés.
47. L'ordonnance sera confirmée quant aux dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Maaf qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et versera la somme de 3000 € aux appelants par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait application de ce texte pour le surplus.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 25 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] la somme de 44 000 € au titre des infiltrations affectant la couverture et en ce qu'il a écarté la demande de provision relative au local à vélos;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], à l'association syndicale libre du [Adresse 1] et à Mme [P] [O] les sommes provisionnelles de :
- 99 354,33 € TTC au titre des désordres affectant la toiture
- 1 689,60 € TTC au titre des désordres affectant le local à vélos
ces sommes étant indexées sur l'évolution de l'indice BT 01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise et celle du présent arrêt;
Confirme l'ordonnance pour le surplus,
y ajoutant,
Condamne la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], à l'association syndicale libre du [Adresse 1] et à Mme [P] [O] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Marie-Laure MIQUEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 23 OCTOBRE 2025
N° RG 24/05373 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OB6O
[P] [O]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE DU [Adresse 1]
A.S.L. [Adresse 1]
c/
S.A. MAAF ASSURANCES
S.A.R.L. PRESTA
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
S.A.R.L. MAJOLICE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 25 octobre 2024 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 23/00613) suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2024
APPELANTES :
[P] [O]
née le 16 Octobre 1989 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 2]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE DU [Adresse 1]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 5]
A.S.L. [Adresse 1]
demeurant Chez TAX TEAM CONSEIL, [Adresse 7]
[Localité 5]
Représentés par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A. MAAF ASSURANCES
demeurant [Adresse 11]
Représentée par Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. PRESTA
assignée en appel provoqué par la SA MAAF ASSURANCES selon acte de commissaire de justice en date du 09.05.2025 délivré selon PV 659
demeurant [Adresse 6]
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
assignée en appel provoqué par la SA MAAF ASSURANCES selon acte de commissaire de justice en date du 06.05.2025
demeurant [Adresse 12]
Représentée par Me Anaïs MAILLET de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. MAJOLICE, SARL immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° 751 932 492, dont le siège social est situé à [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
assignée selon acte de commissaire de justice en date du 22.01.2025 délivré à personne morale
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS société d'assurance mutuelle dont le siège social est à [Adresse 13], prise en la personne de son représentant légal, domiciliés en cette n qualité audit siège
assignée selon acte de commissaire de justice en date du 21.01.2025 délivré à personne morale
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques BOUDY, Président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries, et devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Marie-Laure MIQUEL
ARRÊT :
- par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1. L'association syndicale libre du [Adresse 1] a été constituée pour la réalisation des travaux de restauration, entretien et réparation d'un immeuble situé à [Adresse 10].
2. La Sarl Majolice est intervenue en tant qu'architecte et maître d'oeuvre. La Sarl Presta s'est vue confier l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. La Sarl Sivri est intervenue en qualité d'entreprise générale en charge de divers lots de travaux.
3. Déplorant des réserves à la réception non levées dans les parties communes et dans les parties privatives, des travaux de reprise insatisfaisants en parties privatives et l'apparition d'autres désordres, Monsieur [U] [K], copropriétaire, l'ASL du [Adresse 1] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ont sollicité du juge des référés l'organisation d'une expertise.
4. Monsieur [Z] [D] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 14 août 2017 au contradictoire de la Sarl Majolice, la Sarl Presta, la Sarl Sivri, la Mutuelle des architectes français (MAF) assureur de la Sarl Majolice et la Sa Maaf assurances, assureur de la Sarl Sivri.
Suivant plusieurs ordonnances de référé ultérieures, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la société QBE insurance en qualité d'assureur de la société Presta, à Monsieur [W] [B] en sa qualité de dirigeant de la société Presta ainsi qu'à la Selarl Malmezat-Prat, liquidateur de la Sarl Sivri. Elles ont également été étendues à de nouveaux désordres.
Monsieur [M], désigné en remplacement de Monsieur [D], a déposé son rapport le 03 juin 2022.
5. Parallèlement, le syndicat des copropriétaires a sollicité la mise en place d'une nouvelle mesure d'expertise en signalant la présence de phénomènes de pourrissement de certaines fermes de la charpente en bois liées à des infiltrations d'eau provenant de la toiture.
C'est dans ces conditions que M. [H] a été désigné en qualité d'expert.
Ces opérations d'expertise sont en cours mais celui-ci a rédigé une première note de synthèse, le 23 octobre 2024.
6. La situation des parties peut être résumée ainsi :
Rôle
Assureur
Majolice
Architecte et maître d'oeuvre
MAF
Presta, dont le dirigeant est M. [W] [B]
Assistance à la maîtrise d'ouvrage
QBE insurance
[Adresse 14]
Entreprise générale
Maaf assurances
7. Par actes des 13, 14, 16 et 26 décembre 2022 et 11 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires, l'ASL et Madame [P] [O], copropriétaire, ont assigné la société Majolice, la société Presta, la Selarl Philae ainsi que leurs assureurs respectifs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
8. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], l'ASL du [Adresse 1] et Mme [O] ont introduit un incident afin de solliciter la condamnation in solidum de la société Maaf Assurances, assureur de la société Sivri, de la société Majolice et de son assureur la Maf à leur régler une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice matériel arrêté à la somme de 142.440,41 €, le tout avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir.
9. Par ordonnance du 25 octobre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la société Maaf assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble, représenté par son syndic, la somme provisionnelle de 44 000 euros au titre des infiltrations affectant la couverture ;
- rejeté la demande d'indexation de cette somme ;
- rappelé que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de sa décision ;
- rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;
- rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Majolice et la MAF ;
- rejeté les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 21 mars 2025 ;
- réservé les dépens de l'incident.
10. Par déclaration du 12 décembre 2024, Mme [O], le syndicat des copropriétaires et l'ASL ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions du 20 août 2025, ils demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- condamné la société Maaf assurances à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 44 000 euros, rejeté la demande d'indexation de cette somme et rappelé qu'elle portera intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;
- rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Majolice et la MAF ;
- rejeté les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum la Maaf assurances, assureur de la société Sivri, la société Majolice et son assureur la MAF à régler au syndicat des copropriétaires une provision à valoir sur l'indemnisation :
- du préjudice lié au dommage couverture, soit la somme de 99 354,33 euros TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage plafond du garage, soit la somme de 39 957,70 euros avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage local vélo, soit la somme de 1 689,60 euros avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- du préjudice lié au dommage porte du garage, soit la somme de 1 438,78 euros TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport et la décision à intervenir ;
- juger que ces sommes indexées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum les mêmes à lui régler une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
11. Dans leurs dernières conclusions du 15 juillet 2025, la Sarl Majolice et la MAF demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux le 25 octobre 2024 ;
- débouter les appelants et la Maaf assurances de leurs demandes dirigées à leur encontre ;
- condamner les appelants à leur payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement,
- condamner in solidum la Maaf assurances, la Sarl Presta et son assureur la compagnie QBE Europe à garantir et les relever intégralement indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.
12. Dans ses dernières conclusions du 21 août 2025, la société Maaf assurances demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 25 octobre 2024 en ce qu'elle l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 44 000 euros au titre des infiltrations affectant la couverture.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que les demandes de provisions formulées par les appelants se heurtent à des contestations sérieuses.
En conséquence,
- les débouter de leurs demandes de provision ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui rembourser la somme de 44 000 euros versée à titre provisionnel ;
- condamner les appelants à lui régler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A titre subsidiaire,
- juger qu'une éventuelle condamnation provisionnelle à son encontre ne saurait excéder 44 000 euros ;
- condamner in solidum les sociétés Majolice, MAF, presta et QBE Europe à garantir et la relever indemne du surplus des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- réserver les dépens.
En tout état de cause,
- rejeter toutes les demandes complémentaires ;
- débouter toutes les autres parties qui formuleraient des demandes à son encontre ;
- rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
13. Dans ses dernières conclusions du 2 juillet 2025, la compagnie QBE Europe demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 25 octobre 2025
1:
en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- débouter la compagnie Maaf assurances ou toute partie de leurs demandes dirigées à son encontre en sa qualité d'assureur de la société Presta en raison des contestations sérieuses portant sur la responsabilité de celle-ci et sur la mobilisation des garanties ;
- condamner la compagnie Maaf assurances ou toute partie succombante à lui régler une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
14. La Sarl Presta n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 août 2025. Par message RPVA du 29 août 2025, le conseil de la Maaf assurances a demandé le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Prolégomènes
15. Il sera observé en premier lieu, que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], l'association syndicale libre ( ci-après ASL) du même nom et une certaine Mme [O] sollicitent tous les trois le bénéfice d'indemnités provisionnelles entièrement communes sans que le partage soit fait entre ce qui est susceptible de revenir à l'un ou à l'autre mais cette étrangeté ne fait pas l'objet de contestation.
16. Par ailleurs, les trois susnommés ne dirigent leurs demandes que contre la société Maaf, en sa qualité d'assureur de la société Sivri actuellement en liquidation, et contre la société Majolice et son assureur, la société Maf.
La société Maaf a appelé en cause la société Presta.
17. L'article 789 du code de procédure civile dispose que :
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(...)
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514 5,517 et 518 à 522 ; ».
18. Par ailleurs, l'article 1792 du code civil prévoit :
« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».
19. En l'espèce, les désordres dont se plaint le syndicat des copropriétaires sont de quatre ordres :
- un défaut de fonctionnement de la porte du garage qui a été réparé et dont le coût serait de 1 438,78 €
- des malfaçons affectant la toiture dont le coût des réparations s'élèverait selon l'expert à 98 188,33 € TTC
- des infiltrations dans le garage dont le plafond est par ailleurs dépourvu de coupe-feu, pour un coût de 26 832,30 € TTC
- un défaut de ventilation du local vélos dont la réparation s'élève à 1 815 € TTC.
20. Il n'est contesté par aucune des parties que ces désordres sont de ceux qui sont visés par l'article 1792 du code civil et que les demandes formées tant par le syndicat des copropriétaires que par l'ASL ou Mme [O] sont fondées sur la garantie décennale.
Cette garantie repose sur une responsabilité de plein droit qui s'applique au profit du maître de l'ouvrage dès lors que les désordres sont imputables au constructeur sans qu'il y ait lieu de rechercher l'existence d'une faute à sa charge et sans que celui-ci puisse invoquer un partage quelconque de responsabilité.
L'imputabilité des désordres signifie qu'il doit exister un lien entre le désordre et l'activité du constructeur, cette dernière notion incluant non seulement les entreprises de construction mais aussi tous ceux qui ont participé à l'acte de construction et parmi lesquels, l'architecte.
Il convient donc d'examiner l'imputabilité des désordres aux entreprises incriminées, celle-ci entraînant de facto leur responsabilité de plein droit.
II- L'imputabilité des désordres et la garantie des assureurs
A- La société Majolice
21. Il n'est pas contesté que cette société d'architectes s'est vue confier, non pas une mission complète mais, aux termes du contrat d'architecte convenu le 20 mars 2015, une mission limitée aux phases ESQ (esquisses), APS (avant-projet sommaire), APD (avant-projet définitif), DPC ( dépôt de permis de construire), PRO/DCE (dossier de consultation des entreprises).
22. Les appelants font valoir que cependant, dès lors qu'elle a contribué à la construction de l'ouvrage, fût-ce dans le cadre d'une mission limitée, cette société est responsable de plein droit au même titre que les autres constructeurs.
23. Cependant, comme indiqué plus haut, il doit exister un lien entre les tâches dévolues au constructeur dont la responsabilité est recherchée et les désordres.
24. En l'espèce, la société Majolice ne s'est vue confier qu'un rôle de conception et rien ne permet d'établir avec certitude, à tout le moins sans contestation sérieuse, que les désordres trouveraient leur origine dans les travaux de l'architecte.
Au contraire, l'expert [M] n'incrimine ce dernier à aucun moment et l'exonère même clairement au moins pour ce qui concerne la toiture ( pp 57 et 58 du rapport).
Il ne s'agit certes que d'une appréciation d'ordre essentiellement juridique qui méritera d'être vérifiée au vu des documents élaborés par l'architecte mais en l'état actuel des choses, il en résulte une contestation sérieuse sur ce point et ce, d'autant plus que la société Majolice affirme sans être contredite, que ses plans ont été notablement modifiés par la suite et n'ont donc pas été suivis.
25. L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'elle a écarté la demande dirigée contre la société Majolice et son assureur.
B- La société Sivri et la société Maaf
26. Il n'est pas contesté que la société Sivri, entreprise générale de bâtiment, s'était vue confier le lot gros-oeuvre et qu'à ce titre, elle a exécuté les différents ouvrages dans lesquels se sont produits les désordres.
27. La société Maaf soutient cependant, s'agissant de la toiture, que la société Sivri n'était chargée que d'un remaniement partiel de celle-ci et non d'une reprise intégrale alors que les travaux de réfection préconisés par l'expert portent sur une réparation complète ou quasi complète.
Qu'ainsi, alors que les travaux de couverture portaient sur un montant de 66 440,71 € HT, les travaux réparatoires s'élèveraient à 98 188,33 € TTC.
Que de plus, beaucoup de défauts de conformité n'ont pas généré de désordres et rien n'indique que tel ne sera pas le cas tout au long du délai d'épreuve.
28. Cependant, l'expert a noté (p.30 du rapport) que les travaux confiés à la société Sivri étaient constitués par un 'remaniage partiel de la couverture en tuiles, faîtage ventilé et zinguerie des rives et de chéneaux, châssis de toiture (vélux) etc..'.
Il s'en déduit donc qu'en réalité, c'était bien l'ensemble de la toiture qui devait être rénovée
et mise en état même s'il n'était question que d'un 'remaniage' des tuiles, c'est-à-dire d'un remplacement des tuiles en fonction de leur état, ce qui ne signifie pas que ce n'était pas l'ensemble de la toiture qui était concernée.
29. Par ailleurs, les désordres sont patents, à la fois d'abord parce que l'expert a relevé de nombreuses malfaçons et non-conformités à l'origine d'un risque certain d'apparition de désordres en toiture et à l'intérieur des parties privatives (p.35).
30. De plus et surtout, ces malfaçons se sont parfaitement traduites par des désordres importants, caractérisés par des infiltrations, notamment chez l'un des copropriétaires, M. [K] et par la suite, à la faveur de l'expertise confiée à M. [H], par la constatation d'atteintes importantes à différents éléments de charpente tels que des fermes et des arbalétriers en raison du pourrissement de ces éléments en bois par les infiltrations.
31. Par conséquent, la responsabilité de la société Sivri n'est pas sérieusement contestable et la garantie due à celle-ci par la société Maaf n'est pas contestée.
32. Par ailleurs, les sommes réclamées à titre provisionnel, n'apparaissent nullement excessives surtout si l'on prend en considération qu'elles ne tiennent pas compte du coût important qui sera nécessité par la reprise des éléments de charpente fortement dégradés.
Il sera donc fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme totale de 99 354,33€ TTC au titre des désordres affectant la toiture et l'ordonnance frappée d'appel sera donc infirmée sur ce point.
33. Pour ce qui concerne les désordres affectant la porte du garage et ceux affectant le garage, la société Maaf dénie devoir sa garantie au motif dans le premier cas, que la société Sivri n'était pas assurée pour la pose de ce type d'équipements et, dans le second cas, qu'alors que l'expert attribue l'origine des infiltrations à des défauts dans la pose des menuiseries, la société Sivri n'était pas non plus assurée à ce titre.
34. Les appelants soutiennent que l'expert a aussi attribué l'origine des désordres à des défauts dans l'exécution des travaux d'étanchéité et que le plafond du garage était dépourvu de dispositif coupe-feu, ces activités étant bien assurées.
35. Il n'est en effet pas contesté que la société Sivri n'était pas assurée pour des travaux de menuiserie ni pour des travaux portant sur l'installation de dispositifs tels que des portes de garage.
Il en résulte donc que la provision réclamée au titre de la porte du garage ne peut être accordée.
36. Par ailleurs, l'expertise ne permet pas de distinguer clairement les origines des infiltrations dans le garage, entre ce qui procède des menuiseries dont il ne précise pas la nature et ce qui procède de travaux d'étanchéité proprement dit.
37. S'agissant du dispositif coupe-feu, force est de constater qu'à ce sujet, l'expert est particulièrement elliptique et s'exprime par abréviations qui ne peuvent être comprises que des professionnels mais pas du juge à qui le rapport s'adresse portant et encore moins des copropriétaires, lorsqu'il se borne à relever : 'nota : l'examen du plafond révèle l'absence de CF (sic) entre RDC et R+1 (re sic)".
Il ne peut guère en être tiré d'enseignements faute d'explications de quelque nature que ce soit.
38. Il existe donc sur ce point une contestation sérieuse qui interdit de faire droit à la demande de provision.
39. S'agissant enfin du local à vélos, la société Maaf soutient que ce local n'entrait pas dans son périmètre d'intervention.
40. Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la société Sivri avait la charge de l'immeuble tout entier et qu'il résulte du rapport d'expertise qu'en réalité, le garage était destiné à la fois aux automobiles et aux vélos.
41. Il n'est en effet pas sérieusement contestable que la société Sivri avait bien la charge du lot gros-oeuvre pour l'ensemble de l'immeuble.
Qu'il résulte manifestement des écritures de l'expert que le local destiné aux vélos n'est qu'une partie du garage comportant une séparation.
En application des principes énoncés plus haut, il existe donc à sa charge une présomption de responsabilité et il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 1 689,60 €.
Les sommes allouées seront indexées.
III- Sur les recours
42. La société Maaf sollicite la condamnation in solidum des sociétés Majolice MAF, Presta et QBE Europe à la relever indemne de toute condamnation .
43. Ainsi qu'il a été vu plus haut, ce recours ne peut prospérer à l'égard de l'architecte et de son assureur dans la mesure où il n'est pas établi, de façon évidente, l'existence d'une faute susceptible d'être mise à sa charge dans la rédaction des pièces de conception et d'un lien avec les désordres reprochés.
44. Pour ce qui concerne la société Presta, celle-ci s'était vue confier une mission d'assistant à la maîtrise d'ouvrage de sorte qu'elle n'était liée contractuellement qu'avec le maître de l'ouvrage, n'avait pas la qualité de constructeur et que sa responsabilité ne pourrait être recherchée que sur le fondement d'une faute délictuelle.
45. En l'espèce, la société Maaf affirme qu'il résulte du rapport d'expertise que la société Presta n'a pas fait la relation entre les travaux réellement exécutés et les situations de travaux transmises à l'ASL.
Que le choix des travaux réalisés par les maîtres de l'ouvrage a été conforté par la société Presta.
46. Mais à supposer que ces faits soient avérés, ils n'engageraient la société Presta qu'à l'égard de son donneur d'ordre et il n'est pas précisé en quoi ces fautes seraient de nature à exonérer la société Sivri de sa propre responsabilité.
Les recours seront donc rejetés.
47. L'ordonnance sera confirmée quant aux dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Maaf qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et versera la somme de 3000 € aux appelants par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait application de ce texte pour le surplus.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 25 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] la somme de 44 000 € au titre des infiltrations affectant la couverture et en ce qu'il a écarté la demande de provision relative au local à vélos;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], à l'association syndicale libre du [Adresse 1] et à Mme [P] [O] les sommes provisionnelles de :
- 99 354,33 € TTC au titre des désordres affectant la toiture
- 1 689,60 € TTC au titre des désordres affectant le local à vélos
ces sommes étant indexées sur l'évolution de l'indice BT 01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise et celle du présent arrêt;
Confirme l'ordonnance pour le surplus,
y ajoutant,
Condamne la société Maaf Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], à l'association syndicale libre du [Adresse 1] et à Mme [P] [O] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Marie-Laure MIQUEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,