CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 23 octobre 2025, n° 24/13303
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/566
Rôle N° RG 24/13303 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5BS
[M] [S]
C/
[WZ] [N] [G]
[R] [W] [H] épouse [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Julien DESOMBRE
Me Cédric CABANES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ de [Localité 11] en date du 03 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01199.
APPELANTE
Madame [M] [S] épouse [X]
née le 11 Janvier 1964 à [Localité 10] ( ITALIE)
demeurant [Adresse 2] (ITALIE)
représentée par Me Julien DESOMBRE de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Bernard LAMORLETTE de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,
INTIMES
Monsieur [WZ] [N] [G]
né le 05 Mars 1964 à [Localité 8] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 6] (ALLEMAGNE)
représenté par Me Cédric CABANES de la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Michel BENOIT, avocat au barreau de MULHOUSE
Madame [R] [W] [H] épouse [G]
née le 30 Novembre 1972 à [Localité 8] (ALLEMAGNE)
demeurant [Adresse 7] (ALLEMAGNE)
représentée par Me Cédric CABANES de la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Michel BENOIT, avocat au barreau de MULHOUSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025 en audience publique.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 8 avril 2019, Monsieur [WZ] [G] et Madame [D] [H] (ci-après les époux [G]) ont acquis un bien immobilier situé au [Adresse 5].
Suivant acte authentique du 18 octobre 2019, Mme [M] [S] a acquis un bien immobilier situé [Adresse 13] [Adresse 9] et au [Adresse 1] comprenant, suivant les termes dudit acte, une terrasse au troisième étage.Estimant que la terrasse de Mme [S] était illégale car implantée sur leur toit, Monsieur [G] et Mme [H] ont fait constater, par constat de Maître [B], commissaire de justice, dressé le 8 août 2022, que « l'ensemble de cette terrasse surplombe le toit de (leur) propriété ».
Ils ont, selon exploit du 21 juin 2023, fait assigner Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins d'entendre ordonner une expertise judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire en date du 3 octobre 2024, ce magistrat a :
ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur [K] [T] [JG],
débouté les parties du surplus ;
laissé les dépens de la présente instance à la charge des époux [G].
Il a notamment considéré que la lecture des pièces produites par les époux [G] conduisait à considérer que la demande d'expertise en l'état du différend opposant les parties était bien fondée en ce qu'elle fournirait à la juridiction, éventuellement saisie, les éléments d'ordre technique indispensables à la solution du litige et ce, dans le respect du contradictoire.
Selon déclaration reçue au greffe le 4 novembre 2024, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 28 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [S] demande à la cour :
d'infirmer l'ordonnance dont appel,
de déclarer irrecevables, en tous les cas infondés, les époux [G] en toutes leurs prétentions,
en conséquence,
de débouter les époux [G] de toutes leurs demandes,
de condamner les époux [G] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,
de condamner les époux [G] à payer à « la société le Christiania » une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait notamment valoir que l'ordonnance déférée, d'une part, ne répond pas aux exigences de motivation exigées par le code de procédure civile en ce qu'il est de jurisprudence constante que toute décision ordonnant une mesure d'instruction doit être fondée sur des justifications objectives et détaillées et d'autre part, est disproportionnée et injustifiée en ce qu'elle n'a pas examiné, au préalable, la recevabilité de l'action au fond qui est manifestement prescrite.
Elle soutient que l'action au fond est prescrite en ce que les époux [G] ont reconnu expressément avoir eu connaissance de l'existence de cette terrasse avant l'acquisition de leur bien immobilier, qu'elle rapporte la preuve qu'elle a été construite avant 1977, qu'elle figure sur les actes de vente depuis 1988 qui sont opposables aux tiers comme ayant fait l'objet d'une publicité foncière.
Elle argue de ce qu'aucun empiètement n'est démontré par les époux [G] et que si tel était le cas, leur action en démolition et dédommagement serait prescrite par l'effet de l'acquisition par usucapion puisqu'elle produit un acte faisant état de cette terrasse datant de 1988, soit plus de 35 ans. Elle explique qu'ayant acquis le bien immobilier de bonne foi et disposant d'un titre, elle bénéficie de la prescription acquisitive abrégée de 10 ans de l'article 2272 alinéa 2 du code civil.
Elle considère que la mesure d'expertise est dépourvue de motif légitime en ce qu'elle est en possession d'un titre de propriété incontestable sur la terrasse en question, son titre de propriété attestant de sa légitimité en tant que propriétaire de cette terrasse depuis sa construction en 1975, soit bien avant l'acquisition par les époux [G] de leur bien immobilier. Elle argue de ce que les époux [G] ne disposent, sur cette terrasse, d'aucun titre de propriété et étaient parfaitement conscients de l'existence de la terrasse au moment de l'acquisition de leur propriété en avril 2019, ayant demandé des informations à ce sujet au notaire dès le mois de janvier 2019. Elle déclare que l'acceptation de cette expertise reviendrait à remettre en cause son titre de propriété, ce qui n'est pas de la compétence du juge des référés.
Elle estime que la demande est mal fondée, inutile et abusive en ce que l'expert judiciaire n'a pas vocation à donner son avis juridique sur les dispositions de l'acte de vente, que les époux [G] n'apportent aucun élément de preuve tangible, le constat d'huissier du 8 août 2022 n'ayant identifié aucun dégât et ayant, par ailleurs, porté atteinte à sa vie privée car il a été fait à l'aide d'une perche à selfie.
Elle dit la terrasse litigieuse a été construite en 1975, ce qui constituerait un fait établi et incontesté, que les éléments techniques relatifs à sa construction ne révèlent aucun désordre ni empiétement, puisqu'elle est adossée au toit du bien immobilier, sans préjudice pour les parties concernées, qu'il n'y a aucun empiétement à démontrer puisqu'elle est construite sur le toit du bien, conformément aux règles en vigueur à l'époque de sa construction, que ses modalités d'adossement et d'ancrage sont conformes aux normes techniques, sans impact négatif sur les structures environnantes et que la question de son éventuelle démolition et de son coût sont sans objet, étant donné l'absence de désordre et de nécessité de démolition.
Elle conteste la réalité du préjudice allégué par les époux [G], car ils ont acquis leur bien en connaissance de cause et sans la terrasse qu'ils avaient expressément choisie de ne pas acheter pour des raisons financières. Elle affirme avoir participé aux opérations d'expertise car elle n'avait pas le choix dès lors que son absence l'aurait privée de toute possibilité de défendre ses droits et précise que les époux [G] ont agi dans le dessein de lui nuire et de mauvaise foi, ce qui est à l'origine d'une véritable souffrance psychique la concernant.
Par dernières conclusions transmises le 25 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [G] sollicitent de la cour de:
débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes,
confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
condamner Mme [S] aux entiers frais et dépens d'appel,
condamner Mme [S] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font notamment valoir que la mesure d'expertise est nécessaire afin de réunir les éléments concernant sa construction d'un point de vue factuel, temporel et technique.
Ils contestent être de mauvaise foi et être animés par une intention de nuire.
Ils expliquent que la terrasse attenante à la propriété de Mme [S] est située au-dessus de l'immeuble qu'ils ont acquis et est ancrée dans le toit de leur propriété raison pour laquelle il y a une situation factuelle d'empiétement et d'adossement, que la terrasse n'est pas mentionnée dans l'acte d'acquisition de leur bien immobilier, aucune servitude n'apparaît. Ils arguent de ce que le fait que la terrasse figure sur l'acte d'acquisition de Mme [S] ne légalise pas cette terrasse au regard de sa situation vis-à-vis de leur propriété.
Ils soutiennent que la terrasse ne figure dans aucun acte ou registre d'urbanisme et que le fait qu'ils connaissaient son existence avant l'achat de leur bien immobilier n'a pas d'incidence légale dès lors qu'il s'agit d'une construction sur la propriété d'autrui.
Ils considèrent, d'une part, que le courrier de l'agent immobilier est partial et étonnant parce qu'un professionnel de la matière n'aurait pas dû laisser une telle situation perdurer sans la régulariser et d'autre part, que les courriels du notaire ne sont pas probants en ce qu'il aurait également dû régulariser la situation.
Ils expliquent que Mme [S] a également intérêt à ce que la situation matérielle et juridique de la terrasse soit clarifiée et contestent avoir reçu les courriels qu'elle prétend leur avoir adressés en réponse aux leurs.
Ils arguent de ce que Mme [S] n'établit pas que la construction de la terrasse remonterait aux années 70 dès lors qu'elle produit des documents en langue étrangère, non traduits, tels que le courrier de M. [O] et l'article de journal allemand. Ils précisent que la propriété d'un bien immobilier ne s'établit pas par la production de l'attestation de l'ancien propriétaire qui ne respecte, par ailleurs, pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.
S'agissant de la prescription de l'action, ils font valoir que le fait que Mme [S] argue de ce qu'elle pourrait bénéficier d'une usucapion abrégée démontre que la construction de la terrasse n'est pas régulière, qu'une action est nécessaire pour faire valoir une usucapion et que ce moyen relève du juge du fond et non du juge des référés.
En ce qui concerne le fondement et l'utilité de la mesure d'expertise, ils déclarent que Mme [S] n'établit pas que la construction de la terrasse date de 1975, que dans aucune des pièces qu'elle produit n'apparaît d'élément technique sur sa construction sur leur toit, que l'empiétement et la construction sur la propriété d'autrui sont incontestables et qu'il est nécessaire de se prononcer sur son empiètement, son adossement, son ancrage et son historique et sa destruction, régularisation ou légalisation et les conséquences de telles mesures.
Ils exposent que la confirmation de l'ordonnance querellée est d'autant plus nécessaire que l'expertise est en cours, qu'ils ont payé le montant de la consignation, que Mme [JG] a établi le compte-rendu de la première réunion d'expertise et que Mme [S] a participé activement à ladite expertise en ce qu'elle a régularisé des dires et a même sollicité du magistrat, chargé du contrôle des expertise de [Localité 11], qu'il ordonne des mesures complémentaires.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 septembre 2025.
Par soit-transmis en date du 30 septembre 2025, la cour a indiqué aux parties qu'elle entendait soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande formée par Mme [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'elle était dirigée contre une partie non présente à la procédure, au regard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile qui énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Par note en délibéré du 2 octobre 2025, le conseil de Mme [S] fait valoir que cette mention relative à la société « Le Christiania » constitue une erreur de plume qui n'affecte ni l'intelligibilité ni l'objet de la prétention dès lors que l'esprit de la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est parfaitement identifiable.
Par note en délibéré du 3 octobre 2025, le conseil des époux [G] indique que la demande en condamnation à leur encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 8 000 euros à la société « le Christiania » est irrecevable et ne constitue pas une erreur matérielle ni un problème de formalisme excessif.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mesure d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit qu'il justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.
En l'espèce, les époux [G] sollicitent une expertise judiciaire afin que l'expert se prononce sur « l'existence de la terrasse, réunisse les éléments concernant sa construction d'un point de vue factuel, temporal et technique ». Ils prétendent que la terrasse litigeuse est dépourvue d'existence légale, qu'elle empiète sur leur toit et demandent à l'expert, dans la mission qui figure au dispositif de leurs dernières écritures, qu'il « se prononce sur la construction et la situation matérielle et juridique de la terrasse ».
Or, il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur une question de droit relevant du pouvoir juridictionnel.
Suivant les termes de l'acte authentique établi le 8 avril 2019, les époux [G] ont acquis de Monsieur [C] [Y] [YH] et de Madame [E] [Z] [V] une « petite maison élevée de trois étages sur rez-de-chaussée, composée d'une seule pièce par étage », située [Adresse 4].
Par ailleurs, il résulte des termes de l'acte authentique du 18 octobre 2019 que Mme [S] a acquis de Monsieur [C] [Y] [YH] et de Madame [E] [Z] [V] un lot, comprenant « un appartement composé de (') au troisième étage : un living et une terrasse (') ». Cet acte précise :
en page 4 que « le vendeur déclare : que leur consistance actuelle n'a pas été irrégulièrement modifiée notamment par une annexion de partie commune, que l'affectation actuelle des biens vendus est la même depuis son acquisition, (') et que les biens vendus n'ont pas fait l'objet de travaux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble, ou les parties communes, qui n'auraient pas été régulièrement autorisés par une assemblée des copropriétaires, et sans autorisation administrative »
en page 8 que « le vendeur déclare : qu'il n'y a eu aucun empiètement sur le fonds voisin »
en page 12 que « le vendeur déclare qu'à sa connaissance : aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années, aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'a été réalisé dans ce délai » (') par courrier de la ville de [Localité 12] en date du 26 juillet 2019 il est précisé ce qui suit: (' ) En réponse à votre courrier susvisé, je vous informe qu'aucune autorisation de construire n'a été accordée à Mr ou Mme [C] [Y] [YH] sur la parcelle cadastrée section AP n°[Cadastre 3]. Toutefois j'attire votre attention sur le fait que le bien immobilier implanté sur les parcelles cadastrées sections AP n°[Cadastre 3] est situé au sein du village médiéval de [Localité 12] et semble avoir été construit à une date antérieure à la législation sur le permis de construire. Enfin à la connaissance de la commun (e) le bien précité ne fait pas l'objet à ce jour d'un contentieux administratif ou pénal' ». Une copie du courrier est annexée.
Par conséquent, Mme [S] dispose d'un titre de propriété sur la terrasse en question dont les termes sont clairs et non équivoques.
Il en résulte que le bien immobilier acquis par Mme [S] et par les époux [G] appartenait, donc, au même propriétaire et que la terrasse ne figure que sur l'acte authentique de vente de Mme [S]. Contrairement à ce que prétendent les époux [G], la circonstance que la terrasse ne figure pas sur leur acte est inopérante.
De même, l'analyse des dispositions de la page 8 de l'acte authentique établi le 21 juin 1988 produit par Mme [S] permet de constater que la description qui est faite du bien immobilier acquis par cette dernière est identique à celle figurant sur l'acte de 1988, à savoir « un lot numéro TROIS : un appartement composé de (') ' au troisième étage : un living et une terrasse. »
Il s'ensuit que la terrasse litigieuse a été construite, a minima, avant l'acte authentique établi le 21 juin 1988, ce qui est corroboré par les termes du courrier adressé par Monsieur [J] [O] à Mme [S], le 8 février 2022 selon lequel son oncle, Monsieur [U] [A], a construit la maison dont les images sont reproduites dans un magazine publié le 4 avril 1977 et versé aux débats. Le fait que ces deux documents soient en langue étrangère est indifférent dès lors que les images du magazine ne nécessitent pas de traduction et que le nom de Monsieur [U] [A] est facilement identifiable.
Par ailleurs, il ressort des termes de l'attestation faite par Mme [F] [L], agent immobilier ayant eu le mandat de vendre les lots qui ont été acquis par Mme [S] et les époux [G], que ces derniers ont visité les deux biens immobiliers et que la terrasse faisait partie du lot qui a été acquis par Mme [S], le lot appartenant aux époux [G] n'ayant pas d'extérieur.
Dès lors les époux [G] savaient au moment de l'acquisition de leur lot, soit le 8 avril 2019, qu'une terrasse appartenant au lot voisin surplombait le toit de leur propriété.
Il y a lieu de noter que les époux [G] ne déplorent aucun désordre ou dégât dans leur bien immobilier et qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé par Maître [B] le 8 août 2022 que « la pièce située au 3ème étage juste sous le soit est en parfait état tant au niveau des murs du sol et des plafonds ».
Enfin, il convient de relever que les circonstances que l'expert a déjà commencé sa mission, que Mme [S] a participé aux réunions d'expertise et qu'elle a même demande un complément de mission sont inopérantes et ne sont pas de nature à justifier le bien-fondé de la mesure d'expertise. Elles résultent, en effet, de l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance entreprise.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'action que les époux [G] entendent exercer à l'encontre de Mme [S], tendant à faire reconnaître l'illégalité de la construction de la terrasse appartenant à cette dernière, est vouée à l'échec de sorte que la mesure d'expertise qu'ils sollicitent est dépourvue de pertinence et d'utilité, et dès lors de motif légitime.
Par conséquent, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise, commis Monsieur [JG] avec la mission habituelle et dit que les époux [G] devaient consigner la somme de 4 000 euros et qu'à défaut la désignation de l'expert serait caduque.
Sur les dommages et intérêts
Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Aux termes des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
En l'espèce, pour solliciter 10 000 de dommages et intérêts pour procédure abusive, Mme [S] soutient que les époux [G] n'ont agi que « dans le dessein de (lui) nuire » dès lors qu'ils étaient conscients de l'existence légale et incontestable de la terrasse, dont l'assiette et les droits sont établis de longue date.
Elle ajoute que « la mauvaise foi transparaît d'autant plus clairement qu'ils ont sciemment omis de mentionner leur connaissance préalable de l'existence de la terrasse lors de l'acquisition de leur bien ». Elle affirme qu'ils « ont tenté de falsifier la réalité en soutenant une version tronquée des faits ». Elle explique avoir été plongée, du fait des accusations infondées et répétées des époux [G], dans un état d'angoisse et d'insécurité juridique ayant justifié un suivi chez un psychiatre.
A l'appui de ses prétentions, elle produit le rapport du docteur [I] [P], psychiatre, la facture du psychiatre, les ordonnances et les factures de la pharmacie.
Les époux [G] expliquent avoir sollicité la mesure d'expertise qui est « parfaitement justifiée » et sans abus. Ils ajoutent que Mme [S] ne justifie du préjudice dont elle se prévaut.
Bien que non fondée, l'action des époux [G] ne revêt pas pour autant un caractère abusif en l'absence de faute dolosive de leur part dans l'exercice de leur droit d'agir.
Il convient par conséquent, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [S].
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné les époux [G] aux dépens de première instance.
Elle sera infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens dans la procédure de première instance.
Les époux [G], qui succombent au litige, seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
Mme [S] demande que les époux [G] soient condamnés au paiement à la société le Christiania de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Or, cette demande est irrecevable dès lors qu'elle concerne une partie qui n'est pas présente à la procédure.
Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande formée par Mme [S] de ce chef.
Les époux [G] seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande formée par Mme [M] [S] tendant à condamner Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] au paiement à la société le Christiania de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
débouté Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] aux dépens de première instance.
L'infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] de leur demande d'expertise judiciaire ;
Condamne in solidum Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] de leur demande formée sur le même fondement.
La greffière, Le président,
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/566
Rôle N° RG 24/13303 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5BS
[M] [S]
C/
[WZ] [N] [G]
[R] [W] [H] épouse [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Julien DESOMBRE
Me Cédric CABANES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ de [Localité 11] en date du 03 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01199.
APPELANTE
Madame [M] [S] épouse [X]
née le 11 Janvier 1964 à [Localité 10] ( ITALIE)
demeurant [Adresse 2] (ITALIE)
représentée par Me Julien DESOMBRE de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Bernard LAMORLETTE de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,
INTIMES
Monsieur [WZ] [N] [G]
né le 05 Mars 1964 à [Localité 8] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 6] (ALLEMAGNE)
représenté par Me Cédric CABANES de la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Michel BENOIT, avocat au barreau de MULHOUSE
Madame [R] [W] [H] épouse [G]
née le 30 Novembre 1972 à [Localité 8] (ALLEMAGNE)
demeurant [Adresse 7] (ALLEMAGNE)
représentée par Me Cédric CABANES de la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Michel BENOIT, avocat au barreau de MULHOUSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025 en audience publique.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 8 avril 2019, Monsieur [WZ] [G] et Madame [D] [H] (ci-après les époux [G]) ont acquis un bien immobilier situé au [Adresse 5].
Suivant acte authentique du 18 octobre 2019, Mme [M] [S] a acquis un bien immobilier situé [Adresse 13] [Adresse 9] et au [Adresse 1] comprenant, suivant les termes dudit acte, une terrasse au troisième étage.Estimant que la terrasse de Mme [S] était illégale car implantée sur leur toit, Monsieur [G] et Mme [H] ont fait constater, par constat de Maître [B], commissaire de justice, dressé le 8 août 2022, que « l'ensemble de cette terrasse surplombe le toit de (leur) propriété ».
Ils ont, selon exploit du 21 juin 2023, fait assigner Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins d'entendre ordonner une expertise judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire en date du 3 octobre 2024, ce magistrat a :
ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur [K] [T] [JG],
débouté les parties du surplus ;
laissé les dépens de la présente instance à la charge des époux [G].
Il a notamment considéré que la lecture des pièces produites par les époux [G] conduisait à considérer que la demande d'expertise en l'état du différend opposant les parties était bien fondée en ce qu'elle fournirait à la juridiction, éventuellement saisie, les éléments d'ordre technique indispensables à la solution du litige et ce, dans le respect du contradictoire.
Selon déclaration reçue au greffe le 4 novembre 2024, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 28 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [S] demande à la cour :
d'infirmer l'ordonnance dont appel,
de déclarer irrecevables, en tous les cas infondés, les époux [G] en toutes leurs prétentions,
en conséquence,
de débouter les époux [G] de toutes leurs demandes,
de condamner les époux [G] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,
de condamner les époux [G] à payer à « la société le Christiania » une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait notamment valoir que l'ordonnance déférée, d'une part, ne répond pas aux exigences de motivation exigées par le code de procédure civile en ce qu'il est de jurisprudence constante que toute décision ordonnant une mesure d'instruction doit être fondée sur des justifications objectives et détaillées et d'autre part, est disproportionnée et injustifiée en ce qu'elle n'a pas examiné, au préalable, la recevabilité de l'action au fond qui est manifestement prescrite.
Elle soutient que l'action au fond est prescrite en ce que les époux [G] ont reconnu expressément avoir eu connaissance de l'existence de cette terrasse avant l'acquisition de leur bien immobilier, qu'elle rapporte la preuve qu'elle a été construite avant 1977, qu'elle figure sur les actes de vente depuis 1988 qui sont opposables aux tiers comme ayant fait l'objet d'une publicité foncière.
Elle argue de ce qu'aucun empiètement n'est démontré par les époux [G] et que si tel était le cas, leur action en démolition et dédommagement serait prescrite par l'effet de l'acquisition par usucapion puisqu'elle produit un acte faisant état de cette terrasse datant de 1988, soit plus de 35 ans. Elle explique qu'ayant acquis le bien immobilier de bonne foi et disposant d'un titre, elle bénéficie de la prescription acquisitive abrégée de 10 ans de l'article 2272 alinéa 2 du code civil.
Elle considère que la mesure d'expertise est dépourvue de motif légitime en ce qu'elle est en possession d'un titre de propriété incontestable sur la terrasse en question, son titre de propriété attestant de sa légitimité en tant que propriétaire de cette terrasse depuis sa construction en 1975, soit bien avant l'acquisition par les époux [G] de leur bien immobilier. Elle argue de ce que les époux [G] ne disposent, sur cette terrasse, d'aucun titre de propriété et étaient parfaitement conscients de l'existence de la terrasse au moment de l'acquisition de leur propriété en avril 2019, ayant demandé des informations à ce sujet au notaire dès le mois de janvier 2019. Elle déclare que l'acceptation de cette expertise reviendrait à remettre en cause son titre de propriété, ce qui n'est pas de la compétence du juge des référés.
Elle estime que la demande est mal fondée, inutile et abusive en ce que l'expert judiciaire n'a pas vocation à donner son avis juridique sur les dispositions de l'acte de vente, que les époux [G] n'apportent aucun élément de preuve tangible, le constat d'huissier du 8 août 2022 n'ayant identifié aucun dégât et ayant, par ailleurs, porté atteinte à sa vie privée car il a été fait à l'aide d'une perche à selfie.
Elle dit la terrasse litigieuse a été construite en 1975, ce qui constituerait un fait établi et incontesté, que les éléments techniques relatifs à sa construction ne révèlent aucun désordre ni empiétement, puisqu'elle est adossée au toit du bien immobilier, sans préjudice pour les parties concernées, qu'il n'y a aucun empiétement à démontrer puisqu'elle est construite sur le toit du bien, conformément aux règles en vigueur à l'époque de sa construction, que ses modalités d'adossement et d'ancrage sont conformes aux normes techniques, sans impact négatif sur les structures environnantes et que la question de son éventuelle démolition et de son coût sont sans objet, étant donné l'absence de désordre et de nécessité de démolition.
Elle conteste la réalité du préjudice allégué par les époux [G], car ils ont acquis leur bien en connaissance de cause et sans la terrasse qu'ils avaient expressément choisie de ne pas acheter pour des raisons financières. Elle affirme avoir participé aux opérations d'expertise car elle n'avait pas le choix dès lors que son absence l'aurait privée de toute possibilité de défendre ses droits et précise que les époux [G] ont agi dans le dessein de lui nuire et de mauvaise foi, ce qui est à l'origine d'une véritable souffrance psychique la concernant.
Par dernières conclusions transmises le 25 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [G] sollicitent de la cour de:
débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes,
confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
condamner Mme [S] aux entiers frais et dépens d'appel,
condamner Mme [S] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font notamment valoir que la mesure d'expertise est nécessaire afin de réunir les éléments concernant sa construction d'un point de vue factuel, temporel et technique.
Ils contestent être de mauvaise foi et être animés par une intention de nuire.
Ils expliquent que la terrasse attenante à la propriété de Mme [S] est située au-dessus de l'immeuble qu'ils ont acquis et est ancrée dans le toit de leur propriété raison pour laquelle il y a une situation factuelle d'empiétement et d'adossement, que la terrasse n'est pas mentionnée dans l'acte d'acquisition de leur bien immobilier, aucune servitude n'apparaît. Ils arguent de ce que le fait que la terrasse figure sur l'acte d'acquisition de Mme [S] ne légalise pas cette terrasse au regard de sa situation vis-à-vis de leur propriété.
Ils soutiennent que la terrasse ne figure dans aucun acte ou registre d'urbanisme et que le fait qu'ils connaissaient son existence avant l'achat de leur bien immobilier n'a pas d'incidence légale dès lors qu'il s'agit d'une construction sur la propriété d'autrui.
Ils considèrent, d'une part, que le courrier de l'agent immobilier est partial et étonnant parce qu'un professionnel de la matière n'aurait pas dû laisser une telle situation perdurer sans la régulariser et d'autre part, que les courriels du notaire ne sont pas probants en ce qu'il aurait également dû régulariser la situation.
Ils expliquent que Mme [S] a également intérêt à ce que la situation matérielle et juridique de la terrasse soit clarifiée et contestent avoir reçu les courriels qu'elle prétend leur avoir adressés en réponse aux leurs.
Ils arguent de ce que Mme [S] n'établit pas que la construction de la terrasse remonterait aux années 70 dès lors qu'elle produit des documents en langue étrangère, non traduits, tels que le courrier de M. [O] et l'article de journal allemand. Ils précisent que la propriété d'un bien immobilier ne s'établit pas par la production de l'attestation de l'ancien propriétaire qui ne respecte, par ailleurs, pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.
S'agissant de la prescription de l'action, ils font valoir que le fait que Mme [S] argue de ce qu'elle pourrait bénéficier d'une usucapion abrégée démontre que la construction de la terrasse n'est pas régulière, qu'une action est nécessaire pour faire valoir une usucapion et que ce moyen relève du juge du fond et non du juge des référés.
En ce qui concerne le fondement et l'utilité de la mesure d'expertise, ils déclarent que Mme [S] n'établit pas que la construction de la terrasse date de 1975, que dans aucune des pièces qu'elle produit n'apparaît d'élément technique sur sa construction sur leur toit, que l'empiétement et la construction sur la propriété d'autrui sont incontestables et qu'il est nécessaire de se prononcer sur son empiètement, son adossement, son ancrage et son historique et sa destruction, régularisation ou légalisation et les conséquences de telles mesures.
Ils exposent que la confirmation de l'ordonnance querellée est d'autant plus nécessaire que l'expertise est en cours, qu'ils ont payé le montant de la consignation, que Mme [JG] a établi le compte-rendu de la première réunion d'expertise et que Mme [S] a participé activement à ladite expertise en ce qu'elle a régularisé des dires et a même sollicité du magistrat, chargé du contrôle des expertise de [Localité 11], qu'il ordonne des mesures complémentaires.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 septembre 2025.
Par soit-transmis en date du 30 septembre 2025, la cour a indiqué aux parties qu'elle entendait soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande formée par Mme [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'elle était dirigée contre une partie non présente à la procédure, au regard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile qui énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Par note en délibéré du 2 octobre 2025, le conseil de Mme [S] fait valoir que cette mention relative à la société « Le Christiania » constitue une erreur de plume qui n'affecte ni l'intelligibilité ni l'objet de la prétention dès lors que l'esprit de la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est parfaitement identifiable.
Par note en délibéré du 3 octobre 2025, le conseil des époux [G] indique que la demande en condamnation à leur encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 8 000 euros à la société « le Christiania » est irrecevable et ne constitue pas une erreur matérielle ni un problème de formalisme excessif.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mesure d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit qu'il justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.
En l'espèce, les époux [G] sollicitent une expertise judiciaire afin que l'expert se prononce sur « l'existence de la terrasse, réunisse les éléments concernant sa construction d'un point de vue factuel, temporal et technique ». Ils prétendent que la terrasse litigeuse est dépourvue d'existence légale, qu'elle empiète sur leur toit et demandent à l'expert, dans la mission qui figure au dispositif de leurs dernières écritures, qu'il « se prononce sur la construction et la situation matérielle et juridique de la terrasse ».
Or, il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur une question de droit relevant du pouvoir juridictionnel.
Suivant les termes de l'acte authentique établi le 8 avril 2019, les époux [G] ont acquis de Monsieur [C] [Y] [YH] et de Madame [E] [Z] [V] une « petite maison élevée de trois étages sur rez-de-chaussée, composée d'une seule pièce par étage », située [Adresse 4].
Par ailleurs, il résulte des termes de l'acte authentique du 18 octobre 2019 que Mme [S] a acquis de Monsieur [C] [Y] [YH] et de Madame [E] [Z] [V] un lot, comprenant « un appartement composé de (') au troisième étage : un living et une terrasse (') ». Cet acte précise :
en page 4 que « le vendeur déclare : que leur consistance actuelle n'a pas été irrégulièrement modifiée notamment par une annexion de partie commune, que l'affectation actuelle des biens vendus est la même depuis son acquisition, (') et que les biens vendus n'ont pas fait l'objet de travaux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble, ou les parties communes, qui n'auraient pas été régulièrement autorisés par une assemblée des copropriétaires, et sans autorisation administrative »
en page 8 que « le vendeur déclare : qu'il n'y a eu aucun empiètement sur le fonds voisin »
en page 12 que « le vendeur déclare qu'à sa connaissance : aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années, aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'a été réalisé dans ce délai » (') par courrier de la ville de [Localité 12] en date du 26 juillet 2019 il est précisé ce qui suit: (' ) En réponse à votre courrier susvisé, je vous informe qu'aucune autorisation de construire n'a été accordée à Mr ou Mme [C] [Y] [YH] sur la parcelle cadastrée section AP n°[Cadastre 3]. Toutefois j'attire votre attention sur le fait que le bien immobilier implanté sur les parcelles cadastrées sections AP n°[Cadastre 3] est situé au sein du village médiéval de [Localité 12] et semble avoir été construit à une date antérieure à la législation sur le permis de construire. Enfin à la connaissance de la commun (e) le bien précité ne fait pas l'objet à ce jour d'un contentieux administratif ou pénal' ». Une copie du courrier est annexée.
Par conséquent, Mme [S] dispose d'un titre de propriété sur la terrasse en question dont les termes sont clairs et non équivoques.
Il en résulte que le bien immobilier acquis par Mme [S] et par les époux [G] appartenait, donc, au même propriétaire et que la terrasse ne figure que sur l'acte authentique de vente de Mme [S]. Contrairement à ce que prétendent les époux [G], la circonstance que la terrasse ne figure pas sur leur acte est inopérante.
De même, l'analyse des dispositions de la page 8 de l'acte authentique établi le 21 juin 1988 produit par Mme [S] permet de constater que la description qui est faite du bien immobilier acquis par cette dernière est identique à celle figurant sur l'acte de 1988, à savoir « un lot numéro TROIS : un appartement composé de (') ' au troisième étage : un living et une terrasse. »
Il s'ensuit que la terrasse litigieuse a été construite, a minima, avant l'acte authentique établi le 21 juin 1988, ce qui est corroboré par les termes du courrier adressé par Monsieur [J] [O] à Mme [S], le 8 février 2022 selon lequel son oncle, Monsieur [U] [A], a construit la maison dont les images sont reproduites dans un magazine publié le 4 avril 1977 et versé aux débats. Le fait que ces deux documents soient en langue étrangère est indifférent dès lors que les images du magazine ne nécessitent pas de traduction et que le nom de Monsieur [U] [A] est facilement identifiable.
Par ailleurs, il ressort des termes de l'attestation faite par Mme [F] [L], agent immobilier ayant eu le mandat de vendre les lots qui ont été acquis par Mme [S] et les époux [G], que ces derniers ont visité les deux biens immobiliers et que la terrasse faisait partie du lot qui a été acquis par Mme [S], le lot appartenant aux époux [G] n'ayant pas d'extérieur.
Dès lors les époux [G] savaient au moment de l'acquisition de leur lot, soit le 8 avril 2019, qu'une terrasse appartenant au lot voisin surplombait le toit de leur propriété.
Il y a lieu de noter que les époux [G] ne déplorent aucun désordre ou dégât dans leur bien immobilier et qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé par Maître [B] le 8 août 2022 que « la pièce située au 3ème étage juste sous le soit est en parfait état tant au niveau des murs du sol et des plafonds ».
Enfin, il convient de relever que les circonstances que l'expert a déjà commencé sa mission, que Mme [S] a participé aux réunions d'expertise et qu'elle a même demande un complément de mission sont inopérantes et ne sont pas de nature à justifier le bien-fondé de la mesure d'expertise. Elles résultent, en effet, de l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance entreprise.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'action que les époux [G] entendent exercer à l'encontre de Mme [S], tendant à faire reconnaître l'illégalité de la construction de la terrasse appartenant à cette dernière, est vouée à l'échec de sorte que la mesure d'expertise qu'ils sollicitent est dépourvue de pertinence et d'utilité, et dès lors de motif légitime.
Par conséquent, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise, commis Monsieur [JG] avec la mission habituelle et dit que les époux [G] devaient consigner la somme de 4 000 euros et qu'à défaut la désignation de l'expert serait caduque.
Sur les dommages et intérêts
Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Aux termes des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
En l'espèce, pour solliciter 10 000 de dommages et intérêts pour procédure abusive, Mme [S] soutient que les époux [G] n'ont agi que « dans le dessein de (lui) nuire » dès lors qu'ils étaient conscients de l'existence légale et incontestable de la terrasse, dont l'assiette et les droits sont établis de longue date.
Elle ajoute que « la mauvaise foi transparaît d'autant plus clairement qu'ils ont sciemment omis de mentionner leur connaissance préalable de l'existence de la terrasse lors de l'acquisition de leur bien ». Elle affirme qu'ils « ont tenté de falsifier la réalité en soutenant une version tronquée des faits ». Elle explique avoir été plongée, du fait des accusations infondées et répétées des époux [G], dans un état d'angoisse et d'insécurité juridique ayant justifié un suivi chez un psychiatre.
A l'appui de ses prétentions, elle produit le rapport du docteur [I] [P], psychiatre, la facture du psychiatre, les ordonnances et les factures de la pharmacie.
Les époux [G] expliquent avoir sollicité la mesure d'expertise qui est « parfaitement justifiée » et sans abus. Ils ajoutent que Mme [S] ne justifie du préjudice dont elle se prévaut.
Bien que non fondée, l'action des époux [G] ne revêt pas pour autant un caractère abusif en l'absence de faute dolosive de leur part dans l'exercice de leur droit d'agir.
Il convient par conséquent, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [S].
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné les époux [G] aux dépens de première instance.
Elle sera infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens dans la procédure de première instance.
Les époux [G], qui succombent au litige, seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
Mme [S] demande que les époux [G] soient condamnés au paiement à la société le Christiania de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Or, cette demande est irrecevable dès lors qu'elle concerne une partie qui n'est pas présente à la procédure.
Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande formée par Mme [S] de ce chef.
Les époux [G] seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande formée par Mme [M] [S] tendant à condamner Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] au paiement à la société le Christiania de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
débouté Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] aux dépens de première instance.
L'infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] de leur demande d'expertise judiciaire ;
Condamne in solidum Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute Monsieur [WZ] [G] et Mme [D] [H] de leur demande formée sur le même fondement.
La greffière, Le président,